Dragons never truly die | Rhaella & Naerys
Invité
« — Vous allez bien, ma Reine ?
La voix de sa compagne de voyage trahit inquiétude, et peut-être même une certaine tendresse - et pourtant, ces mots ont-ils l'effet d'un coup de fouet sur la Targaryen. Reine... à ce seul titre, l'air semble quitter ses poumons, comme si la pression de sa vie antérieure semble d'un coup revenu péser sur ses épaules, et avec elle, ces souvenirs qu'elle a tant cherché à refouler depuis son retour.
— Oui, ne t'inquiètes pas pour moi, Jeyne.
Sans doute est-ce là un euphémisme, car avec chaque minute que les rapproche de la demeure ancestrale de sa famille, sa respiration semble devenir plus difficile. Elle craint ce retour auprès de sa famille. Craint les personnes qu'elle pourrait y croiser - ou ne pas croiser, justement.
— Et appelle-moi, Naerys, s'il te plait. Je ne suis plus Reine dans cette vie.
— Comme vous souhaitez, M'lady
Un simple constat de la Targaryen, et pourtant, ne peut-elle s'empêcher de se demander ce qu'elle est désormais. A en croire les recits qu'elle a entendu depuis son retour, sa famille s'est éteinte il y a bien des siècles déjà. Leur ancien pouvoir n'est plus qu'un lointain souvenir. Leur couronne pèse désormais sur une autre tête - ou plutôt, plusieurs, car sans l'ancienne puissance des Targaryen pour les rassembler, les Sept Couronnes semblent de nouveau avoir éclatées en territoire distincts, les egos des autoproclamés Roi trop grands pour se ranger derrière un seul d'entre eux. 'Sur ce point au moins, les jeux de la Cour ne semblent pas avoir changés - excepté qu'il y a quatre Cour pour jouer, désormais.' ajoute-t-elle dans son esprit, ressentant un soulagement certain que son temps sur l'échiquier géant est terminé. Ces derniers jours et semaines, elle n'a été que Naerys. Une vie simple, à l'image des des habits du peuple que lui a laissé le fidèle l'ayant ramené à la vie. Une vie qu'elle peut dédier à la prière, comme elle en a autrefois rêvé - et pourtant, lorsque les rumeurs suggérant que d'autres Targaryen du passé vaguent de nouveau ces terres, elle ne peut pas continuer à nier le vide qu'elle ressent dans son coeur. Daeron. Daenerys. Aemon. Elle espère qu'ils continuent à vivre le bonheur que seul les Sept Cieux savent offrir. Que leurs âmes ne soient pas damnées parce qu'une divinité - ou plutôt démon - étranger a décidé de les ramener vivre parmi les mortels. Elle l'espère de tout son coeur - et pourtant, ne parvient-elle pas à étouffer cette lueur d'espoir qui s'est immiscée dans son esprit. S'il y a ne serait-ce qu'une infime possibilité que ses enfants, ou Aemon, soient revenus, elle a besoin de le savoir. De les voir. D'être avec eux. Mais s'ils n'y sont pas ? Si à la place, c'est son autre frère qu'elle y retrouvera ? Car si cette vie là est une expiation pour les péchés passés, Aegon est de retour - et dans ce cas, sa place est à ses côtés, a-t-elle été unie à lui 'à présent et pour toujours'. Au moins lorsque règne encore l'incertitude, elle peut y échapper... bien que cette pensée est indigne. Elle a été élevée mieux que cela. Elle a été élevé à respecter traditions et devoirs, et même la mort ne lui a point fait oublier ces leçons. Mais alors que l'ancienne Reine se perd dans ses pensées, la voix du petit navire de pêche la ramène à la réalité.
— Nous sommes arrivés, M'lady.
— Merci. murmure la Reine, levant les yeux vers la forteresse de Peyredragon.
Un léger soupire sur les lèvres, pose-t-elle quelques pièces dans la main tendu du capitaine, quittant le navire sans jamais quitter la forteresse de ses yeux. C'est entre les murs de cette dernière qu'elle a passée les heures les plus paisibles de sa vie, entourée de ses enfants et petits-enfants - tout comme les pires moments. Mais ce qui l'attend aujourd'hui, seuls les Sept le savent.
— J'avais oublié à quel point le chemin depuis les quaies est long. souffle l'ancienne Reine, lorsque quelques minutes plus tard, ses pas s'arrêtent, et qu'elle s'appuie lourdement sur un murêt. Le trajet de la barbacane jusqu'au château n'est sans doute qu'un court effort pour la plupart, et pourtant, un vertige envahi le corps de la Targaryen: jamais n'a-t-elle été faite pour l'effort physique - et le mal de mer n'a certainement pas amélioré sa frêle constitution.
— J'ai juste besoin d'une courte pause. finit-elle par ajouter à l'attention de Jeyne qui se tient toujours à ses côtés.
Le souffle court et la tête tournante, finit-elle par arriver au château de ses ancêtres et pour un court moment, s'immobilise-t-elle pour observer la cour. Les effigies de dragons, les ailes en pierre couvrant l'armoirie ou encore les portes rouges situées dans la gueule du dragon - rien ne porte à croire que plusieurs siècles se sont écoulées depuis sa dernière visite. 'Exceptée qu'il n'y a ni Daeron, ni ses enfants pour m'accueillir.' pense-t-elle, avec un pincement au coeur. Mais avant qu'elle ne puisse d'avantage sombrer dans la nostalgie, les portes rouges s'ouvrent, et qu'une femme aux cheveux argentés et yeux mauves se dirige en sa direction.
— Princesse.
Une certaine hésitation traine dans la voix de l'ancienne Reine à cette salutation: car si tout dans l'apparance de la femme devant elle suggère son appartenance à la maison du Dragon, quel est le correct titre pour s'adresser à elle ? Reine, elle l'a peut-être été dans le passé, mais les Targaryens ne siègent plus sur le Trône de Fer. Princesse ? Ils ne sont plus une maison royale et ne devraient certainement plus s'orner d'un tel titre - mais à ce moment, ce titre semble le plus prudent, à en juger des egos des Targaryen de son époque. Retirant la capuche qui jusque là cachait sa chevelure argentée, elle ajoute:
— Je suis Naerys Targaryen, venue pour demander l'hospitalité de Peyredragon.
Invité
Durant toutes ces années, durant toutes ses peines, Rhaella avait su où était sa place. Après la naissance de Viserys, elle avait su aussi qu'elle était à la fois auprès de ses fils et de son époux, elle avait protégé son cadet des excès et des torts de son père autant qu'elle l'avait pu et pas une fois elle n'avait prononcé une parole mauvaise à l'égard d'Aerys. Ni auprès de leurs enfants, ni auprès de leur entourage. Mais aujourd'hui, elle ne la trouvait plus, cette place. Aerys n'était plus et ses enfants... Oh ses enfants vivaient mais ils étaient adultes, ses fils étaient des hommes et sa fille avait été souveraine de son propre droit. Ils n'avaient plus besoin d'elle comme ils l'avaient fait enfant, même s'ils l'aimaient, elle n'était plus utile. Alors où se trouvait son devoir et sa place dans ce nouveau monde ? Auprès de la reine Visenya ? Elle soutenait sa conquête car dans son cœur grondait une fierté qu'elle tirait de son sang valyrien, descendante du Conquérant, elle était le sang des dragons comme beaucoup d'autres sur l'île de Peyredragon. Elle avait assuré qu'elle aiderait comme elle le pourrait mais en réalité, que pouvait-elle faire ? Elle n'avait ni dragon ni expérience des armes. Et s'il y avait des combats qui se menaient par les mots, qui viendrait le lui demander à elle ? Qui s'était un jour intéressé aux passions de la reine Rhaella ?
Rhaella avait été discrète, on avait souvent oublié sa présence et peu étaient les hommes capables de dire quand elle s'était trouvée au pied du trône, près d'Aerys, ou quand elle avait été absente. Sa présence était invisible, elle était une ombre qui errait dans le Donjon Rouge. Pourtant, comme chacun, elle avait aimé certaines activités et déprécié certaines autres. La dernière reine des Sept Couronnes avait aimé l'art, elle avait aimé la poésie et la musique. L'histoire se souvenait combien elle était restée silencieux aux vices de son époux, l'histoire se souvenait qu'elle n'avait jamais élevé la voix pour s'opposer à lui mais elle en avait été bien incapable. En revanche, l'histoire oubliait de mentionner combien elle avait aimé écrire et lire de la poésie, elle oubliait de dire qu'elle avait aimé joué de la harpe tandis que Rhaegar chantait ou qu'elle avait chanté tandis qu'il jouait de sa harpe d'argent. Toujours dans l'intimité de ses appartements mais qu'elle avait aimé cela, qu'elle avait aimé manier les mots. Et aujourd'hui, personne ne se tournerait vers elle pour les manier une fois de plus. Elle avait été trop silencieuse, son pouvoir arraché, sa voix étouffée par la puissance de celle de son roi.
Cependant, lorsqu'on avait annoncé l'arrivée d'une femme et sa compagne, Rhaella avait fait le choix de l'accueillir. Autrefois, cette tâche était celle de la princesse Rhaenyra mais depuis que celle-ci était partie à Meereen avec sa famille, Rhaella avait repris celle de l'hôte. Elle ne pouvait pas laissé la reine Visenya le faire, il fallait qu'elle libère son temps pour préparer sa conquête et réunir des alliés. Au moins, à cela, Rhaella pouvait être utile.
Un sourire sur le visage, un sourire qui lui venait naturellement malgré les terribles épreuves que la vie lui avait infligé, elle était venue accueillir la nouvelle venue. Repoussant sa cape, elle dévoila sa magnifique chevelure d'argent et la Targaryenne sourit d'autant plus tandis que son bras se tendit poliment vers elle, l'invitant à le prendre pour entrer dans la demeure et venir avec elle.
« — Soyez la bienvenue à Peyredragon, princesse Naerys. Je suis la princesse Rhaella. »
Son bras noué au sien, elle l'entraina lentement avec elle vers le salon le plus proche, celui qu'elle faisait chauffer en permanence pour s'assurer qu'il soit toujours accueillant pour quiconque viendra y chercher un peu de paix.
« — La traversée fut-elle pénible ? Je crains que les vents ne soient guère favorables à la navigation ces derniers jours. Venez vous réchauffer. »
Elle poussa la porte et les fit entrer dans la pièce chaude, invitant celle qui suivait la princesse à venir les rejoindre. Alors, elle relâcha son bras et l'invita à s'installer d'un geste avant de se saisir de la théière chaude qu'elle avait laissé là quelques instants auparavant, avant qu'on ne vienne la prévenir de cette nouvelle arrivée.
« — Pardonnez cet accueil, princesse. Peyredragon fut abandonné si longtemps que nous peinons encore à le rendre aussi chaleureux qu'autrefois. Voulez-vous du thé ? »
Ses gestes étaient doux et gracieux, emprunt d'une certaine docilité qu'elle avait toujours témoigné au cours de sa vie.
« — Vous savez, c'est un véritable honneur de vous rencontrer. Votre sang, semble-t'il, coule dans mes veines. Votre petit-fils fut mon arrière-grand-père, bien qu'il fut décédé depuis plus d'une dizaine d'années lorsque je viens au monde. »
Elle espérait que ses paroles viendraient la mettre à l'aise et lui apporter un peu de baume au cœur. Elle savait combien revenir à la vie et dans un monde si étranger pouvait s'avérer perturbant car elle-même peinait encore à savoir où elle devait se rendre et ce qu'elle devait faire. Mais à cet instant, elle se sentait utile et presque à sa place.