"My brother, under the sun." Ft. Viserys Targaryen.

L'on aurait pu croire qu'un Taragaryen supporterait assez mal le Nord, le froid qui y était omniprésent et la neige à perte de vue. Pourtant, Rhaegar s'y plaisait assez bien. Ce n'était que le printemps, sans doute qu'au cœur d'un hiver féroce, son avis pourrait bien changer mais présentement, il se laissait bercer par la brise fraîche et la mélancolie que le paysage lui inspirait.

Peut-être aurait-il dû fuir dans le Nord avec Lyanna, demander outrageusement sa main à Lord Rickon et l'épouser sous ses Dieux ?
Bien qu'idyllique, cela n'était qu'illusion. Rhaegar doutait qu'un homme du Nord, un Stark puisse se résoudre à briser les fiançailles de sa fille pour la donner au prince héritier qui était déjà marié, père de deux enfants. Un Targaryen, qui plus est...
Et pourtant, la fuite n'avait pas été mieux.
Ce qui l'avait poussé à commettre pareille folie ? L'amour, sans aucun doute. Rhaegar avait été aveuglé et il en avait oublié ses responsabilités, son devoir, la prophétie qui avait pesé sur ses épaules depuis cette lettre, qui avait pesé sur l'entièreté de leur famille depuis Aegon le Conquérant.

Mais tous ces malheurs, ce chaos, ces morts... Ça n'avait jamais été son intention et pourtant, aujourd'hui, Rhaegar se demandait comment il avait pu être si naïf ? Si aveugle ? Il avait aimé Lyanna et l'avait choisi, et tant de gens en étaient morts. Tant de gens en avaient souffert.
Son esprit invoquait irrémédiablement à son souvenir sa douce Elia et ses pauvres enfants, massacrés sans raison si ce n'est qu'ils partageaient son sang. Que dire de sa mère, qui avait tant souffert toute sa vie déjà -et Rhaegar n'avait découvert l'ampleur de cette souffrance que trop récemment, rajoutant encore à sa culpabilité- et qui avait trouvé la mort en donnant naissance à une sœur qu'il n'avait jamais rencontré, dont il n'avait aucune idée à quoi elle pouvait bien ressembler, lui qui était déjà mort à ce moment-là ? Et Viserys... Son pauvre petit frère.

Lorsqu'il songeait à ce dernier, Rhaegar songeait qu'il aurait pu faire mieux. Il aurait aimé faire mieux. La folie de leur père l'avait malheureusement empêché d'être proche de Viserys comme il aurait aimé l'être. Mais sur Viserys aussi il avait eu le temps d'apprendre des choses, sur l'homme qu'il était devenu notamment. La bibliothèque de Winterfell était riche et lui avait permis d'en apprendre plus sur ce qui s'était passé après sa mort, sur le règne de Robert Baratheon, la Longue Nuit qui avait suivi et les exploits de Jon Snow, son fils qu'il aimerait tant rencontré, et sur ce qui était arrivé à Westeros ces derniers siècles pour que le chaos y règne.
Il ressentait une peine immense pour ce pauvre enfant qui avait dû fuir la rébellion, qui avait perdu leur mère qu'il aimait tant et qui n'avait pu compter que sur la bravoure et la loyauté de Ser Darry qui les avait emmené à Essos. Ce pauvre enfant qui avait été obligé de renoncer à la vie entière de privilèges qu'il connaissait, surtout en sachant à quel point leur père l'aimait et le gâtait. Comment Rhaegar pouvait-il blamer l'orgueil et le tempérament capricieux qu'on lui prêtait ?

En entendant son nom sortir de la bouche de la jeune Lady Sansa, Rhaegar n'avait pas tardé à envoyer un corbeau à Peyredragon. Il aurait voulu éviter d'attirer l'attention, sachant que ses ancêtres installés là-bas cherchaient à retrouver tous les Targaryens revenus mais il ne pouvait pas ne rien faire.
Il aurait pu se déplacer lui-même, évidemment mais Rhaegar répugnait à quitter Lyanna une nouvelle fois. La dernière fois, ils étaient morts tous les deux. Au fond, il avait également un espoir de rencontrer Jon en restant ici, puisqu'il avait grandi à Winterfell, puisqu'il était un Stark, bien plus qu'un Targaryen.

Ainsi, il avait envoyé un corbeau à l'intention de son frère, lui avait écrit une brève missive pour lui donner rendez-vous dans le Nord, s'il le souhaitait. Depuis, il n'avait pas eu de nouvelles mais tous les jours, Rhaegar se baladait tout de même dans les bourgades du Nord, celles où il avait dit à Viserys qu'il pourrait l'y attendre si jamais il ratait son arrivée lors de son passage.
Ce matin, il avait quitté Winterfell à l'aube comme à son habitude, et sa monture venait tout juste de le déposer devant le modeste village. Les Nordiens ne semblaient jamais ravis de voir un Targaryen traîner dans les parages mais Rhaegar ne leur en voulait pas. Au lieu de leur en tenir rigueur, il passait son chemin, il s'installa à la taverne qu'il avait donné comme lieu de rencontre à Viserys, si jamais il acceptait de venir le rencontrer. Rhaegar l'espérait. Il savait que son frère devait certainement le blâmer lui aussi mais il souhaitait au moins s'expliquer.

Il dût s'écouler une heure avant que la porte ne s'ouvre de nouveau, sur une silhouette encapée. Rhaegar se tint droit sur sa chaise, les yeux rivés sur son petit frère. Un homme à présent, et il attendit qu'il le rejoigne.

« Viserys... Je suis si heureux que tu sois venu. »

Lorsque la missive de son frère aîné était arrivée jusqu’à Peyredragon en portant son nom, Viserys s’était d’abord montré curieux. En lisant le contenu, dans ses quartiers personnels, le prince Targaryen s’était alors rendu compte que la lettre avait été écrite de la main de Rhaegar Targaryen, son aîné. Son cœur avait loupé un battement et le malaise s’était immédiatement emparé du corps du cadet. A vrai dire, Viserys n’avait pas beaucoup connu son grand frère. Il ne fut âgé que de cinq ans lorsque ce dernier était mort et que le poids de la dynastie complète lui était retombé dessus. Et bien avant cela, Aerys avait enfermé le jeune Viserys et personne ne pouvait le voir sans la présence de gardes car le roi fou avait trop perdu d’enfants et craignait la mort du second prince, qui devait servir de remplacement à Rhaegar s’il périssait. Son aîné avait donc sans doute plus de souvenirs de Viserys que lui ne pouvait bien en posséder de Rhaegar.

Viserys avait quelques bribes de souvenirs de son frère, assez pour se rappeler son visage et son comportement de véritable prince. Mais, il connaissait également une autre version de Rhaegar – celle qu’il avait fabriqué dans sa tête. Toute sa vie durant, Viserys avait été comparé à ce grand frère trop parfait. Bien que Rhaegar fut à l’origine d’une guerre et de la fin d’une dynastie, il avait été valeureux et royal. Il n’avait eu de cesse d’entendre qu’il ne ferait pas un aussi beau que Rhaegar, qu’il ne ferait pas un aussi bon roi que Rhaegar aurait pu l’être, qu’il ne serait à tout jamais qu’une pâle copie de son frère mais bien plus colérique et cruelle. Alors, le cadet avait développé une sorte de rancœur envers ce frère qui était mort, car il était tout ce qu’il ne pourrait jamais être.

Néanmoins, Viserys souhaitait le revoir. Tout comme les sentiments qu’il possédait envers sa jeune sœur Daenerys, Viserys détestait Rhaegar mais il l’aimait tout autant. Ne souhaitant pas le voir venir à Peyredragon pour autant, il ne parla à personne de la missive qui lui était parvenue. Sa rencontre avec son aîné resterait ainsi secrète. Viserys savait que les Targaryen cherchait à rassembler le plus de monde pour asseoir leur puissance mais il ne les appréciait pas tous et il ne voulait certainement pas voir Daenerys ou Rhaegar dans ce lieu.

C’est l’âme remplie de questions que Viserys partit de Peyredragon pour rejoindre les contrées du Nord. Il avait pris soin de laisser son dragon Rhaelyx  à Peyredragon, durement gagnée au cours d’une escapade à Montdragon. Le prince ne souhaitait pas laisser sa dragonne seule mais il serait trop dangereux de l’amener avec lui aussi loin pour le moment. Il lui fallut plusieurs jours pour gagner les territoires du Nord. En réalité, c’est la première fois qu’il y mettait les pieds puisque dans sa précédente vie, la fuite l’avait contraint à se terrer sur Essos. Il n’avait que très peu vu Westeros en dehors de Port-Réal et de Peyredragon. Un fin sourire prenait place sur son visage alors que la neige se faisait voir. Il pensait à Lady Sansa qui serait sans doute verte de le voir ici sans avoir été invité par elle. Pire encore, en ayant été invité par un autre Targaryen. Il en tirait une certaine satisfaction, pour tout dire.

Viserys avait eu la prétention de ne pas répondre à la lettre de Rhaegar, peut-être par arrogance ou peut-être par rancœur. Dès lors qu’il était entré dans la ville, il était resté sous sa capuche. En effet, les cheveux d’argents et les yeux violets étaient des signes bien trop distinctifs et il ne devait pas attirer l’attention dans un pays qui, d’après Sansa et l’Histoire, ne les aimait vraiment pas. Viserys poussa la porte de la taverne mentionnée dans la lettre et ne mit pas longtemps à reconnaître les traits de son aîné. Le plus jeune était partagé entre la joie certaine de retrouver un membre proche de sa famille et le dégoût que pouvait bien lui inspirer Rhaegar avec tout ce qu’il s’était passé.


« —A vrai dire, Rhaegar, je n’étais moi-même pas sûr de venir. Et je ne partage pas nécessairement le même bonheur que toi de te revoir. Bien au contraire. »

Avouait-il sans détour. Viserys était devenu un homme lunatique, arrogant, colérique, un grand opposé de la grandeur de Rhaegar. Et quand bien même, les événements qu’il avait vécu ici l’avaient un peu calmé, il n’en restait pas moins un être ingérable et instable émotionnellement.

« —Mais tu m’as dit vouloir t’expliquer, et ma curiosité a été piquée. Alors, je t’écoute Rhaegar. Pour quelles bonnes raisons ai-je perdu l’entièreté de ma famille à l’âge de cinq ans à l’exception d’un bébé que j’ai trainé comme un boulet ? Pour quelles raisons ai-je du voir notre mère mourir ? Pour quelles raisons ai-je eu le sort d’une dynastie, qui aurait dû être ton destin, sur les épaules ? J’ai été traité comme un paria, et personne n’a jamais reconnu ma légitimité, pas même notre chère sœur qui a préféré se l’approprier. En plus d’avoir tout perdu, je n’ai rien gagné. Alors, je t’écoute. Lyanna Stark valait-elle réellement un tel massacre ? »

Dans les paroles de Viserys résidaient toutes les émotions et questionnements par lesquels il était passé enfant. Le plus jeune des deux appréhendait d’ailleurs le moment où Rhaegar rencontrerait Daenerys, si elle revenait elle aussi, car il savait que tous les deux s’entendraient bien et qu’il ne serait que la troisième roue ratée, ce qu’il avait toujours été bien que son égo ait tenté de le convaincre du contraire. Viserys n’était d’ailleurs pas passé par quatre chemin, l’impatient qu’il était n’avait pas attendu la commande de boissons pour lâcher tout son venin. Même si cela ne se voyait pas, une partie de lui était réellement heureuse de retrouver Rhaegar. Viserys avait toujours été ainsi, tantôt cruel, tantôt doux sans aucune transition – pouvait-on mettre cela sur le compte de la folie Targaryenne ou d’une vie bien trop mouvementée pour un enfant de cinq ans ? Peut-être un peu des deux.

Les regrets de la façon dont il avait fui, que son amour pour Lyanna ait pu causer tout ça, Rhaegar les porterait sur ses épaules à tout jamais. Évidemment, il regrettait. Il avait plongé le royaume entier dans une guerre sanglante, avait condamné à mort ses enfants, Elia, son père. Sa mère aurait-elle survécu à son accouchement quoi qu'il en soit ?
C'était une question à laquelle il était malheureusement impossible de répondre. Sa vie entière, Rhaegar avait vu sa mère souffrir de grosses misérables, d'accouchements malheureux. À de multiples reprises, il avait craint pour sa vie. Et pourtant, il se sentait responsable dans le sens où il avait dû tant inquiéter sa mère, lui donner tant de stress.

Que dire quand à Daenerys et Viserys qu'il avait condamné à une vie d'exil, de traque par Robert Baratheon et sa rage ?
Rencontrer sa sœur avait été une déchirure pour lui, la culpabilité n'avait été que plus vivace alors mais ce n'était pas le même sentiment qui l'animait par rapport à son frère. Il n'avait jamais connu sa sœur, il était mort avant qu'elle ne vienne au monde. Mais Viserys, il l'avait connu et les choses auraient pu être différentes. Si Rhaegar avait osé s'opposer à son père, à sa folie... S'il avait effectivement jamais eu l'intention de renverser le Roi Fou et de rapporter la sérénité aux Sept Couronnes, il aurait pu changé la vie de son petit-frère.
Bien sûr, il était aisé aujourd'hui de voir ce qui aurait dû être fait ou ne pas fait... Mais à l'époque, malgré la folie grandissante et évidente de son père, Rhaegar n'aurait jamais, jamais supplanté son père.
Pour toute la méfiance et le dégoût qu'il avait semblé nourrir à son égard sur les dernières années de leur vie, il restait son père. Il restait le roi. Et le prince héritier qu'il avait été n'aurait pas pu se résoudre à renverser son père, à le tuer pour prendre sa place, il n'aurait jamais pu débuter son règne d'une telle façon.
Cela les avait condamné, en définitive.

Ou était-ce effectivement son amour pour Lyanna ? Il était dur de séparer l'un de l'autre, à la vérité. Il aurait sans doute mieux valu qu'il ne croise jamais le chemin de sa louve et pourtant, Rhaegar ne pouvait se résoudre à regretter.
Il avait certainement aimé Elia mais l'affection qu'il avait trouvé dans le lien marital entre eux n'était en rien comparable à la fièvre amoureuse qui avait consumé son âme de pure folie lorsqu'il s'était enfui avec une autre. Il ne pouvait que regretter la façon dont il avait abordé toute cette situation. La façon dont il avait fui toutes ses responsabilités et les conséquences qui en avaient découlé mais pas d'avoir aimé.

Cette détermination était pourtant ébranlée quand il se retrouvait face à un frère qu'il avait vu enfant pour la dernière fois et qu'il retrouvait aujourd'hui adulte.
Il pouvait aisément reconnaître les traits de leur mère chez lui aussi bien que son visage soit plus creuse, plus dur comme celui de leur père.
Ce ne fut pas une surprise de découvrir cette hostilité sous-jacente chez son jeune frère. Rhaegar s'y était évidemment attendu, comment aurait-il pu ne pas le faire ?
Il n'y pas un seul moment où il tente d'interrompre Viserys. Rhaegar le laisse exprimer ce qu'il a besoin d'exprimer, même s'il ne peut s'empêcher de grimacer un peu lorsqu'il entend Daenerys être traité de boulet.

Rhaegar ne lui répond pas immédiatement. Malheureusement, aucune réponse ne plairait à son frère, il en avait peur. Un fin soupire lui échappe comme il se tasse sur sa chaise, les yeux baissés, l'air de méditer pendant quelques instants avant de relever la tête.

« Quoi que je dise, Viserys, aucune réponse ne t'apporteras satisfaction. Je ne peux pas réécrire le passé. Je peux seulement te demander pardon. Du moins, te présenter mes excuses. »

Mais que signifiaient des excuses à côté de tout ce que son irresponsabilité et son égoïsme avaient coûté à Viserys ? Si peu, rien en définitive.

« Je ne regretterais jamais d'aimer Lyanna. Peut-être était-ce la folie que notre père m'a légué... Quoi qu'il en soit, le cœur est égoïste, Viserys. Je regrette seulement m'être enfui. Je regrette de ne pas avoir agi contre la folie de père avant qu'il ne soit trop tard. Je regrette de ne pas avoir su te protéger mieux et d'avoir détruit vos vies, à toi et à Daenerys. »

Il n'aurait pas pu être plus sincère. Mais Rhaegar doutait que cela soit suffisant pour son petit-frère. Il pouvait la voir flamber dans ses orbes améthystes, la colère semblable à celle d'Aerys. Il était vrai que Viserys avait toujours ressemblé à leur père. Rhaegar ne l'en avait pas moins aimé. Il avait aimé son père aussi, malgré sa folie. Malgré les actes qu'il avait commis.

« Tu ne me pardonneras probablement jamais, j'en ai conscience. Sans doute ait-ce mérité aussi. Mais sache Viserys, qu'il y a toujours dans mon cœur de la place pour mon frère. »

Les deux frère Targaryen s’enviaient-il mutuellement ? L’un de ne pas être aussi semblable à son père que pouvait l’être Viserys car peut-être cela aurait-il sauvé leur lignée ? L’autre de ne pas ressembler davantage à Rhaegar, d’être aussi beau et courageux que l’avaient décrit les contes populaires… Peut-être aurait-il pu avoir une chance de régner, Viserys, s’il avait davantage ressemblé à Rhaegar malgré sa fuite. Malgré la jalousie du cadet et son ressenti envers son aîné, il avait toujours parlé en bien de lui à leur sœur lorsqu’autrefois, elle lui demandait de conter les histoires de leur famille – des rares moments où Viserys semblait calme et plus doux. Robert Baratheon avait donné à Rhaegar la réputation de violeur, de kidnappeur mais Viserys avait toujours su qu’il n’en était rien. S’il lui en voulait d’avoir fui, il connaissait la vérité. Et à l’époque, le jeune Targaryen n’en voulait pas tellement à un mort. Se retrouver devant son frère aujourd’hui changeait la donne.


« —Rien ne m’apporte jamais satisfaction.»

Avait jacté le plus jeune en s’enfonçant davantage dans sa chaise, soupirant. Qu’aurait-il fait à la place de Rhaegar ? Si son cœur avait été pris par une dame du Nord et que cet amour impossible devenait un véritable calvaire au quotidien. Le regard un peu ailleurs, son esprit se tourna vers sa propre dame du Nord qu’il projeta d’un seul coup dans la même situation avant de secouer la tête. Non, il n’y avait rien entre Sansa Stark et lui. Rien. Jamais. Plutôt mourir.

« —Je t’entends Rhaegar mais je ne sais pas si j’y suis vraiment disposé pour l’instant. Tu as perdu la vie dans cette guerre, et parfois je souhaiterais avoir eu mon trépas à Port-Réal de la main de ce putain d'usurpateur. Quand je vois la vie que j’ai mené, peut-être aurait-il été préférable que nous mourrions tous ce jour-là puisque Daenerys m’a envoyé à la mort et qu’elle a elle-même été envoyée à la mort par ce traître de Jon Snow. Nous avons vécu pour récupérer un trône que nous n’avons jamais récupéré. Tu n’es pas le seul responsable de ce qui nous est arrivé, mais il est difficile de te regarder en face, en particulier quand les seuls partisans des Targaryen qui restaient n’ont eu de cesse de me comparer à toi, le beau et fort Rhaegar Targaryen, le roi qu’on leur a arraché. Et tu sais comment moi on m’a appelé ? The Beggar King. J’ai vécu dans ton ombre, alors même que j’essayais de réparer ce que tu as en parti causé.  »

La colère bouillonait en Viserys. Et ce dernier avait un certain don pour se plaindre de son sort, il l’avait maintes fois fait à Jorah Mormont en se plaignant du traitement de faveur que Daenerys recevait par rapport à lui. La vérité était que Viserys avait tellement eu du mal à se gérer lui-même qu’il n’avait su obtenir le respect. Le Targaryen s’était assuré leur survie, des alliances afin d’avoir une meilleure vie mais jamais il n’avait obtenu les alliés conséquents que Dany avait pu obtenir. Leur jeune sœur semblait être le parfait mélange d’eux deux : le grain de folie, la détermination et la cruauté de Viserys, mais le courage, le respect et la prestance de Rhaegar Targaryen. Le cadet était bien cruel avec son aîné, mais face à de telles émotions fortes, il ne se contrôlait pas, ni lui ni l’enfant en lui qui avait été livré à lui-même dans un monde bien plus grand que lui.

« —Non. Père t’a légué bien des choses, mais pas la folie. Cela il l’a gardé pour Daenerys et surtout, pour moi. Je sais ce qu’on raconte de moi de nos jours. Et si autrefois j’étais persuadé de faire ce que je devais faire pour la bonne cause, peut-être le monde n’a-t-il pas tort. Je sais que je lui ressemble, tu le penses aussi. »

Viserys dit cela sur un ton beaucoup plus calme qu’avant. Rhaegar pouvait constater de ses propres yeux le côté lunatique de son cadet qui bouillonnait de partout et dont les émotions fusaient dans tous les sens, ne sachant comment s’accrocher à une sans activer l’autre et cédant bien souvent à la colère face à cette incapacité à se gérer. Viserys ressemblait à Aerys. Autrefois, Viserys avait porté son père en héros car sa mère s’était toujours gardé de ternir son image de lui à son fils mais il avait fini par entendre la vérité. Et quand il avait appris la cruauté dont il avait fait preuve envers Rhaella, il avait cessé d’admirer ce père qui fut autrefois son modèle. Il détestait devoir se comparer à lui mais même Viserys ne pouvait ignorer les signes : la colère, la folie… La seule différence étant qu’Aerys fut autrefois perdu, et tout n’était peut-être pas perdu pour le prince Targaryen qui avait désormais retrouvé sa lignée, sa maison et les deux trois personnes qu’il appréciait.

« —Et moi je regrette que tu l’aies faite passé elle avant nous. Je ne sais pas, Rhaegar. J’ai l’impression de t’aimer autant que je te déteste.»

La jalousie de Viserys avait encore parlé mais pourtant dans cette dernière phrase, il y avait un énorme effort de communication de la part du prince Targaryen qui venait d’avouer à son frère qu’il ne faisait pas que le détester.

« —Et toi tu me détesteras à l’instant où tu croiseras le chemin de Daenerys. Là je n'aurais plus la place que tu prétends que j'ai dans ton coeur. »

Viserys n'était pas leur père. Il importait peu la ressemblance que l'on pouvait parfois leur prêter, il était sa propre personne. Rhaegar l'aimait, malgré tout ce qu'il avait entendu et lu, il restait son frère dans son cœur.
Comment pourrait-il le rabrouer quand il avait pendant si longtemps refusé d'ouvrir les yeux sur leur père, qu'il avait refusé d'agir contre lui et sa folie grandissante ?
Viserys avait tout perdu, vécu dans la peur et la pauvreté, il avait sans doute en lui le pire des Targaryen mais il n'était pas totalement ce pire, Rhaegar en était certain. Car dans ses yeux, dans ses traits, il le voyait, tout comme il l'avait vu chez Daenerys, il y avait également de leur mère, sa douceur.

Ce qui effrayait bien plus le prince quand à son frère et son état mental, ce n'était pas ce que leur père avait pu leur léguer, c'était la colère. L'on pouvait faire tant de choses par colère, et c'était là un feu qui avait tendance à submerger leur famille.
Colère et rancœur, mal-être et impression de persécution... Rhaegar n'était pas totalement aveugle, il les voyait flamber quelque part en son frère ; pas plus qu'il n'avait été aveugle à la folie de son père par ailleurs, il avait simplement choisi de ne rien faire, du moins d'en faire trop peu, car son père était également son roi.
Mais tout en lui refusait de croire que c'était là, les seules choses qui caractérisaient Viserys. En son cœur, devant ses yeux, il était encore ce petit-frère qu'il avait tant voulu, qu'il avait tant aimé dès sa venue au monde et pour qui il voulait se racheter.

Malheureusement, Rhaegar avait conscience que ses fautes et ses crimes étaient conséquent. Viserys pouvait bien lui rapporter comment on avait prêché sa personne, il n'en restait pas moins un fou pour une grande partie du reste du monde, un homme qui avait été incapable de contrôler ses sentiments et ses instincts pour une femme et qui, à cause d'elle, avait provoqué la guerre et le chaos.
Viserys semblait l'avoir admiré, peut-être trop, il semblait avoir cru à bien des choses sur sa personne, du moins de ce qu'il savait aussi de la bouche de Daenerys... Il était aussi en colère que déçu, au fond. Y croirait-il jamais si Rhaegar lui disait qu'il se détestait ? Qu'il n'avait jamais aimé combattre mais plutôt flaner tranquillement sous une capuche et pouvoir jouer de la musique ?
Le croirait-il s'il lui disait qu'il aurait préféré être un ménestrel anonyme si souvent qu'un prince enfermé dans un chateau où son âme semblait prisonnière ?
Le croirait-il s'il lui confiait, qu'il détestait sa propre personne ? Qu'il se tuerait lui-même s'il ne songeait pas à l'offense que cela serait pour la vie sacrifiée pour son retard, et pour le chagrin qu'il pourrait causer ?

Il n'y avait nul besoin d'accabler plus ce frère qu'il avait déjà forcé plus que de raison à porter tant de fardeaux au cours de sa vie.
Ainsi Rhaegar préféra le silence, écoutant tout du long les reproches plus que légitimes de Viserys et la vérité accablante qui était la sienne. L'aveu honteux qu'il lui fit à la fin et qui fit naître une lueur de bonté dans les yeux si violets qu'ils étaient presque bleus de l'aîné.

« J'ai déjà rencontré notre sœur. Elle s'est réfugiée dans le Nord, elle aussi. Je sais déjà. »

Sa voix était calme comme elle énonçait ce fait et la lueur dans ses yeux, pas une seule seconde elle ne cilla.
Rhaegar baissa néanmoins le regard après quelques instants, sous le poids de sa propre culpabilité.

« Tu n'es pas père. Tu as tes vices, comme tant d'autres, comme moi-même peu importe ce que les seigneurs peuvent en penser, je te l'assure. Je n'étais pas un Dieu, Viserys ; j'étais simplement plus sage que père. L'étais-je vraiment quand je n'ai pas tenté quoi que ce soit pour l'arrêter, pour calmer ses folies, pour... Protéger Mère... »

Il souffle ce dernier aveu, si bas, si honteusement, le goût de la bile infestant sa gorge subitement. Il y avait bien des choses que Rhaegar ne se pardonnerait jamais ; la guerre, le meurtre de ses enfants et d'Elia, le destin de Viserys et Daenerys mais également, les atrocités que sa mère avait vécu sans qu'il ne le voit ou l'entende.

« Tu lui ressembles, c'est vrai. »

Ses yeux se posent de nouveau sur Viserys, mais il n'y a aucune malveillance dans sa voix ou son regard, pas même dans le pâle sourire qui étire brièvement le coin de ses lèvres, et semble briser son visage plus qu'il ne vient l'illuminer.

« Mais père n'a pas toujours été fou, tu sais. Je pense que le temps, les enfants perdus et le poids de la couronne ont eu raison de lui. Mais il n'a pas toujours été mauvais.  Et toi, tu n'es pas lui. »

Rhaegar guette la main de son frère, hésite un instant mais se décide finalement à la saisir de la sienne pour la presser un peu.

« Je ne demande aucun pardon. Je n'en suis pas digne. Mais je refuse de te voir gâcher cette deuxième vie qui s'offre à toi. Tu n'es pas obligé de vivre dans l'ombre de celui qu'ils ont fait de toi. »

Sans doute était-ce un peu hypocrite de sa part de se dresser comme un grand-frère protecteur à cet instant. Oui sans doute. Mais Rhaegar le faisait tout de même, pour le bien de Viserys.
Il était toujours libre de lui envoyer son poing dans la figure et de tourner les talons, après tout.

« Tu es plus que le Beggar King, je le sais. Et... Si jamais... Tu décidais que tu étais prêt à avoir une place dans ta vie pour le frère égoïste et paria qui t'a tant blessé... Alors j'en serais heureux. Mais... Je comprendrais si tel n'était point ton envie. En tous les cas... Rien ne t'oblige à décider maintenant. »

Prudemment, il presse encore sa main, juste un petit peu plus.

« Saches cependant, petit-frère... Que je t'aimerais toujours. »

Lorsque que Rhaegar avoua avoir déjà rencontrer leur sœur, Viserys garda un visage de marbre mais son esprit se décomposa. Le plus jeune des deux imaginait que Rhaegar pouvait lui pardonner énormément de choses mais pas la violence et la cruauté dont il avait fait preuve envers leur sœur. Pas quand il avait agit avec elle presque comme Aerys avait agit avec Rhaella. Et quand il songeait à leur mère, il se disait que elle aussi, dans sa grande douceur, serait déçue d’un tel comportement. Viserys regrettait-il ses actes ? C’était difficile à dire. Il fut un enfant qui en avait élevé un autre. Il n’avait pas eu de personne adulte pour le guider vers la droiture d’esprit. Un enfant s’était également élevé tout seul. Et un enfant… N’est pas toujours juste, et est même parfois cruel – encore plus quand vous étiez un Targaryen. Il y avait des explications au comportement de Viserys, mais peu d’excuses.

« —A la bonne heure. Tu as alors déjà dû tout entendre de son récit me concernant. Je l’ai tenue responsable de la mort de mère, sa naissance m’avait arraché la personne que j’aimais le plus. Parfois j’aimais Daenerys, parfois je pouvais tellement la détester. Et si tu lui répètes ça, je te promets de te faire arracher la langue. Je n’avais plus qu’une seule raison d’être : reconquérir le trône et reprendre ce qui nous appartenait pour en finir avec cette vie de vaurien. Et pour ça, je l’ai vendue. Sans deuxième pensée. J’avais besoin d’une armée, pas d’une sœur. Rien n’aurait pu m’arrêter dans cette idée d’obtenir une couronne. Cela m’a conduit droit à l’échafaud. »

Viserys avait pris les devants. Il avait fait des aveux à Rhaegar qu’il n’aurait jamais pensé lui faire mais si son aîné voulait revenir dans sa vie et si Viserys voulait lui laisser une chance, il devait être au courant de ce qui était, de comment il était. Au fond, le prince avait l’impression que Rhaegar se doutait de comment il était sans vraiment en mesurer la profondeur.

« —Ce que les seigneurs en pensaient avait son importance. Du moins, cela a eu des conséquences sur moi. Tu n’étais pas un Dieu, mais tu étais l’héritier qu’on attendait. C’est vrai, tu aurais pu protéger mère, tu aurais pu calmer les folies de père, tu aurais pu ne pas partir avec la fille. Ce sont des vices que je te reproche mais qui sont bien moins grands que les miens. Et, mon frère, je ne regrette pas l’entièreté de ce que j’ai fait. Il y a certaines choses dont je suis peu fier, mais d’autres que je referais sans hésiter. Sans l'ombre d'un battement de cil.»

La flamme d’un dragon brûlait presque dans les yeux de Viserys Targaryen. Habité à la fois par la folie et la raison, son aîné pouvait bien constater que le mauvais et le moins mauvais se battaient en duel dans son esprit. Le jeune prince Targaryen ne savait parfois plus où il en était avec lui-même. Le retour de personnes qu’il avait sincèrement aimé, comme Rhaegar assurément même si ses sentiments envers lui étaient conflictuels, le poussait dans ses retranchements. Il n’arrivait plus être totalement cet homme cruel qu’il fut puisque l’affection refaisait surface pour adoucir sa colère. Viserys changeait. Pour le meilleur ou pour le pire ? Cela restait à voir.

« —Oui, je m’en doute. Seulement, à mes yeux, il est impardonnable. Je le portais en héros autrefois mais, depuis que je sais ce qu’il a fait à mère, il peut bien pourrir dans tous les enfers de toutes les religions du monde. »

Une chose réunissait au moins les trois derniers enfants Targaryen : Rhaella. Et Rhaegar disait actuellement à Viserys des vérités qu’il avait besoin d’entendre. Bien qu’il existait des similarités, il n’était ni Aerys ni Rhaegar, il était Viserys, c’est tout.

« —Tu le penses vraiment ? »

Demanda Viserys en arquant un sourcil, l’air dubitatif après tout ce qu’il venait de lui dire.

« —Tu pourrais, demander pardon, ce serait déjà bien. Même si tu n’en es pas digne. Et ça ne te va pas de jouer les grands frères moralisateurs maintenant, c’est trop tard pour cela. Je ne compte pas gâcher ma seconde vie, mais je ne peux que vivre avec l’ombre de ce qu’ils ont fait de moi, Rhaegar. Parce que c’est en partie vrai, et que l’histoire, de toute façon, se souvient des écrits et pas de ce qui fut vraiment. Et je doute que le monde s'y intéresse de toute façon, aux raisons qui m'ont conduit à faire ce que j'ai fait.»

Haussant les épaules, Viserys savait au fond qu’il avait fait tout ce qu’il avait fait pour récupérer Westeros, la seule tâche pour laquelle il avait vécu, le seul but qu’il avait eu. Après tout, peut-être aurait-il pu simplement mener une vie de marchand avec Daenerys sur Essos, peut-être… Mais Rhaella Targaryen l’avait couronné Viserys III et il fut hors de question de la déshonorer. Il vivrait et mourrait pour ce qui lui revenait de droit. Du moins, ce fut le cas dans sa première vie. Il ignorait pourquoi les mots de son aîné avait tant d’effet sur lui à cet instant. Viserys aurait aimé que les mots de son frère ne le touchent pas, car cela aurait voulu dire qu’il n’en avait rien à faire. Or, ce n’était pas le cas. Il s’énervait contre lui-même à toujours tenir à lui bien qu’il l’ait presque détesté toute une vie. Malgré tout, il restait son frère, son sang, sa famille et une personne qu’il avait également admiré par le passé. Viserys s’enfonça dans sa chaise, en soupirant.

« —Si tu me montres que tu es digne d’être à nouveau dans ma vie, alors peut-être que je te ferais une place. On peut commencer par boire un vrai verre.»

C’était déjà un effort considérable de la part de Viserys de réfléchir ainsi. Le temps serait finalement le meilleur ami des deux frères dans cette situation. Ce n’est que quand Rhaegar serra davantage sa main qu’il se rendit compte qu’il la tenait tout court. Son cœur s’accéléra, il fit une mine presque dégoûtée et pourtant, il ne la retira pas. C’était peut-être l’enfant en lui qui ne demandait que ça, qu’on lui retire absolument toute la pression qu’il avait toujours eu, que Rhaegar revienne magiquement pour solutionner tous ses problèmes.

« —Mmh. »

Viserys, l’ingrat, était incapable de répondre autre chose. Dire « je t’aime » n’était pour l’instant pas dans ses cordes, physiquement incapable de sortir de tels mots.

« —J’ai toujours parlé en bien de toi à Daenerys.»

Pesta l'ancien héritier, le nez et les sourcils froncés. C’était sa façon à lui d’exprimer de l’affection au fond.

Il y avait tant de colère chez son frère, tant d'amertume et de ressentiment. Et comment cela pouvait-il en être autrement après tout ?
Sa vie avait été un champ de ruines que Rhaegar avait aidé à créer. Il y avait tant de regrets en lui, tant de culpabilité mais cette dernière était d'autant plus palpable quand il faisait face à son jeune frère, quand il faisait face aux conséquences de ce qu'il avait fait à son frère.
Ce qu'il lui révélait, ce qu'il lui confiait sous l'effet de la colère et de l'amertume n'aurait su effrayer Rhaegar. Après tout, malgré la folie et les humiliations de son père, n'avait-il pas continué à aimer Aerys Targaryen, deuxième de son nom ? Au fond, n'y avait-il pas encore au fond de lui une part de pitié pour son père ?
Comment alors, aurait-il pu juger Viserys ?
Pensait-il le choquer quand il lui révélait tout ça ? Car si c'était là son intention, elle était ratée. Rhaegar resta de marbre en l'entendant parler de Daenerys, de la façon dont il l'avait utilisé sans regret.
Leur famille n'était pas étrangère à la cruauté ou à la folie, bon nombre de Targaryen avaient fait pire que Viserys, et pour de moins bonnes raisons...

Peut-être devrait-il se méfier ou mettre son frère en garde contre cette lueur qui dansait dans ses yeux, contre cette colère à laquelle il semblait se raccrocher mais il n'en faisait rien.
L'absence de regrets de Viserys n'était pas étonnante à ses yeux, si une seule chose devait le faire réagir, c'est bel et bien que son frère chercha encore à se comparer à lui. Qui lui avait donc fait sentir autant qu'il n'était rien, qu'il ne lui arriverait jamais à la cheville ? Comment avait-il pu ainsi grandir, enfermé dans l'ombre de l'homme que lui avait été ?

« Ça n'a aucune importance pour moi, en tout cas. La folie et la cruauté sont une part de qui nous sommes, de notre famille. Tu as peut-être hérité des pires côtés de notre sang, ça ne veut pas dire pour autant que tu ne sois pas capable d'être bon ou décent. Ce n'est pas parce que le monde me prête une douceur et un honneur exagéré que je ne suis pas capable du pire non plus... »

Il avoue ces derniers mots presque en soufflant, songeant à Tywin Lannister, à Castral Roc qu'il lui serait si facile de rejoindre. Il lui serait si facile aussi de demander des comptes à l'ancienne Main de son père, à ce traître Lannister qui avait fait massacrer Elia et leurs enfants. S'il l'avait sous la main, Rhaegar ne pourrait promettre qu'il ne pourrait pas se transformer en l'un des pires portraits que l'on puissent produire de Maegor Targaryen lui-même.
Alors quel droit aurait-il de juger son frère ?
Peut-être était-il vrai toutefois que cette colère sourde qui grondait en Viserys l'inquiétait, il craignait qu'elle ne finisse par le dévorer de nouveau.
Il méritait mieux comme seconde vie, il méritait plus qu'il n'avait jamais eu auparavant et pour cela, il lui fallait arrêter de vivre dans l'ombre de leur père, dans la sienne. Il devait être lui-même, il devait trouver qui il était.

« Peut-être qu'ils ne s'y intéresseront pas mais tu peux toujours vivre pour toi. Tu peux toujours vivre sans te soucier plus de ces écrits, de leurs opinions. Il n'y a plus de responsabilités qui pèsent sur tes épaules aujourd'hui... Tu peux être libre, libre de faire ce qui te plaît. »

Un instant, Rhaegar baisse les yeux, grimace très légèrement avec douleur et regrets. Il y avait beaucoup de leur père en Viserys, c'était certain mais le prince déchu était certain qu'il y avait bien plus que cela, qu'il y avait une autre voie possible pour son frère.
Le pardon était une chose qu'il n'était pas certain de mériter en revanche, il était dur d'imaginer que Viserys puisse vivre sa vie de son côté, tourner les talons après cette rencontre et qu'il ne le revoie jamais.
Si tel était son choix, pourtant, Rhaegar le respecterait. Il n'avait aucun droit de prétendre à quoi que ce soit de la part d'un frère dont il avait foutu la vie en l'air, après tout...

Pourtant, les paroles de Viserys lui redonnent un peu d'espoir, et le prince porte son verre à ses lèvres, avant qu'un frêle sourire n'y fasse son apparition.

« Il paraît, oui... »

Le sourire s'efface, se transforme en un rictus douloureux.

« Je te demande pardon, Viserys. Pour tout. »

Peut-être n'en était-il pas digne, effectivement. Mais au moins, il le lui avait dit. Et ce n'était pas véritablement un poids qui quittait le Targaryen, Rhaegar doutait que toute culpabilité s'efface jamais mais, une forme de soulagement s'empara d'une part de lui avant qu'il ne relève de nouveau les yeux vers son petit-frère.

« Tu as élu domicile à Peyredragon, alors ? »

Ses doigts jouent un peu avec la choppe qui contient encore sa boisson non finie, comme il observe le plus jeune.

« J'ai toujours voulu t'y emmener quand tu étais petit. Mais père refusait constamment. »

Aerys Targaryen devait sans doute être fier dans sa tombe d’avoir engendré un fils comme Viserys ou une fille comme Daenerys, tous deux avaient commis les pires atrocités, succombés à la folie qui habitait l’illustre famille des Dragons. Viserys avait vendu sa sœur pour une armée. Daenerys avait massacré des innocents. Sa sœur était-elle devenue ainsi à cause de lui ? Ou était-elle destinée également à avoir ce gène destructeur ? L’implication de Viserys avait eu des conséquences sur elle mais sans doute pas entièrement. Viserys ne sut donc si les mots de Rhaegar concernant leur folie le rassuraient ou l’énervaient davantage. L’ancien roi claudiqué ne put que soupirer en tapotant des doigts de sa main gauche sur la table en bois. Rhaegar ? Rhaegar lui disait cela ? Alors qu’il ressemblait davantage à leur mère qu’à Aerys ? Alors que les mots qu’il prononçait à cet instant étaient dignes de ceux qu’auraient pu prononcer Rhaella qui pardonnait tout à ses enfants… Une part de lui voulait peut-être que son aîné lui en veuille, car cela aurait été plus simple ! Mais non, Rhaegar ne faisait que dire des choses compatissantes et aimables… Par les Sept. Viserys avait envie de le secouer. Et pourtant, cela venait rassurer le cœur de l’enfant qui vivait encore en lui.

« —Capable du pire ? Toi ? Je veux dire hormis les choses que je te reproche, qu’est-ce que tu as fait de si terrible, héros du peuple ? »

Viserys pencha la tête, un sourcil haussé, l’amertume présente dans son « héros du peuple ».

« —De nous trois, tu es bien celui qui ressemble le plus à notre Mère. Tes mots le prouvent à cet instant. J’aurais pu anéantir trois nations entières et tu porterais le même discours à mon égard. Je viens de te dire que j’avais vendu notre sœur pour le pouvoir et une armée, et tu ne m’en veux même pas le moins du monde. Mais déteste-moi, Rhaegar, je mérite que ça. Si tu me détestes, je te déteste. On ne se parle plus jamais. Et ça nous épargnera bien des problèmes. »

Viserys, depuis son retour, avait pris conscience que certains de ses actes étaient peu glorieux et dans ceux-ci : son comportement avec sa bien détestée et bien aimée sweet sister Dany. Bien qu’il ait ses raisons, il avait fait preuve d’une grande monstruosité envers elle. Il ne le réalisait qu’à moitié car ils avaient une relation particulière et qu’il en voulait encore à sa sœur pour énormément de choses, mais il le réalisait un peu. Le prince Targaryen voulait que Rhaegar le déteste car il avait peur de l’aimer. Si son grand frère le détestait, alors il pouvait librement le détester et ne pas avoir à gérer des… Sentiments. Il en avait déjà bien trop. Entre Rhaella, Daenerys (bien que ce soit compliqué) et Sansa… Rajouter une personne le posait dans une situation de faiblesse encore plus grande et lui rajoutait une personne pour qui s’inquiéter. Pourtant, Viserys affectionnait Rhaegar et il ne pouvait rien y faire. Les émotions qu’il éprouvait envers lui étaient similaires à celles qu’il éprouvait envers Daenerys : de la haine, de l’amour et « personne ne peut le massacrer à part moi ». Bien qu’il s’entendrait sans doute mieux avec Rhaegar plutôt qu’avec Daenerys qui, ironiquement, lui ressemblait. Il serait plus facile pour Viserys de ne jamais plus parler à Rhaegar et de prétendre qu’il le haïssait, mais ce n’était pas le cas et ce n’était pas ce qu’il voulait au fond.

« —Le problème… C’est que je m’intéresse à ce que l’histoire fait de moi. L’opinion publique je m’en moque. Après tout Maegor n’était pas apprécié, mais il a fait de grandes choses pour la maison Targaryen. Des responsabilités pèseront toujours sur mes épaules, j’aimerais devenir plus que ce que j’ai été. Je sais que ce n’est pas ton genre de vie Rhaegar, que le trône t’importe peu et que tu voudrais juste vivre tranquillement et faire de la musique par-ci par-là mais ce n’est pas mon cas. Mais je me considère plus libre que je ne le fus à l’époque c’est vrai. Cette fois, je n’ai pas un Baratheon fou à lier aux basques. Cette fois, je ne vise pas le trône de Westeros. »

Viserys savait, bien que cela l’embête, qu’il n’aurait jamais le soutien d’assez de personnes pour le trône de Westeros. Même si cette position le faisait rêver dans ses nuits les plus folles. Mais, il comptait bien sécuriser ses positions, devenir quelqu’un dont on se souviendrait, laisser un héritage. Avoir Rhaegar à ses côtés… Bien qu’il ne voulait pas l’avouer, pouvait être un plus. Le prince refusait de l’admettre mais le soutien de proches était aussi ce dont il avait besoin pour sa propre confiance en lui, à la fois proche de cent et proche de zéro. Le plus jeune fut néanmoins surpris des mots que prononça son frère et il eut du mal à le camoufler. Hochant la tête, le visage dur mais les yeux témoignant du léger bouleversement interne qu’il venait de subir, Viserys vint porter son verre d’alcool à sa bouche.

« —J’entends tes excuses Rhaegar, et peut-être qu’avec le temps, je te pardonnerais.  »

Qu’il était dur, ce jeune prince Targaryen. Mais, de sa part à lui, c’était déjà un grand pas en avant.

« —Pour le moment oui, mais je ne sais pas si j’y resterais. J’aimerais avoir un endroit qui soit entièrement mien, vois-tu et pas vivre encore au crochet de quelqu’un comme je l’ai fait depuis tant d’années. »

Viserys aurait aimé régner en maître sur Peyredragon qu’il affectionnait particulièrement mais il savait aussi que c’était impossible. Pour le moment en tout cas.

« —Pourquoi refusait-il ? C’est très joli. Et sécurisé. C’est là que nous sommes allés avec mère quand… Le peuple s’est soulevé. Peyredragon est magnifique mais je dois avouer qu’il est parfois dur d’y rester. »

Se pinçant les lèvres, il prit une grande inspiration et releva ses yeux violacés pâles vers son aîné.

« —Je n’ai quasiment aucun souvenir de toi, hormis ce qu’Illyrio disait de toi à Pentos ou ce que les écrits disaient. Alors si tu as quelques souvenirs à me raconter, je suis tout ouïe d’en savoir plus sur ma propre histoire.»

Viserys prétendait vouloir en savoir plus sur son propre passé dont il ne se souvenait pas mais la réalité était autre : il voulait en savoir plus sur les souvenirs qu’il pouvait avoir avec son aîné. Une véritable tragédie des anciens temps ce qui se jouait actuellement entre Viserys et Rhaegar Targaryen, les deux frères au passé tristement injuste et ensanglanté qui cachaient leur cheveux d'argent aux gens du Nord.

Rhaegar était un Targaryen. Il avait beau être un vestige de douceur et de calme, Rhaegar avait vu de ses propres yeux les pires travers qui existaient dans sa famille.
Il y avait une part de bon et une part de mauvais chez les Targaryens. Parfois à part égale, parfois plus de bonté, parfois plus de mauvais. Viserys avait peut-être plus de mauvais en lui mais il y avait du bon aussi, Rhaegar le savait, il le sentait.
Et quoi qu'il arrive, il était son frère. C'était aussi simple que ça.

« J'ai déclenché cette guerre par mon irresponsabilité non ? Et crois-moi, Viserys... Même chez le plus bon des hommes, la noirceur existe. Je la ressens à chaque fois que je pense à Elia et mes enfants, à ce que Tywin Lannister a laissé faire... »

Sa mâchoire se contracte quand il en parle, ses dents se serrent. Il entend bien le reste des paroles de son frère, il entend bien comme il se blâme et les crimes dont il s'est rendu coupable. Il l'entend, il en ait peiné, il ne peut le nier. Mais qui est-il pour le blâmer quand lui-même a coûté la vie à tant de personnes par sa folie irréfléchie ?

« Je ne pense pas que ce soit ce que tu mérites. Tu as certainement fait des choses horribles, tu n'est pas le premier, tu ne seras pas le dernier et certainement pas dans notre famille. Il existe pire que toi. Et je ne peux pas te détester. »

C'était ainsi. Viserys pouvait bien se détester, Rhaegar ne pourrait le faire. Il aimait son frère, il l'avait toujours aimé, cette petite âme qui avait survécu quand tous ses frères et sœurs jusque-là avaient tous rejoint l'Étranger.
Il aurait tant préféré une autre vie pour lui. Déjà à l'époque, il avait pensé que le trône pesait sur ses épaules et que son ombre pèserait indirectement sur les épaules de son frère également.
Rhaegar n'avait juste pas su à quel point...
Viserys avait connu la misère, le danger de mort, le désespoir et il n'avait eu personne pour le réconforter. Il était devenu cet homme dans la solitude et sans personne pour le guider ou le conseiller.
Le reste du monde pouvait bien le juger... Ils ne savaient pas vraiment de quoi ils parlaient. Il aimerait tant que Viserys puisse se sentir en paix, qu'il puisse vivre sa vie plus librement, plus paisiblement.

« Alors... Essaies de faire mieux. Si c'est ce que tu veux, si tu veux faire de grandes choses, fais le. Ou pas, ça m'importe peu à moi, mais si ça t'importes à toi... Alors fais le, en donnant le meilleur de toi-même. »

Mais au moins, une partie du prince en disgrâce était soulagée d'entendre que Viserys ne s'intéressait pas au trône de fer. Du moins, ce qu'il en restait... Il était soulagé également d'entendre que son frère acceptait ses excuses.
Cela ne changeait pas grand chose à sa culpabilité mais c'était déjà un soulagement...

« Il... Tu sais, père était devenu rongé par la folie... Après tant d'enfants espérés et emportés par l'Étranger, père est devenu fou. Il était terrifié à l'idée de ta mort. Et puis ensuite... Père et moi avions des divergences d'opinion, comme tu pourrais l'avoir entendu... »

Mais qu'est-ce que Viserys avait entendu ? Rhaegar ne tarda pas à le savoir. Très peu de choses apparemment. Un triste sourire s'inscrivit sur son visage alors.

« Quand tu étais encore tout petit, je te jouais de la harpe parfois pour t'endormir. Tes nourrices avaient l'air de penser que tu adorais ça, tu étais plus calme quand je te jouais de la harpe. Et... Tu étais fasciné par les dragons. Quand tu as appris à courir, tu adorais prétendre en être un et une fois, quand on jouait tous les deux, on a même cassé un ou deux vases… »

Heureusement, Aerys ne l’avait jamais su. Du moins pas que Rhaegar le sache mais il devinait qu’il le saurait dans le cas contraire.

« Malheureusement, nous n’avons pas partagé autant de temps ensemble que je l’aurais souhaité. Père te voulait protégé et j’avais des devoirs occupants en tant qu’héritier. Je me disais que quand tu serais plus grand, ce serait plus facile… Que tu pourrais passer des jours entiers à Peyredragon avec moi et qu’on aurait tout le temps qu’on voudrait…

La tristesse semble être inscrite au rendez-vous, elle se lit sur les traits de Rhaegar, elle pullule autour de leur table tandis qu’ils la boivent lentement.

« Ça semble stupide à présent, pas vrai ? »

Regrets et remords laissaient un goût perfide dans sa bouche comme Rhaegar tentait de le chasser vainement en finissant sa chope.
Cependant, une curiosité le pique finalement.

« J’ai entendu dire que tu connaissais Sansa Stark, au fait. Elle nous a confondu pendant un bref instant quand je l’ai rencontré. »

La part de bonté qui existait en Viserys était petite. Déjà enfant, on lui avait connu cet aspect colérique de sa personne et plus il avait grandi, plus sa part de bonté – plus la part de Rhaella qui demeurait encore au fond de son âme – devenait petite. Le jeune Targaryen avait grandi, était devenu un homme et sa part de bonté, elle, avait oublié de grandir. Viserys l’avait emmurée au fond de son cœur et il avait laissé la méchanceté, l’orgueil, l’envie, la fierté prendre le dessus. Peut-être avait-ce été un moyen plus simple pour lui de gérer la situation ? Tirer un trait sur ses sentiments était une meilleure façon de survivre que de se laisser aller avec eux. Alors, Viserys était devenu cruel car c’était plus simple et aussi parce que c’était une part de lui qui avait toujours existé. Par moments, sa part de gentillesse ressortait mais c’était rare, bien rare à côté du reste. Mais Rhaegar aujourd’hui venait bouleverser tout cela. Il était difficile pour Viserys de faire face aux fantômes de son passé et encore plus difficile de maintenir sa rigidité face à une personne qui était capable de le détruire de l’intérieur, autant en bien qu’en mal.

« —Oui. Mais disons que la guerre nous pendait au nez de toute façon avec des serpents qui rôdaient autour d’Aerys. Tu as simplement accéléré le mouvement de soulèvement du traître Baratheon. Je ne connais rien de la nature de la relation qu’il entretenait avec Lyanna Stark, mais sache que jamais je n’ai toléré les immondices qu’il racontait sur toi. Il n’existe qu’une seule personne sur terre qui puisse te détruire verbalement, et c’est moi. »

Viserys lâcha tout de même un fin sourire avant de reprendre un ton plus sérieux, jouant avec le fond de son verre en le faisant tournoyer. Le Targaryen hocha simplement la tête aux dires de son frère sur la noirceur. Viserys se gardait bien de commenter tout cela car il avait envie de dire à son frère que sa part de noirceur était légitime, justifiée et en rien comparable avec ce que Daenerys ou lui avaient pu avoir comme part de noirceur. Il se gardait aussi de lui dire qu’il était désolé de ce qui était arrivé à ses enfants, ses héritiers Targaryen. Viserys n’avait ressenti quasiment que de la colère depuis que sa famille avait entièrement péri alors il pouvait comprendre celle de Rhaegar. Néanmoins, il se tut, car cela serait trop en dire à son frère et par fierté, il se refusait à se laisser aller à ce genre de propos pour le moment.

Rhaegar l’exaspérait. Plus que tout. Cette gentillesse… Cette façon qu’il avait de lui dire qu’il l’aimerait toujours et qu’il ne pouvait rien y faire. Viserys avait envie de le secouer, de lui hurler « mais détestes moi à la fin ». Bien que l’amour et l’affection d’un aîné soit clairement ce qui avait manqué à Viserys au cours de sa vie, il ne supportait pas de voir cette affection infaillible que son frère lui portait. Et en même temps, il appréciait cela.

« —Tu n’es qu’un idiot, et c’est toi qui en souffrira le plus. Tu regretteras un jour de ne pas m’avoir détesté quand tu en avais encore l’occasion.  »

Grommela l’affreux Viserys en s’enfonçant dans son siège tel un enfant, croisant les bras en soupirant. Le Targaryen savait cependant, qu’à partir d’aujourd’hui, il pouvait compter sur son frère. Viserys s’en sentait étrangement soulagé, mais encore une fois, les mots restaient coincés dans sa gorge. Une chose était sûre, malgré l’échange et les mots rassurants de Rhaegar, il y avait encore énormément de travail à faire.

« —Père est devenu fou à cause de moi ? »

Demandait-il alors ? Du moins pas à cause de lui mais à cause de sa survie. Etrangement, une part de lui était presque touchée qu’Aerys aimait tout de même sa famille malgré les horreurs qu’on racontait sur le roi fou. Viserys se tut ensuite, hochant simplement la tête à ses mots avant d’écouter tout ce qu’il avait à raconter sur Aerys et leur enfance dans un calme olympien. S’il voulait laisser son visage de marbre comme si rien de ce que Rhaegar lui racontait pouvait le toucher, un demi-sourire vint le trahir quelques secondes avant qu’il ne secoue la tête pour reprendre son expression neutre. Il était vrai que Viserys était souvent particulièrement sensible au son de la harpe, mais ce n’était pas l’instrument de prédilection sur Essos.

« —Etais-je un enfant agité alors ? Je n’en suis que très peu étonné. Et bien sache que la fascination pour les dragons ne m’a jamais quitté. Et je peux te dire aujourd’hui, que j’en possède un. Je pense que l’enfant que tu as connu aurait été fort heureux de savoir qu’il en possèdera un un jour.   »

Un rire vint trahir son expression de marbre.

« —Alors comme ça, nous partageons même un secret.» Viserys marqua une pause avant de soupirer. Peut-être un jour demanderait-il à nouveau à Rhaegar de lui jouer de la harpe pour calmer ses états d’âmes extrêmes.  

Viserys hocha à nouveau la tête.

« —Stupide oui, au vu du temps qu’on a passé ensemble à Peyredragon.», ironisa le plus jeune.

Mais tout n’était pas perdu. Peut-être les frères finiraient-ils par vivre ces journées entières ? C’est l’espoir que le vent frais du Nord semblait leur apporter malgré la tension qui existait entre les deux. Viserys voulait lui en demander encore plus. Comment était Rhaella avant qu’il naisse ? Comment était Aerys avant qu’il ne devienne fou ? Mais ce n’était pas encore le moment.

« —Oui, Sansa. Une vraie petite peste. Comment as-tu fait avec Lyanna ? Je suppose qu’elle était moins insupportable que ses nièces.  »

Viserys termina sa chope et la reposa sur la table. Bien qu’il n’avait pas réellement envie d’écourter ses retrouvailles avec Rhaegar, il n’était pas sûr d’être émotionnellement capable d’en endurer plus.

« —Je suis à Peyredragon si tu souhaites y passer ou y écrire. A moi, ou à d’autres. Je te laisserais savoir si je change d’endroit. Mais ne t’y pointe pas trop souvent d’accord ? »

A ce stade, l’ancien roi claudiqué était devenu le maître des antiphrases.