Je ne sais pas deviner
À quoi ressemble ta voix
Et j'ai voulu l'écouter plus d'une fois
Mais quand on se verra
Un jour ou l'autre
Mais quand tu seras là
Ce jour ou l'autre
Je saurais que c'est toi
Parmi tant d'autre
Même sans dire un mot
Sans dire un mot
Noires ailes, noires nouvelles, tel était le proverbe. Actuellement, Tyrion se sentait tel le corbeau annonciateur de ces sombres nouvelles, apprenant à sa mère comment son père s'était montré bien cruel envers lui toute sa vie et comme si cela ne suffisait pas, il venait également parler de Cersei.
Il devinait facilement que ce ne soit point aisé à entendre pour la pauvre Joanna Lannister qui semblait si bonne qu'elle avait pu aimer Tywin Lannister. Il devinait également que ces comportements ne suffiraient pas à entacher entièrement l'amour qu'elle portait certainement à sa fille, peut-être pas non plus à son père. Car les personnes capable de tant de gentillesse parvenaient rarement à en vouloir... Cela les rendait en général plus vulnérable et Tyrion tendait à les prendre soit pour des imbéciles qui ne vivraient point trop longtemps en ce monde bien cruel, soit pour des personnes bien courageuses pour porter une telle croix.
Sa mère était définitivement courageuse. Il voit bien qu'elle encaisse ce qu'il lui raconte avec ferveur mais elle ne peut totalement cacher son chagrin comme il l'observe du coin de l'œil.
Bien sûr, il aurait aimé pouvoir lui apprendre plus de choses joyeuses, lui aussi aurait aimé -tant aimé- que les choses soient différentes. Au moins, il pouvait lui dire que Jaime avait été là pour lui, qu'il avait été un bon frère malgré tout bien que cela n'efface en rien la culpabilité qui le cuit de nouveau quand il voit sa mère effacer les larmes qui ont roulé sur ses joues.
« I... Me too. But I do not blame Cersei as much as I thought I would have. Or thought I did... »
Son père en revanche... Tyrion ne savait pas s'il pourrait jamais oublier l'amertume et le ressentiment qu'il avait pour lui, si tant est qu'il revienne un jour. Bien sûr, il doutait que sa mère partage son avis mais Tyrion serait soulagé si Tywin Lannister devait ne jamais revenir à la vie. Non pas seulement pour faire face au fait qu'il l'ait tué mais bien parce que le nain n'était pas certain qu'il pourrait vivre en paix avec son père dans les parages. Rien que d'y penser lui donner envie de plonger sa tête dans une énorme cuve de vin...
Cependant cette envie est bien vite mis à mal par les nouvelles paroles de sa mère et Tyrion tourne la tête vers elle, décidé à chasser cette idée de son esprit, car si c'était certainement vrai, il ne pouvait supporter l'idée qu'elle se torture avec cela.
Au bout du compte, ils ne pourraient jamais changé ce qui était arrivé. Ce que les Dieux avaient décidé, s'il se laissait aller à croire à ce genre de banalités effarantes et trop communes pour son esprit talentueux.
Le demi-homme est toutefois pris de court quand les lèvres maternelles touchent sa joue, il en reste même interdit un instant avant de se reprendre un peu, tandis qu'elle l'interrogeait sur ses enfants.
Malgré tout, un sourire parvient à naître sur le visage grandement abîmé du nain tandis qu'il songe à ses enfants, ses précieux enfants.
« I had six children with my lady wife, Desmera Redwyne. »
Son sourire s'accentua même encore un peu quand le nom de son épouse lui échappa. Il avait trouvé auprès de Desmera, une stabilité et un bonheur inattendus. Tyrion ne pouvait pas dire qu'il n'avait jamais connu l'amour avant son épouse, parce que ce serait faux. Il y avait eu Tysha puis il y avait eu Shae. Des putes.
Dans sa tête, il n'entendait que trop bien le ricanement méprisant du grand Tywin, des putes, voilà tout ce qui avait toujours été à sa hauteur... Oh, il avait bien épousé Sansa Stark, mais il n'avait jamais été question d'amour dans ce mariage, seulement de politique, de manipulation, de punition et surtout, de cruauté.
Et puis, bien sûr, il y avait eu toutes les filles de basse vertu et de joie entre Tysha et Shae... Et après Shae, Tyrion n'aurait jamais cru possible que son cœur puisse émettre de tels sentiments de nouveau, il avait été trop bafoué.
Après la guerre, il avait pensé mourir en passant l'avenir de la Maison Lannister à un cousin, qui aurait voulu du nain Lannister ? Il n'avait jamais aspiré à se remarier, encore moins à avoir une famille à lui, cela semblait ridicule. Quelle lady voudrait d'un nain balafré ? Aucune, aucun père n'avait voulu accorder la main de sa fille lorsque Tywin avait demandé, pourquoi les choses auraient-elles été différentes ?
Desmera l'avait surpris, Desmera l'avait chamboulé au plus profond de lui-même, elle était arrivée dans sa vie sans préambule et avait tout chamboulé tel un ouragan.
Il la revoyait encore demander sa main avec effronterie tandis qu'il était de passage à La Treille et qu'ils avaient fait connaissance. Quelques jours à peine et voilà que cette jeune femme lui demandait de l'épouser. Elle aurait pu avoir à ses pieds bien des seigneurs, choisir n'importe qui et elle le choisissait lui. Il avait refusé. Et même là, elle avait fait preuve d'une dignité à couper le souffle, elle avait accusé le refus avec grâce.
Pourtant, avant de quitter La Treille, Tyrion s'était tout de même présenté au père de la jeune Lady et avait officiellement demandé sa main, un changement d'avis qui l'avait taraudé jusqu'au dernier moment. Cela aurait été mentir d'affirmer que Desmera l'avait laissé totalement indifférent, mais l'aimer ?
Non, cette réalisation n'avait fait son petit bout de chemin chez sa toute aussi petite personne que bien plus tard. Non pas quand il l'avait épousé dans le septuaire du Roc, dans un comité bien réduit si ce n'était pour la famille de sa promise, quelques Lannister, le Mestre, Bronn et la reine du Nord, à vrai dire, il se souvenait du moment où il avait ressenti cet amour pour la première fois, des sentiments qu'il avait pourtant cru bannis de sa vie à tout jamais... Il se souvenait de ce matin pluvieux où il s'était éveillé avec l'aube et où son regard était tombé sur la silhouette pelotonnée de sa jeune épouse près de lui, dans leur lit, sa main sur son ventre comme elle avait depuis peu donné naissance à leur premier fils.
Il se souvenait de ce moment aussi clairement que s'il l'avait vécu il y avait cinq minutes en arrière et sentait avec tout autant d'émotion ses yeux presque le brûler à ce ressenti si inespéré.
Desmera avait été le plus beau des cadeaux que la vie lui avait fait, puis, elle lui avait elle-même fait des cadeaux miraculeux.
« We had a boy we named Jaime. For my brother, to honore him. Then his brother, not long after, Bronn. »
Brièvement, le nain ferma les yeux en se souvenant de ce pari ridicule et de la façon dont son fils avait été nommé. Comme Desmera et lui en avaient ri souvent.
« Then our twin daughters... Joanna. For you... And Mina, for Desmera's mother. Then our last daughter, Baleria and our last son, Willas. His birth... Was very difficult and we thought better not to have any more children. »
Bien sûr, six enfants étaient déjà bien. Bien plus que certains seigneurs n'avait la chance de recevoir et Tyrion s'était montré reconnaissant à chaque naissance, pour chaque nouveau-né bien portant et libre de sa propre-condition, ainsi que pour la santé de sa femme. Il n'avait jamais oublié comment Desmera aurait pu lui être arrachée durant son dernier accouchement, combien elle était restée agonisante ensuite et combien alors il avait eu peur de la perdre.
« They were the best thing I have ever did in this world. »
D'autres pourraient être tentés de dire que sa contribution à la reconstruction du royaume était aussi l'une des meilleurs choses qu'il avait faite mais il n'y avait pas de comparaison pour lui dans l'esprit du demi-homme. Qui plus est, il serait lui-même tenté de réfuter une telle argumentation quand il voyait ce que l'on avait fait de sa contribution, de son travail et de celui de Bran.
Et pourtant... Avait-il été un bon père ?
Tyrion se posait la question trop fréquemment, c'était une question qui l'avait hanté également sur la fin de sa vie. Bien sûr, il avait aimé ses enfants. Mais l'avait-il fait assez, l'avait-il fait comme il le fallait ?
Le doute ne pouvait que le frapper quand il songeait à sa pauvre Mina, morte dans un matristère au beau milieu du Bief, sans doute terrorisée par cet accouchement... Et il n'avait pas été là... Ce n'était pas faute d'avoir essayé de venir mais il était arrivé trop tard pour lui tenir la main. Et Joanna... Il l'avait envoyé à Dorne pour se marier à un homme qui ne l'aimait pas pour qu'elle meure à son tour dans un accouchement où l'Étranger avait décidé de lui ôter la vie.
Bien sûr, il n'était pas un Dieu, il n'avait jamais prétendu l'être -hormis à ses heures perdues et enivrées... Il y avait bien des choses dont il n'avait jamais pu protéger ses enfants, mais il ne pouvait pas empêcher les doutes de s'insinuer, c'était ainsi. Il devinait que la nature humaine était ainsi faite.