❝ sing me a song ❞ ft. Visenya Targaryen

La Perle de l'Ouest avait-on nommé la jeune Jocasta Lannister. On avait dit d'elle qu'elle était une enfant délicieuse et ensuite, une belle femme. Son faciès doux et rond laissait croire qu'elle était une petite chose douce et fragile, l'élégant sourire qui décorait ses lèvres et sa grâce poussaient ceux qui l'écoutait à boire ses paroles, ses mots étaient un délicieux et délicat poison. Trophée au bras de son époux, Donnel de la Maison Hightower, elle avait pourtant joué une grande part dans ses choix désastreux. Il aurait dû ruiner le Bief et elle serait venue, avec l'or et les ressources des Lions du Roc, comme une sauveuse. Elle aurait été vue, appréciée et où l'aurait enfin remarqué pour ce qu'elle était véritablement. Mais le contrôle qu'elle avait longtemps exercé sur son époux s'était envolé quand il avait rappelé sa mère à Villevieille. Même là, il avait pris toutes les mauvaises décisions et il était mort. Une maladie foudroyante, disait-on. Un poison efficace, pensait-elle. Elle aurait parlé, elle n'aurait pas laissé ce crime impuni, si on ne l'avait pas fait taire par la mort.
Cette nouvelle vie, elle ne la passerait pas dans le silence. Dès son réveil, sa première destination avait été Castral Roc. J'étais captive, je me suis enfuie... Non, j'ignore qui ils étaient ou ce qu'il voulait... Je ne sais pas... Elle disait cela en pleurant, elle laissait croire qu'elle n'était jamais morte et que la place de suzeraine de Terres de l'Ouest était la sienne. Son oncle Tyrion ne semblait pas s'opposer à sa prise de position mais il la retardait. Pour son bien, pour le bien de l'Ouest, pour la protéger. Après tout, elle avait été captive et nul ne savait pourquoi. Elle pourrait le lui dire, elle pourrait avouer la vérité mais elle se devait d'être prudente. C'était à Trystan seul qu'elle devait le dire et partager le fardeau de la vérité sur la mort de Donnel. En attendant, dans l'Ouest, elle était devenue une étrangère. Elle était devenue suzeraine à l'âge de quatre ans mais Tyrion avait été son régent. À quatorze ans, on l'avait envoyé à Villevieille pour se marier et elle y était restée jusqu'à sa majorité. Durant les deux années où elle avait pris sa place comme suzeraine, Tyrion était toujours resté près d'elle pour la guider et la conseiller et quand Axell Hightower était mort et qu'il avait fallu que Donnel devienne suzerain, elle était partie aussi, elle avait laissé une nouvelle fois ses terres entre les mains de son oncle. Elle se tenait au courant mais elle connaissait finalement si peu les seigneurs qu'elle devait diriger. Elle n'avait rien vu mais il lui avait pris son pouvoir, il lui avait pris sa place pour diriger à sa place. Il pouvait lui dire autant de fois qu'elle devait être patiente, Jocasta croyait simplement qu'il la ferait miroiter une place qu'il ne lui rendrait jamais.

C'était Trystan Hightower qui lui avait parlé de la reine Visenya, de son intention de reprendre les Sept Couronnes et de son besoin de soutien. C'était la raison qui, en ce jour, la menait à Peyredragon. Jamais elle n'avait mis les pieds sur cette île, on disait le château hanté et chaque famille qui y avait élu domicile avait péri de manière cruelle et terrible. On disait que les fantômes des dragons parcourait encore la forteresse. Aujourd'hui, ces fantômes étaient revenus en chaire et en os. Tout comme elle. Et à leur reine, elle avait sollicité une audience.
Resserrant sa cape sur ses épaules pour affronter le vent qui soufflait, elle gravit le pont, parvint face à l'immense porte de Peyredragon et s'arrêta pour observer les statues de dragons qui était sculptées dans la pierre sombre. Tout semblait sombre ici, elle le constata davantage lorsqu'elle pénétra dans le château. La pierre noire semblait suinter et absorber toute la lumière, c'était un phénomène remarquable.

Sa main se posa contre la lourde porte de bois, elle poussa cette dernière pour découvrir la salle du trône de Peyredragon et au bout de la pièce, une femme à la chevelure d'argent y trônait fièrement. Elle s'avança dans le silence jusqu'au pied des marches. Durant son avancée, elle observait cette reine du passé dont elle connaissait l'histoire comme une légende, un conte pour enfant. Combien d'enfants jouaient à être le Conquérant et leurs sœurs se disputaient d'être Rhaenys ou Visenya ? Elle ne saurait le dire car durant son enfance, elle avait eu peu de compagnon de jeux. L'épidémie qui avait dévasté les Terres de l'Ouest l'avait isolée pour la protéger, pour la garder en vie.
Saisissant les pans de sa robe d'un rouge vif, bordée d'un lion d'or, elle s'inclina face à la souveraine.

« — Your Grace, I am Jocasta of House Lannister. I'm glad you grant me this audience. »

Un sourire bienveillant se dessinait sur son visage de poupon mais dans son cœur, une lionne ambitieuse rugissait de formuler sa demande, de lui offrir l'Ouest si elle lui offrait le titre qu'elle réclamait.

« — Lord Trystan Hightower send me to you. He thought you might be willing to negotiate an alliance that may benefit both our houses. »

La reine Visenya n’était pas comme elle. Il se dégageait d’elle une autorité naturelle, lorsqu’elle parlait, on l’écoutait. Jocasta avait appris à murmurer plutôt, chuchoter quelques mots aux bonnes oreilles pour arriver à ses fins sans hausser le ton. Car dès qu’elle parlait, sa voix était étouffée par une autre, celle de son défunt époux, celle de son oncle, quelques fois celle de sa belle-mère. Alors elle avait appris à verser des paroles comme un fin poison, bien dosé, chaque jour un peu plus, jusqu’à ce qu’il tue. Ou jusqu’à ce qu’elle apporte un remède miracle. C’était ce qu’elle avait désiré faire avec le Bief, les sauver lorsque Donnel aurait eu fini de les appauvrir. Mais ils étaient morts avant cela.
Autrefois, les livres avaient été ses compagnons car l’épidémie faisait rage dans ses terres et on l’avait isolé pour qu’elle ne tomba pas malade. Elle avait eu une enfance solitaire mais avait lu ne nombreux ouvrages à un très jeune âge. Elle en avait lu sur Visenya Targaryen mais aucun ne disait comme son attitude était menaçante. La Perle de l’Ouest continuait de sourire malgré cela, elle gardait cet air délicat sur son faciès enfantin car à l’image d’une perle, elle était lisse. Toujours parfaite, sans qu’on ne lui trouva de défaut évident car elle les masquait derrière cette apparente perfection. Aussi lisse que la perle. Une enfant délicieuse, disait-on alors qu’elle avait cinq et vingt années mais jamais on ne l’appelait une femme.

« — Oh, I know what I want. As women, I believe we should support each other. »

La lionne leur montrerait à tous qu’elle n’était pas juste une enfant, elle était bien plus que cela. Un jour, ils entendraient son rugissement et nul ne pourrait plus jamais croire que Jocasta Lannister était une enfant.

« — We want the same thing, your Grace, we want what is rightfully ours. My uncle, Lord Tyrion Lannister, third of his name, has taken care of the Westerlands when I was believe to be dead. I am grateful for everything he did for me but he refuses to step down now. »

Elle était ambitieuse, la Lannister, et elle refusait d’être une autre femme usurpée par un homme dans ce monde. Elle savait que son oncle n’était pas un homme méchant, il n’avait pas mauvais fond mais elle ne pouvait lui faire entendre raison. S’il ne lui rendait pas son pouvoir aujourd’hui, comment pourrait-il justifier de le faire dans quelques lunes ou quelques années ? Comment les seigneurs de l’Ouest, qui le connaissaient bien plus qu’ils ne la connaissaient elle, pourraient l’accepter comme suzeraine ?
Tyrion avait été son régent et en vingt-et-une année qu’elle était suzeraine, elle n’en avait passé que deux à réellement jouer son rôle. Elle refusait de voir cela durer davantage, elle refusait que sa voix soit étouffée plus longtemps.

« — House Lannister has powerful allies in Essos and many ressources. The Westerlands will be yours as soon as I’ll have my lands back. »

La loyauté de la Maison Lannister allait aux reines-jumelles Fléaufort mais Jocasta les connaissait si peu, si ce n’était pas du tout. Elle n’était pas une traître et sa loyauté n’était pas aisément changeante mais c’était avant tout à l’Ouest qu’elle était loyale et qu’est-ce qui était le mieux pour l’Ouest ? Huit souverains à Port-Réal sans réel pouvoir ou une seule reine qui les unirait tous ? La question était vite répondue. Et elle trouverait peut-être auprès de Visenya Targaryen, l’aide dont elle avait désespérément besoin.

Jocasta avait lu dans son enfance, elle avait tellement lu qu’elle connaissait mieux le passé que beaucoup des hommes qui l’e tournaient mais jamais elle ne le montrait. Ces connaissances étaient un atout qu’elle gardait pour elle-même, qu’elle gardait secret et malgré tout, elle avait encore quelques lacunes. Car si elle savait qui était Visenya Targaryen qui avait participé à la formation du royaume tel qu’il était aujourd’hui, elle ignorait bien peu sur les femmes qui avaient suivi comme reines, celles dont on dirait peu de choses. Elle savait que la Bonne Reine Alysanne avait marqué l’histoire, elle avait apporté beaucoup au royaume et elle avait lu à son propos mais qui étaient celles qui avaient précédé ? Celles dont on parlait peu ? Elle savait par exemple que Visenya Targaryen avait eu Maegor Le Cruel pour seul enfant mais elle ignorait qui avaient été ses épouses. Elle se souvenait qu’il en avait eu six, qu’elles avaient connu un destin tragique, que l’une d’elle était une Targaryenne et qu’une autre était étrangère, lysienne ou volantaine peut-être mais pour les autres, elle n’en savait strictement rien. Il en était de même pour les reines qui avaient précédé ou suivi et avaient été effacées par le règne de leur époux. Elle se souvenait qu’après Jaehaerys, Viserys I avait régné mais elle était incapable de se souvenir du nom de ses épouses, seulement de ses enfants qui s’étaient déchirés : Aegon III et Rhaenyra. Où était-ce Aegon IV ? Elle avait toujours pensé que cela n’avait pas tant d’importance, elle connaissait l’histoire des deux derniers siècles sur le bout des doigts et le nom des souverains qui s’étaient succédés sur le Trône de Fer puis celui des Corneilles à Trois Yeux et enfin, de chaque roi où chaque reine des Sept Portes de Port-Réal mais connaître les souverains, leurs épouses et leurs enfants quand ils étaient morts depuis huit siècles ne lui avait jamais semblé pertinent.

« — Their ego prevent them from listening to us. »

Mais cela était plus aisé de se faire entendre lorsqu’on possédait un dragon aussi impressionnant que celui de la reine Targaryenne. Jocasta était aussi admirative que craintive de ces créatures imprévisibles et fantastiques. Elle aimait les observer voler au loin mais jamais elle ne désirait en approcher un.
D’un mouvement de la tête, la Perle du Roc remercia la souveraine valyrienne qui lui assurait être prête à l’aider mais bien entendu, elle entendait demander une contrepartie. Elle s’y attendait et la petite lionne savait ce qu’elle avait à offrir.

« — The Westerlands have the means to support your efforts and I will, Your Grace. Not only could I send gold but also men. Our army will be yours as long as you need it. »

Les Terres de l’Ouest avaient souffert d’une épidémie vingt ans auparavant mais désormais, ils étaient relativement en paix alors que leurs voisins du Bief et des Conflans avaient perdu et gaspillé leur argent dans des conflits. La jeune lionne pouvait se permettre d’affronter le coût financier d’une guerre qui, quoi qu’il advienne, viendrait à elle. Il lui fallait faire le meilleur choix pour l’Ouest et pour elle-même et celui-ci venait en s’associant à Visenya Targaryen. Cette dernière semblait prête à lui apporter son aide pour lui rendre justice, elle semblait prête à se soucier aussi de son peuple quand les reines jumelles Fléaufort étaient trop accaparée par les conflits internes de Port-Réal pour réellement se tourner vers le reste du royaume. Et elles n’en avaient pas les moyens. Jocasta avait épluché les livres de comptes de l’Ouest lorsqu’elle en était suzeraine, quelques années auparavant et elle avait vu tout ce qu’ils se devaient de verser aux Fléaufort pour les soutenir et lorsqu’elle reprendrait la place qui était la sienne, Jocasta avait bien l’intention de mettre fin à ce soutien financier pour l’accorder à une autre reine en qui elle croyait réellement.