"For the loneliness will stay with me..." Ft. Viserra Targaryen.

À son goût, il y avait déjà bien trop de dragons autour de cette île habituellement. C'était encore pire depuis la veille.
Ce dîner avait été une mauvaise idée en tout point. Et les tensions et évènements de la veille n'avaient fait que renforcer l'opinion d'Aegon.
Fort heureusement, rien n'était arrivé, ni à ses parents, ni à son frère ou sa sœur. C'était le principal pour lui.
Toute la nuit, Aegon l'avait quasiment passée à fixer le plafond de sa chambre, incapable de trouver le sommeil alors qu'il savait que l'Usurpateur et sa famille se trouvaient sous le même toit que lui et le reste de sa famille.

Et lorsque les premières lueurs de l'aube avaient fini par se montrer, il s'était habillé et avait quitté les fourrures de son lit pour se rendre à l'extérieur. Il avait même brièvement croisé son père mais ne s'était pas attardé à ses côtés.
Alors que tant de monde s'était rassemblé à Peyredragon, Aegon recherchait surtout la solitude. La compagnie de sa mère ne serait pas déplaisante non plus mais il ne la trouvait point et l'extérieur lui semblait plus attrayant, malgré la présence des dragons.
Le jeune prince s'en va jusqu'à la plage, décidé à rester farouchement éloigné de Montdragon et de ses occupants.
Le moindre de leurs rugissements le terrifiait autant qu'il le remplissait d'amertume. Il savait que Lucerys avait revendiqué son dragon, était certain que Baela ne tarderait pass à en faire de même, son père avait déjà son énorme bête qui n'était pas sans lui rappeler un peu Caraxes et même sa mère avait un œuf.
Mais lui, l'idée le rebutait. Pourtant, Aegon avait un jour adoré les dragons, comme le reste de sa famille. Il avait rêvé de devenir un dragonnier lui aussi, de se battre pour sa mère et son droit au trône, pour le royaume qui devait être le sien.

Il avait un jour été un enfant qui avait adoré volé avec son père sur le dos de Caraxes, appréciant pourtant encore plus les vols avec sa mère sur celui de Syrax, un bambin impatient de voir Nuée d'Orages être assez grand pour l'emmener dans les cieux également.
Hélas, la première fut la dernière et son lointain compagnon était mort en lui sauvant la vie. Ses sentiments sont contradictoire envers ce dragon qui avait partagé le début de son existence.
Il le regrettait et ressentait la perte de leur lien mais en même temps, Aegon lui en voulait de l'avoir emmené loin de Viserys, de l'avoir ramené à Peyredragon et d'avoir indirectement causé la mort de Jacaerys qui s'était précipité dans la Bataille du Gosier afin de sauver leur petit frère qu'Aegon avait laissé derrière lui, qu'il avait été incapable de sauver.
Parfois, il haïssait même Syrax, pour la mort de Joffrey. Son simple souvenir le mettait en colère, lui donnait envie d'aller trouver le moindre dragon qui se tiendrait face à lui et de lui jeter des pierres à la tête. Puérile sans doute mais au fond, Aegon était resté ce jeune garçon brisé, forcé de perdre sa famille les uns après les autres sans pouvoir rien y faire, forcé de regarder sa mère être mise à mort sous ses yeux... De toute façon, il n'était pas si sot ou si fou.

Et il n'avait rien envie d'avoir à faire avec un dragon. Il n'en revendiquerait pas. Et cette résolution, il craignait parfois de la voir comme une déception dans les yeux de ses parents, eux qui étaient si fiers de leur héritage, des dragonniers aguerris et reconnus. Sa mère était après tout la plus jeune dragonnière de leur lignée, ayant monté Syrax pour la première fois à sept années seulement.
Ce n'était pas pour déplaire à Aegon qu'ils s'en aillent à Essos, loin de cette île, loin des dragons et des Usurpateurs de Villevieille, de la Conquête de Visenya.
Ils pourraient vivre en paix au-delà du détroit, si tant est qu'une telle chose existe véritablement. Mais au moins, là-bas, ils n'auraient plus à danser avec les multiples fantômes qui les hantaient à Westeros, à Peyredragon.

Pendant plusieurs minutes, Aegon resta tranquillement sur la place à jouer avec un chien errant qui venait du village. Ce dernier venait souvent ici, et depuis son retour, Aegon lui portait parfois quelques mets ou restes.
À défaut de se complaire dans la compagnie des dragons, il se complaisait dans celle de ce chien errant.
Il l'avait suivi dans les vagues, mouillant un peu ses bas et ses capes mais peu lui chaut. Puis, le chien s'était mis à courir tout seul, son bâton dans la gueule et Aegon s'était assis sur le sable -toujours peu soucieux du sol mouillé- pour l'observer.
Depuis combien de temps était-il là, à simplement regarder ce stupide chien ? Il n'aurait su le dire exactement mais toujours est-il qu'à un moment, des pas foulant le sable derrière lui lui firent tourner la tête.

Le visage lui était familier sans l'être vraiment. Évidemment, elle avait été présente au dîner la veille et avait été une des voix à s'élever contre Visenya. Sans doute pas la plus intelligente à son avis.
Mais elle l'était aussi pour les traits qu'il discernait et qu'il connaissait de son père et de sa mère, de sa grand-mère et même de son arrière-grand-mère depuis leur retour dans le monde des vivants.
Viserra Targaryen, l'une des tantes de son père, bien que ni ce dernier, ni lui, ne l'ait jamais connu puisqu'elle était morte alors même qu'elle atteignait à peine l'âge adulte. D'une chute à cheval, ivre dans les rues de Culpucier, s'il se souvenait bien.
En définitive, ce n'était pas un comportement qui le choquait énormément, Baela avait elle-même eu bien de son lot d'insolence et de provocations, d'ailleurs se lancer dans une course, ivre, au beau milieu de Culpucier était certainement quelque chose que sa sœur aurait pu faire elle-même... À l'exception près que Baela ne serait jamais tombée, du moins, elle n'aurait pas perdu la vie en tombant stupidement.

À vrai dire, sa présence l'ennuyait. Il aurait préféré rester à sa solitude. Mais Aegon était un fils bien élevé. Ainsi, il finit par soupirer un peu, sans même lui accorder plus d'attention que cela.

« Puis-je vous aider, grande-tante Viserra ? »

Le sourire polie de sa grande-tante est loin de le duper. Elle est aussi irritée de le voir qu'il est ennuyé de la voir troubler son temps de contemplation maussade. Aegon n'avait jamais été très loquace, il avait été rare de le voir s'exprimer mais il avait appris à observer.
Il avait détesté être roi, non seulement car il se sentait tel un imposteur avec cette couronne qui n'aurait jamais dû être sienne, ce pouvoir qui lui avait coûté tout sa famille... Mais aussi pour l'entourage de politiciens corrompus et intéressé. Il avait passé sa vie entouré de gens qui cherchaient à le saigner à blanc, à obtenir quelque chose de lui ou une autre... Oui, il avait appris à observer et la politesse de la princesse Viserra ne pouvait pas le berner.

Il en aurait simplement haussé les épaules, aurait continué de l'ignorer aussi simplement que cela si elle n'avait pas parlé de dragons.
Aegon se met à grimacer, grogne même légèrement en se renfrognant plus encore, ses jambes finalement ramenées contre lui et ses mains serrant ses genoux si fort que ses jointures devenaient blanches.

« Elles ne devraient pas être là... »

Cela lui échappe, et l'aveu s'envole dans le vent. À vrai dire, il se fout de ce que cette femme peut penser. Elle a beau être sa grande-tante, il ne la connaît pas et ne lui doit rien.
Elle n'a pas vu sa famille être anéantie par des dragons, elle n'a pas regardé sa mère être donné en pâture à l'un d'eux sous ses yeux, forcé de regarder, impuissant...

Aegon entend l'une de ces bêtes rugir comme si elles avaient le pouvoir de se faufiler dans son esprit et de savoir ce qu'il pensait d'elles... Bien qu'elles n'en aient pas besoin, après tout, les dragons étaient des êtres intelligents et ils étaient capables de ressentir plus que ce que l'on pensait... Ça, il ne l'avait jamais oublié...
Malgré tout, il ne relève pas la tête, il garde ses yeux fixés sur l'océan.

La brise finit par apporter le parfum de la jeune princesse à ses narines et il grimace. Il lui parle d'exubérance et de fierté. Oui, ça colle à l'image qu'il a lu d'elle.
Y songer fait se délier sa langue subitement, sans même qu'il ne lui accorde un autre regard.

« Alors vous avez pour dessein de devenir reine ? Vous aussi ? »