La guerre. Les trahisons. Les morts.

Tout cela tournait dans l’esprit de l’ancien roi Targaryen depuis qu’il avait retrouvé Rhaenyra et Daemon. Viserys Ier avait eu la chance de retrouver rapidement les siens après ce retour à la vie, mais cette chance l’avait également amené à être confronté à la dure réalité de ce qui avait suivi sa mort. La danse des dragons. Cet horrible événement qui avait décimé la plus grande partie de sa famille et dont l’origine semblait être en partie de sa faute. Il n’avait jamais eu le cœur nécessaire pour le poids de cette couronne sur la table. Il avait toujours voulu contenter tout le monde. Un homme bon ne faisait que rarement un bon roi. Et dans son cas, cela semblait être particulièrement le cas. Et de fait, son esprit semblait lourdement occupé depuis ces retrouvailles amères.

Viserys Ier Targaryen semblait pourtant avoir éveiller une nouvelle volonté de retrouver le dragon en lui. Ce qui l’avait amené à partir à la recherche d’un dragon en compagnie de Daemon et leur mère. Un souvenir qu’il chérissait certainement tant il semblait important à tant d’égard. Le royaume avait divisé sa famille et malgré ses maigres tentatives, il n’avait jamais su l’unir à nouveau. Mais surtout, le royaume l’avait éloigné de Daemon et aujourd’hui, il avait également la volonté de corriger cela. De ne plus avoir l’air abandonner son cadet. Et aujourd’hui, il est à nouveau un dragonnier, ayant bel et bien réussi à apprivoiser la dragonne en un seul essai.

Finalement, énormément de choses se sont déroulées en peu de temps. Et alors qu’il s’était envolé sur le dos de sa dragonne aux côtés de Rhaenyra, Daemon et Aegon III, il n’avait guère encore eu le temps de réellement se poser avec ses propres pensées. Mais il profitait de l’instant présent, observant avec attention les citées libres qu’ils survolent jusqu’à atteindre Volantis. Lui qui avait passé tant de temps à parfaire une magnifique maquette de l’ancienne Valyria, cette vue était assurément agréable. Il ne sembla même pas réaliser les heures qui s’étaient écoulée jusqu’à ce qu’ils arrivent à Volantis. Là-bas, il croisa rapidement son ancien lord commandant de la garde royale, le Ser Harrold Ouestrelin qui sembla surpris à son arrivée. Viserys le salua brièvement mais avec chaleur avant de s’en aller, tout seul, de son côté. On lui avait vaguement indiqué une aile du château où il pourrait trouver une chambre pour lui et c’était ce qu’il était parti rechercher.

Pourtant, Viserys Ier se perd tout simplement dans ses pensées tandis qu’il se retrouvait dans ses longs couloirs seul avec lui-même. Tout semblait lui retomber dessus. La paix n’avait pas pu résister à sa mort. Et tous ceux qu’il avait espéré voir heureux et vivre leur propre vie avait été fauché par ce destin funeste. Ses propres enfants se sont livrés à cette guerre sanglante. Il savait que son deuxième fils avait brutalement tué son petit-fils, Lucerys. Le premier véritable crime qui avait succédé à l'usurpation du trône de sa fille par son fils aîné. Et l’homme s’arrêta un instant à un tournant, reprenant son souffle. Il se souvenait de ce dernier dîné. De son espoir de voir sa famille enfin unie. Mais il s’était leurré. Et à présent, il se sentait également coupable de ce sentiment qui l’avait envahi. Ce soulagement face à la mort qui venait enfin le libérer de la souffrance quotidienne, ce vain espoir d’y retrouver l’amour de toute sa vie, Aemma. Il y avait à présent un certain poids à travers ça. S’il avait pu tenir encore quelque temps, est-ce qu’il aurait encore pu arranger les choses ? Éviter ce bain de sang ? Bien sûr, on ne pouvait pas réécrire l’histoire. Et qu’aurait-il pu y faire ? Seul l’amour infini d’un père avait pu lui permettre de retrouver la force d’affronter une dernière fois toute les douleurs afin de se relever et de défendre Rhaenyra une dernière fois. Mais même lui avait conscience que cela était la fin. C’était pour ça que ce repas était si important. Si seulement ses espoirs n'avaient été qu’illusion.

L’ancien roi avait relevé la tête, au milieu de cet imposant couloir. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas fait attention au chemin que ses pieds lui faisaient prendre. Et ne connaissant nullement l’endroit, il pouvait se dire qu’il était assurément perdu. Il cligna plusieurs fois des yeux, maudissant un peu son côté tête en l’air, un fin sourire arborant pourtant brièvement son visage. Sourire qui contrastait avec son regard moins lumineux qu’à son habitude. Il ressasse encore bien trop tout ce qu’il avait pu apprendre. Et il était toujours perdu avec le sentiment étrange d’être de retour dans un corps en bonne santé et plus jeune qu’à ses dernières heures. Il ne fallait pas non plus oublier tout ce que représentait ce qu’il avait appris. Car même s’il n’avait jamais pu être le même père pour les enfants qu’il avait eu avec Alicent que pour Rhaenyra, ils restaient ses enfants. Et il était compliqué de se dire qu’il ne pourrait peut-être jamais leur pardonner ce qu’ils avaient fait subir à sa fille aînée. Aegon, particulièrement, il n’y arrivait tout simplement pas. Et ce n’était guère une pensée anodine pour un père. Mais pour l’heure, il était surtout absolument perdu au milieu de ce palais royal de Volantis. L’idée avait de quoi faire sourire. Et peut-être était-il sauvé, car un jeune homme arrivait à sa hauteur à cet instant.

Son regard tomba sur le jeune homme sans véritablement le reconnaître. Lucerys était si jeune la dernière fois qu’il avait pu le voir correctement. Car après la bagarre qui avait éclaté entre Aemond et Lucerys, il ne les avait plus revu jusqu’à ce jour fatidique où ils avaient eu un dernier repas avant sa mort. Et aujourd’hui, cela semblait être un jeune homme aussi grand que lui-même. L’ancien roi l’interpella ainsi avec bienveillance, sans réaliser qu’il parlait avec l’un de ses petit-fils. L’un qu’il avait ardemment défendu avec tout l’aveuglément d’un amour paternel pour Rhaenyra. Il n’aurait jamais laissé quiconque mettre en doute leurs légitimité.



Il y avait beaucoup de bienveillance dans ses yeux, tout comme ce sourire blagueur qui apparaissait parfois sur ses traits. Viserys apparaissait toujours comme une bonne âme qui aurait toujours trop d’optimisme et semblait apprécier plaisanter afin de détendre l’atmosphère. Il y avait pourtant bel et bien toujours un orage qui grondait dans son cœur brisé et son esprit. Mais il ne le montrait nullement pour l’heure. Après tout, ce n’était pas de la faute de cet inconnu. Ce n’était la faute de personne ici. A part peut-être, la sienne.

Tant de changement s’était orchestré depuis son réveil. Tout d’abord, il était bel et bien de retour sur terre et ce avec un corps plus jeune et en bonne santé. Le méritait-il vraiment? Ensuite, il a pu retrouver sa fille et son frère, ainsi que ses parents. Et Talagar, sa dragonne. Tout semblait irréel tout comme cette culpabilité qui le hantait à nouveau, tandis qu’il avait dû être confronté à la réalité de ce qu’avait été son héritage, de la catastrophe qui s’était jouée au nom de sa succession. De ce que sa mort avait emporté avec elle. C’était aussi pour ça qu’il était parti seul de son côté lorsqu’ils étaient arrivés à Volantis. Il avait besoin de temps pour digérer tout ça, comme il savait qu’il devait également laisser du temps à sa fille pour elle-même digérer son retour inattendu. Il avait pourtant surestimé sa capacité à trouver son chemin dans ce palais dont il ne connaissait rien. Et tandis qu’il tournait déjà depuis quelques temps, il avait bel et bien été satisfait de croiser ce jeune homme qui semblait au moins connaître les lieux. Oh si seulement il avait pu le reconnaître en un seul coup d'œil.



Cette couronne posée sur sa tête l’avait tellement détruit, lui qui n’avait pas suffisamment été préparé à ce rôle, lui qui n’avait jamais eu le cœur disposé à un tel pouvoir, lui qui n’avait tout simplement jamais voulu de cette couronne et de tout ce qu’elle avait pu lui coûter. Alors il se satisfaisait de ce retour dans un monde où il n’était plus roi, où il pouvait seulement tenter d’être un homme meilleur, un meilleur père comme un meilleur frère. Il y avait en lui cette volonté de faire mieux, de faire des efforts, comme de se prouver qu’il pouvait à nouveau être digne de son héritage Targaryen.

Il suivit le jeune homme jusqu’à croiser ce regard brillant. L’espace d’un instant, Viserys se demanda ce qu’il voulait lui demander, peut-être. Un fin sourire bienveillant avait brièvement éclairé son visage dans l’attente de ce qu’il pouvait avoir à ajouter. Et puis, il avait évoqué son nom. Et s’il avait été surpris de ce nom de famille, il se rendait à présent compte de qui était ce jeune homme qui avait offert de le guider, son petit-fils. Celui qu’il avait dû défendre à plusieurs reprises. Et contrairement à ce que certains pourraient penser, Viserys n’était pas totalement aveugle, il avait parfaitement conscience que sa fille n’était pas innocente. Il avait seulement toujours choisi d’y être aveugle pour le bien de sa fille ainsi que de ses enfants. Car son amour pour sa fille était celui d’un père prêt à tout pour la défendre, et cela concernait également ses enfants. Et d’ailleurs, il n’avait pas besoin d’avoir des cheveux blanc pour être des Targaryen. Ils étaient ses petits-enfants, peu importait leur sang. Ils seraient toujours légitime à ses yeux.



Eut-il seulement le temps de prononcer avant de faire face aux milles questions du jeune homme qui semblait particulièrement ouvert dans cette vie. Un nouveau sourire éclaira un instant ses traits, il observa un instant sa main tendue, la serrant avant de l’étreindre brièvement dans ses bras, d’une étreinte presque paternel. Il se redressa pourtant bientôt, retrouvant son regard dans le sien.



C’était sans doute le plus simple à dire à travers tous ces questionnements. Viserys avait toujours ce fin sourire bienveillant attaché à son visage.



Son cœur souffrait assurément en imaginant être en partie responsable de ce tragique destin qui avait fauché la vie de ton petit-fils, si jeune. Il aurait dû avoir toute une vie devant lui. Comment avait-il pu laisser sa famille se déchirer de cette manière, lui qui avait sincèrement cru que ce dernier repas avait pu réunir sa famille à la veille de sa propre mort.

Et comme souvent, Viserys cherchait à rassurer celui qui lui faisait face, à lui faire plaisir. Viserys avait toujours eu cette volonté de détendre l'atmosphère, de chercher le meilleur chez chacun. Son coeur avait toujours été pur et trop bon.



Un fin sourire amusé habilla brièvement ses lèvres tandis qu'il eut un bref rire, il y avait toujours un côté bon vivant chez Viserys, un homme qui semblait toujours bienveillant et pacifique.