Will we meet again ?
I'm headed home
I told you so
I told you so, so why are we not moving no more?
Winterfell ne lui avait jamais semblé une terre inconnue. Même plusieurs siècles après sa mort, elle retrouvait en ces lieux la même empreinte aussi réconfortante que familière comme si le temps ne s’était jamais écoulé, comme si rien n’avait changé. Et pour cause, les Stark étaient l’une des rares grandes dynasties dont la lignée ne s’était pas éteinte au gré des guerres et des épidémies, bien que cela ait failli arriver. Mais l’actuel roi du Nord, Benjen, avait le sang de la même couleur que celui de Sansa. Il était son lointain descendant, celui de Rodrik de la noble maison Forestier, celui de leur dernier enfant Theon Stark. Le simple fait de savoir que son héritage continuait d’exister et d’être transmis de génération en génération était un réconfort et une victoire pour la première Reine du Nord.
Cependant, l’adaptation avait été quelque peu difficile. Dépossédée de sa famille, sans savoir comment ni pourquoi elle avait été ramenée d’entre les morts et seule avec sa tante Lyanna, Sansa avait traversé des moments bien sombres ; lorsque les membres de sa famille étaient revenus les uns après les autres, au lieu de s’apaiser, le mal s’était davantage accentué — elle s’était accrochée avec l’énergie du désespoir à Arya, à Gendry, même à Lyanna et Talia, par peur d’être abandonnée, d’être laissée seule si les uns décidaient de partir pour Accalmie et les autres pour Peyredragon. Ses craintes avaient été calmées avec le temps. Ne restait plus qu’à profiter du miracle que représentait cette seconde vie qui leur avait été offerte, cette nouvelle chance d’espérer toucher le bonheur du bout des doigts et de régler les problèmes qui n’ont pas pu l’être dans une existence précédente.
Sansa savait pertinemment que c’était un Fidèle de Trios qui avait sacrifié sa vie pour elle. La rousse savait aussi que l’hystérie collective qui avait amené aux suicides de ces gens était lié à des raisons mystiques, des croyances mêlées à une sorcellerie aussi dangereuse qu’incertaine. Et pourtant, c’était vers les Anciens Dieux qu’elle continuait inlassablement de se tourner pour les remercier que son cœur batte à nouveau dans sa poitrine, pour sa jeunesse retrouvée, pour avoir retrouvé sa famille presque au grand complet. Pendant longtemps, elle n’avait pas prié. Mais aujourd’hui, cette pratique était redevenue une habitude.
Quelqu’un marchait près d’elle. Les yeux fermés, les mains croisées dans une attitude de piété, elle ne prêta pas attention au pas lourd dans la neige. Peut-être était-ce quelqu’un qui souhaitait se recueillir au pied de l’arbre, tout comme elle. Même sans savoir de qui elle s’agissait, elle ne semblait pas se méfier comme si elle savait d’instinct que c’était quelqu’un qui lui voulait du bien, peut-être un membre de sa famille.
Et puis elle entendit cette voix. Cette phrase lâchée dans un soupir ferme mais doux qu’elle reconnut à la première note, qu’elle ne s’attendait pas à entendre de nouveau un jour.
« Rodrik ? »
Ses yeux se rouvrirent, sa tête se tourna vers lui, elle se redressa d’un bond et observa le nouveau venu de la tête aux pieds, sans trop y croire. Etait-ce une apparition réelle, était-il vraiment de retour où son esprit lui jouait-il un méchant tour après toutes ces heures passées accroupie dans la neige ? L’impression de revoir un fantôme était toujours présente lorsque quelqu’un du passé revenait, surtout à un âge jeune. Bien que de son point de vue, Rodrik n’avait jamais été à proprement dit jeune.
Il n’avait pas l’air surpris, ni même perdu. En fait, il avait même l’air un peu trop tranquille et nonchalant, ce qui rendait Sansa assez suspicieuse. Puis elle remarqua ce qui aurait dû lui sauter aux yeux depuis le début.
« Mais enfin, c’est quoi cet accoutrement ? »
Il semblait qu’il portait un attirail pour aller chasser de l’ours. Un attirail qui n’était pas tout neuf. Son esprit tournant à plein régime, elle commençait à envisager l’inenvisageable : qu’il soit là depuis bien plus longtemps que ce qu’elle pensait, qu’il ait passé du temps dans la forêt ou dans un endroit où la garde de Winterfell ou les chasseurs ne pouvaient pas le trouver. Quelque chose que Sansa, si proche de sa famille, si terrifiée à l’idée de se retrouver seule, ne pouvait tout simplement pas comprendre ou même concevoir.
« …Tu restes, n’est-ce pas ? Une guerre se prépare, dehors. Bientôt, ce sera dangereux de rester seul. »
Le loup doit toujours inciter son congénère solitaire à rejoindre la meute. Il doit toujours essayer. Même si c’est peine perdue.
by CrimsonTulip