Pour un chevalier de sa stature, il n’y avait aucune fierté ou effort à défoncer une simple porte. Et il le fit pour gagner du temps plus que pour l’effet dramatique. Et lorsque cet homme lui fonça maladroitement dessus, il n’y fit même pas tellement attention. Son armure lourde avait pris le coup pour lui, tandis que le Ser Harrold était resté fièrement droit, il ne semblait nullement avoir été affecté par le choc tandis que l’homme s’était retrouvé stupidement au sol un peu plus loin du duo.

Du coin de l’œil, le garde royal nota mentalement le nombre d’hommes qu’il pouvait apercevoir d’ici. Il se devait d’être vigilant, d’avancer avec prudence et tactique. Ainsi, il préparait déjà un plan d’attaque si la bande décidait de les attaquer. Car il ne pourrait uniquement compter que sur lui-même avec un barde à défendre contre leurs possibles attaques.

Il leur laissait seulement le bénéfice du doute quant à leur possible semblant d’honneur. Ses ordres étaient clairs, respecter leur accord passé avec le pauvre Syrodos. Qu’ils prennent l’argent et lui rendent son luth entier sans faire d’histoire.

Se tenant toujours droit que possible, Ser Harrold posa une main sur le pommeau de son épée. Il attendait que son compagnon de route fasse la traduction. De la réponse donnée par les vauriens, le chevalier fronça légèrement les sourcils. Leurs intonations, leurs gestes, tout lui disait que ce n’était pas bon. Non, il y avait un problème et il en soupira d’avance.

Il s’était attendu à toutes les demandes extravagantes et pourtant, il avait été surpris aux paroles de Syrodos. Il était certain qu’il y avait peut-être une différence culturelle importante ici, mais comment aurait-il pu ne pas prendre cette demande comme une insulte, un manque de respect, une provocation loin de tout sens d’honneur. Son armure, son arme, elles faisaient partie de lui. Et même face à la défaite, le Ser n’aurait jamais tendu son arme, il l’aurait tenu fermement jusqu’à embraser la mort elle-même.

« Why do thieves never hold even the slightest bit of honor? »

Sans signe d’hésitation, il avait brandi son épée avec un air qui ne laissait aucune place aux doutes. Relevant légèrement la tête, il pointait du bout de son épée celui qui semblait être le chef de la petite bande et avait eu la hardiesse d’avoir une telle demande.

« The only way to acquire my armor or sword is from my dead body. Tell him to muster the courage to face me in a duel like a true man. Between us, try to locate your lute to secure it. I can handle them all if necessary »

Car il n’oubliait pas sa mission principale, ici. Il lui avait promis de récupérer son luth en un seul morceau. Alors le paladin prenait tous les risques pour lui-même, ses mots étaient d’ailleurs clairs pour le jeune barde. Si cela dérapait, il devait essayer de récupérer son luth et de l’abandonner ici sans se retourner. Car il était important qu’il reste en sécurité. Il était lui le garde, lui le chevalier, lui le protecteur. Il se devait d’être le plus fort, mais aussi le plus juste possible. Et malgré tout ça, être juste voulait parfois dire se montrer impitoyable face à ceux qui pouvaient être un danger qui ne pouvait être tari.

« God be goods »

Ce fut la seule réaction du vieux garde royale à l’instant même où Syrodos semblait avoir cru bon qu’il soit le temps de partir dans quelques réflexions profondes sur le côté honorable de quelques vols. Si Harrold avait pris le temps de lui répondre, il aurait sans doute penché vers la négative. Il n’y avait pas de vol honorable, car généralement, la faute retombait forcément toujours sur quelqu’un, même parfaitement innocent. Mais l’heure n’était pas à ce genre de réflexion, mais à l’action.

Ayant analysé la situation, le Ser Harrold Ouestrelin avait assuré à son jeune compagnon d’aventure qu’il s’occuperait de gérer la bande de voyous. Ce serait une bonne distraction pour que lui-même puisse retrouver son précieux instrument. Car une fois le lute récupérer, ils devraient assurément trouver une porte de sortie. Quelle serait l’alternative ? Des scénarios dont le vieil homme ne souhaitait pas spécialement être le témoin, et encore moins l’instigateur.

Fonçant avec tout le courage du preux chevalier qu’il aurait pu être, Harrold fut rapidement entouré de chacun de ces voyous. Une petite bataille se joua ainsi, tandis que le garde veillait tout de même à les attaquer de manière à les mettre hors d’état de nuire sans pour autant les blesser mortellement. Un équilibre qu’il pouvait être difficile de trouver lorsque l’on était seul face à plusieurs hommes se battant sans foi ni lois.

Et tandis que Syrodos cherchait son luth dans la pièce annexant ce semblant de salon, le garde repoussait chaque attaque avec toute la technique qu’il avait pu acquérir dans son ancienne vie.

Et cette disposition de bataille n’était pas si anodine. À quel moment l’avait-il réalisé ? Peut-être lorsqu’un coup l’atteint un peu plus fortement. Oui, il se souvenait de ces derniers instants de cette maudite bataille pour Port-Réal. Il se souvenait de l’instant où il était parti au combat pour protéger Rhaenyra. Il s’était également retrouvé seul face à bien trop d’ennemis, à la différence prête qu’eux avaient été des soldats entraînes. Il pouvait encore ressentir les premiers coups d’épée qui avait transpercé son armure. La douleur qui l’avait accompagné alors qu’il avait refusé d’abandonner, qu’il avait continué à donner des coups jusqu’à ce qu’il soit vaincus, jusqu’au moment où il s’était écroulé sur ce champ de bataille. Et sa dernière pensée avait certainement été vers Rhaenyra qu’il avait toujours juré de protéger, mais également vers son père. Car à cet instant précis où il s’apprêtait à rejoindre la mort, il pensait pouvoir partir en paix avec lui-même, qu’il pouvait rejoindre les siens sans être gêné de l’héritage qu’il laissait derrière lui.

Était-il encore en paix à présent ?

Un bref moment d’absence, mais il réagit bien aux prochains coups, tandis que du revers de son épée, il vint envoyer contre le plancher l’un de ces bandits de Meeren.

Un simple coup d’œil vers le coin de la pièce, et il vit le jeune barde. Il chercha après ce signal qu’il attendait et comprit immédiatement qu’il était temps. Ce fut même un soulagement, car il ne s’était pas vu continuer cette mascarade encore bien longtemps. Alors il chargea comme un lion sur les bandits qui étaient encore sur les deux pieds avec suffisamment de hargne pour les mettre au tapis. Après quoi, il ne réfléchit nullement plus à la situation et s’empressa de rejoindre Syrodos tandis que derrière eux, les voyous ne tarderaient guère à se relever. Ce fut d’ailleurs pour cette raison qu’Harrold attrapa le jeune barde par le bras pour l’entraîner jusqu’aux fenêtres ouvertes sur une ruelle.

« Secure your lute, mate »

Sans plus de préparation, Harrold sauta par la fenêtre tant en entraîner Syrodos dans leur chute. Le garde royal avait entraîné le jeune barde pour qu’il tombe sur lui, prenant pour lui le contre-coup de la chute. Son armure avait pu amortir cette dernière.

« Dont take your ease »

L’homme pressa bientôt Syrodos de se relever, tandis que lui-même éprouva quelque difficulté pour se relever, dû au poids de son armure. Et une fois à nouveau sur ses pieds, il regarda autour d’eux, inspirant longuement.

« We need to find a place to stay before heading back to the Pyramid. We can't lead them there if they're following us »