"This is the will of the Gods." Ft. Maegor I Targaryen

 — "Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage
Et l'on oublie la voix

...et l'on se sent glacé
Dans un lit de hasard et l'on se sent tout seul
Peut-être, mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment, avec le temps
On n'aime plus"



Avait-elle déjà été libre ? Au cours de sa vie, Rhaella Targaryen avait-elle déjà vraiment été libre ? La réponse s'imposait tristement dans son esprit : non.
Déjà avant sa naissance et celle d'Aerea, les Dieux avaient tissé des desseins tout à fait cruelles pour les jumelles d'un roi sans couronne et de sa sœur-épouse. Les jumelles de ces pauvres enfants, car c'est ce que ses parents étaient au fond, avaient à peine quelques lunes, voir moins, lorsqu'on les proclamait des abominations au quatre coins des Sept Couronnes.
Puis, leur père était parti à la guerre pour ne jamais en revenir et leur mère les avait caché. Une année de vie à peine et déjà, Rhaella Targaryen avait connu plus de malheurs dans sa vie que bien d'autres. De cette période, elle garde un flou qu'elle ne cherche plus depuis longtemps à combler.
Elle fut ensuite la prisonnière du Donjon Rouge, trop jeune néanmoins pour s'en rendre réellement compte, puis prisonnière de la Foi, si l'on voulait. Bien sûr, elle avait choisi d'échanger sa place avec Aerea, de devenir Rhaella, vouée à devenir Septa. Au fond, son oncle n'aurait-il pas pu rendre ses filles à sa mère s'il l'avait voulu ?
Non pas qu'elle s'en plaignait, la Foi l'avait accueilli à bras ouverts et lui avaient permis d'échapper à la couronne, à une vie pour laquelle elle n'était pas faite. Qu'aurait-elle fait à la Cour de toute façon ?

Cette vie de Septa, elle l'avait certes choisi, elle l'avait aimé. Son temps avait été dévoué à aider les autres, elle avait aidé nombre de malades, elle en avait accompagné beaucoup dans leur guérisons et tant d'autres encore alors qu'ils poussaient leur dernier souffle de vie accordé par l'Étranger...
Elle n'avait été malheureuse en rien, au contraire, si ce n'est pour sa pauvre sœur que l'Étranger était venu chercher bien trop tôt. Honteusement, elle avait gardé secret qu'elle avait détesté les Dieux en apprenant la mort de sa sœur, mais là encore, à qui aurait-elle pu confier de telles pensées ?
Lorsqu'elle s'était éteinte, elle avait connu soixante-deux années de vie et si un certain nombre d'entre elles n'avaient pas été toutes rose, elle en avait connu bien d'autres calmes et en paix. Elle avait eu une mort paisible, une telle chose ne pouvait être dite de la plupart des Targaryens.
Elle n'avait jamais regretté sa vie, son choix.

Pourtant, aujourd'hui, il lui apparaissait qu'elle n'avait jamais véritablement été libre de ses choix. Vivre à la cour ou devenir Septa, c'était la seule véritable décision qu'elle ait prise pour elle et là encore, elle avait été une enfant, ce choix avait été influencé certainement par les adultes qui les entourait.
Bien qu'elle ne regrettait rien, aujourd'hui encore, si une telle décision se présentait de nouveau à elle, Rhaella n'était pas certaine qu'elle serait capable de se résoudre à la Foi de nouveau.
Elle découvrait, aux côtés de sa jumelle, une vie appréciable, drôle... Peut-être, bien sûr, que cela ne durerait pas éternellement mais tant que ça pouvait durer, la jeune fille prendrait ce qu'elle pourrait.
Au début, il était vrai, elle avait été un quelque peu réfractaire à l'idée. Aerea avait rassemblé assez d'argent, lui avait-elle appris il y a peu, pour commencer à voyager, comme tel était son souhait. Elle voulait voir des contrées inconnues, elle voulait monter ce fameux cheval qu'elle adorait tant et vivre d'aventures. Bien sûr, sa jumelle avait un tempérament bien plus sauvage et à côté, Rhaella avait fait ce qu'elle savait sans doute trop faire : elle avait craint. Craint qu'elle ne finisse par manquer d'argent, qu'elle ne s'attire des ennuis, qu'elle ne soit blessée ou pire, tuée...

À vrai dire, elle se demandait encore comment Aerea était parvenue à la convaincre de céder et de l'accompagner. Sans doute parce qu'au fond, elle n'avait eu aucune envie de rester en arrière à Castral Roc, seule une fois de plus, sans savoir ce qui arrivait à Aerea, sans savoir où elle était et comment elle allait.
Au moins, elle avait pu apposer quelques conditions. Et il n'était pas tout à fait faux d'affirmer qu'elle avait eu une idée derrière la tête, une idée qu'Aerea aurait pu ne pas apprécier si elle lui avait dit la vérité sur ses intentions.
Un matin, elles avaient pris leurs affaires, Aerea avait préparé son cheval puis un deuxième pour elle. Pendant des jours, elle l'avait forcé à s'entraîner à monter divers chevaux. La jument qu'elle lui avait choisi était douce et docile, adorable même.
Si Rhaella devait encore se faire violence pour repousser ses craintes, au moins, l'animal semblait l'apprécier. Les premiers jours avaient été terrible et elles avaient dû attendre qu'elle n'ait plus de courbatures pour être prêtes à partir, ce fameux matin.
C'était une vie que Rhaella n'avait jamais connu. Quand elle y songeait, il était vrai qu'elle avait toujours connu un certain confort, le Septuaire n'avait pas été fait pour vivre dangereusement, encourageant son envie d'y rester tant de siècles en arrière.
Plus d'une fois, elle eu envie de faire machine arrière, de supplier sa sœur de retourner à Castral Roc et pourtant, elle ne le fit pas. Aerea était heureuse. Il y avait cette fougue vive chez sa jumelle qui la poussait à dépasser ses propres craintes, aussi grandes soient-elles.

Elles avaient fini par arriver dans le Val et le paysage l'avait subjugué. Les montagnes étaient omniprésentes autour d'elles et elles avaient fini par faire une petite halte dans une auberge modeste.
Après des jours à camper, ce fut bienvenue. Elle put même se laver. Aerea se reposait quand Rhaella se vêtait d'une robe ample et simple qu'elle avait emmené, bien que sa sœur l'ait quelque peu forcé à adopter une tenue plus confortable pour monter à cheval ; qu'elle tressait ses cheveux simplement.
Sa pauvre jumelle devait avoir besoin de ce repos, elle qui avait veillé à leur sécurité quand elles s'arrêtaient la nuit, Rhaella trop craintive pour s'en assurer elle-même. La vision de sa sœur endormie la fait sourire un instant, avant qu'elle ne passe discrètement le pas de la porte et ne quitte l'auberge.

Il y avait des années de sa vie dont Rhaella Targaryen ne se souvenait pas. Elle était encore bien jeune quand sa mère fut forcée d'épouser son oncle pour devenir l'une de ses Épouses Noires, quand elle fut nommée, sous son ancien nom, comme l'héritière de ce dernier.
L'homme avait tué son père et usurpé le trône, il avait amené un grand malheur sur sa famille. Elle savait que sa sœur rêvait de l'étouffer dans son sommeil et que sa mère le haïssait aussi. Elle devrait en faire de même.
Était-ce sa nature si douce ? Ses années passées en tant que Septa et les enseignements de la Foi qui prônait le pardon ? Ou bien... Il fallait dire qu'elle avait peu eu à faire à Maegor Targaryen, ses souvenirs étaient flous eux aussi mais du peu dont elle était capable de se rappeler, elle ne parvenait pas à le voir comme cette bête monstrueuse et cruelle que tout le monde faisait de lui.
Elle n'avait pu voir Visenya Targaryen durant son bref passage à Peyredragon, elle n'avait pas vu Maegor non plus et pour cause, elle avait appris qu'il se trouvait aux Eyriés.
Malheureusement, il semblait que Westeros n'ait jamais pu rester en dehors des conflits et des guerres et Rhaella était au fait d'un certain nombre de choses, elle savait que Maegor avait été envoyé ici pour garder le Val sous le contrôle de sa mère.
Elle voulait le voir.

C'était fou, certainement. Même pour elle, c'était fou. Elle était la peureuse, timide, craintive et pleurnicharde Rhaella. Elle aurait dû vouloir fuir Maegor le Cruel, à la place, elle courrait à sa rencontre. Et pour quoi ?
Elle ne le savait même pas, elle ne savait pas ce qu'elle voulait de lui, elle ne savait même pas ce qu'elle voulait lui dire mais elle savait qu'elle devait le voir.
Il était l'homme qui avait causé la perte de ses parents, si ça n'avait pas été pour lui, son père aurait vécu, il serait devenu roi. Elle aurait pu avoir une famille. Elle aurait pu avoir une sœur. Peut-être une fratrie ? Elle aurait pu avoir une vie bien différente. Les Dieux en avaient décidé autrement, elle avait fait la paix avec cela, en tout cas, elle le croyait mais voilà que surgissait ce besoin incongru d'aller à la rencontre de l'homme qu'on voyait comme la plus grande des menaces.

L'auberge n'était guère loin de la Porte de la Lune. Naturellement, on ne la laissa pas passer avec facilité. Rhaella se contenta de décliner son identité et de demander audience à Maegor. Le trajet jusqu'aux Eyriés fut éreintant et un instant, Rhaella regretta de ne pas avoir Aerea à ses côtés, elle crut plus d'une fois qu'elle allait tomber et se rompre le cou ; la présence de sa jumelle l'aurait certainement rassuré.
Mais elle se fit violence.
Et finalement, elle arriva au château, où on la laissa patienter avant de la conduire dans un salon plutôt confortable. Rhaella ne s'assied pas, à la place, elle tourne dans la pièce, observe le mobilier et la décoration, elle regarde par la fenêtre en jouant avec ses doigts nus, attendant patiemment, jusqu'à ce que la porte ne finisse par s'ouvrir et qu'elle ne se retourne, faisant face à l'homme qui entrait, l'homme qu'elle était venue voir par pure folie d'esprit.

« Do... Do you know who I am ? »

Elle aurait voulu avoir la sauvagerie de sa sœur, le feu ardent qui secouait son être. Mais Rhaella n'était que la douce Rhaella, timide et craintive. Sa voix la trahissait quand pourtant, elle restait debout et ne se dérobait pas au regard de Maegor le Cruel.

 — "Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage
Et l'on oublie la voix

...et l'on se sent glacé
Dans un lit de hasard et l'on se sent tout seul
Peut-être, mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment, avec le temps
On n'aime plus"



Sa vie entière, Rhaella l'avait passé à Villevieille. Elle n'en était sortie que rarement, d'un naturel trop fragile et craintif pour s'aventurer hors du septuaire étoilé.
À présent qu'elle n'appartenait plus à la Foi, à présent qu'elle semblait découvrir une nouvelle vie qui s'offrait à elle, elle découvrait également le monde et sa largeur. Elle aurait pensé rester à Peyredragon peut-être ou à Castral Roc après y avoir retrouvé sa sœur et pourtant, elle se trouvait à voyager à présent... Car elle n'avait aucune envie de quitter Aerea, aucune envie d'être éloignée d'elle.
Il semblerait que les jumelles qu'elles étaient étaient aussi différentes que le jour et la nuit, un feu sauvage animant la première quand la seconde parvenait à grand peine à lutter contre les incertitudes qui parasitaient son esprit et son être. Aerea avait voulu partir à l'aventure, sur le dos de son cheval, elle avait voulu découvrir les Sept Couronnes dans leur entièreté et malgré ses craintes, Rhaella l'avait suivi.
Où Aerea partirait, elle la suivrait. C'était sa seule aspiration, avoir la chance de vivre auprès de sa sœur, comme cela le leur avait été enlevé dans leur précédente existence, tant de siècles plus tôt.

Pourtant malgré ce désir profond qui animait son être, il y avait autre chose que Rhaella avait en tête tandis qu'elle avait proposé de visiter le Val. Il y avait une autre personne qu'elle tenait à rencontrer, à qui elle souhaitait parler.
Cela devait être pure folie et elle ne le fit que l'entrevoir bien plus durant les heures passées à gravir les montagnes des Eyriés pour en atteindre le chateau. Elle était seule, sans défense et sans réelle raison de se trouver ici, et pourtant, elle s'y trouvait bien.
Cet homme, Maegor Targaryen, avait été la raison de ses malheurs, disait-on. C'était sans doute vrai car il avait bel et bien tué son père et usurpé le trône, il avait bel et bien forcé sa mère à l'épouser, envoyé sa sœur à la Foi en la gardant auprès de lui pour elle ne savait quelle obscure raison.
Toutefois... Rhaella avait vécu assez longtemps pour constater que les Targaryens n'avaient guère besoin du Cruel pour trouver des raisons de se blesser ou d'être sujets au chaos.
Maegor Targaryen n'était pas un démon, il n'était pas une personnification du diable, il n'était qu'un homme. Un homme qui avait fait ses choix et c'était ces choix qui intéressaient la jeune femme qu'elle était redevenue.

Elle ne savait pas ce qu'elle venait chercher, peut-être était-ce effectivement pure folie de sa part, pourtant, elle était là à présent. Si elle ne savait pas ce qu'elle était venue trouver ici, Rhaella devait admettre qu'elle ne s'était pas attendu à ça.
Durant son passage dans les couloirs, elle eût le temps d'apercevoir un chaos certain, quelques créatures à laine passer d'un côté ou de l'autre. La pièce où on la laissa attendre cependant, était calme.
Du moins jusqu'à ce que l'homme qu'elle était venue sollicitée n'en passe la porte. À ça non plus, Rhaella ne s'y était pas attendue. Il y avait sous son bras, un mouton. Sa question la quitta tout de même, bien que sa voix trahissait son tempérament trop fragile et timide, elle la posa tout de même.
Il sembla qu'il l'ignore, dans un premier temps du moins.
À la place, Maegor lui demande de l'excuser pour tout ce bazar. À son sens, et de ce que l'histoire avait retenue, Rhaella songea qu'il avait des crimes bien plus graves à se faire pardonner de sa part mais il aurait été trop pour sa personne à faire remarquer une telle chose.

Ses yeux l'observent. Il lui faut se faire violence car elle n'a jamais été très à l'aise à regarder les autres mais elle observe tout de même cet homme que l'on dépeignait comme cruel et fou, comme un tyran et qui pourtant, lui apparaissait comme tant d'autres hommes. Puissant certes, il dégageait une aura et une personnalité extrême mais... Il n'avait rien d'abominable.
Elle eût la réponse à sa question quand il lui parla d'Aerea, quand il lui parla de l'échange. Il avait donc eu cette information. À ses propres questions, Rhaella continua de triturer ses doigts, rassemblant les semblants de voix qu'elle parvient à trouver pour lui répondre.

« I've been Rhaella my whole life. It is my name, now. »

Elle avait passé bien plus de temps dans sa vie à être Rhaella qu'Aerea. Et sans doute bien plus sereine. Car elle ne pouvait pas vraiment dire qu'elle ait été heureuse. Elle avait été en paix, au moins.

À vrai dire, l'aplomb qu'elle entend dans sa voix malgré la douceur trahissant sa véritable personnalité étonne Rhaella. Elle se surprend à réaliser qu'elle n'a pas peur. Maegor ne lui fait pas peur, pas vraiment.
Il ne fait rien non plus pour se montrer violent ou menaçant, au contraire, il avance même devant elle une assiette de gâteaux, l'incitant à manger et Rhaella s'approche. Elle s'installe finalement, s'assied sur l'un des fauteuils, face à son grand-oncle ou beau père, elle ne sait pas vraiment quel terme est le plus adéquat pour décrire l'homme, et lentement, saisit l'un des gâteaux.

Elle le contemple, en détache un bout mais ne le porte pas à sa bouche. Car au même moment, Maegor l'interroge sur la raison de sa présence ici. Les yeux d'opale de la jeune femme qu'elle est se relèvent, croisent ceux de Maegor et un instant, elle ressent le besoin de les baisser de nouveau. Elle résiste pourtant et la question lui échappe.

« Why ? »

Le gâteau toujours entre ses doigts, c'est avec ce dernier que Rhaella s'occupe à présent, tandis qu'elle rassemble son courage et demande des réponses au seul qui peut vraiment les lui donner. S'il lui plaît.

« History paints you as a mad and cruel man. They say many things. But I've learned many times that the truth is not always what history tells us. And I... I wondered many times... Why ? Why did you do what you did ? When you usurp my grandfather's throne ? When you killed my father ? When you married my mother and... Kept me in the Red Keep but sent my sister away... I... »

Cette fois, elle ne résiste pas à l'envie de baisser les yeux. En une respiration, Rhaella tente de calmer l'espèce de panique qui l'envahit. Elle en tremble, mais elle a trop besoin de ces réponses, elle les souhaite trop. Elle est allée trop loin à présent pour battre en retraite maintenant. Peut-être est-ce pour cela que pour un instant, elle puise dans la sauvagerie qu'elle connaît à sa jumelle.

« You are not forced to answer me but... This is why I am here. And... Well... You said you wanted to grant me anything, didn't you ? »

 — "Avec le temps
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage
Et l'on oublie la voix

...et l'on se sent glacé
Dans un lit de hasard et l'on se sent tout seul
Peut-être, mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues
Alors vraiment, avec le temps
On n'aime plus"



Cela pouvait paraître étrange, peut-être même insensé et c'était bien pour cela qu'elle n'avait pas dit à Aerea ce qu'elle comptait faire lorsqu'elle avait innocemment proposé qu'elles voyagent à travers le Val. Plus insensé encore, elle n'avait pas peur. Pas vraiment, en tout cas.
Il y avait de l'inquiétude, peut-être un peu d'angoisse et d'appréhension en elle mais pas de peur, face à cet homme dépeint comme un véritable monstre par tous les livres d'histoire possibles, par le meurtrier de son père même.
Rhaella avait besoin de réponses. Toute sa vie, elle l'avait vécu dans la sûreté et le cocon que la Foi lui avait procuré, elle avait choisi de ne pas s'intéresser à la politique, au monde extérieur et aux affaires de la Couronne et des Targaryen en particulier ; sa vie de recluse, elle l'avait choisi et apprécié sans aucun doute.
Ici, aujourd'hui, les choses étaient différentes. Elle avait une sœur, et une mère aussi malgré un passé si compliqué. Et elle avait besoin de réponses à des questions qu'elle s'était longtemps posé et qui avaient pendant longtemps étaient mises sous clé. Cet homme, qui lui faisait face à cet instant, était le seul à pouvoir lui apporter quelque éclaircissement que ce soit.

« Good enough to keep me alive and well for a long time. »

Le monde n'avait rien eu à offrir pour elle. Rhaella se demandait même parfois si sa vie n'avait pas été dédiée à n'être qu'une terrible succession de malheurs. Les Dieux pouvaient se montrer bien cruels, après tout.
Au fond, elle songeait que cela avait du soulager tout le monde, qu'elle choisisse de rester cloîtrée dans le Bief. Peut-être la mort d'Aerea avait-elle été un soulagement aussi pour Alysanne et Jaehaerys. Car au fond, elles avaient été les filles de leur frère aîné... Et un souvenir d'un temps bien trop dur. En tant que princesse, Rhaella n'était pas certaine que la vie aurait été aussi facile pour elle, on l'aurait forcément marié à un moment donné et elle n'était point trop idiote, elle avait conscience qu'avec les fragilités qui lui étaient prêtées, elle n'aurait eu que trop peu de chances de s'en sortir vivante.

Et parce qu'elle n'était pas idiote non plus, elle savait bien que les réponses qu'elle venait chercher ici aujourd'hui ne lui seraient point forcément agréables. Elle savait parfaitement à quoi elle s'exposait. Mais elle avait besoin de l'entendre, et de la bouche du principal concerné.
Alors malgré ce qui semble être une mise en garde de Maegor, elle ne détourne pas les yeux et reste parfaitement immobile à sa place, le fixant en silence non sans ignorer une pointe de satisfaction à s'entendre dire qu'elle était intelligente. C'était un mot rarement utilisé pour la définir.
Quoi qu'il en soit, elle reste de marbre, du moins, elle n'affiche pas d'autres expressions que cette angoisse palpable en elle. Et Maegor finit par lui répondre, par combler les attentes qui emplissent son esprit, son cœur, sa vie.
L'attitude de l'ancien roi pourrait en choquer plus d'un, Rhaella ne peut d'ailleurs prétendre qu'elle n'en est pas au moins outrée mais elle n'en est pas surprise quoi qu'il en soit.

Elle devrait sans doute être en colère, triste peut-être ou outrée des mots qui sortent de la bouche de cet homme, des insultes proférées à l'intention ou même de sa mère et pourtant... Rhaella s'est maintes fois demandé pourquoi leur père avait préféré aller affronter Maegor sur un dragon bien trop jeune, sans même avoir mis son épouse et leurs enfants en sécurité.
N'a-t-elle pas elle-même vu plus d'une fois comme la gentillesse pouvait couter cher ? En définitive, Maegor ne faisait que dire la vérité : cela avait été pure folie. Il n'avait fait que reprendre les rennes d'un royaume dévoré par le conflit, réparer les erreurs de son grand-père.
À le voir ainsi, à l'entendre parler, à l'observer attentivement lui parler de son frère et de ses parents, et de ses actes, Rhaella pouvait être certaine d'une chose : Maegor était sincère.

« Every good man have their flaws, still. »

Elle se contente de répondre après cette longue tirade, après son commentaire sur Jaehaerys. Rhaella avait vécu assez longtemps pour survivre de près à son oncle et elle avait assisté de loin à la fin de son règne. Si elle appréciait son oncle et pouvait sans l'ombre d'un doute s'accorder sur le bon que son règne avait apporté, elle avait aussi vu que cela n'était pas toujours suffisant.

Ses doigts tremblent, comme elle les triturent et baisse finalement les yeux pour les observer. Elle ne l'avait pas remarqué plus tôt. Elle a ses réponses. Mais Rhaella n'est pas complètement certaine de ce que cela lui a apporté. Elle n'est pas vraiment certaine de ce à quoi elle s'attendait à dire vrai.

« I understand all of this. And it is not so hard to swallow... All of this, it belongs to the past and... To be true, my father is a man I know nothing of, not even one I would recognize the face of if he were to cross my path... »

Ses ongles s'acharnent tant sur l'un de ses doigts qu'elle finit par l'écorcher tandis que ses yeux se relèvent et font face une fois de plus à Maegor.

« But you are wrong on one thing. I would have been a poor queen. Aerea would have been a better choice. »

Non pas que ça ait une quelconque importance mais Rhaella se sentit obligée de le spécifier. Non sans amertume, elle songea que sa sœur et elle n'étaient pas si différentes de Maegor et Aenys... Une enfant trop douce et craintive contre une autre sauvage et téméraire... Mais dans son cœur, Rhaella savait cependant qu'elle aurait aimé sa sœur toute sa vie précédente si cela le leur avait été permis.
Cette fois, cela le serait. Cette fois, elle pourrait profiter d'une vie entière avec sa jumelle.
Cette pensée la fit inspirer et son attention de nouveau sur son grand-oncle, Rhaella reprend de sa voix douce.

« Thank you... For your answers. »