❝ j'ai volé le lit de la mer ❞ ft. Maegon Velaryon

Carène était chez elle, sa maison, celle où elle avait grandi et où elle conservait précieusement chaque souvenir avec ses parents et pourtant, Carène était aussi sa prison dorée dont elle ne pouvait s'évader alors qu'elle en rêvait, elle rêvait de la mer et des vagues, d'un navire assez robuste et rapide pour la ramener à l'autre bout du monde, un assez puissant pour affronter les tempêtes et assez fort pour la retenir et ne plus jamais la laisser quitter son bord. Cependant aucun bateau ne semblait assez puissant pour l'arracher à son devoir et à Carène. Rien ne lui manquait plus que le High Tides et la vie qu'elle avait mené à bord. Maegon lui manquait. Mais elle ne disait rien, elle souriait, elle était heureuse, elle éloignait d'elle la moindre plainte car elle n'avait pas le droit de se plaindre quand elle avait vécu libre plus longtemps que de nombreuses dames en ce monde. Elle n'était pas née pour être libre, elle n'était pas une seconde fille, elle n'avait aucun frère qui aurait pu reprendre Lamarck à sa place. Cela reposait sur ses épaules seules.
Le repas servit, le Cœur de l'Océan se servit et se mit à manger. Elle se souvenait de la vie en mer, de la nécessité de rationner la nourriture et elle ne pouvait qu'imaginer combien son séduisant cousin devait apprécier ces plats et son vin. Elle en avait pris l'habitude désormais, elle mangeait à sa faim chaque jour et si à son retour, cela avait été plaisante, maintenant ça en devenait lassant. Elle vivait une vie sans inquiétude réelle, une vie sans danger et bien calme, sa routine lui semblait bien morne et la vie sur terre bien trop douce. Contrairement à la généreuse part que prit Maegon, Daelina se servit moins, elle avait trop profité de ces mets et elle interrogea alors le Velaryon sur la reine Visenya mais il lui apprit bientôt que lui non plus ne l'avait jamais vu.

« — I will. When we'll visit one another. »

Elle écrivait plus souvent à Addam qu'elle ne le voyait et si elle avait vécu quelques années avec Maegon, elle était bien moins proche de son autre cousin. Car durant des années, c'était son père ou sa mère qui avait traité avec lui, jamais elle. En âge, elle était plus proche de Daemion et c'était avec lui qu'elle s'entendait le mieux. Après son ancien amant et capitaine bien entendu. Cela lui manquait terriblement de ne plus être sa seconde, de ne plus partager ses nuits également. Sa présence lui avait tellement manqué, juste de le savoir dans la pièce illuminait son humeur et la rendait aussi joyeuse que nostalgique.
Elle mangeait, la lady de Lamarck, pendant qu'elle l'écoutait donner son opinion sur la reine Targaryenne de l'île voisine et lui rappelait qu'elle restait sans enfant. Une grimace passa sur son visage alors qu'elle avalait son poisson et qu'elle vint prendre une grande gorgée de vin pour la masquer. Bien sûr qu'elle avait peur, bien sûr qu'elle était inquiète mais elle n'avait aucun pouvoir décisionnel. Elle suivait son roi et si son roi choisissait de ployer le genou devant une autre, alors Daelina suivait l'avis d'Addam.

« — I... I guess I should be scared. But I have no power over what's happening. If war is to come, Driftmark will be drag in it. I trust your brother to take the right decisions for all of us. »

Elle avait peur. Mais pourquoi le dire ? Pourquoi le montrer ? Elle ne pourrait rien changer à ce qui venait et de part la position de l'île et la puissance de leur flotte, ils seraient les premiers touchés par une guerre s'ils devaient y en avoir une. Cependant, seuls les dragons pouvaient faire brûler le bois de leurs bateaux d'un seul cri, sans qu'ils n'aient le temps de le voir venir. Alors il était préférable de naviguer avec eux plutôt que contre eux.

« — I still got time to have an heir. I'm not worried. »

Un sourire prit place sur ses lèvres alors qu'elle mentait. C'était une inquiétude quotidienne et constante. Une nuit, une seule nuit, avait suffit à cette fille pour tomber enceinte de Torgen tandis qu'elle n'y parvenait pas malgré l'année qui s'était écoulée. Elle s'inquiétait mais elle avait déjà parlé à son mestre et à part suivre ses conseils et prendre les quelques potions qu'il lui conseillait, elle ne pouvait rien faire de plus. Mais cela ne semblait pas suffire, elle le savait bien. Personne ne savait mieux qu'elle à quel point son ventre était vide de tout enfant.

« — We're working on it. And if anything happens to me before I give birth to any child, Daenera will take after me. Or maybe you. »

Elle pencha un peu la tête, un air amusé sur son visage alors qu'elle se moquait car elle savait bien qu'il détesterait l'idée. Il s'ennuierait autant qu'elle ici. Il n'était pas fait pour vivre sur la terre, pas plus qu'elle ne l'était. Elle prit une bouchée de son poisson puis tandis sa fourchette vers lui pour le pointer en riant un peu.

« — You'd hate to be lord of Driftmark. And Captain Maegon sounds far better than Lord Maegon. »

Si on le lui demandait, Daelina ne dirait pas qu'elle était malheureuse et que la vie qu'elle menait était affreuse, elle n'était seulement pas à son goût. Elle ne manquait de rien, elle trouvait quelques plaisirs à cette vie mais souvent, elle regrettait la mer, elle fixait l'horizon avec mélancolie. Elle pouvait faire le tour de l'île, cela ne valait pas de découvrir le monde, cela ne valait pas la haute mer. Les longues semaines sans voir un seul bout de terre avec uniquement la mer et le ciel autour d'eux, du bleu à perte de vue, jusqu'à en donner le vertige. Elle adorait cette sensation, elle adorait l'euphorie de découvrir une nouvelle terre et elle aimait sentir son corps aux aguets, prompte à réagir lorsque la tempête menaçait mais à Carène, la seule tempête qui menaçait été politique, les seuls nuages dans le ciel étaient ceux qui annonçaient l'arrivée d'une guerre.
Quand Maegon lui parlait d'héritier, Daelina restait calme. Il lui avait fallu apprendre à maitriser ces réactions alors que deux ans plus tôt, elle lui aurait probablement jeté au visage le moindre objet qu'elle avait sous la main. Ou un bout de nourriture. Ce temps-là lui manquait, celui où ses cheveux n'étaient pas proprement coiffé, ni propre, celui où ses robes étaient des pantalons et ses corsets des chemises. Ses souliers étaient alors des boites, parfois pleine d'eau et cela l'amusait. En ce temps, ses cheveux et sa peau avaient le goût du sel et aujourd'hui, elle était certaine que tout cela s'était évaporé pour qu'elle n'ait plus que l'odeur florale de son parfum et sur sa peau, un goût fade, sans saveur, celui du savon neutre qui nettoyait son corps régulièrement.

« — How rude of you. Your brother would need someone to watch over Driftmark if it wasn't me. »

Elle se moquait, il semblait détester l'idée et elle le faisait aussi. Si elle n'avait pas d'héritier, si quelque chose venait à lui arriver, qu'adviendrait-il de Lamarck ? Cela était difficile à dire et c'était pour cette raison qu'il devenait urgent, pressant même, qu'elle donne naissance à un héritier. Malgré les efforts, elle restait vide de toute progéniture en son sein.
À ces mots, elle secoua légèrement la tête, souriante et riant même silencieusement. Ses yeux glissaient sur lui, le voyait installé sur cette chaise comme s'il était chez lui et au fond, il l'était un peu, il était le bienvenu aussi entre ces lieux. Seulement, c'était une vision délicieuse à laquelle elle pourrait s'habituer, le voir à nouveau si détendu auprès d'elle comme s'ils ne s'étaient jamais quitté.

« — Neither am I. »

Pourtant, ne serait-elle pas inévitable si Port-Réal résistait à la reine Targaryenne ? Elle redoutait cela, elle redoutait la résistance des vivants face à la dragonnière mais elle n'avait aucun pouvoir sur ce fait, elle ne pouvait rien faire ni agir sans l'aval de son cousin Addam alors elle tâchait de ne pas trop s'inquiéter, de faire son devoir en attendant que les choses changent, qu'on l'appelle ou l'envoie à la guerre.

« — Talk for yourself. »

Elle se replongea dans son assiette, elle ne pourrait pas partir même si elle le souhaitait car on comptait sur elle. Elle avait toujours su que cette vie serait la sienne mais elle n'imaginait pas, lorsqu'elle avait choisi de prendre la mer, qu'elle se trouverait à s'ennuyer sur terre. Le chant des sirènes l'appelaient, chaque jour, à chaque instant et elle songeait souvent à combien elle était seule entre ces murs alors que sa famille se trouvait majoritairement à Port-Réal et que Maegon voguait sur les mers, là où elle devrait être aussi.
La Velaryon tendit la main vers la corbeille de fruits alors qu'elle terminerait son assiette et en tira une orange. Elle se mit à l'éplucher en reprenant la parole.

« — One of us has a real duty to perform here. »

Elle ne le disait pas avec amertume, loin de là. Elle l'observa du coin de l'œil, un fin sourire sur les lèvres alors qu'elle détachait le premier quartier de son orange. Mais au lieu de la manger, elle le jeta sur le capitaine du High Tides avec un air amusé.

« — Not everyone is like you. »

Elle défit un second quartier et le jeta dans la même direction.

« — Not everyone is free to sail the seas or act like they own the world. »

Elle arracha un autre quartier mais cette fois-ci, elle vint directement le mettre dans sa bouche pour le croquer et laisse le jus du fruit venir envahir ses papilles, caresser sa langue pour laisser son goût à la fois amer et sucré.

Daelina avait aimé chaque instant qu'elle avait passé sur le High Tides et cela lui manquait, elle y pensait souvent, se perdait régulièrement dans ses souvenirs et elle aurait voulu y retourner, reprendre la mer qui l'appelait et ne plus jamais revoir la terre. Seulement, il lui avait fallu changer ou prétendre qu'elle l'avait fait pour survivre en ce monde, sur la terre, sur la petite île qui appartenait à leur famille depuis plus d'un millénaire. Alors elle s'était faite plus calme, plus docile et elle était prête à reprocher la dureté de son cousin à ce dernier. Elle se mit cependant à rire en entendant sa réponse, roulant légèrement des yeux. There was time your hands were soft on my skin. Mais elle ne dit rien. Elle ne dit rien car elle redoutait les mots qu'il avait prononcé, elle redoutait qu'il s'en aille et ne revienne jamais.
Ce qui était plus douloureux encore, elle le savait, venait du fait qu'il détestait la vie qu'elle menait. Il ne la lui enviait pas un seul instant et il ne partageait pas sa peine, elle était enchainée à la terre, coincée ici et il était encore libre, pas un instant il n'enviait sa vie pendant qu'il voguait à travers les Sept Couronnes, à travers Essos, pendant qu'il s'invitait dans d'autres lits et qu'elle restait là, seule et morose. Elle était comme un coquillage vide, laissée à l'abandon sous le soleil chaud d'un été de plusieurs longues années.

Ils mangeaient, ils buvaient, ils discutaient mais sans véritablement aborder un sujet qui pourrait les blesser, ou la blesser elle. La Velaryon plaisantait seulement, devenait insolente avec lui avant de lui lancer quelques quartiers d'orange en riant mais aussi en faisant quelques reproches à peine masqué. Cela ne suffisait pas pour lui perdre son sourire, son rire aussi agaçant qu'elle ne l'aimait. Elle l'observait en mangeant son orange, elle l'écoutait aussi et si elle voulait bien croire qu'il restait pour son frère, elle ne pensait pas qu'il restait pour elle. Il était parti, il n'était pas venu la voir une seule fois depuis son mariage et Daelina haussa un sourcil quand il suggéra qu'il pourrait se sentir mal de l'abandonner. Qui la protégerait ?

« — My husband. »

Sa réponse était évidente et faite précisément pour lui rappeler qu'elle n'avait plus besoin de lui, qu'il était parti. Celle qu'on surnommait le Cœur de l'Océan repoussa sa chaise et se leva, jouant avec son orange entre ses doigts tandis qu'elle le regardait. Elle fit quelques pas vers Maegon, enfonçant un nouveau quartier d'orange dans sa bouche.

« — I've been alone for a year. I'm doing fine here. »

Elle répondit en relevant les yeux vers lui, l'air confiant autant que provoquant sur son visage. Elle vint jusqu'à lui, un dernier quartier d'orange entre ses doigts et quand elle fut à sa hauteur, le dominant parce qu'elle se tenait debout, elle présenta le fruit devant ses lèvres.

« — Open. »

Daelina ordonna, pressant le quartier entre les lèvres de son cousin pour qu'il le déguste et elle retira son doigts avant qu'il ne tente de la mordre. Ses mains désormais libres, elle se saisit des pans de sa robe pour les relever jusqu'au milieu de ses cuisses pour venir s'installer sur celle de Maegon.

« — Did you feel bad for abandoning me for a year, mmh? »

Un sourire restait sur ses lèvres, effronté et suffisant pour masquer qu'elle avait sincèrement été blessée par son absence. Ses cuisses se pressèrent autour des siennes pour insister sur sa présence sur lui, son menton se relevant légèrement avec fierté et insolence.

« — I don't need you, Maegon. Don't you think I'm doing good on my own here? »

Son regard violet sur lui se faisait taquin mais ses mots étaient uniquement fait pour le tourmenter alors qu'elle tendait son bras vers la coupe de vin de son cousin qu'elle vient porter d'elle-même à sa bouche pour boire dedans sans la moindre gêne, comme elle l'aurait fait en son temps sur son navire, quand elle était sa seconde et qu'elle était plus heureuse qu'elle ne l'était aujourd'hui.