❝ every rose has its thorn ❞ ft. Olenna Tyrell

Hautjardin, le parfum des fleurs, la beauté de ses jardins et de son château qui avait été conservé malgré les siècles, rappelaient à Desmera son adolescence. Elle était venue régulièrement avec sa mère, Mina Tyrell aimait rendre visite à son frère et sa mère et la jeune fille adorait sa cousine tout autant que sa grand-mère. Elle avait passé des heures dans ses jardins, à courir avec Margaery ou Loras. Parfois avec ses propres frères. Puis, après la mort de Margaery et du reste des Tyrell, elle n’avait pas apprécié que le château soit donné à Bronn de la Néra dont la maison régnait encore sur l’endroit. Mais avec le temps, elle avait appris à connaître l’homme et à l’apprécier. Il l’avait même faite rire, au point que lorsque Tyrion avait perdu un pari avec lui, elle avait accepté que leur second fils se nomme Bronn. Puis plus tard, elle avait fiancé sa Mina au fils du Grand Argentier mais leur mariage avait été un échec quand sa fille s’était enfuie avec son amant et était morte en couches.
Quand elle était revenue à la vie, Desmera avait hésité à retourner à La Treille où elle était née mais finalement, elle s’était dirigée à Castral Roc où elle avait passé la plus grande partie de sa vie. Elle était Redwyne de nom et de naissance mais elle était devenue une Lannister par le mariage, elle avait donné naissance à six enfants portant le nom et en s’y rendant, elle avait bel et bien découvert que les Lannister d’aujourd’hui descendaient bien d’elle. Et elle avait découvert que Tyrion, son époux, vivait à nouveau. Lorsqu’elle l’avait retrouvé, il lui avait dit que Margaery et Olenna Tyrell vivaient à nouveau et Desmera avait insisté pour qu’ils voyagent jusqu’à Hautjardin pour qu’elle y retrouve sa famille.
Tyrion n’était pas l’homme dont la jeune Desmera avait rêvé pour époux. Dans sa jeunesse, elle avait poussé ses frères à se moquer du pauvre Samwell Tarly car elle refusait d’épouser un homme gros et sans courage. À la cour, en tant que suivante de Margaery, elle n’avait jamais eu d’yeux que pour les chevaliers, beaux, jeunes et forts. Lorsqu’elle avait assisté au mariage de Sansa Stark et Tyrion Lannister, elle avait plaint la pauvre enfant d’épouser un nain. Mais après la mort de Margaery, elle qui avait épousé trois rois et qui avait tristement péri dans l’explosion d’un lieu sacré, Desmera avait réalisé qu’elle aurait pu y mourir aussi, qu’il était tant de grandir et d’apprendre du passé. Elle était loin d’être idiote, elle avait même toujours cru qu’elle possédait plus de culture que beaucoup de lady qu’elle avait rencontré mais elle n’avait jamais possédé l’esprit joueur et manipulateur de Margaery. Pourtant, elle était devenue une survivante. Après tout, elle avait vécu soixante-huit ans avant de s’éteindre paisiblement dans son lit, un peu plus d’une année après son époux. Elle avait survécu à chacun des Tyrell, à ses parents, à ses frères et à l’une de ses filles.
En effet, après la mort de Margaery, Desmera avait changé. Un chevalier beau et fort était une illusion car ceux qu’elle avait rencontré finissaient par l’ennuyer, il ne possédait aucune conversation et un ego qu’elle n’aurait jamais pu nourrir avec son honnêteté. Puis un jour, alors qu’elle avait vingt-trois ans, la Main du Roi, Tyrion Lannister, était venu à La Treille et elle lui avait servi de guide. Il n’était pas grand, il n’était pas le plus beau des hommes mais elle avait trouvé en lui des qualités surprenantes. Il lisait, il était cultivé et jamais à court de sujets de conversation. Il avait vu et vécu plus de choses que nombre de seigneurs dans les Sept Couronnes et elle s’était passionnée par ses aventures. Alors c’était elle, de manière surprenante, qui avait amené l’idée de leur mariage. Il lui avait fallu plusieurs jours pour se montrer convaincu et après cela, il avait demandé sa main à son père qui la lui avait accordé. Après tout, il avait un jour tenté de négocier son mariage avec Daven Lannister, le neveu de feu Lady Joanna et cette tentative avait échoué. Mais quel meilleur parti pour elle que la Main du Roi et un suzerain ? Il n’aurait jamais refusé telle alliance avec le second homme le plus influent du royaume.

Le mariage avait bien commencé. Desmera avait vite appris à ignorer les murmures sur son passage. Tyrion n’était pas un homme conventionnel, il fallait le reconnaître, elle ne pouvait pas se tenir à son bras lorsqu’ils marchaient côte à côte, elle ne pouvait pas danser avec les durant des heures lors des festivités mais il se montrait plus attentionné et tendre avec elle que bien des hommes avec leur épouse. Et jamais ils n’arrivaient au bout de leurs conversations, jamais elle n’était ennuyée avec son époux. L’affection entre eux avait été sincère et il avait fallu plusieurs années avant qu’elle ne réalise même qu’elle l’aimait. Il n’était pas ce dont elle rêvait durant son adolescence mais il est plus encore.

Alors qu’elle attendait le retour de sa grand-mère, ayant appris qu’elle revenait de Villevieille, elle se demandait ce qu’elle penserait du mariage qu’elle avait contracté. Olenna Tyrell n’avait jamais eu la langue dans sa poche et il fallait dire que Desmera avait souvent cherché son approbation lorsqu’elle était à la cour avec Margaery. Elle n’avait jamais essayé de se mesurer à Margaery, sa cousine était brillante mais d’elle et de sa grand-mère, elle avait beaucoup appris. Elle avait appris comment survivre. C’était sans doute les enseignements d’Olenna qui l’avait gardé en vie quand Damion Lannister, lointain cousin de Tyrion et l’intendant de Castral Roc durant des années, avait pris d’otage le Roc et qu’il avait retenu en otage Desmera et ses enfants, Mina, Joanna, Baleria et Willas. Elle s’était soumise à la volonté du Lannister plutôt que de résister et, quand il le lui avait demandé, elle avait partagé sa couche et menti sur ses sentiments. Elle avait prononcé les paroles qu’il voulait entendre, tout comme Margaery l’avait un jour fait avec Joffrey Baratheon et elle avait survécu. Et elle avait fait vivre ses enfants. Jusqu’à ce que Tyrion reprenne la forteresse et les libère. Damion mort, elle n’avait plus jamais prononcé son nom et jamais elle n’avait parlé à Tyrion des infidélités dont elle s’était rendue coupable pendant les longues lunes de captivité au sein même de sa demeure. Il ne le lui avait jamais demandé. Nul doute qu’il savait mais Desmera avait refusé de s’attarder sur ce fait, elle avait choisi d’avancer et de ne pas laisser le souvenir de Damion Lannister avoir une quelconque emprise sur elle. Et elle remerciait sa grand-mère et sa cousine pour leurs enseignements.

Assise autour d’une table dans le petit salon attenant aux appartements d’Olenna Tyrell, elle attendait l’arrivée de sa grand-mère lorsqu’elle serait présentable lorsque la porte s’ouvrît. Desmera se releva et posa son regard sur la belle rousse qui entrait. Elle était grande, fine et si jeune, elle dégageait une beauté et une prestance rare. C’était donc cela qu’Olenna Tyrell, les Reines des Épines, dans sa jeunesse ? Elle en eut le souffle coupé. Malgré qu’elle ait vécu une vie entière et prit énormément d’aplomb depuis qu’elle avait perdu sa grand-mère, elle se sentait bien petite face à elle aujourd’hui.
Machinalement, sa main passa dans ses cheveux pour être certaine qu’ils soient parfaitement coiffés et elle s’avança vers la grande rousse.

« — Grandmother? You are so young... You're beautiful! »

Un sourire étira ses lèvres alors qu’elle sentait une vague de joie l’envahir. Desmera avait toujours profondément aimé sa famille et les perdre avait été une terrible déchirure.

« — I never thought I’d see you again. »

Hautjardin. Le château ancestral des Tyrell depuis des générations, l’un des endroits les plus paradisiaques et verdoyants des Sept Couronnes. Du moins, c’était l’avis tranché d’Olenna Tyrell, née Redwyne. Il lui semblait que l’endroit n’avait guère changé en comparaison avec ses tout derniers souvenirs.
Toutefois, si Hautjardin n’avait pas bougé, ce n’était pas le cas des âmes qui y habitaient. La Reine des Épines ne reconnaissaient aucun visage, rien de familier et bien que la sulfureuse rousse n’était pas d’un naturel angoissé elle devait bien admettre que tous ces étrangers mettaient à mal son mental d’acier. Partagée entre la joie de retrouver sa maison et la tristesse de n’y retrouver aucune tête amicale.

Alors qu’elle lisait tranquillement une correspondance qu’elle entretenait désormais assidument avec Lord Otto Hightower durant le chemin du retour vers son fief ancestral, l’attention d’Olenna est vite brouillée à cause de souvenirs vivaces qui se font une joie de se rappeler à elle dans les moments les moins opportuns. Elle repense à sa vie passée et aux êtres qui lui manquaient cruellement. À ses enfants et surtout à ses petits enfants qu’elle avait adorés et chéris même plus que ses propres enfants. Loras, Margaery et Desmera, ses chères petites fleurs dont elle n’avait aucune nouvelle dans ce monde. Elle ignorait même s’ils étaient revenus à la vie eux aussi, ramenés par les Fidèles de Trios tout comme elle. Les corbeaux voyageurs c’est bien mais cela reste tout de même très limité quand il s’agissait de recevoir des nouvelles d’un peu partout dans le royaume. Évidemment, à la pensée de ses petits enfants, le coeur d’épines de lady Olenna se serre douloureusement et elle tente de mettre fin à sa rêverie en reportant son attention sur la missive originaire de Villevieille. Elle s’attèlerait à sa réponse dès qu’elle serait arrivée à Hautjardin —et exigerait qu’on la laisse en paix pour tout le reste de la journée au moins.

Une petite heure plus tard, c’est évidemment une foule de domestiques et de serviteurs en effervescence qui vont et viennent dans le château et Olenna pousse un soupir las. Parmi les murmures excités, elle croit entendre le nom de ‘Tyrion Lannister’ et forcément, la rousse fronce ses délicats sourcils. Il ne peut tout de même pas s’agir du même Tyrion Lannister que celui de son époque ? Elle n’avait pas l’énergie requise en cette fin d’après-midi pour supporter l’esprit acerbe et les excès de boisson du demi-homme.
Sa suivante qui était restée à Hautjardin vient immédiatement l’accueillir tandis qu’Olenna prend directement le chemin de ses appartements.

« — Lady Olenna ! I hope your travel was at your convenience…
— It would have been if only the carriage wasn’t so uncomfortable.
— A young lady is waiting for you in your quarters, m’lady. »

Un énième soupir franchit la barrière de ses lèvres et l’incandescente rousse congédie sa suivante d’un simple geste de la main avant de tourner la poignée de la porte de ses appartements et d’y pénétrer.
Elle se fige au beau milieu du petit salon car elle s’attendait à revoir tout le monde sauf l’une de ses petites filles. Sa douce et tranquille Desmera, en chair et en os et qui avait l’air bien portante. Interdite l’espace de quelques secondes, Olenna semble reprendre vie aux mots de Desmera qui paraît toute aussi subjuguée qu’elle de la revoir. Les compliments qu’elle lui fait ne sont rien comparés à la joie immense que ressent Lady Tyrell devant ce doux visage qu’elle connaissait très bien.

« — Desmera, dear ! My lovely and beautiful daisy ! »

Elle fait quelques pas vers elle après avoir déposé sa petite bourse sur l’un des meubles près du vestibule alors que l’instinct maternel —un peu discutable mais passons- d’Olenna reprend le dessus et qu’elle saisit tendrement le visage de Desmera entre ses paumes fraîches.

« — You look gorgeous. It runs in the Redwyne blood I see. »

Elle caresse ses beaux cheveux d’ébène avant de déposer un long baiser sur sa joue, comme lorsque Desmera était enfant. Margaery avait sans cesse fait la fierté d’Olenna Tyrell et elle ne s’en était jamais cachée, mais elle portait une affection toute particulière à Desmera qui avait toujours été plus discrète et taiseuse que sa cousine. Olenna n’avait jamais fait de favoritisme envers ses petits enfants, elle les avait tous aimé mais simplement chacun différemment. Avec la même férocité, toutefois.

« — You are the first real joy of my new life here, my little daisy. How are you ? When did you come back to Highgarden ? »

Elle se sépare d’elle à contre coeur et l’invite à prendre place autour de la table pendant qu’Olenna se débarrassait de sa lourde veste de voyage.

Piquantes comme des épines avaient toujours été les paroles d'Olenna Tyrell, née Redwyne. Mais pour sa petite-fille, elles avaient toujours été juste et admirable. Elle admirait la sagesse de sa grand-mère depuis toujours. Aujourd'hui, à cette sagesse, s'ajoutait une immense beauté. Margaery l'avait prévenu qu'Olenna était désormais plus jeune qu'elle ne le fut par le passé mais jamais Desmera n'avait imaginé que ce serait à ce point. Désormais, elle semblait presque avec le même âge physiquement. Cependant, malgré qu'elle ait vécu jusqu'à un âge avancé, qu'elle ait grandi avec sagesse et assurance, elle se retrouvait peu fière face à Olenna. Elle n'était plus cette femme qui parlait d'égale à égale avec ses pairs, elle considérait sa grand-mère comme supérieure aux autres et elle la regardait encore avec admiration et dévotion, une loyauté sans faille.
Les mains douces et jeunes que la Reine des Épines vinrent encercler son visage et elle souriait, la belle Redwyne, de revoir ce visage familier de sa jeunesse. Elle avait été heureuse, très heureuse durant sa vie, elle avait eu un époux aimant qu'elle avait aimé en retour et six enfants qu'elle avait aimé de tout son cœur, ainsi que des petits-enfants. Mais jamais elle n'avait pu oublié sa famille disparue, jamais elle n'avait oublié la fin tragique de Margaery et Loras ainsi que la perte terrible de sa grand-mère. C'était leurs morts qui l'avaient faite grandir, leurs morts qui l'avaient poussé à penser à l'avenir plutôt que de continuer de rêver qu'elle épouserait un jour le prince charmant.

Sans perdre son sourire, elle saisissait les poignets de son ainée pour les accompagner un court instant quand elle les retirait puis elle relâcha ses mains. D'un geste de la tête, elle la remercia et accepta son invitation pour prendre place autour de la table. Ses gestes étaient précis et gracieux lorsqu'elle tira sa chaise, elle n'était plus une adolescente vive et pleine de passion. Elle était une femme qui avait vécu aussi et tout le signifiait dans son attitude. Elle n'était plus une enfant, elle était une femme que la vie avait marqué aussi. Elle avait connu les pertes de sa famille, la perte d'un enfant, d'un époux, la captivité aussi et la force de se plier à la volonté d'un homme pour protéger la chaire de sa chaire.

« — My husband told me you were alive. And here. And so is Margaery. I had no choice but to see it myself. »

Son sourire persistait et un moment, elle se demanda ce que dirait Olenna de son mariage avec le Lannister. Son petit lion, comme elle l'avait parfois surnommé. Il fut un temps où elle aurait cherché l'approbation de sa grand-mère comme celle de ses parents, elle aurait cherché leur validation dans leurs regards mais celui-ci était révolu. Elle ne le réalisait que maintenant mais si Olenna Tyrell, la Reine des Épines, lui disait que ce mariage n'était pas digne d'elle, elle rejetterait en bloc ses paroles. Sa vie était faite, son cœur avait été offert à cet homme et elle n'y renoncerait pour rien au monde. Cette seconde vie, elle avait bien l'intention de la passer aux côtés du petit homme qui l'avait rendu si heureuse.

« — Oh grandmother, I have so much to tell you. »

Ses mains se tendirent au-dessus de la table pour venir prendre les siennes et les presser ensemble, ses doigts emprisonnant les siens.

« — A lot happened after you were gone. Do you know? Did you read about what happened? »

Savait-elle que les morts de Margaery et Loras avaient été vengées ? Que Cersei était morte ? Mais que la reine-dragon l'était aussi ? Savait-elle qui s'était ensuite assis sur le trône et qui en avait été sa Main ? Desmera en était si fière. Tyrion avait servi si longtemps comme Main du Roi, il avait tant fait pour le royaume tandis qu'elle tenait leur Maison. Elle avait toujours été si fière.