what's the past when the future is near (ft. Rhaenyra)

JOUR 12, LUNE 4, ANNÉE 874

La naissance de sa jeune fille est encore récente pour la princesse Targaryen, son corps n'a pas encore repris toutes ses forces et parfois, elle se sent encore épuisée ou en proie à des humeurs mélancoliques. Malgré cela, elle reste fière et montre peu sa fatigue lorsqu'elle n'est pas dans l'intimité de sa chambre, lorsque le sommeil l'emporte à peine s'est-elle glissée entre les draps de soie et les bras protecteurs de son époux. Son état ne l'empêche pas de prendre soin de ses enfants, chacun de ceux qu'elle a retrouvé et auquel elle s'accroche pour oublier le vide dans son cœur et les blessures qui ne guériront jamais. En plus de ses enfants, elle passe du temps avec Daemon, depuis quelques jours avec ser Harrold et surtout, avec Alicent, son amie d'enfance devenue rivale puis redevenue... Non, pas une amie, le mot est trop fort mais une compagne, une présence parfois douce et quelque peu réconfortante.
C'est pour elle, pour la Hightower, qu'elle a convié la prêtresse rouge et guérisseuse. Pourquoi elle et pas une autre ? Après tout, la reine Zafira a ses propres guérisseurs qui peuvent aider si Rhaenyra en fait la demande mais ils n'usent pas de la magie, ils ne peuvent rien pour Alicent et ensuite, la fierté trop grande de la valyrienne pour qu'elle dépende entièrement de son hôte. Il y a certaines choses qu'elle désire garder pour elle. La venue de la dénommée Vellosha Iranyris n'est pas un secret mais elle fait partie des affaires privées que Rhaenyra entretient et qui ne concerne en rien la reine des lieux. Ce n'est pas pour sa propre faiblesse et sa fatigue suite à l'accouchement qu'elle l'a fait venir mais bien pour apporter son aide à Alicent. Cela ne suffira pas d'effacer les traces des sévices qu'elle s'est infligée mais au moins, si les cicatrices disparaissent, le souvenir pourra être moins constant, moins douloureux pour la jeune femme qui semble parfois trop loin pour que Rhaenyra puisse l'atteindre et la ramener à la réalité. Si Rhaenyra porte encore de profondes plaies dans son cœur comme souvenir du passé, c'est l'esprit d'Alicent qui semble porter ces blessures et peiner à s'en défaire.

La princesse berce son enfant, elle la tient contre elle quand on lui annonce l'arrivée de la guérisseuse. Le bébé entre ses bras s'est endormie depuis plusieurs minutes, ses yeux dépareillés clos et sa respiration lente et lourde et la mère se dirige vers sa chambre pour la déposer dans son lit, un petit lit pour nourrisson avant d'embrasser son front.

« — Sȳrī ēdrū, ñuha Visenya. »
(Sleep well, my Visenya.)

Les appartements sont vides aujourd'hui. Daemon est allé voler, il reviendra certainement dans quelques heures tandis que Luke, Jace, Aegon et Viserys sont absents depuis le matin même. Meereen est calme et la vie pour eux y est douce mais malheureusement, Rhaenyra s'inquiète. Elle ne doit pas, elle ne peut étouffer ses enfants et les enfermer pour l'éternité mais elle redoute de ne jamais les revoir comme ce fut déjà le cas par le passé.
Doucement, elle ferme la porte qui mène à la chambre de sa dernière enfant et regagne le salon pour y attendre Vellosha qu'elle s'apprête à rencontrer pour la première fois. Sera-t'elle à la hauteur des talents qu'on lui a prêté pour effacer les marques de sa folie sur le visage d'Alicent ? Alicent acceptera-t'elle que cette inconnue prenne soin de son visage ? Elle le doit. Elle doit guérir. Elles doivent toutes les deux guérir.

Rhaenyra de la maison Targaryen se tient debout, face à la fenêtre jusqu'à entendre les portes de bois s'ouvrir pour faire entrer la brune aux yeux pourpres, des yeux qui affirment ses origines valyriennes avec une certaine fierté, semble-t'il. A-t'elle des origines ghiscaris pour que son teint et ses cheveux soient si sombres ou est-ce d'autres métissages qui lui donnent cet aspect si particulier ?

« — Be welcome here. I'm glad that we meet. »

Un sourire prend place sur son visage, un sourire de façade plus qu'il n'ait sincère mais il est suffisant pour cette première rencontre, cette femme dont elle ignore tant de choses. Amie ou ennemie ? La Targaryenne inspire. Il n'y a pas d'ennemis, aucune raison à la jeune femme de se montrer hostile envers elle.

« — Indeed. I've heard you know some magic to help people heal and I may need your services to erase scars. »

Instinctivement, sa main se pose sur la cicatrice qui orne son bras, celle que les robes courtes et légères de Meereen ne cachent plus depuis un certain temps. Mais celle-ci, elle n'a aucun désir de l'effacer et l'oublier. Elle est le souvenir de la cruauté d'Alicent et de la manière dont elles se sont déchirées et de ce que celle qui fut sa plus précieuse amie est encore capable. Rhaenyra n'oublie pas, elle n'oublie rien et cette cicatrice est un rappel.

« — Is it something you can do for these kind of injuries? »

JOUR 12, LUNE 4, ANNÉE 874

Rhaenyra est droite et fière face à la prêtresse et cette dernière n'est pas en reste. Elle lit dans ces yeux violets la même fierté excessive et si elle ne sait pas si elle fait face à une potentielle alliée ou rivale, la princesse fait preuve à la fois de respect et de courtoisie. Parfois, elle veut se fermer au monde, elle veut traiter ceux qui ne sont pas les siens comme des ennemis pour se protéger, pour les protéger des souffrances passées car elle a fait confiance, elle a trop fait confiance et elle a été trahie jusqu'à ce qu'elle devienne méfiante envers tous et cette méfiance est encore là, elle parcourt son corps et lui dit de faire attention, de ne pas accorder sa confiance à cette femme dont elle ignore tout.

« — Scars are proof that we survived. »

Son pouce effleure son avant-bras. Elle a vécu de nombreuses années avec cette cicatrice mais jamais sa chaire n'a repris sa douceur d'antan. Elle reste différente à cet endroit, légèrement boursouflée et la sensation sous le doigt est différente, à la fois lisse mais trop lisse et pas assez tendre, comme une peau tendue et fragilisée.

« — But these ones, you'll see, are not the kind of proof anyone would want. »

Son pas en avant fait légèrement hocher la tête de la princesse, de haut en bas, un geste léger et humble alors qu'elle relâche son bras et le tend pour lui indiquer la porte par laquelle elle vient d'entrer.

« — Today. You came all the way here, I won't take more of your time. Follow me. »

Rhaenyra s'avance, ses longues tresses d'argent se balancent dans son dos au rythme de ses pas alors que sa robe d'un bleu azurin danse le long de ses jambes en suivant chaque mouvement de son corps. Elle ouvre la porte et mène Vellosha jusqu'aux appartements d'Alicent. Elle frappe quelques coups léger à la porte.

« — Alicent? It is me, Rhaenyra. I am with Vellosha Iranyris, she is a talented healer. I believe... I believe she can ease your torments. May we come in? »

Et elle attend derrière la porte que son amie d'enfance, car cela est le seul terme auquel Rhaenyra peut associer la Hightower, les laisse entrer. Elle souhaite sincèrement l'aider mais la Targaryenne ne se souvient que trop bien des nombreuses tentatives qu'elles ont faite pour s'aider et qui les ont éloigné un peu plus chaque fois, elle se souvient très bien des tentatives qu'elle a fait, des tentatives désespérées, pour apaiser quelques tensions entre elles mais chacune furent un échec. Un succession d'échec durant lesquels Alicent n'a fait que lui tourner un peu plus le dos jusqu'à ce que Rhaenyra, comme chaque fois, l'abandonne. Elle l'a abandonné après qu'elle ait épousé son père, elle l'abandonné après qu'elle-même ait épousé Laenor et elle l'a abandonné lorsqu'elle est partie à Peyredragon pour épouser Daemon quelques lunes après. Si elle osait ouvrir les yeux sur cette situation, elle verrait qu'au fond, son attitude avec Alicent ne fut pas toujours si différente de celle-là même qu'elle a reproché à Daemon qui l'a abandonné et laissé seule à Port-Réal durant dix longues années, ou son abandon encore et encore durant la guerre alors qu'elle le repoussait et qu'il s'empressait de partir. Ce jeu-là, elle y a joué avec Alicent également. Et d'une manière plus douce avec son propre père. Plus qu'elle ne veut l'admettre, elle n'a eu de cesse de repousser ceux qui la décevaient sans admettre que peut-être, si elle avait ouvert les yeux sur ses propres torts, elle aurait vu que les fautes étaient partagées. Pourtant, elle refuse de le faire. Avec Alicent, avec son père, à propos de la guerre, elle continue de croire qu'elle n'a agi que de manière juste pour elle-même, quand elle fut piégée dans une situation qui ne lui convenait pas. Aujourd'hui encore, elle agit de la même manière, elle ne change pas et lutte simplement contre ses propres démons intérieurs pour ne pas leur céder à nouveau.
Cependant, à cet instant, sa volonté d'aider Alicent, de la garder près d'elle, de ne pas l'abandonner à nouveau, est sincère.