Il était si rare que Jacaerys passa de longs instant à écouter sans se mettre à s’agiter. Il y avait pourtant quelque chose de particulier à être là, si proche de Baela que pour la première fois, le garçon se tenait sage, droit dans ses bottes et plongé dans la conversation qu’ils entretenaient à cet instant.
“Tu ne repasseras pas par là à moins que tu ne le désires. Si tu ne souhaites pas devenir mère, personne ne pourra jamais t’y obliger. La lignée ne saurait mourir alors que nos frères vivent alors ne t’inquiète pas. ”Toute sa vie, Jace avait voulu être un père. Il l’avait souhaité quand il avait perdu Lucerys si cruellement, se jurant que son frère serait vengé, lui qu’il avait tant protégé, peut-être trop et peut-être plus comme une figure paternelle que comme un frère parfois. L’ancien Prince de Peyredragon avait été dur avec son petit frère et après sa disparition, il lui était venu de le regretter, de se réveiller en plein milieu de la nuit en hurlant. Pourtant, quand il imaginait toute la peine de Baela et la souffrance que sa propre mère avait ressenti, Jacaerys pensa que son propre désir n’avait pas sa place ici, ni même celui de quelconque autre homme qui trouverait peut-être davantage grâce aux yeux de la belle.
“C’est juste que le Grand Nord a laissé ses traces en moi, en nous tous je pense. Quand je m’y suis rendu la première fois avec Cregan, je n’ai eu que des rires… Aujourd’hui, je comprends bien mieux ce qu’il voulait dire et je pense que je n’oublierais jamais ce que j’ai pu voir par-delà le Mur, Baela. ”Son regard se détourna alors un instant et ses yeux bruns se fixèrent sur pierre tandis qu’il lui semblait entendre la voix de Bael et ses sanglots étouffés d’enfant.
“Des étendues de neiges blanches plus froides que la plus terrible pluie sur Peyredragon… Et les gens étaient si différents, presque durs d’avoir vécu les affres du temps et du ciel. ”Bien vite pourtant, il se décida à ne point y penser davantage et Jacaerys retrouva ses airs charmants et ses mots pleins d’une rondeur qu’il aimait dérouler pour sa douce. Savait-elle seulement que le prince n’avait pensé qu’à elle, si obsédé par l’idée même de ses traits, de sa voix, de sa façon de prononcer ses phrases. Parfois, il se réveillait en sueur d’un rêve qu’il faisait en boucle jusqu’ici dans lequel Baela prononçait simplement son nom, sa main dans ses boucles brunes et son regard si tendre.
“Eh bien pour commencer, je te trouve si belle. Tu l’as toujours été, Baels, mais il y a quelque chose de différent et j’aime cette différence. Et puis tu as toujours su me faire rire et me faire oublier les choses malheureuses qui nous entouraient avec tes mots…”Pendant un instant, le monde disparu. Ce qu’ils s’étaient dit avant, Jacaerys l’oublia tout entier. Ils auraient pu parler de la fin du monde que le jeune prince l’oublia entièrement, perdu dans cet instant précieux qui lui rappelait leur dernier moment, celui qui l’avait vu disparaître à tout jamais de la vie de la belle de Peyredragon, celle qu’il aurait dû épouser un jour si la vie n’avait pas été si cruel. Il lui avait semblé si cruel, maintenant, de ne jamais avoir embrassé sa tendre Baela de la sorte, elle qui habitait son esprit de la sorte sans jamais le quitter, sans jamais qu’il ne pensa à quelqu’un d’autre d’une telle façon. Alors, ses deux mains trempées se posèrent contre les joues de la Targaryenne et ses lèvres se mouvèrent comme si leur vie pouvait soudainement s’arrêter d’un claquement de doigts.
Ce ne fut que quand elle se recula, collant leurs fronts que Jace se rappela précisément où ils étaient et un sourire étira ses lèvres d’une façon tendre qui ne reflétait que tout cet amour qu’il avait toujours eu pour la première fille de Daemon. De toute sa vie, il n’avait presque connu qu’elle, il n’avait aimé qu’elle, Baela avait été tout son monde et la retrouver à cet instant lui intima que peut-être que tout n’était pas si terrible que cela. Pourtant, quand la brave demoiselle se recula, Jace fronça ses sourcils, se saisissant de sa main pour l’empêcher de trop s’écarter de lui, presque inquiet que la Targaryenne ne disparaisse.
“Je ne vais pas te laissez partir maintenant…”Il y avait toute une sincérité dans ses mots, une de celle que Jacaerys avait toujours eu avec ses proches, plus encore avec Baela. Elle avait été la gardienne de nombres de ses secrets et de ses peines, in capable de garder ses angoisses pour lui bien trop longtemps. Combien de fois est-ce que l’héritière de Daemon Targaryen avait-elle été une épaule réconfortante sur laquelle s’appuyée ? Combien de fois avait-elle été là comme un roc, solide et droite quand son propre dos semblait se courber ? Jace ne pouvait qu’admettre que sans celle qui avait été sa fiancée, il aurait croulé sous la peine dès les premiers instants de la guerre… Comme sa mère. Mais Baels avait été son phare dans la nuit et aujourd’hui, il décida qu’il serait le sien. Alors, le prince Velaryon déposa à son tour ses lèvres sur celle de sa belle, libérant sa main pour presser celle qu’on appelait
La Brave contre lui, souriant contre ses lèvres.
“Tu es bien trop féroce pour regarder de la sorte à tes pieds, Baels. Retournons sur nos pas, maintenant, si tu le veux bien ? Je suis affamé, my love.”Et il tendit son bras de cette façon qu’il avait toujours eu de le faire, souriant si largement que ses yeux se plissèrent en une expression chaleureuse. Ils avaient encore tant à vivre et à rattraper et Jace décida que le moment de vivre les aventures qu’on leur avait refusé viendraient maintenant.