Son devoir.

Quoi d’autre aurait pu le mener sur cette route jusqu’à Port-Réal ? Une ville qui n’éveillait aucun sentiment particulièrement positif chez l’ancien roi. C’était même plutôt l’inverse qu’il pouvait éprouver face à cette cité qui représentait tout ce qu’il avait toujours méprisé par sa saleté, sa luxure et son brouhaha incessant. Et s’il n’y avait eu que ça, il se devait de s’y rendre pour rejoindre des festivités. L’homme qui n’avait que l’austérité et sévérité pour lui, n’était pas de ceux qui prenaient plaisir à joindre ces dites festivités. Il ne pouvait jamais s’y sentir totalement à sa place, il y serait toujours mal à l’aise.

Son devoir, oui, c’était le devoir qu’il avait posé sur son nouveau destin qui le menait jusqu’à cette ville qu’il avait un jour tenter de prendre. Il se devait d’y accompagner Elenda Baratheon, actuelle suzeraine des Terres de l’Orage et de la maison Baratheon. Et il ne se laisserait nullement distraire par les frivolités qu’offrait Port-Réal à bon nombre Lord.

Le voyage n’avait pas été de tout repos, mais comme à l’accoutumée, Stannis ne montrait aucun réel signe de fatigue, aucune émotion qui n'aurait pu contrecarrer son air trop austère. Il était resté terré dans un parfait silence et lorsqu’ils étaient bel et bien à terre, il avait choisi de mener le chemin sur sa monture au front de la colonne qu’ils avaient formé. L’homme n’était plus aussi confus que lorsqu’il avait fait ses premiers pas dans cette nouvelle vie. Et une épée avait rejoint sa ceinture, tout comme cette armure qui avait enfin repris le blason originel de sa famille. Intérieurement, l’homme était toujours brisé, mais il souffrait en silence, caché de tous. Il n’avait jamais aimé montrer ses faiblesses.

Son souffle, s’était-il brièvement coupé lorsqu’il avait enfin pu apercevoir la célèbre citée s’élever à l’horizon. Il n’avait rien dit, mais il avait bel et bien plissé les yeux face à cette vision. Des flash-back de son passé lui revenaient encore de temps en temps. Et à cet instant, il avait pu revoir, cette nuit, noire où il avait mené cette bataille de la Néra. Un échec cuisant. Il pouvait revoir ces flashes verts à l’explosion du feu grégeois. Mais il n’avait pas abandonné, il était parti au front alors qu’ils seraient bientôt attaqués dans le dos par les Tyrell. Sa mâchoire se contractait dangereusement à ce souvenir qui s’imposait à lui. C’était la dernière fois qu’il avait posé un pied à Port-Réal. Lorsque ses hommes avaient dû le tirer de force hors de cette cité pour rejoindre Peyredragon en vie. Pourrait-il même encore entendre ses propres cris de rage ?

Il tenta de chasser ses pensées tandis qu’il baissait son regard jusqu’à cette épée qui pendait à sa ceinture. Il était certainement ravi d’être à nouveau correctement armé depuis que Westeros l’avait rappelé à l’ordre. Il avait perdu son épée prétendument légendaire avec sa vie dans le Nord, mais cette épée était bien suffisante pour le moment. Heureusement, il n’en aurait certainement pas besoin pour de simples festivités, n’est-ce pas ? Pourtant, il était armé et prêt. Les guerres ne demandaient qu’à éclater, seuls les naïfs ne pouvaient pas les voir venir.

Ses pupilles avaient analysé la ville à leur arrivé, bien sûr, celle qu’il avait connue avait été entièrement détruite, il s’était naturellement renseigné sur ce qui avait bien pu advenir du royaume après sa mort. Mais il reconnaissait toujours cet endroit pour ce qu’il était, un nid à vipère. Il ne risquait pas d’être détendu et ce même s’il en avait été simplement capable. Il ne baisserait pas sa garde tandis qu’il était certain de croiser ceux qui risquaient un jour d’être ses nouveaux ennemis. Il n’était de toute manière pas ici pour s’amuser, encore moins pour s’y faire des amis. Il n’avait de toute manière jamais été un homme à se faire des amis. Quant à s’amuser ? Quand avait-il déjà pris le temps de seulement savoir ce qui aurait pu l’amuser ? Il n’y avait toujours eu que son devoir.

Depuis combien de temps arpentait-il les ruelles de Port-réal ? Il aurait sans doute dit que cela n’aurait pu être que trop longtemps. Il avait assuré les arrières de leur suzeraine tout en analysant la situation. Mais pour l’heure, il avançait, seulement accompagné par un garde, dans cette cité, évitant soigneusement tout ce qui semblait trop festif pour sa santé mentale.

Il l’avait remarqué sans réellement lui prêter la moindre attention, Alysanne Fléaufort. C’était l’homme à côté de lui qui lui avait donné son identité. Un nom qu’il nota quelque part dans son esprit, car pour l’heure, il cherchait seulement à échapper à la foule étouffante. Il n’avait, non plus, résister à l’envie de lever les yeux au ciel en voyant un semblant de lord accompagné de prostitués. Cette ville ne changerait donc jamais ? Il maugréait visiblement tandis qu’il s’empressa de quitter cet endroit pour rejoindre les remparts de la ville. Derrière lui, le garde tentait de garder le rythme après l’avoir perdu du regard à maintes reprises.

Le lord Stannis Baratheon avait fini par s’arrêter lorsqu'il était arrivé sur les remparts, au plus grand bonheur du garde qui avait reçu pour commandement de le seconder. Stannis inspira longuement tout en posant ses mains nues sur les pierres des remparts. Il ferma brièvement les paupières, se laissant une nouvelle fois emporté par ses souvenirs d’une vie jouée bien des siècles plus tôt. Ouvrant à nouveau les yeux, son regard fixait la baie, la toisant presque d’un regard rempli de défi.

Il n’avait guère pu s’en empêcher, sa mâchoire s’était contractée en entendant du mouvement derrière lui, grinçant des dents tandis qu’il sentait sa tranquillité challengée par cette nouvelle venue. Derrière lui, il entendait le garde la saluer avec la solennité attendue. Voyant que Stannis ne se tournait pas immédiatement, le garde avait tenté un trait d’humour au grand damne du lord.

« - Less people around here

- fewer »

Une vieille mauvaise habitude lorsqu’il en venait à corriger la grammaire de ceux qui ouvrait la bouche devant lui. Mais cela l’avait au moins poussé à se tourner vers la Lady qui était arrivé une minute plus tôt. Stannis n’attendit guère plus longtemps pour lui offrir les salutations que son titre méritait, sans pour autant en rajouter inutilement.

« Lady Fléaufort »

Nulle émotion ne semblait se dégager des traits de son visage qui restait particulièrement froid sans l’ombre d’un sourire. L’homme qui avait oublié comment sourire. L’homme qui n’avait jamais souri de sa vie ? Il y avait bien eu des légendes autour de son austérité, des exagérations. Cependant, il n’avait jamais réellement eu beaucoup de raisons de sourire. Rapidement, il avait convié son garde à rejoindre leur suzeraine afin de s’assurer qu’elle n’ait pas besoin d’aide et l’homme s’éloigna rapidement après une dernière salutation.

Le lord était un commandant de guerre, un soldat. L’homme ne s’était jamais laissé emporter par les jeux politiques. Il n’était guère un homme à tenter d’apparaître faussement charmant ou charismatique. Il était seulement droit, honorable, juste et brutalement honnête. Et il était certainement plus à l’aise sur un champ de bataille que face à une femme.

« I wonder what drive you toward me, my lady »

Un nid de vipères, cette ville. Il n’aurait jamais aveuglément fait confiance à quiconque ici. D’ailleurs, il était assez difficile d’obtenir sa confiance. Lui, l’homme méfiant et pragmatique. Il avait pourtant oublié toute bonne manière ici, et il pouvait lui-même le remarquer. Il ne s’était même pas présenté.

« Lord Stannis Baratheon »

Sa quiétude avait une nouvelle fois été dérangée par cette nouvelle venue. À peine s’était-elle présenté devant lui qu’il semblait déjà avoir commis un impair. Reine ? Il s’était lui-même attaché à un tel titre, roi, lorsqu’il avait mené cette fameuse guerre des cinq rois. Aujourd’hui, cela n’avait évidemment plus aucune importance. Le Lord, ce serait-il confus en excuses pour une telle erreurs ? Bien sûr que non. Il n’avait jamais été très doué pour les jeux politiques et c’était toujours interdit d’agir comme le charmeur et trompeur qu’il n’était pas. Il était seulement droit et brutalement honnête.

« Queen, it is then »

Il n’était pas spécialement très expressif et n’affichait actuellement aucun sourire. Lui, l’homme qui ne souriait presque jamais, elle aurait pu s’espérer chanceuse si elle avait l’unique chance de le voir esquisser un bref sourire. Et profitant de l’occasion, Stannis Baratheon renvoya son garde vers une autre mission. Il n’y avait aucun doute quand on fait qu’il avait l’attitude d’un meneur d’hommes, d’un commandant de guerre. Il n’était pas un amuseur de la cour. Son regard suivait pourtant la reine qui s’adressait à lui, relevant légèrement la tête, il l’observa un bref moment. Il se demandant sans doute pourquoi elle tenait à mettre en avant la jeunesse de leur suzeraine.

« I am »

Il marqua un temps d’arrêt avant de reprendre la parole.

« She is a Baratheon, the rightful leader; she knows what she is doing. As for experience, we are here to support her »

La soutenir était son nouveau devoir. Celui pour lequel il était prêt à se battre à nouveau. Il avait trouvé une raison à sa place ici à travers cela. Car il avait bien besoin de ça pour éviter de se noyer dans ses souvenirs, dans cette culpabilité qui le plongeait encore et toujours dans cette dépression qui aurait pu se lire dans son regard éteint.

La suite ne l’étonnerait guère, bien sûr qu’elle connût Robert Baratheon avant quiconque. Robert et Ned, ils avaient été les héros de la rébellion. Davos et lui-même ? Ils avaient été oubliés dans l’Histoire. Leurs actions avaient été oubliées. Stannis détourna brièvement le regard tout en contractant légèrement sa mâchoire. Il y aurait toujours une relation compliquée entre son frère et lui.

« Robert is indeed my elder brother »

L’Histoire, ce poids sans fin sur ses épaules. Cet endroit, lui-même, était un brûlant rappel sur ce passé qui le hantait à chaque pas. Ici même, il avait connu la première défaite qui l’avait fait basculer vers une période bien sombre. Il avait seulement sa fierté pour lui, celle-là même qui le poussait à toujours se tenir aussi droit que possible.

La suite fut cependant ce qui le fit brièvement soupirer. Il n’était peut-être pas très bon de soupirer en face d’une reine, mais la simple idée de profiter de leur festivité le fatiguait. Il leva les yeux au ciel. Il était très certainement plus à l’aise sur un champ de bataille qu’au milieu de Port-Réal durant leurs dites festivités.

« I’m not the kind to enjoy these festivities, for that you should see with my brother »

Son regard se perdit une nouvelle fois vers la Baie de la Nera. Il y avait tant de souvenirs ici, tant de raisons de plus de voir des fantômes autour de lui. Il inspira longuement, contractant une nouvelle fois sa mâchoire avec force.

« I’m only here as for my duty to protect and support Lady Elenda »

Son devoir était toujours plus fort que ses propres envies. Et à vrai dire, il n’en avait pas vraiment. Il n’avait même jamais réellement cherché à savoir ce qui lui aurait plu dans cette vie. Il semblait seulement faire ce qu’il devait faire tout en suivant le bon chemin, celui qui ne serait plus pervertis par les manipulations.

« I could ask you the same, Queen Fléaufort ? Why would you be here and not there ? »