heart made of glass, mind made of stone
If you're lookin' for trouble You came to the right place If you're lookin' for trouble Just look right in my face I was born standin' up And talkin' back
JOUR 9, LUNE 10, ANNÉE 874
Ne dit-on pas que les dragons ont besoin de chaleur ?
Leur sang est le même que celui de n'importe qui lorsqu'il coule, il est aussi rouge et aussi abondant. Cependant, force est de constater qu'il y a quelque chose qui les rend différent du reste du monde. Leur apparence et le lien particulier qu'ils partagent avec les dragons ne se trouvent nul part ailleurs dans le monde si ce n'est chez les peuples qui possèdent encore le sang de Valyria dans leurs veines. Lorsque l'Empire des Possessions s'est effondré, tout a été perdu et il est impossible de dire avec exactitude ce qui lie les Targaryen et les créatures cracheuses de feu mais la magie semble être une cause probable. Une magie qui coule encore dans leurs veines, qui les rend plus proche des créatures qu'ils montent que des autres humains.
Alors, à l'image des dragons, les rescapés de Valyria semblent avoir besoin de chaleur.
Car d'aussi loin qu'elle puisse se souvenir, la reine Rhaenyra ne pense pas avoir particulièrement apprécié le froid des courtes journées et longues nuits d'hiver tandis que l'été lui a toujours semblé plus doux et agréable. Ainsi, la chaleur sèche et aride de Meereen ou l'air humide et lourd de Volantis ne semblent pas la contrarier outre mesure. Elle y trouve, au contraire, un certain réconfort.
Depuis la prise de Volantis, la valyrienne se sent à son aise entre les murs de ce palais. Il aurait été aisé de croire qu'après une lune sans en sortir, elle étouffe mais ce n'est pas encore le cas. Elle observe la ville par les balcons et les fenêtres, elle ne voit que ce qui se trouve dans l'enceinte du Mur Noir et lorsqu'elle ressent le besoin de voir plus grand, c'est auprès de sa dragonne qu'elle trouve refuge et s'élève dans les cieux pour avoir une vue d'ensemble. Un jour prochain, elle descendra dans les rues de la ville mais Daemon le lui a déconseillé durant les premiers temps, jusqu'à ce que la ville soit sécurisée, jusqu'à ce que la garde soit pleinement reformée. C'est une chose de laisser leurs fils sortir, ils savent manier une épée, ils sont rarement seuls et ses ainés ont des traits suffisamment communs pour se fondre parmi la foule. Aegon ne s'éloigne jamais et Viserys... Quand a-t'il pris l'air pour la dernière fois ?
Quoi qu'il en soit, il est différent de laisser ses fils sortir ou elle-même qui est venue bouleverser l'équilibre de la cité, un équilibre qui repose sur une grande injustice sociale, sur le dos des esclaves qui travaillent sans relâche et pourtant, il est si aisé d'occulter ce fait lorsqu'elle observe la ville ou lorsqu'ils sont à l'œuvre au sein même du palais. Parfois, Rhaenyra en oublie même leur présence, ils semblent déjà faire partie du décor et peut-être alors, elle réalise qu'elle n'est pas différente des volantains qui les exploitent. Lorsque la pensée l'effleurent, elle sourit pourtant. Elle est différente, car elle changera les choses, elle veut créer un nouvel ordre et chaque pas qu'elle fait la rapproche de cette fantaisie d'adolescente qu'elle n'a pas entièrement oublié. Seulement, elle est plus mature et plus sage désormais. Elle sait que tout ne peut se faire en un jour, elle sait que le peuple compte et peut aisément se retourner contre elle. Trop aisément. Il faudra prendre le temps, petit à petit, un chose à la fois. Qu'ils s'habituent à leurs nouveaux souverains, qu'ils s'habituent aux changements qu'elle apportera avec Daemon et leurs enfants, avec les nouvelles lois qui viendront quand Viserys aura fini la tâche colossale de réécrire le code des lois volantaines pour le lui soumettre et ensuite, ils prendront le temps pour les esclaves. Et ce jour-là, Jacaerys sera une partie intégrante de ce changement car il semble, plus qu'à nul autre, lui tenir à cœur.
« — Kepa! Kepa! »
Rhaenyra papillonne des cils, sort de ses pensées.
« — Kepa! »
Visenya est debout sur ses deux jambes, elle se tient au pied de la table puis s'agite et tombe à quatre pattes. Elle rampe un peu.
« — Kepa! »
Elle se relève en s'appuyant contre la jambe de sa mère et tire sur sa robe. Rhaenyra se penche, la prend dans ses bras et l'assoit sur ses genoux.
« — Kepa kesīr issa daor. »
(Father is not here.)
Ses doigts effleurent les écailles dans son cou. Elle a pensé, à sa naissance, qu'elles disparaitraient avec les années mais plus le temps passe, plus les écailles semblent se durcir et s'encrer dans la chaire de sa fille. Closer to dragons than to men. Sa main caressent ses cheveux d'argent alors que la petite fille vient se saisir d'une tresse de sa mère et s'y accroche.
« — Kepa!
— Kepa is making sure our home is safe for us, zaldrītsos. »
Rhaenyra penche la tête et dépose ses lèvres contre le front de la petite fille. Elle se redresse, quitte le fauteuil où elle se tient avec son enfant dans les bras et s'apprête à quitter la pièce accompagnée par la nourrice que Rhaenyra a fait venir de Meereen car celle-ci a pris soin de la petite Visenya depuis sa naissance et si la reine a appris à lui faire confiance, elle peine encore à accorder celle-ci à des membres extérieurs à leur famille. Le bien-être de sa fille ne reposera pas entre les mains d'une nourrice esclave de Volantis en qui elle n'a pas confiance, elle ne peut se permettre de douter à chaque instant, d'avoir plus peur encore que ce n'est le cas actuellement. Elle s'inquiète pour chacun de ses enfants, à chaque instant mais elle vit aisément avec cette inquiétude depuis plus d'une année alors il lui faut des personnes de confiance dans son entourage pour qu'elle ne sombre pas dans la paranoïa. Car lorsqu'elle y songe trop longtemps, elle se met à douter. Peut-elle réellement faire confiance à cette nourrice ? Peut-elle avoir confiance en les esclaves qui se promènent librement entre ces murs ? Qu'en est-il du fils de Maegor ? Et ses petits-enfants qu'elle connait à peine ? Aegon, quatrième roi du nom, est-il digne de confiance quand il passe plus de temps saoul que sobre ? L'Ancien Sang et les volantains hors du mur sont-ils aussi calmes qu'ils le semblent ou préparent-ils à se retourner contre elle et sa famille ? Plusieurs fois, elle en a rêvé, les jours où la peur la gagne davantage, elle sait que ses rêves seront agités mais ils ne sont jamais aussi terribles que lorsqu'elle fut à Westeros, lorsqu'elle revoyait la guerre, les morts, la voix d'Alicent qui lui criait que tout était de sa faute. Ces cauchemars se sont éloignés, elle les garde à distance mais la peur et la paranoïa, elle croit qu'elles feront partie d'elle à tout jamais.
Cependant, elle ne peut pas passer sa vie dans la peur ou elle en manquera les meilleures parties. Alors ses yeux se ferment, elle inspire profondément, chasse ses pensées pour mieux se souvenir d'où lui viennent ces mots qui l'ont apaisée plus d'une fois et elle sait que Daemon en est à l'origine bien qu'elle ne sache plus se souvenir où et quand il lui a dit cela, ni pourquoi. Plus qu'elle ne le dit, il est à l'origine d'un grand nombre de ses opinions. Pas parce qu'il l'a influencé pour la façonner à son image mais parce que sa vision du monde, sur de nombreuses choses, ont autrefois permis à la Targaryenne de se libérer du poids de son devoir pour trouver un peu de bonheur au milieu de la solitude que sa position d'héritière lui imposait. S'il n'y avait pas eu les mots de Daemon, peut-être n'aurait-elle jamais trouvé du réconfort hors du lit marital et alors, peut-être ses premiers fils ne seraient jamais venus au monde.
Hors de la nurserie, la reine sait où elle se dirige avec sa jeune enfant. Elle la tient contre elle, son temps est compté avec Visenya car bientôt, il lui faudra retourner aux affaires de Volantis mais ce moment lui est bénéfique. Elle refuse de manquer les moments importants avec sa fille, elle est reine mais elle reste aussi une mère et elle choisit de concilier ces aspects, de ne pas régner au détriment de ses enfants. Cependant, elle ne fait que quelques pas avant de faire face à Larra Rogare. Ses yeux se posent sur elle, peut-elle avoir confiance en la lysienne ? Elle observe son attitude, sa politesse sans effort et elle trouve chez elle une certaine arrogance qu'elle peine à supporter. Autrefois, Rhaenyra a fait confiance à une lysienne et celle-ci s'est révélée être toute aussi traitre que les bâtards qui lui ont tourné le dos mais plus vicieuse encore. Heureusement pour Larra, la Targaryenne n'est pas prête à croire que c'est là la nature de chaque lysienne. Elle croit que Mysaria n'eut jamais d'autre loyauté qu'elle-même mais Larra est différente. Pourtant, elle a du mal à savoir ce qu'elle doit croire la concernant. Elle voudrait dire qu'elle est digne de confiance et loyale, elle est l'épouse de Viserys, la mère de ses enfants et par son sang, la dynastie Targaryenne a perduré. Mais elle ne peut pas oublier qu'elle est un jour partie, qu'elle a laissé Viserys et leurs enfants en arrière. La reine en ignore les raisons, elle ne veut pas les connaitre car si loyale à Viserys elle avait été, elle serait restée quel qu'en soit le prix. Tout comme elle croit que les bâtards Addam et Orties se seraient présentés devant elle pour mourir s'ils avaient été loyaux et prêts à mourir pour sa cause comme ils l'ont prétendu.
« — Zahrina, ñuha tala gūrogon. »
(Zahrina, take my daughter.)
La nourrice s'avance, prend à la reine la jeune enfant qui proteste mais puisqu'il s'agit du seul mot qu'elle sait dire, elle répète encore kepa pour appeler sa mère. Une caresse dans ses cheveux, un geste tendre et maternel et son attention revient sur l'épouse de son dernier fils.
« — Is Viserys sending you, Lady Larra? »
Tout est encore précaire, il lui faudra trouver des personnes de confiance pour occuper les postes importants dans son conseil et pour l'heure, Viserys est à la fois son Maître des Lois et son Grand Argentier mais avec le temps, elle espère qu'il n'occupera plus ni l'une ni l'autre de ses positions pour qu'il puisse se tourner vers d'autres choses. Mais le code des lois l'occupe tant ces dernières quinzaines qu'elle se demande s'il a demandé à son épouse de l'aider avec leurs finances. Car après tout, n'a-t'elle pas lu que les Rogare furent des banquiers avant de tomber en disgrâce ?
« — Anyway, walk with me. I am listening. »
La reine l'encourage d'un geste de la main avant de traverser le couloir, se diriger les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée et prendre la direction des jardins où elle a eu l'intention de mener sa fille pour qu'elle y trouve un peu de fraicheur face aux journées chaudes qu'ils affrontent depuis leur arrivée. Visenya ne semble pas mal à l'aise de cette chaleur mais Rhaenyra pense qu'elle se doit tout de même de découvrir d'autres choses que les murs de pierre de la Grande Pyramide de Meereen et les sols de marbre de Volantis.
« — Is there anything wrong with our treasury? »
by CrimsonTulip