old tears made of sorrow
I need love, love to ease my mind I need to find, find someone to call mine But mama said you can't hurry love No you just have to wait She said love don't come easy It's a game of give and take You can't hurry love No, you just have to wait
JOUR 17, LUNE 9, ANNÉE 874
Rhaenyra se souvient aisément de son père, elle se souvient de lui comme un père aimant et un roi juste mais fatigué et préférant éviter les conflits plutôt que de les affronter. Elle se souvient de lui comme un homme bon et droit mais pas comme d’un roi fort et puissant. Ses propres devoirs d’héritière ont été lourd à porter, sans personne pour l’épauler, sans soutien sur lequel s’appuyer. À la différence de lui, la reine de Volantis se tient prête à affronter les tempêtes qui se dirigent vers elle et à ses côtés se tient un roi fort, solide et qui ne fuit aucun conflit, elle peut se reposer sur lui. Car si les volantains restent encore calmes et l’acceptent, elle sait que ce n’est qu’une question de temps avant que quelques voix s’élèvent à l’encontre de la Maison Targaryen, leurs ambitions et leurs dragons. Ils sont venus bouleverser le système de toute une ville et ses terres, ils ont chassé leurs triarques pour instaurer une monarchie que nul n’est venu demander. Pour l’heure, elle maintient une stabilité, ne force pas davantage de changement mais lorsque le moment viendra, il y en aura et de l’Ancien Sang, elle attend des représailles. Pour l’heure, elle les reçoit et les écoute chaque jour dans la salle du trône, elle répond à leurs demandes et leurs inquiétudes mais un jour, ces demandes se changeront en accusations et ces inquiétudes en contestations, et quand le moment viendra, elle sera prête. Elle ne fuira pas le conflit.
Rhaenyra se souvient de la fatigue qui a accablé son père jusqu’à détruire son corps, le rendre malade et elle se demande si elle aurait dépérit à sa manière si le Trône de Fer avait continué à entailler sa chaire comme autrefois. Autrefois, devenir reine fut un fardeau. Ce n’est pas le cas aujourd’hui car elle l’a voulu, elle est venue se saisir de cet endroit pour en faire son royaume, pour construire quelque chose de nouveau, un ordre nouveau loin du passé lourd et accablant, loin de la culture andales et des Premiers Hommes qui s’oppose si lourdement à la culture valyrienne et la liberté qu’elle offre, une liberté que Rhaenyra a toujours désiré et qu’elle retrouve à Volantis où l’influence de Valyria et des Possessions est encore vive, même un millénaire après le Fléau. Contrairement à son père, la reine Targaryenne a passé la majorité de sa vie à songer qu’il viendrait un temps où elle régnerait et elle règne désormais, car c’est à cela qu’elle a préparé sa vie, à cette fin précise et l’y voici désormais. Contrairement à son père, elle aime chaque pas qu’elle fait et à la différence de leur précédente vie, elle n’hésite pas. Autrefois, la paix et l’unité furent ses priorités et elle fut réticente à s’engager dans une guerre face aux Verts et lorsqu’elle s’y engagea, ce fut avec trop de rage, avec un feu brûlant dans la poitrine et qui ne désirait que consumer tout ce qui l’entourait. Sa priorité, désormais, est de protéger la chaire de sa chaire, de protéger les siens avant tout. Doit-elle ôter une vie innocente à nouveau pour ce fait, elle n’hésitera pas. Elle n’a pas hésité face aux triarques.
Encore une fois, à l’inverse de son père, la reine volantaine s’évertue à être un soutien pour chacun de ses enfants. Elle refuse qu’ils connaissent la même solitude qu’elle et tire une grande fierté de constater qu’ils peuvent compter les uns sur les autres. Elle tire une grande fierté de voir Jacaerys veiller sur sa fratrie. Mais son aîné ne peut, au même titre qu’elle, porter sur ses épaules les poids qui accablent chacun de ses frères. Alors elle se tient là, près de lui, comme le pilier solide qu’elle fut incapable d’être dans leur vie précédente. Elle se tient comme un pilier solide pour chacun de ses enfants, pour leurs enfants aussi s’ils en ressentent le besoin mais elle les connaît bien peu, elle sait que ce n’est guère auprès d’elle qu’ils cherchent leur soutien et elle l’accepte, comme elle accepte qu’elle ne peut porter seule les fardeaux de leur famille. Et Daemon est là. Ils font cela ensemble, elle n’est pas seule et les désaccords qui les ont autrefois déchiré sont oubliés. Ils ne s’accordent guère sur tout, parfois, le ton monte entre eux mais ça ne dure jamais longtemps. Elle fait preuve de plus de patience avec lui et lui avec elle, semble-t’il. Combien de nuits ont-ils passé loin l’un de l’autre ? A l’exception de son voyage dans le Nord et des jours où elle s’enferma dans leurs appartements après qu’il eut voulu qu’elle se débarrasse de l’enfant qui grandissait en elle, ils n’en ont passé aucune dans d’autres lits que le leur. Même quand ils ne s’entendent pas le jour, ils font une trêve la nuit pour ne pas oublier qu’un jour, ils passèrent des années l’un sans l’autre, qu’elle refusa de lui laisser sa place dans leur lit et qu’elle l’envoya sans cesse dans d’autres bras, dans d’autres lits et que jamais, elle ne veut souffrir de la sorte à nouveau ou se sentir si seule à nouveau. Elle peut vivre avec l’absence douloureuse de quelques enfants, elle ne le peut pas sans Daemon. Elle ne le peut plus. Elle se tourne vers lui lorsqu’elle hésite car à l’image de l’épée qu’il manie, il tranche avec aisance les décisions qu’elle ne sait prendre et elle se range derrière lui. Son époux est son pilier et elle est le sien en retour, elle est l’épaule sur laquelle elle peut s’appuyer lorsqu’elle en a besoin et qui chasse la solitude d’autrefois, celle dans laquelle elle se résigna par deux fois à vivre sans que cela ne fut concluant. Car un Targaryen seul au monde est une terrible chose.
Malgré qu’elle aime ses devoirs et trouve un équilibre entre la reine, l’épouse et la mère qu’elle est désormais, Rhaenyra n’est pas parfaite. Elle est fatiguée et il lui faut parfois trouver quelques réconforts. Elle n’est pas fatiguée de ses devoirs, elle n’a aucun désir de les fuir mais seulement de s’en éloigner quelques heures pour quelques bouffées d’air frais, pour s’aérer l’esprit. Combien de fois Viserys est-il venu, durant les derniers jours, s’étendre autour de la table de son conseil pour noircir des parchemins d’encre pendant qu’ils ont discuté de l’avenir de Volantis ? Combien de fois a-t’il levé la tête pour les éclairer sur des coutumes, des traditions ou des lois volantaines qui s’opposaient ou soutenaient leur volonté de changement ? Elle est passée, une fois, devant ses appartements pour y voir plus de parchemins qu’elle n’a pu en compter encombrer son bureau, enroulé au sol, dans des pots ou sous un verre de vin alors qu’il s’affaire à reformer le Code des Lois de Volantis. L’ouvrage est gigantesque et lorsqu’il s’est plongé dedans, il l’a fait sans se décourager. Mais quel temps passe-t’il avec ses proches, avec leur famille ? Elle ne peut devenir cette reine inaccessible, trop occupée pour prendre soin de ceux qu’elle aime. Et il lui faudra parler à son fils, il lui faudra lui dire qu’il peut prendre du repos et du temps pour lui mais ce n’est pas le bon moment.
Car ce moment précis est l’un de ceux où Rhaenyra a besoin de s'évader un moment, de prendre ce temps pour elle. Elle trouve son chemin vers la nurserie tandis que ses yeux mauves observent, un peu plus chaque jour, le palais où ils se sont installés. Les larges fenêtres laissent entrer la chaleur étouffante et humide autant que le peu d'air frais venu de la Mer d'Été mais ce qui marque davantage la valyrienne, ce sont les carrelages colorés qui décorent le sol et conservent la fraicheur entre les murs de ce bâtiment. Elle laisse son regard glisser sur chaque motif alors qu'elle traverse le couloir décoré de tapisseries venues de Qohor, de tapis myriens et des nombreuses plantes qu'elle jugea un jour exotiques jusqu'à ce qu'enfin, elle fasse face à la porte derrière laquelle elle entend le chant de sa dernière née. Elle pose sa main sur le bois pour ouvrir l'accès à la nurserie et elle entre, avance vers la nourrice qui tient la jeune princesse Visenya, criant plus qu'elle ne pleure. La mère tend les bras vers elle, la prend contre elle et cela ne suffit pas à la calmer alors qu'elle renvoie la nourrice. Elle veut être seule avec son enfant. Six lunes se sont écoulées depuis la naissance de Visenya et déjà, elle peine à se souvenir de sa vie sans elle, comme si sa fille avait toujours été une part d'elle-même. Il en a toujours été ainsi avec chacun de ses enfants, lorsqu'elle songe au passé, à son adolescence, elle peine à se souvenir qu'aucun de ses fils n'étaient nés, qu'elle a vécu une vie avant eux mais après eux... Après eux, elle n'en a eu aucun et elle n'aurait jamais pu en avoir car aucun enfant ne devrait perdre la vie avant ses parents. Pour sa fille, la reine se souvient de la douleur d'avoir perdu un enfant, l'unique fille qu'elle eut de son sang mais elle se remémore à peine la vie avant Visenya.
Rhaenyra berce l'enfant dans ses bras, la tête baissée vers elle pour observer son cou dénudé, elle remonte des doigts et effleure les douces écailles, plus sombres que sa peau, plus dures mais encore souples comme celles d'un jeune dragon. Elle s'est plusieurs fois demandée si, un jour, ces écailles sur sa peau deviendrait gênantes, si elles auraient une quelconque conséquence sur sa santé mais malgré ses recherches, elle n'a rien trouvé à ce sujet si ce n'est des écrits sur des enfants mort-nés comme le fut sa Visenya dans leur vie précédente, les enfants de Maegor et enfin, le fils de Daenerys Targaryen. Dans ses recherches, elle eut trouvée la trace d'un valyrien qui auraient pu avoir des écailles semblables, la référence renvoyant vers un ouvrage médical si ancien qu'il a été perdu lors du Fléau et désormais, elle ne peut trouver aucune réponse à ses interrogations. Elle ne peut que supposer qu'il ne lui arrivera, que cela ne se développera pas davantage et est seulement une conséquence indésirable de la magie qui lie les Targaryen à leurs dragons, cette magie qui coule encore dans leurs veines et qui a disparu ailleurs dans ce monde.
Finalement, la reine s'approche du berceau où dort encore son enfant chaque nuit et elle prend le petit dragon de bois qui s'y trouve pour le lui tendre. Visenya s'en saisit, de ses mans maladroites et incapables de mesurer leur force tout en papillonnant de ses yeux dépareillés, l'un d'un violet clair comme le sien, l'autre d'un mauve plus sombre. Elle sourit, s'assoit contre la banquette qui longe le mur et elle assoit sa fille entre les coussins. Depuis quelques temps maintenant, elle tient assise et elle grandit un peu plus chaque jour.
De manière différente mais égale, Rhaenyra aime ses enfants. Cependant, il y a quelque chose de différent à avoir une fille. Car elle sait que celle-ci n'affrontera jamais le monde à la manière dont l'ont fait ses frères. Elle espère que la vie de sa fille sera douce et plus libre qu'elle ne le fut, libre de choisir son destin. En tant que sixième enfant de Rhaenyra et cinquième de Daemon, il ne repose sur ses frêles épaules aucune obligation, aucune responsabilité et la reine entend qu'il en reste ainsi pour quelques années encore.
Elle a déjà eu des filles. Deux. Baela et Rhaena n'ont jamais été de son sang, elle ne leur a pas donné la vie mais elle les a adopté dans son cœur comme ses propres filles au fil des années passées et dans cette nouvelle vie, il n'existe plus aucune distinction entre les enfants qu'elle eut avec Laenor, ceux qu'elle eut avec Daemon et ceux que Daemon eut avec Laena. Ils sont leurs enfants, c'est cela qui compte le plus. De Baela, elle se rapprocha le plus aisément après son mariage avec son oncle, contre toute attente, elle fut celle qui l'accepta le plus rapidement. Il n'en fut pas de même avec Rhaena et malgré cela, les années démontrèrent qu'elle fut plus proche de la cadette des filles de Daemon que de l'ainée. Le temps passé à Lamarck éloigna Baela pendant un temps mais ce n'est pas cela qui poussa la Targaryenne à se rapprocher de Rhaena mais plutôt la solitude que celle-ci devait ressentir. Il fut toujours aisé pour l'ainée d'être proche de son père car elle lui ressemble tant, mais Rhaena est différente, pleine d'une douceur et surtout, elle fut très longtemps sans dragon. Alors elle n'eut pas à le faire avec Baela mais pour Rhaena, elle œuvra pour l'aider à se rapprocher de son père et ainsi, elles se rapprochèrent quand la jeune femme eut compris que Rhaenyra n'a jamais eu l'intention de prendre la place de sa mère, de remplacer Laena ou d'effacer son souvenir. Désormais, elle manque à son cœur, l'absence de Rhaena est celle qui pèse encore le plus lourd dans sa poitrine. Elle est la dernière pièce qui manque au puzzle et si elle ne le dit jamais, elle y pense si souvent. Aurait-elle aimé Visenya ? Nul doute que oui. Aurait-elle été là, Rhaenyra aurait posé sa main sur son ventre à chaque mouvement du bébé et elle aurait parlé de sa grossesse avec elle comme autrefois. À la différence qu'elle l'aurait fait avec des mots d'adulte, une conversation de femme à femme et plus d'une enfant à une adulte. Doit-elle se résoudre à ce que Visenya grandisse sans jamais connaitre sa seconde sœur ? Elle n'ose pas espérer un retour miraculeux, elle craint que l'espoir ne soit trop douloureux lorsque l'évidence la frappera. Cet espoir, elle ne peut pas se l'autoriser car ses enfants sont la corde sensible, celle sur laquelle il suffit de tirer pour que ses peurs remontent à la surface et qu'elle soit prête à tout pour les protéger autant que leur disparition pourrait la détruire à nouveau, fracturer cet équilibre qu'elle a trouvé entre celle qu'elle est et celle qu'elle doit être.
Ses mains s'occupent, jouent avec sa fille pendant de longues minutes et elle oublie qu'au dehors, un travail colossal l'attend pour faire de cette ville le royaume qu'elle désire. Elle sourit, agite le dragon de bois devant le bébé qui se montre attentif et bouge avec maladresse. Rhaenyra rit en la voyant balbutier, alors que quelques bulles se forment sur ses lèvres puis elle tend le bras vers le dragon de bois, s'appuie un peu pour se redresser et tenter de l'attraper. Son bras n'est pas assez fort et sa tête retombe dans les coussins. Elle essaye une seconde fois, le résultat est le même mais la mère l'encourage à continuer, elle s'agite un peu, une grimace passe sur son visage et elle tente une fois de plus de redresser son dos pour attraper le jouet que lui tend la reine. Cette fois, Visenya se dresse en position totalement assise, se penche vers l'avant pour attraper son jeu et lorsqu'elle le tient entre ses si petits doigts, elle se laisse retomber en arrière.
« — Aōha kepa kessa sagon biare. »
(Your father will be proud.)
Kepa, le mot pour père, attire l'attention de Visenya qui tourne la tête pour observer la pièce, à la recherche de l'homme qu'elle identifie au mot kepa.
« — Daor kesīr issa. »
(He isn't here.)
Née à Meereen, sa fille a plus souvent entendu des mots valyriens que la langue commune de Westeros et s'il semble qu'elle réagisse aux deux langues, Rhaenyra réalise qu'elle lui parle bien plus souvent en valyrien.
Elle prend la jeune Visenya entre ses bras pour l'assoir sur ses genoux, l'entourer de son étreinte protectrice et aimante pour embrasser le duvet de cheveux d'argent qui occupe son crâne. Puis, ce n'est que lorsqu'elle relève sa tête et son regard qu'elle voit cette présence près de la porte, celle qui l'appelle par le nom de mère pour la première fois. Ses yeux l'identifient en premier, sa peau brune, ses longues tresses d'argent, son visage semblable à celui que Rhaenyra connut chez sa cousine Laena et surtout, son air bienveillant dans son sourire, cette douceur que la deuxième née de Daemon dégage depuis toujours. Ses paupières se ferment et s'ouvrent à nouveau, tout aussi rapidement, elle papillonne des cils un moment pour s'assurer qu'elle ne rêve pas mais elle sait déjà que Rhaena est bien là, face à elle et sa poitrine se fait lourde sous l'émotion. Elle s'est sentie fière lorsque Jacaerys a nommé Daemon comme son père pour la première fois puis quand Luke l'a fait mais ce n'est rien face à la bouffée de tendresse et d'amour qu'elle ressent pour cette femme qui est, en presque tout point, sa fille.
« — Rhaena... »
Un jour, elle a détesté Alicent d'avoir retrouvé chacun de ses enfants quand elle n'en a eu aucun. Elle n'a jamais espéré que leur famille soit un jour complète à nouveau et à cet instant... À cet instant, ces rêves qu'elle n'a pas osé rêver se réalisent tous. Elle se lève, son bras se glisse sous les fesses de Visenya pour la maintenir assise contre elle et observe Rhaena, le jeune Targaryen sans même oser bouger. Une part inconsciente d'elle redoute encore un mirage, une illusion qui s'envolerait au moindre mouvement. N'a-t'elle pas, plusieurs fois, vu les fantômes de ses enfants entre les murs de Peyredragon ? N'a-t'elle pas vu les chevelure d'argent de Baela et Rhaena courir dans les couloirs sombres pour disparaitre derrière une porte ou à l'angle d'un mur ?
« — Come in. »
Elle l'invite à entrer, sa voix défaille plus qu'elle ne le souhaite quand ses yeux s'emplissent de quelques larmes d'émotion qu'elle se refuse à laisser couler. Par où commencer ? Son cœur, après un court arrêt, s'est remis à battre plus vite dans sa poitrine et elle le sent dans ses tempes. Finalement, elle s'avance d'un pas rapide vers elle, maintient Visenya d'un bras contre elle et l'autre s'étend, s'enroule autour de la fille de son époux, sa fille à elle aussi et elle l'attire contre elle.
« — I've missed you so much! »
Elle n'est pas reine, elle n'est pas épouse, à ce moment précis, elle n'est qu'une mère que le temps a séparé de son enfant et qu'elle retrouve avec joie et émotion.
by CrimsonTulip