L’attaque avait été mené avec une précision lui offrant une simple fenêtre pour une contre-attaque tout à fait respectable. Et l’ancien roi était aussi précis qu’impactant sur ses attaques. Il fut donc ravi lorsqu’il fut surpris par la contre-attaque mené par la jeune femme qui semblait avoir surpasser sa peur pour tenter quelque chose. Et par cette tentative, le bruit caractériel du métal s’entrechoquant vint sceller sa première petite victoire. Elle avait bel et bien réussi à le toucher et le Lord Stannis s’arrêta un instant sur ça, son regard perçant se poser sur son ancêtre qui avait des raisons d’être fière d’elle à cet instant. Elle avançait sur cette nouvelle voie qu’elle prenait, celle de dépasser sa condition de femme issus de la noblesse pour également embrasser les arts de la guerre.

Et parce qu’elle pouvait seulement saisir ce que l’homme pouvait bien lui offrir, il esquissa un très bref sourire accompagné d’un tout aussi bref signe de la tête. Une manière de souligner sa victoire sans se perdre dans une explosion qui n’aurait pas été en corrélation avec son trop grand stoïcisme.

« One last time for today »

Stannis observait attentivement son apprentie, il était assurément fier de son abnégation ainsi que de ses avancées. Pourtant, ils étaient encore loin du jour où l’élève pourrait dépasser le maitre. Elle n’était assurément pas encore prête pour le terrain, et le vrai entrainement ne serait pas ici sur un simple terrain d’entrainement uniquement peuplé de mannequin de bois.

L’homme changea sa tactique pour cette dernière manche pour cette journée. Tout en bougeant, il avait rapidement attrapé quelque chose dans son dos, une seconde dague. Il était donc maintenant armé d’une dague à chaque main. Et rapidement, il mena une première attaque vers son ancêtre, légèrement de côté, il partait pour un coup d’épaule afin de la déstabiliser avant d’attaquer à l’aide de l’une de ses dagues, l’autre étant légèrement remonté comme une garde armée. Nul doute qu’il élevait déjà le jeu après sa première victoire. Pourtant, derrière cette nouvelle difficulté, il lui offrait encore une même fenêtre de contre-attaque qu’elle pourrait aisément saisir pour s’en sortir. Mais pour ça, elle devrait rester concentrer et la percevoir. Elle devrait voir au-delà de la difficulté pour en saisir l’opportunité de défense. Ne jamais renoncer, toujours resté vif et attentif. Pour survivre, il fallait avoir cette faculté, cette aisance à toujours pouvoir trouver une parade, une esquive ou une contre-attaque. L’adversaire avait déjà gagné au moment où l’on se laissait dépasser par les attaques.

Et après cette action, le Lord analyserait attentivement les mouvements et décision d’Argella. Le lord rangeait ses armes, son regard porté vers la jeune femme. Son ton était toujours ferme, ses traits tirés et son regard ne dénotant d’aucune émotion particulière. Pourtant derrière tout ça, on pouvait bien sentir un peu de cette fierté qu’il avait toujours ressenti pour sa maison et qu’il pouvait aujourd’hui ressentir pour cette ancêtre.

« You can be proud of yourself today; indeed, you are a quick learner »

Il y avait un temps pour tout, et peut-être un jour lui confierait-il que ces sessions étaient également positives pour lui. Peut-être pourrait-il lui-même revoir la lumière en lui offrant son temps et son savoir. En lui apprenant à se défendre, à dépasser sa condition pour être cette femme forte qui pourrait bien avoir l’aplomb de tenir tête à ceux qui tenteraient de la contrôler. Il était évident qu’elle faisait également partie de l’héritage qu’il avait reçu de sa famille, de ce qui voulait dans son sang.

« We should go to the woods for your next training, but for now, I think you deserve some rest »

Le seigneur était assurément ce général de guerre fier et froid, celui-là qui ne donnait pas aisément une réelle considération pour autrui. Il ne se perdait nullement en encouragement forcé ou en grands gestes ou parole. Il restait toujours prostré dans cette éternelle retenue. Dès lors, lorsque l’on recevait le moindre micro-signe de reconnaissance de sa part, cela ne pouvait être que le fruit de réels efforts et de succès. Et si Argella pouvait bien compter sur un fin sourire ainsi qu’un réel compliment, cela ne faisait que souligner le fait qu’elle avait bien arraché de privilège d’arrache-pied, au prix d’un travail sans relâche.

L’entraînement terminé, il rangea d’ailleurs ses armes, relevant un instant son regard jusqu’à son ancêtre lorsqu’elle évoqua ce dîner. Il n’était pas sûr d’avoir la tête ou l’envie de s’y rendre ce soir, pourtant, il se contenta d’un faible.

« Perhaps »

Elle avait ensuite disparu, son élève. La rumeur d’un tel entraînement avait assurément déjà parcouru une bonne partie d’Accalmie puisque l’homme pu compter sur une visite incongrue alors même qu’il s’apprêtait à s’en aller. Le patriarche Durrandon en personne qui était venu s’entretenir avec lui au sujet de l’entraînement de sa fille. L’orage avait pu gronder au-dessus de leur tête. Tous deux étaient aussi fier et têtu que possible. Mais par-delà les incompréhensions, peut-être avaient-ils fini par y trouver un terrain d’entente ? Cette histoire était pourtant réservée à d’autres horizons. Stannis ne s’était seulement pas rendu au dîner, il n’avait eu ni appétit, ni envie de croiser plus de monde pour le reste de la journée. De plus, il avait fort à faire, il s’était ainsi rendu à l’extérieur d’Accalmie afin de préparer l’entraînement du lendemain. Il ne doutait nullement que cet entraînement soit peut-être le plus important pour Argella, et pourtant, ils n’y travailleraient nullement ses tactiques à la dague.

Une nouvelle journée se tenait bientôt devant eux. Le Lord avait au moins pu compter sur une bonne nuit de sommeil. Pour une fois, il n’avait nullement été réveillé par les cauchemars qui hantaient encore et toujours sa vie de mortelle sur cette terre. Il fallait croire que toute cette activité lui était réellement plus bénéfique qu’il n’y paraissait. Il semblait d’humeur moins sombre, moins mélancolique. Il était pourtant toujours aussi peu flexible et aussi droit que possible. Le soleil avait à peine pointé le bout de son nez qu’il était déjà prêt à partir après avoir bénéficié d’un sobre petit déjeuner.

Attendant la venue d’Argella, le lord Stannis Baratheon s’attelait à préparer deux montures afin de quitter la forteresse d’Accalmie et rejoindre la forêt à la plus proche. Il avait également préparé une lame ainsi qu’un arc à flèche qui était attaché à la selle de son cheval. La mission du jour était assez claire dans son esprit, mais il se doutait que cela ne dût pas être le cas pour la jeune femme. Après tout, il lui avait seulement dit qu’ils se rendraient en forêt, il n’avait pas explicité la raison de ce choix. Ce n’était d’ailleurs pas dans un but mesquin de le tromper, ou de lui faire perdre l’esprit. Non, il n’avait seulement pas jugé nécessaire de la prévenir outre mesure. C’était peut-être un souci chez lui, il jugeait rarement important de prévenir chacun de sa moindre pensée ou idée.

Peu de temps après qu’il eut terminé les préparations nécessaires, il vit Argella s’avancer vers lui. Il la jaugea du regard brièvement tout en relevant légèrement la tête.

« Good morning, milady »

Ne tardant nullement, il s’élança afin de monter sur la monture. Du haut de sa monture, il se tourna une dernière fois vers elle.

« We should head out now while it's still dawn. Let's start the day with some hunting »

Il y avait une raison à tout ça dans son esprit malgré qu’il n’en dise rien sur l’instant. Il se contenta d’attendre qu’elle le suive pour mener sa monture en dehors de la forteresse en direction des chemins boisés. Peut-être son ancêtre pourrait-elle le comprendre d’elle-même ? Apprendre à manier les arts de la guerre, apprendre à manier sa dague à travers attaques et contrattaque. Tout ça était une seule facette de la guerre. Si elle voulait réellement être efficace et à tout épreuve, elle devait également se confronter à la mort, à la vraie mort. Celle que l’on pouvait voir dans le regard de son adversaire une fois le coup parti. Une seule hésitation et tous ces entrainements auraient été réduit à néant. Et la chasse ? C'était uniquement la manière la plus simple de l'y confronter.

Le silence avait repris sa place tandis qu’il menait son cheval droit devant. Le paysage autour d’eux abandonnait peu à peu ses traces de civilisations pour ne laisser place qu’à la végétation dense de l’orée de la forêt. L’ancien seigneur de Peyredragon était vraisemblablement perdu dans le tumulte de ses pensées. Il fallait s’habituer à ce genre de comportement avec lui. Il pouvait très bien se murer dans un silence parfait durant des heures. Et ici, il pensait à bien des choses, mais il ne songea même pas à l’ironie de se reprendre un tel chemin en la compagnie de son ancêtre. Ils avaient en effet emprunté le même sentier dans le sens inverse à l’issue de leur première rencontre au cœur de la forêt.

Le temps s’était écoulé depuis cette première rencontre. Et il aurait bien dû s’avouer que la présence de la jeune femme à ses côtés avec eu des effets positifs. Elle avait réussi à gagner sa confiance, l’emmenant même à s’ouvrir un peu face à elle. Et aujourd’hui, elle lui permettait d’occuper ses sombres pensées avec des actions simples, un devoir qui occupait son temps autant que son esprit. Car il était devenu son mentor en quelques sortes en acceptant de l’entraîner au combat rapproché. Et elle y était visiblement motivée et ne faisait guère semblant de fournir des efforts. En peu de temps, elle avait déjà acquis quelques compétences d’armes non-négligeables. Elle apprenait vite, et semblait réellement douée pour cet art. Ainsi, il ne s’en faisait pas tellement pour le futur la concernant.

Il n’y avait qu’une épreuve qu’il lui restait à lui confier. Car il ne pouvait pas savoir si elle était capable d’aller au-delà de ce que cela coûter d’enlever la vie à autrui. Il ne fallait pourtant pas avoir la moindre hésitation, surtout dans un type de combat rapide et rapproché. Parfois, il fallait même être prêt à devenir un véritable monstre pour sauver ses hommes, pour sauver sa famille et gagner là où son adversaire devrait se résoudre à la défaite.

Arrivé à un sentier qui tournait vers la droite vers une clairière, Stannis marqua un arrêt soudain. Il semblait sortir de sa torpeur pour enfin articuler quelques mots.

« Let’s continue by foot »

Et il descendit de sa monture pour venir l’attacher à au tronc d’un arbre environnant. Il attrapa ensuite l’arc à flèche pour le tendre à Argella, l’observant un instant.

« This is not a traditional hunting party. I want you to focus on yourself. Do you understand why we are here? It's to prepare you because the path you're choosing will require you to make life or death decisions. You can't let guilt paralyze you »

Le lord n’avait jamais été un homme à ne pas clairement dire ce qu’il avait en tête, ni même ce qu’il pensait. Non, il était d’une plate et froide honnêteté. La plus grande faiblesse d’un soldat était sa culpabilité. Le moment où il pouvait bien hésiter à tuer un ennemi, celui qui pourrait bien revenir pour l’avoir sans l’ombre de doute. À la guerre, il n’y aurait jamais de bons côtés, seulement des hommes qui se battaient pour une cause plus grande qu’eux. C’était du moins l’avis du Lord sur la question. Il avait toujours été très précis sur l’art de la guerre et son importance pour tenir la civilisation entière et unie. Le pouvoir devait être assez fort pour permettre à l’avenir d’être aussi radieux que possible pour ce peuple qu’ils devaient défendre depuis leurs positions dans les plus hautes sphères.

« This way »

Retrouvant le silence, le lord avançait avec une certaine agilité qui masquait le plus possible les bruits de ses pas sur les quelques feuilles et racines qui recouvraient le sol boisé des environs. La clairière était enfin là, l’homme avançait toujours aussi précautionneusement. Puis, il l’a vu au loin, fronçant légèrement les sourcils. Là-bas, il y avait une biche isolée qui se nourrissait. Pas un son ne sortit de sa bouche, il communiqua avec Argella par des quelques gestes primaires, lui montrant la cible au loin. Oui, ce serait parfait pour servir d’exemple, de métaphore pour ce qui serait son fardeau si elle continuait sur ce chemin.

« All I hear are screams
Every time I dare to close my eyes
I no longer dream
Only nightmares of those who've died
Nothing's what it seems »




Le chemin était long, mais réfléchit. Le Lord n’aurait peut-être pas fait ce choix d’éducation militaire dans sa propre ère, avant toutes les actions qui avaient finalement mené à sa mort. Mais il avait lui-même expérimenté les conséquences de la guerre, des actes plus terribles que l’on se trouvait obligé à commettre. Dans cette voie, on finissait toujours avec du sang sur les mains et le destin se targuait souvent de choisir pour nous de qui le sang que l’on aura sur les mains serait. Il était donc primordial qu’elle se confronte directement à la mort. Qu’elle soit prête à passer le pas, à mettre de côté sa culpabilité lorsqu’il en serait une question de vie ou de mort.

La question de son ancêtre lui fit légèrement la tête, pourtant, il se contenta d’acquiescer d’un signe de tête. Il ne pensait pas avoir davantage à dire pour le moment. Pourtant, une nouvelle question tomba et il se retourna vers elle à cet instant, penchant légèrement la tête.

« No, but it will be a first step towards determining if you'll be ready for the day you might face it »

Pouvait-on réellement se préparer aux possibles conséquences de tuer un homme ? Peut-être pas. Non, ici, il avait seulement pour but de la confronter à la mort, de la confronter au geste, au sang sur les mains. Mais cela ne serait jamais la même chose. Il y avait peu de chances que cela hante réellement ses nuits. Car ici, ce n’était finalement qu’une partie de chasse. Il ramènerait l’animal jusqu’aux cuisines d’Accalmie pour les prochains repas.

Ils avaient seulement avancé dans les bois, prêtant attention à chaque pas, à chaque mouvement au loin. Stannis l’avait repéré sans trop de problèmes. Une simple biche, seule et sans défense au loin. Une proie facile qui serait parfaite pour cet exercice. Se tournant simplement vers Argella et sans le moindre bruit, il lui désigna la biche au loin. C’était certainement un animal merveilleux, mais aujourd’hui, ils ne devraient pas non plus faire de sentiment pour cet animal.

Il l’observa attentivement, suivant la trajectoire de la flèche. Et en un clignement d’yeux, la biche avait disparu plus loin. Il suivit pourtant son ancêtre, qui remontait la piste du sang laissé par la blessure qu’avait subi l’animal. Ce n’était que plus loin qu’ils trouvèrent l’animal agonissant. Une vision qui aurait pu rendre malade le commun des mortels. Stannis, lui, en avait assurément déjà bien trop vu. Son passé le hantait encore bien trop pour pouvoir être un peu plus hanté par ce qu’il pouvait découvrir ici. Son regard suivit bientôt celui d’Argella, écoutant ses paroles. Il fut légèrement surpris, ne comprenant pas tout de suite pourquoi elle lui demandait ça. Attendait-elle sa permission ? Il inspira longuement, pensant qu’elle n’avait peut-être tout simplement pas pensé à prendre sa dague sur elle. Il s’empressa ainsi de saisir la sienne, pour lui tendre sans attendre.

« Do what you must, you need to finish it »

Il lui laissait le temps nécessaire, mais elle devait le faire elle-même. Aller jusqu’au bout et se rendre compte du poids de ses gestes. Car si elle souhaitait rester sur cette voie, elle devrait assurément s’y confronter un jour, peut-être même plus rapidement qu’elle le penserait. Car la guerre serait toujours à leur porte. Et la guerre amenait toujours des dangers vers tous les horizons. Et peut-être qu’elle ne devrait pas être hantée comme lui pouvait l’être. Mais elle devait savoir si elle était prête ou non, car la moindre hésitation était synonyme de mort.

« One day, you will also find out how ruthlessness can be mercy upon ourselves »

Il était resté à ses côtés comme pour la soutenir dans ce geste qu’il imaginait difficile pour elle. Ce n’était pas la même chose qu’un être humain, certes, mais d’une certaine manière cela pouvait tout de même se comparer. Et lorsque cela fut terminé, il lui laisserait un peu de temps pour s’installer en silence, profité d’un bref instant de calme. Après quoi, il s’était attelé à ramener la biche jusqu’à sa monture, pour l’y attacher avec attention. Cela devait servir à nourrir le château, cet acte ne devait pas être gratuit, sinon cela aurait seulement été cruel. Et il n’était pas un homme qui se laissait naturellement aller vers la cruauté. Il laissait ça pour ce passé qui hantait ses nuits.