❝ if i know what love is, it is because of you ❞ ft. Trystan & Alys

Le tir à l'arc avait eu lieu dans la matinée et Dyanne l'avait suivi avec attention puisque Trystan y participait. Elle s'était assise dans les tribunes, près d'Aliénor et elle avait observé, commenté les mauvais tirs de son fils et c'était avec déception qu'elle l'avait vu manqué tant de fois sa cible. Il savait tirer à l'arc, elle savait simplement qu'il ne prenait pas ce concours au sérieux et la présence d'Elenda ne faisait que le déconcentrer davantage. Avait-il un jour pris la jeune femme dans son lit ? Cela importait peu pour Dyanne, elle se moquait bien de savoir avec qui son fils passait son temps et avec qui il partageait son lit tant qu'il le faisait avec son épouse aussi pour assurer sa succession. Et parce que la Hightower voulait des petits-enfants. Bien sûr, elle en avait eu par Ceryse et Hoster Frey mais la distance entre elle et sa première fille faisait qu'elle connaissait à peine ses enfants-là.
L'après-midi avait été dédiée aux joutes dans lesquels Hoster Frey avait concouru mais déjà la veille, son affrontement contre Tywin Lannister s'était terminé sur une défaite et aujourd'hui, il n'avait guère plus brillé. Il devait le reconnaitre, il devenait trop vieux pour ce genre de choses. Ce mariage n'était qu'une alliance politique de plus, tout comme l'avait été son propre mariage mais parfois, Dyanne se demandait si sa fille était fière de se tenir au bras de son époux. Ce n'était pas un homme profondément mauvais mais il ne brillait ni sur un champ de bataille ni par son intelligence, souvent influencé par les autres plutôt que maitre de ses propres opinions. Et c'était bien là tout ce que la vieille régente tenait en horreur. Ceryse, bien qu'elle n'eut que peu à dire sur son éducation, avait bien appris et savait, tout comme elle, se fait entendre pour mener d'une main de fer les Conflans. Cependant, elle regrettait que cela se fasse aux dépends de leur lien familial.

Les festivités pour la soirée allaient commencer et Dyanne se tenait à l'entrée de la cour du château, attendant l'arrivée de ses deux enfants. Les deux qui étaient venus avec elle. Son cœur se remplit d'amour lorsqu'elle les vit arriver ensemble, radieux et magnifiques. Il n'y avait rien ni personne qu'elle n'aimait plus que ses enfants. Et bien qu'on puisse croire le contraire, elle était une mère aimante et faisait toujours au mieux pour eux, pour leur bonheur. Peut-être ne le faisait-elle pas correctement, pas à leurs yeux, mais elle savait ce qu'elle faisait. Elle avait connu des choses plus terribles encore que la vie qu'ils avaient mené et même si elle aurait voulu leur dire qu'ils étaient libres, ils ne l'étaient pas et elle œuvrait à chaque instant pour leur offrir un avenir meilleur. Elle était certaine qu'aucun de ses enfants n'avaient désiré le mariage qu'elle avait contracté pour eux. Ceryse avait, elle ne pouvait l'oublier, tenté de cacher l'arrivée de ses premières menstruations pour ne pas être envoyée auprès de son époux. Et combien Dyanne aurait-elle aimé garder sa fille près d'elle, dans ses bras, pour l'éternité mais c'était impossible. Les Conflans lui offraient une position stable et sécurisée dont on ne pourrait la déloger. Tandis qu'elle-même ne serait pas éternelle et ne pourrait offrir sa protection à ses enfants indéfiniment. Elle ne connaissait que trop bien les aléas de la vie car durant son enfance, un à un, sa famille avait péri jusqu'à ce qu'on ne sache plus qui devait avoir la garder de l'enfant qu'elle était. Elle avait grandi sans foyer stable, ignorant toujours où elle vivrait l'année suivante ou si et quand on viendrait de la chasser d'un endroit pour un autre. Une fois mariée à Edric, elle avait travaillé dur pour sécurisé sa propre position et elle en ferait de même avec Alys. Car celle de Trystan était assurée maintenant, tout comme celle de Ceryse. Il ne restait que son Alys avait qui elle peinait à s'entendre.
Son regard passa sur ses enfants, ses mains jointes de joie devant elle et un large sourire sur ses lèvres. Sa fille portait une robe dont le décolleté n'était plus l'un de ceux que Dyanne pouvait se permettre à son âge mais la brune avait une poitrine plus petite que la sienne et une jeunesse que sa mère avait laissé derrière elle depuis de nombreuses années. Elle pouvait se permettre de mettre en valeur ses formes. Elle voyait la différence dans sa manière de se vêtir depuis qu'elle était revenue de Dorne, Alys était changée mais elle n'en restait pas moins magnifique. Trystan s'était changé depuis le tir à l'arc et il avait bien plus fière allure que sur ce terrain où il avait passé son temps à se ridiculiser.

La mère prit une profonde inspiration et tendit ses mains vers le visage de son fils pour les poser contre ses joues.

« — Tu es bien beau, mon fils. »

Elle lui sourit fièrement, tapota sa joue avant d'épousseter son épaule d'un léger geste.

« — En revanche, à l'avenir je te prierai de ne pas ridiculiser notre Maison en te montrant si peu concentré lors d'un concours. Espérons pour nous que Lord Otto saura prouver sa valeur. »

Son sourire ne se perdit pas alors qu'elle prononçait ses paroles puis tourna son attention vers Alys. Elle tendit sa main pour la poser contre sa joue, elle s'évertuait à se comporter comme s'il n'y avait aucune distance entre elles car Dyanne préférait fermer les yeux sur ce fait et continuer de montrer à son enfant qu'elle l'aimait qu'importe la colère qu'elle pouvait avoir envers elle.

« — Tu es resplendissante ce soir. »

Cette journée avait été riche en évènements. Trystan trouvait revigorant de se trouver ici, de profiter des festivités alors qu'il avait passé tant de lunes à ne faire rien d'autre que s'acclimater à ses nouveaux devoirs de suzerain, dans une région encore ravagée par les récents conflits subis.
Cela lui faisait oublier tous le reste de ses tracas et ce n'était pas plus mal. Ainsi il était vrai qu'il n'avait pas pris le concours du tir à l'arc au sérieux, il avait trouvé ça agréable de pouvoir converser avec ses adversaires aussi légèrement. Et il avait aussi été content de partager ce moment avec Elenda, une sœur de cœur.

Cependant, il était à présent inquiet. Sa mère avait une fierté colossale et il ne se faisait pas d'illusion, elle n'avait pas dû apprécier de le voir se ridiculiser de la sorte. Il était toutefois au moins reconnaissant qu'elle n'ait pas débarqué telle une furie pour lui arracher l'arc des mains et en finir elle-même avec le concours.
Sans doute s'était-elle retenue pour ne pas lui faire plus honte que ce qu'il ne l'avait déjà fait lui-même -selon elle en tout cas, car lui vivait très bien la défaite.
C'était sans doute mieux de perdre au tir à l'arc que de risquer sa vie en joutes comme l'avaient fait son père et son frère aîné, et d'en mourir pour une défaite.

Ce soir, il devait justement retrouver sa mère, avec sa sœur. Fin prêt et ayant laisser Aliénor se divertir par ses propres soins, Trystan s'en était allé au milieu des tentes pour trouver celle de sa sœur et l'escorter jusqu'à l'endroit où se tenaient les festivités de la soirée.
Il était toujours content de partager le temps d'Alys, d'autant plus depuis les funestes évènements de son mariage. Il aurait tordu le coup de leur frère lui-même s'il avait pu pour ses actes... Aussi, Trystan avait souvent maintenu leur correspondance quand il se trouvait encore à Cordial, tourmenté de ne pouvoir rien faire à la tristesse d'Alys qui se retrouvait veuve dans des circonstances aussi viles que celles du Mariage Pourpre où Robb Stark avait perdu la vie bien des siècles plus tôt. Il était bien plus peiné encore de voir sa mère en porter les responsabilités quand il savait pertinemment qu'elle n'avait rien fait. Et cette responsabilité, elle entachait également sa relation avec Alys, à qui Trystan ne parvenait pas à avouer la vérité.

Ce soir, il garde alors le bras de sa sœur précieusement noué au sien et lui jette parfois quelques coups d'œil.

« N'avais-tu point envie de participer au tir à l'arc toi aussi ? Tu aurais pu redorer le blason de notre famille, j'en suis sûr. »

Un léger rire échappe aux lippes du jeune suzerain comme il tente cette vague plaisanterie et que leurs pas les rapproche finalement de leur mère, qui les attend déjà et qui finit par les accueillir.
Malgré l'agacement qu'elle peut parfois faire naître chez lui, Trystan aime profondément sa mère. Il lui sourit un peu à son compliment, retient à peine un roulement de yeux peu élégant lorsqu'elle mentionne le tir à l'arc -bien que ce ne soit pas une surprise pour lui- et finit par écarter un peu sa main, délicatement.

« Cela faisait longtemps que je n'avais pas pratiqué et je n'ai que faire de ce que les autres pensent d'un concours. »

Et très honnêtement ? Il espérait que Ser Otto ne ferait pas mieux que lui. L'homme avait tendance à l'irriter. Mais il sait bien qu'il vaut mieux éviter de le clamer haut et fort devant sa mère. De le clamer haut et fort tout court.
Il continue de sourire à sa mère avant que cette dernière n'accorde son attention à Alys et que Trystan ne les observe d'un œil attendri et inquiet.

Dyanne connaissait l'importance de faire bonne figure en public, surtout lors d'un tournoi mais Trystan semblait si peu s'en soucier. Sa réponse en était la preuve et elle aurait pu soupirer profondément. Tout n'était qu'une question d'apparence et nul ne savait aussi bien les conserver que Dyanne. Elle avait fait cela toute sa vie et parfois, le rôle qu'elle jouait était plus important que qui elle était véritablement. Ses émotions devaient souvent être mise de côté au profit des apparences. Elle ne pouvait pas continuellement pleurer les fils qu'elle avait perdu et pourtant, même la mort d'Axell était encore terriblement douloureuse et celle de Donnel était comme une plaie fraiche, une brûlure que le moindre contact venait rendre douloureuse à nouveau. De ses enfants, Axell et Alys avaient toujours eu une grande ressemblance physique, ils ressemblaient à leur père plus qu'à leur mère mais elle parvenait encore à discerner chez eux les propres traits de son visage. Après le décès de son premier fils, elle s'était vite habituée à regarder sa fille dans les yeux, elle n'avait pas fuit son visage pour cette ressemblance. Trystan avait toujours ressemblé à Ceryse. Ces deux enfants-là lui ressemblait à elle, il tenait plus des Redwyne que des Hightower et elle en était fière d'avoir un fils qui lui ressemble tant, d'avoir une fille qui avait été son portrait craché à son âge. Donnel en revanche, il n'était pas un mélange parfait de ses parents. Il ressemblait à son père. Elle avait connu Edric Hightower une grande partie de sa vie et elle se souvenait de lui à l'âge de Donnel, ils avaient été les mêmes. Et elle les avait perdu tout les deux. Pourtant, elle refusait de se perdre dans ce sentiment et cette peine immense qui l'habitait car elle avait encore trois enfants qui vivaient et qui avaient besoin d'elle. Qu'ils le veuillent ou non, qu'ils le réalisent ou non, elle œuvrait chaque jour pour qu'ils aient un avenir meilleur, pour les préserver des plus dures épreuves de la vie et elle estimait que pour la majeure partie, elle s'en était bien tirée. Ils n'avaient jamais vu la guerre, ils n'avaient jamais eu à aller se battre ni ne s'étaient retrouvés sans toit sur la tête ou encore ballotté d'un endroit à un autre, à la recherche d'un foyer, d'une présence constante dans leur vie. Dyanne avait toujours été là pour eux, elle était leur constante quoi qu'il en soit et elle refusait de leur montrer qu'elle pouvait plier aussi, qu'elle n'était pas infaillible.

« — Cela peut être plus important que tu ne le crois. Avec le temps, tu apprendras. »

Ce n'était ni l'heure ni le moment pour en parler avec lui mais les apparences étaient importantes. D'autant plus aujourd'hui, dans le contexte particulier qu'ils vivaient et dans lequel elle n'avait aucun repère. Si Trystan lui avait demandé conseil avant de ployer le genou devant la Targaryenne, elle n'aurait su quoi lui dire. Elle aurait sûrement refusé mais peut-être aurait-elle craint pour leur avenir. La situation était impossible, il n'y avait aucune bonne solution et si elle désapprouvait les actes de son fils, elle se demandait s'il avait réellement eu le choix que de céder.

« — Non, bien sûr. »

Alys était toujours magnifique. Peut-être était-ce parce qu'il s'agissait de sa fille, de son enfant, et qu'une mère trouvait toujours que la chaire de sa chaire était la plus somptueuse qui soit. Mais de manière objective, sa dernière fille restait une beauté aux yeux de tous.
Elle se mit à écouter l'échange de ses deux enfants et à sourire, sa tête se penchant un peu sur le côté alors qu'elle lançait un regard entendu à son fils. Pour la première fois depuis longtemps, mère et fille semblaient tomber d'accord et se liguer contre Trystan.

« — Il n'aurait pas été difficile à battre. Un enfant aurait pu le faire. »

Son bras se tendit, s'offrant à Alys si elle désirait faire à son tour un pas vers elle mais avec elle, la Hightower avançait prudemment. Ses gestes étaient plein de précaution, comme elle l'aurait été face à une créature effrayée, de crainte qu'un geste brusque la fasse fuir.
En revanche, elle aurait voulu balayer d'un geste son respect pour Otto Hightower. Dyanne n'appréciait guère l'homme, pas plus qu'elle n'appréciait que son fils et suzerain ait offert l'abri à ses gens alors qu'ils manquaient déjà de moyen pour nourrir leur peuple. Maintenant, c'était eux et leurs dragons qu'il fallait nourrir en plus.

« — Au prochain tournoi, c'est toi qui participera aux épreuves de tir à l'arc. Je ne doute pas que tu sauras nous honorer mieux que ton frère. Ou Ser Otto. »

Faire bonne figure. Trystan avait l'impression que sa vie entière ne tournait plus autour que de ça. Pourtant, du souvenir qu'il avait de Donnel, il ne pouvait pas dire que ce dernier donnait l'impression de faire bonne figure quand il faisait massacrer des innocents à tout de bras dans leur région... Il se retint cependant de le rétorquer à sa mère, sachant que ce ne serait pas juste pour elle et encore moins pour sa sœur qui avait été bien plus touchée par les actes répréhensibles de leur frère que beaucoup.
Il était d'ailleurs content de voir qu'elle parvenait à sourire ce soir, qu'elle semblait plus légère. Il allait sans dire que Trystan s'inquiétait pour sa sœur cadette. Il n'avait que trop peu de souvenirs avec Axell, Donnel et Ceryse mais son enfance, il l'avait véritablement partagé avec Alys et il se sentait à présent responsable de son bien être, de sa santé. Sans doute était-ce d'ailleurs véritablement sa responsabilité, non seulement en tant que suzerain, mais également en tant que frère aîné qui était le dernier homme de leur famille.

« J'ai l'impression de m'être fait plus d'alliées en souriant et en prenant ma défaite à la dérision plutôt qu'en les insultant et en étant de mauvaise humeur pourtant. »

Bien qu'en vérité, il ne pouvait vraiment appeler ces femmes des alliées. Tout au plus, il avait évité de passer pour un parfait goujat auprès d'elles et il ne s'en sentait pas véritablement désolé. Mais il pouvait au moins se réjouir que sa mère se contenta de l'humilier sur ses talents d'archer plutôt que de le harceler de nouveau sur la question de ses petits-enfants toujours non existants.
Il lève momentanément -et discrètement- les yeux au ciel à l'insulte prononcé à son encontre avant de sourire de nouveau à sa petite-sœur.


« Je suis sûr que tu aurais fait une très bonne suzeraine. Et j'espère également avoir été meilleur que Ser Otto. »

Son sourire s'agrandit d'ailleurs un peu plus comme il voit sa mère tendre précautionneusement le bras à sa sœur. Il le peinait assez de voir cette légère distance entre elles mais Trystan espérait que le temps saurait réparer cela.
En attendant, il tendit lui même son bras pour que sa mère lui prenne le sien de l'autre côté et commencer à se diriger vers ces festivités.

« Dieux, merci. Je pourrais me contenter de la soutenir depuis les gradins. »

Trystan s'abstint de tout commentaire sur Otto. Ce n'était pas à lui qu'il avait offert un abri à vrai dire. L'homme ne lui plaisait guère. Il était un second fils que son ambition avait dévoré et qui avait disgracié les Hightower pendant un long moment, il était un homme trop vil à son goût et il était persuadé qu'il finirait par leur poser des problèmes. Cependant, comment refuser quand il avait sous son toit sa famille entière ?
Les apparences étaient importantes et qu'auraient-on dit s'il avait claqué leur porte au nez de l'homme ? Même sa mère n'aurait pu le faire, pas aussi directement en tout cas.

Tandis qu'ils faisaient quelques pas, Trystan tourna légèrement la tête vers sa mère, se pinçant légèrement les lèvres alors qu'il venait d'apercevoir Ceryse au loin. Il songea  au fait qu'il semblait plus qu'évident qu'elle les évitait. Il se demandait comment sa mère le vivait. Un instant, il hésita à signaler sa présence à sa mère et à sa sœur mais se résigna finalement en ignorant si sa sœur aînée passerait ou non sa route.

« Est-ce qu'ils ont annoncé un menu ou des activités pour la soirée ? »

Dyanne n'était pas aveugle, elle voyait mieux les choses qu'elle ne prétendait le faire. Elle connaissait chaque tort qu'avec ses enfants, elle connaissait leurs défauts et elle ne faisait que prétendre les ignorer pour mieux les contourner. Elle savait très bien que Trystan affrontait une situation compliquée et qu'il devait faire avec l'héritage pittoresque que lui avait laissé son frère ainé mais elle aimait chacun de ses enfants, quelle que soit leurs tares et elle ne pouvait pas admettre que Donnel en avait eu de plus nombreuses que chacun des membres de sa fratrie réunis. Ses décisions avaient été insensées et irréfléchies, il avait fait plus de mal que de bien et elle le lui aurait fait savoir s'il l'avait laissé se tenir à ses côtés mais il l'avait chassé, il l'avait éloigné et elle avait été impuissante. Il était trop tard pour dire cela maintenant, elle pouvait seulement prier pour que Trystan ne commette pas les mêmes erreurs et le cœur de son dernier fils était bien plus plein d'amour et de bonté, ainsi que de bonnes intentions, que celui de Donnel ne l'eut jamais été.
La Hightower eut un demi-sourire aux mots de Trystan, elle ne dirait pas qu'il s'était fait des alliés mais au moins, il avait évité de se faire des ennemis. Il n'en avait aucun et elle ne voulait pas que cela commence aujourd'hui. Malgré sa légèreté, elle savait qu'au fond, son dernier fils prenait tout cela au sérieux et elle aurait seulement aimé qu'il le montre un peu plus. Il était loin d'être bête et si elle n'était pas en accord avec ses décisions, elle devait lui reconnaitre une certaine fermeté dans ses décisions alors qu'il faisait preuve de plus de souplesse quand il était en tort. Ils n'étaient pas toujours d'accord mais au moins, il ne refusait pas de l'écouter. Dyanne pensait qu'il ne l'écoutait ni trop ni pas assez, il avait l'équilibre qu'elle n'avait pas su trouver chez ses deux frères.
Les mots d'Alys étaient plus peinant à attendre. Il était difficile de savoir que sa fille peinait à admettre qu'elle pouvait avoir raison mais elle ne dit rien, elle ne dit pas un mot sur les blessures qu'elle masquait depuis si longtemps car il y avait chez Dyanne une fierté qu'on ne pouvait lui arracher. Peut-être cela aurait-il été différent si elle n'avait pas dû garder la tête haute face à chacune des épreuves qu'elle avait subi mais elle avait toujours refusé de laisser le reste du monde voir qu'elle était blessée, personne ne l'avait jamais vu pleurer ou l'air abattu car elle préférait arborer un air plein de jugement et de sarcasme que de montrer ses failles. Elle ne pouvait pas se permettre d'avoir des failles en ce monde.

Dyanne se saisit du bras du blond, en même temps que celui de sa fille et elle prit, avec eux, le chemin vers le banquet en agitant d'un air légèrement désapprobateur les paroles de Trystan car il semblait si peu prendre plaisir au tir à l'arc. Mais elle refusait catégoriquement qu'il participe à une joute, pas quand cela avait coûté la vie à son père et son frère et que lui-même restait sans héritier. La succession de Villevieille admettrait difficilement Ceryse ou ses filles et moins encore Alys. Peut-être un cousin d'Edric prendrait le pouvoir si Trystan venait à périr et de ceux qu'elle connaissait, ils n'étaient pas particulièrement futé. Si elle insistait pour que son fils lui donne un héritier, ce n'était pas seulement car elle désirait s'occuper de ses petits enfants mais aussi parce qu'elle redoutait ce qu'il adviendrait s'il venait à disparaitre à son tour, la laisser seule en ce monde avec deux filles avec lesquelles elle peinait tant à s'entendre. Qu'arriverait-il à Alys si Trystan n'était plus là pour la protéger ? Dyanne quitterait Villevieille, elle regagnerait son domaine à Rougelac et si Alys l'acceptait, elle la prendrait avec elle. Mais cela serait évité, cela n'arriverait pas tant que Trystan était en vie et la mère ferait tout pour protéger son enfant. Elle avait vécu de nombreuses années alors s'il le fallait, un jour, elle donnerait sa vie pour que lui puisse vivre. Mais ils n'en étaient pas là, ils en étaient même très loin.

Aux interrogations de ses enfants sur les activités qui les attendaient ce soir, la mère n'avait pas plus de réponses mais elle leur répondit avec un ton léger, moins grave qu'elle ne pouvait l'avoir à Villevieille, quand elle parlait politique avec Trystan.

« — De la musique pour quelques danses, je crois. Et si tu es galant, mon fils, tu sauras faire danser ta sœur ainsi que ta vieille mère. »

Elle lui souriait, il y avait bien longtemps qu'elle ne s'était pas amusée, qu'elle n'avait pas dansé et encore moins qu'elle avait eu un partenaire de danse convenable. Edric avait toujours été mauvais danseur et nombreuses avaient été les fois où il avait préféré danser avec une maitresse ou une autre plutôt que son épouse. Si elle avait laissé faire cela, c'était parce qu'elle préférait le voir écraser leurs pieds et préserver les siens. À Trystan, elle avait enseigné la danse avec plus de rigueur et elle espérait qu'il n'en avait rien oublié. Car la dernière fois qu'elle s'était amusée, cela avait été au mariage d'Alys, avant que l'heureux évènement ne devienne une tragédie.

« — Nul doute que quelques Lords t'inviteront, Alys. Ils seraient idiots de ne pas le faire. »

Elle ne disait pas seulement cela parce qu'elle était belle, bien que cela était vrai. Son teint avait changé à Dorne, elle avait bronzé et elle ne perdait pas cette peau plus sombre que celle de sa fratrie qui lui donnait un air exotique, elle était devenue une femme et ses courbes s'étaient développées au fil des années pour devenir belles et gracieuses. Elle était pourtant encore jeune et sa période de deuil prendrait fin très bientôt. Il ne faisait aucun doute que quelques lords chercheraient en elle une épouse. Et il lui faudrait, un jour, se remarier. Seulement Dyanne n'était pas un monstre, elle connaissait les peines qu'endurait sa fille car elle avait connu plus de deuil qu'elle ne pouvait en compter et elle n'aborderait pas avec elle le sujet d'un nouveau mariage avant plusieurs lunes encore. Cependant, ils ne pourraient pas toujours être évité.

Alors sans en dire plus, ils pénétrèrent à l'intérieur du château et les yeux de la Hightower glissaient sur les vieilles pierres qui composaient Roches-aux-Runes avant d'inspirer légèrement.

« — Ce château manque d'un certain raffinement, murmura-t'elle à ses enfants alors que les tapisseries sur les murs étaient moins belles et moins colorées que celle de Villevieille, tout semblait plus sombre et fade que dans le Bief, dans le Grand-Tour où il était important de conserver l'impression que l'argent coulait à flots tandis que Roches-aux-Runes étaient bien plus rustique. N'êtes-vous pas d'accord ? Cordial était bien plus chaleureux, je dois l'admettre. »