❝Traveling through lands of woe❞ — ft. Rhaena V. Targaryen

We will be together soon, la voix s’estompe quand deux yeux violacés sont aveuglés par la lumière bénie des dieux. Une main pâle et se lève, tremblante et mouillée vers l’horizon pour cacher les rayons qui éclairent les traits frêles d’un visage oublié de tous. Elle tremble. Elle tremble. Elle tremble encore. Ce n’est pas un frisson de froid. Non. La chaleur est immense en cet endroit et pendant un instant la peur d’être dans les Sept Enfers prend la jeune femme. Et si les péchés de sa vie n’ont pas été expié par toute la dévotion religieuse qui a clamé la vie de Baelor avant la sienne ? Et si les péchés de sa vie n’ont pas été payé par toute la souffrance ressentie pendant sa vie terrestre ? Naerys Targaryen se redresse alors lentement en apposant ses doigts fins sur son front brûlant de fièvre. Ceci n’est pas la terre promise des dieux. Ce n’est pas les sept palais d’argent des dieux. Ce n’est pas le jardin aux sept pommes d’or. Ce n’est pas la chambre aux sept fontaines. En ces endroits ni la maladie, ni le danger n’existent. En ces endroits elle aurait dû y trouver Aemon et pourtant son frère n’est pas là alors qu’il a toute la faveur de leurs sérénissimes divinités. Aemon n’est pas là. Aemon n’est pas là. Aemon…

Naerys se redresse et sent que le monde vacille autour d’elle quand ses pieds nus touchent le sol. Elle marche alors et déambule comme elle le peut. Elle marche et déambule sans savoir où aller parce qu’il n’y a rien ici, il n’y a rien ici, il n’y a rien d’autre que la peine et la déception. Elle tremble. Elle tremble. Elle tremble encore. Pourtant Naerys marche et le monde vacille autour d’elle. Dans son esprit, une voix se répète comme un cantique céleste qu’elle a appris par cœur dans sa vie mais ces mots ne proviennent ni de l’Étoile à Sept Branche ni d’aucun livre de sa foi. Il s’agit d’une phrase qu’aucun septon d’aucun septuaire ne lui a jamais appris. Ce n’est pas un prêche spirituel, mais plutôt un rêve prophétique d’une religion et d’un dieu en lequel la jeune femme ne croyait pas. When the dragons fly west again … But dragons don’t exist anymore. Et alors que cette pensée s’imprègne sous sa peau comme le souvenir douloureux de sa propre vie, un rugissement terrible la fit tomber somme un château de cartes au moindre coup de vent. Elle s’est effondrée et pourtant. Et pourtant.

La lumière est remplacée par l’ombre. Il y a un moment de flottement avant que la petite valyrienne ne redresse son regard vers le ciel et ce qu’elle voit semble prodigieux. Ça l’est sans aucun doute. When the dragons fly west again, when from the dead, the she-wolf who stopped winter will rise again, when a thousand dead heroes join her… Son pas chancelant suit le dragon aussi jaune que le soleil lui-même comme si sa vie en dépend. Elle ne sait pas pourquoi, Naerys, mais elle sent. Elle sent et elle sait que tout ceci est important. Elle sent et elle sait et si la fièvre monte et monte et monte, ça ne ruine pas toute sa détermination. Ça ne ruine pas sa détermination parce qu’elle est la fille du dragon elle aussi. Elle est la fille du dragon et elle s’est tenue droite et aussi dévouée à son devoir qu’elle le peut mais elle est fatiguée à présent, si fatiguée.

Un grand mur noir s’érige entre elle et la créature. Il est si haut. Il est si noir. Il est si terrifiant. Et pendant un instant, un seul minuscule instant, elle a l’impression d’être là, juste là, aux portes du cœur de son frère-époux qui l’a tant détesté par le passé. L’inconfort gagne Naerys. Il la gagne, il la transit de froid et de chaud tout à la fois. Il la gagne et un homme l’arrête en lui parlant dans une forme de valyrien qu’elle peine à comprendre tant il parle vite. Tant sa tête est embrouillée par la chaleur qui y règne en maîtresse suprême. Elle tremble de peur. Elle tremble mais elle bredouille son nom rapidement dans sa langue maternelle. I’m Naerys Targaryen, please. Elle aurait aimé être morte. Ce n’est pas le cas. Il lui faut entrer entre ses murs. Il lui faut entrer. Il le faut. Et finalement, on la laisse.

Ses pas sont lents. When a thousand dead heroes join her. Qui sont-t-ils ces héros ? Et elle ? Et elle ? Naerys n’a rien d’un héros. Elle n’a rien du tout. Il n’y a qu’elle et sa foi. La marche devient difficile, la valyrienne doit s’arrêter. Il le faut. La pulpe de ses doigts touche son front rapidement, elle touche et elle sait. Elle sait tout de suite que la maladie la prend. Elle sait. Gods, please, deliver me from this evil land for I am your humble servant. Haven’t I deserved a little bit of calm and quiet? Mais les dieux n’entendent pas. Ils ne peuvent pas entendre d’aussi bas pour des choses aussi futiles venant d’une femme aussi inutile. Naerys n’est pas un héros, elle n’est que la sœur fortunée d’avoir un frère héroïque. Aemon. Aemon. Aemon. Elle répète comme un cantique. Aemon. Aemon. Aemon. Elle répète comme si l’homme pouvait apparaître par miracle. Aemon. Aemon. Aemon. We will be together soon. Elle veut pleurer. Elle veut fondre en larme mais elle en est incapable parce qu’il y a longtemps que ses yeux sont incapables de verser une larme pour le Chevalier Dragon.

Au loin apparaît une forme familière. Elle apparaît comme un fantôme qui ne doit pas être ici et pourtant qui hante cet endroit. Sont-ils au purgatoire ? Par tous les dieux qui d’autre se trouve ici derrière ce mur noir ? Le cœur de la très pieuse Naerys s’emballe. Il s’emballe plus que jamais. Il lui faut retrouver cette silhouette. Il le faut. Gods give me strength. Gods give me strength. Gods give me strength. Gods give me strength. Et à chaque pas, à chaque seconde, la forme devient familière. Et à chaque pas, à chaque seconde, elle reconnaît un peu plus de cette femme.

« Aunt Rhaena ? »

Elle l’appelle et quand elle est à sa hauteur Naerys se sent défaillir et perdre pieds. Rhaena est morte. C’est un fait. Rhaena est morte et elle aussi. La fièvre la prend plus fort et plus fort elle va, plus la pieuse princesse sent que son corps plonge dans le délire. Elle a toujours été vulnérable, mais jamais on ne l’avait vu plus vulnérable qu’à ce moment. Le monde semble s’effacer devant les yeux fiévreux prenant des teintes irréelles et déformées. Elle a l’impression d’être loin. Trop loin. Trop loin pour toujours. Toute la vie semble lointaine. Echos égarés dans les dédales de sa conscience embrumée.

« I… Aunt Rhaena… »

Ses deux mains se posent sur les bras de la jeune femme qu’elle a très peu connu. Trop peu connu. Elle se souvient cependant de son dragon rose et de sa gentillesse immense. Des gouttes de sueur perlent sur son front pâle et elles glissent le long de sa tempe pour se perdre dans l'éclat de ses cheveux argentés. Ses jambes se dérobent instantanément.

« I… »

Il y a longtemps que Rhaena n'avait plus volé. Dans les dernières années de sa vie, la mort de son dragon Morning l'avait terriblement affectée, tant et si bien que la lady des maisons Targaryen, épouse de Garmund Hightower, n'avait plus été capable de se mouvoir comme elle l'avait toujours fait. Par chance, ici, à Volantis, presque tous ses frères et sœur avaient tous un dragon, ainsi que leurs parents, lui permettant de se rendre ici et là pour demander à passer un peu de temps avec eux sur le dos de leurs gigantesques créatures ailées.

Aujourd'hui, sa cible avait été toute désignée. Il y avait longtemps que la jeune femme n'avait pas passé de temps avec Jacaerys avec qui elle s'était entendue à merveille et ce fut avec plaisir qu'elle monta derrière lui sur Soreal à la couleur d'un jaune si vif et si reconnaissable. Il lui rappelait Vermax en bien des points, notamment parce qu'il était identifiable facilement et qu'il possédait une petite crête similaire. Ils avaient volé une heure, s'étaient posé ensemble sur les rives de la Rhoyne pour déjeuner et discuter de ce que ce monde leur offrait à présent. Il semblait que les deux Targaryen avaient alors conclu d'un accord commun qu'il était honteux de compter si intensément sur les esclaves. Une telle condition était indigne d'eux, pourtant, il semblait que ni Rhaenyra, si Daemon ne comptait faire quoique ce soit à ce sujet.

Alors, quand ils avaient décidé de rentrer, frère et sœur avaient décidé de s'entretenir ici et là avec quelques personnes qu'ils trouveraient pour en savoir davantage sur cette pratique qui les fâchaient tant. Ils revinrent alors au palais bras dessus-bras dessous, leurs yeux glissant de traits en traits et de tatouage en tatouage. Il furent convaincu qu'il fallait entraîner leur fougueuse Baela dans toute cette histoire car ensemble, en tant qu'aînés de cette fratrie, ils sauraient faire front. Luke étaient... Et bien, il était bien trop occupé avec sa compagne du Nord et son étrange marin vagabond. Quant à Joff, il était sûrement trop jeune et trop occupé à faire quelques bêtises dans les rues volantaine. Rhaena se demanda d'ailleurs qui surveillait leur trouble-fête de petit frère à cet instant précis.

“Can I count on you to bring Baela to our cause? If she isn't thrilled about it, leave it to me?
- Yeah, let's do that.
- Good.”

La Targaryenne laissa l'héritier royal s'éloigner après s'être inclinée devant lui. Il était son frère et un de ses meilleurs amis au monde, mais le cérémoniel lui était important. Jacaerys serait son roi, un jour, autant que Baela serait sa reine et il n'était jamais trop tôt de se montrer respectueux et de les habituer à leurs conditions. Dans sa robe en soie rose dont la forme était plus modeste que les outrageuses tenues de la femmes de Viserys, Rhaena observait alors le ballet des esclaves et des gens libres qui allaient et venaient ici et là. Elle pensa alors qu'il serait difficile de ne point stigmatiser les esclaves et peut-être qu'il leur faudrait des années pour atténuer les griefs qu'ils avaient connu depuis des millénaires.

Une voix fantomatique l'appela cependant, tirant la fille de Daemon de ses pensées. Elle se tourna alors pour rechercher la personne qui l'avait appelé. Aunt Rhaena, avait prononcé la voix délicate et frêle, alors la valyrienne cherche un visage familier jusqu'à trouver le visage pâle d'une fille aux cheveux d'argents. Oh, cette enfant, elle la reconnaissait sans l'avoir tant connu que cela. Naerys Targaryen avait été une petite jeune fille bien silencieuse et pieuse quand Rhaena l'avait vu pour la dernière fois. Elles avaient prié ensemble souvent, gardant pour elle et les dieux ces moments. La fille approcha davantage et alors, la plus âgée remarqua que sa nièce était chancelante et suante d'une transpiration anormale.

“Naerys? Is that you? Gods be good.”

Ses deux mains se tendirent vers la jeune princesse au teint laiteux et malade. Elle avait toujours eu une piètre santé dans les souvenirs de la Targaryenne qui la retint entre ses bras. Rhaena n'était pas très costaude mais elle fit de son mieux pour soutenir la souffrante demoiselle, passant ses bras autour d'elle.

Ses cheveux argentés étaient trempés de transpiration fiévreuse et d'eau et il n'était pas difficile de deviner que Naerys avait contracté quelque maladie qui la rendait mal. Sa tante appela alors à l'aide et bien vite, on vint à elle pour qu'elle distribua quelques ordres clairs et précis dans son haut-valyrien immaculés. Et alors, elle suivit les gardes jusqu'à une des nombreuses chambres encore inoccupées, se souciant peu de l'apparence de cette dernière tant qu'elle permettait d'allonger la malade.

“Call the lady Larra here and a healer. Not the Red Priestess, though, she has more important business than this to attend. Tell their Graces that an other Targaryen as arrived here. Quickly, please.”

And Rhaena découvrit Naerys de ses vêtements pour ne lui laisser que sa chemise, épongeant son front lentement. Son regard décrivait ses traits avec une attention toute particulière, comme si elle essayait de comprendre quelque chose de ses symptômes sans y parvenir. Alors, on se pressa au chevet de la malade et sa mère resta le plus, constamment agenouillée pour tenir la main de cette fille qu'elle avait laissé à quai en repartant pour Lys.

La Targaryenne restait aussi quand Larra devait aller se reposer ou qu'elle palissait soudainement sous les symptômes d'une grossesse qu'elle essayait de cacher tant bien que mal. Et quand Naerys s'éveilla à nouveau, sa tante était à son chevet, une petite étoile à sept branches entre ses doigts pour prier pour la valyrienne alitée.

“Don't stand up, sweet girl. Here, drink some water. The healer said you were dehydrated.”

Lentement, la deuxième fille de Daemon s'approcha avec une coupe d'eau entre les mains, tendant sa main pour aider la jeune Targaryenne à se redresser. Elle lui offrait une douceur qu'elle n'avait eu, dans sa vie, que pour ses précieuses filles. Pourtant, ses dernières n'étaient plus de ce monde, mais sa famille, elle était encore là.