Please ensure Javascript is enabled for purposes of website accessibilityA Dream of Ice and Fire
Scénarios attendus
Lune 12, 875 AC. L'été arrive sur Westeros et avec lui, la promesse de réclotes prospères. À Port-Réal, l'humeur n'est pourtant pas aux réjouissances après le meurtre de la souveraine des Sept Couronnes. Tous s'agitent et cherchent un coupable, prêt à accuser son voisin pour s'innocenter.
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❝ where have you been all this time ? ❞ (Helaena & Aemond)

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Where have you been all this time?
Nous les amoureux, il paraît que c'est l'enfer qui nous guette ou bien le fer et le feu.
Nous les amoureux, nous ne pouvons rien contre eux : ils sont mille et l'on est deux.
A Vieilleville, Helaena Targaryen prenait lentement le temps de guérir. Même si elle savait pertinemment que son corps n’était pas tout à fait le sien, qu’un Fidèle de Trios lui avait fait don d’une chair plus forte et dépourvue de toutes les traces pouvant évoquer son passé, son esprit était toujours hanté et ses nuits happées par des cauchemars. Elle savait pertinemment que la plupart des Targaryen se réunissaient en ce moment-même à Peyredragon afin de regrouper leurs forces et parmi le brouhaha des rumeurs et les on-dit, elle avait distingué clairement les noms de Rhaenyra et de Visenya. Mais la princesse avait fait le choix de ne pas les rejoindre et ses pas l’ont guidée jusqu’au fief de naissance de sa mère, dans le Bief, sous la protection bienveillante de son grand-père Otto. Loin de Peyredragon, loin des Terres de la Couronne, loin de tout ce qui pourrait lui rappeler d’affreux souvenirs. Son esprit n’était pas encore prêt à affronter sa famille, et encore moins ses enfants si par malheur ils étaient présents. Après tout, elle était coupable. Elle n’avait pas su les protéger. Seule, prisonnière dans sa tour et privée de moyens de se défendre, elle les avait condamnés à des morts aussi atroces les unes que les autres. Même sa douce, sa précieuse Jaehaera, avait subi un sort semblable au sien. L’Histoire avait été cruelle. L’avenir le sera-t-il autant ?

Pour l’instant, elle ne s’en souciait guère. Son existence était devenue aussi douce et simple qu’on pouvait l’espérer. Vieilleville était grande, peuplée et agitée mais la forteresse et ses jardins suffisaient amplement à Helaena lorsqu’elle se sentait oppressée par la foule. Parmi les livres que le seigneur Trystan Hightower avait eu la gentillesse de lui prêter en la voyant si bouleversée de constater que tout avait changé en plusieurs siècles, elle avait feuilleté A Song of Ice and Fire du mestre Samwell en à peine quelques nuits. Fire and Blood, un ouvrage bien plus ancien mais aussi bien plus proche d’elle, était sagement posé sur sa table de chevet mais elle n’avait pas encore trouvé le courage de l’ouvrir. Elle craignait de découvrir ce que ses contemporains avaient pu écrire comme horreurs sur elle, sur sa mère, sur Aemond, sur ses neveux ou même sur Rhaenyra. Otto, de son côté, n’avait rien à lui prêter de plus intéressant que des ouvrages de taille si considérable qu’elle devait les poser sur une table pour les feuilleter, des essais sur la stratégie politique et la navigation qu’elle avait à peine survolé avant de commencer à s’ennuyer.

Cependant, elle était d’humeur à sortir aujourd’hui. Un beau soleil illuminait le ciel bleuâtre du Bief pour la première fois après des jours et des jours de pluie. La douceur printanière, le bourgeonnement des premières fleurs et les vols timides des premières abeilles de la saison avaient achevé de convaincre Helaena que c’était une journée parfaite pour poser ses livres poussiéreux et profiter du beau temps. Elle se vêtit d’une robe légère, coiffa ses longs cheveux d’argent dans une natte que Rhaenyra avait l’habitude de lui faire quand elle était enfant, salua prestement Trystan et Otto et quitta le château, sautillant sur les pavés du chemin qui la menait en direction de la bordure du lac. Elle ne prenait pas la peine de dissimuler ses cheveux ou ses yeux ; les habitants savaient désormais qu’elle était une Targaryenne mais la méfiance s’était depuis longtemps évaporée en voyant qu’elle était la seule de son « espèce » à fréquenter Vieilleville, qu’elle était parfaitement inoffensive et tout à fait chaleureuse. Elle se promenait en fredonnant une mélodie entêtante qui lui trottait dans la tête depuis quelques temps déjà, à la recherche de jolies pierres. Partout où elle allait, elle était prise par ce besoin urgent de commencer des collections de tout et n’importe quoi. Ses étagères en étaient remplies.

Une fois parvenue à destination, elle retira ses chaussures avec précaution et laissa ses pieds nus courir sur la roche chauffée par le soleil. Il n’y avait personne, à cette heure encore très matinale. Le vent fouettait ses cheveux tandis que ses yeux parcouraient l’étendue du fleuve Hydromel et l’embouchure ouvrant sur un océan qui semblait infini vu d’ici. La plupart du temps, Helaena aimait simplement s’asseoir et observer. Aujourd’hui, la marée basse avait ramené tout un tas de petits cailloux sur la berge pendant la nuit et un éclat scintillant attira l’œil de la jeune femme. Pensant qu’il s’agissait d’une perle, elle s’approcha et écarta la terre mouillée et les débris battus par les flots et abandonnés sur le littoral, à la recherche du trésor. Elle fut cependant surprise de constater que ce n’était pas une perle qui se trouvait là… il s’agissait un petit saphir. Mais à peine eut-elle le temps de cligner les yeux que la gemme avait disparu. En face d’elle, il n’y avait plus qu’un somptueuse nacre. Après quelques secondes de confusion et de choc, elle finit par la ramasser d’une main tremblante.

Qu’est-ce que cela voulait dire ? Etait-ce une vision ? Cela concernait-il Aemond ? Non… elle n’osait y croire. Ces derniers temps, elle avait espéré tellement fort et tellement désespérément que son frère cadet trouve le chemin de Vieilleville et la rejoigne que son esprit en devenait fou et créait des visions faussées. Elle passa ses mains sur son visage pour se frotter les yeux vigoureusement et jeta un dernier coup d’œil mortifié là où elle avait aperçu le saphir, mais il n’était plus là. Il n’avait jamais été là. Helaena soupira. A force d’être accroupie sur la berge, des vagues légères venaient lécher le rivage et tremper ses pieds et ses mollets. L'eau était fraîche, mais agréable. Peut-être qu’elle pouvait se permettre de se baigner un peu avant que son grand-père la rappelle pour déjeuner ensemble comme ils avaient pris l’habitude de le faire ?

Helaena jeta plusieurs coups d’œil autour d’elle pour s’assurer qu’elle était toujours seule. Laissant un sourire insouciant se dessiner sur son visage, elle s’empressa ensuite de retirer ses bijoux et sa robe, ne gardant qu’une longue chemise blanche brodée dans une matière beaucoup trop précieuse pour ce qu’elle s’apprêtait à faire. Après avoir posé ses affaires et sa perle assez loin pour que rien ne soit mouillé, elle revérifia la température de l’eau une dernière fois en ne mouillant qu’une main, puis escalada la roche un peu plus en hauteur et plongea. Après seulement quelques secondes, sa tête jaillit de nouveau à sa surface et elle dégagea ses cheveux mouillés de son visage.
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Aemond Targaryen
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Les effluves de la Mer du Crépuscule n’avaient rien à voir avec la puanteur écoeurante de la Néra. Pour un retour à la vie, le prince déchu Aemond Targaryen aurait largement préféré se retrouver n’importe où sauf la capitale, Port-Réal. Cette odeur putride et nauséabonde ne lui avait pas manqué, il en avait reconnu la senteur à l’instant même où son nez aquilin en avait capturé le parfum. Il en aurait presque eu un haut le coeur s’il n’avait pas eu la tête qui tourne et des questions plein cette dernière.
Pourquoi était-il ici ? Quel était le but des Dieux ? Dans sa vie, Aemond n’avait pas eu foi en beaucoup de choses si ce n’est en sa famille, avant tout. Il n’avait jamais spécialement cru à des entités inaccessibles et invisibles qui tiraient les ficelles. Les prières ? Pas son truc non plus. Son destin, on le forge soi-même. Sa destinée, c’est à nous et à nous seuls de la prendre en main et d’en faire ce que bon nous semble. C’était le moto du Parricide depuis son plus jeune âge. Il avait beau être le frère cadet, il était souvent considéré comme le plus mâture des deux —si on excluait Daeron, bien tranquille à Villevieille. Aegon brisait et Aemond balayait derrière lui, c’était ainsi.

Et par les Sept, ça le rendait fou.
Une seconde chance s’offre désormais à lui et il était hors de question qu’il soit une nouvelle fois relégué au second plan. Il irait où bon lui semble, ferait comme ça lui chante. Il ne laisserait plus personne lui dicter sa vie, ni sa conduite.
Et surtout, il ne serait plus jamais éclipsé par l’ombre ignare d’Aegon II, auto-proclamé souverain des Sept Couronnes, voleur de trône. Car si dans son ancienne vie Aemond n’aurait jamais dit quoi que ce soit concernant l’honteux couronnement de son frère aîné, il prendrait part aujourd’hui. Il n’avait jamais été légitime, et c’est cette illégitimité bafouée qui avait conduit à la Danse des Dragons ; et à la mort du reste de sa famille.

Aemond est un jeune homme intelligent, rusé et qui sait apprendre de ses erreurs. Il ne referait pas les mêmes. Pas alors que ses décisions et ses choix précédents avaient conduit à la mort des jumeaux d’Helaena, ses enfants. Et à sa propre mort à lui.

À peine avait-il repris une conscience et un souffle que ses pensées s’étaient tournées vers elle. Sa soeur, sa fragile mais si brillante soeur. Il fallait qu’il la retrouve, qu’il revienne à elle. Si lui était revenu à la vie, il était impensable pour Aemond qu’il n’en soit pas de même pour Helaena. Il parcourrait Westeros en long et en large plusieurs fois sans s’arrêter pour simplement revoir son angélique visage.
Le prince déchu savait que Port-Réal était une cause perdue. Il connaissait bien Helaena, jamais elle ne serait demeurée dans cet enfer surpeuplé en revenant à la vie. Un seul endroit lui vient en tête : la demeure ancestrale de leur mère, à Villevieille. Et tant pis si le voyage serait long à dos de cheval. Son coeur se serre douloureusement à la pensée de son intrépide Vhagar qui n’était plus de ce monde.

Le trajet à travers la région du Bief n’est pas désagréable, l’air y est plus respirable et les gens moins exécrables qu’à Port-Réal ; Aemond se surprend à n’éprouver nul besoin de retourner à la capitale. Sûrement parce que ni sa mère et ni sa soeur ne s’y trouvent désormais. Sa place serait là où elles sont et secrètement il nourrit l’espoir de revoir ce petit frère, Daeron, qu’il n’a pas connu.

Après plusieurs semaines à suivre la route de la Rose, éreinté mais déterminé, le Parricide arrive jusqu’aux portes de Villevieille et non sans attiser quelques chuchotis à cause de sa longue chevelure argentée et son hideuse cicatrise partiellement dissimulée sous son cache-oeil. Au loin, il aperçoit Grand-Tour mais n’en prend pas immédiatement la direction. Son instinct lui dicte de ne pas s’y rendre tout de suite. À la place, il guide son étalon noir ébène le long de l’embouchure de l’Hydromel. Il a besoin de s’écarter de la populace et le fleuve ne semblait attirer personne en cette douce journée de printemps. Il le sent, il doit se trouver à cet endroit précis pour une raison qu’il ignore encore. Si Helaena était à ses côtés, elle lui dirait de faire confiance à cette petite voix inaudible qui guide son coeur et les foulées souples de sa monture.

Et comme toujours, sa douce Helaena aurait eu raison. Soudain, ses doigts noueux se crispent sur les rênes de son cheval tandis qu’il aperçoit une silhouette qu’il connaissait par coeur pour l’avoir tracée et caressée du bout des doigts des nuits durant. Une sirène à la chevelure d’argent sur un rocher et qui plonge dans l’eau presque translucide, insouciante. Heureuse.
Helaena. Son Helaena. Son coeur s’emballe violemment dans sa poitrine et une grimace déforme la commissure de ses lèvres. La revoir lui fait tant de bien et à la fois tant de mal alors que de douloureux souvenirs de leur ancienne vie affluent dans son esprit.
Elle n’a pas changé, elle est toujours aussi belle. Il reconnait cette femme qu’il a aimé dès qu’il a été en mesure de prononcer son prénom. Ce spectacle presque irréaliste est une vision des plus agréables et des plus sublimes qui lui ait été donné de voir. Il la voit plonger dans l’eau et son corps le démange violemment, trop habitué à évaluer les risques et se baigner dans le fleuve en était un. Un automatisme qu’il avait apparemment gardé de son ancienne vie.
Il donne un coup de talon délicat à sa monture et s’approche discrètement de la berge. Ne surtout pas effrayer sa soeur, c’était un principe auquel il tenait à respecter depuis très longtemps. Aemond finit par descendre de son étalon, flatte son encolure pour le féliciter et approche encore un peu, à pas de loup, comme il avait approché l’imposante Vhagar plus jeune. Son oeil valide ne quitte pas Helaena du regard et qui semble ne pas l’avoir encore remarqué. Cela lui laisse tout le loisir de la regarder, de s’assurer qu’elle se portait bien. Ses petites pommettes sont rougies par le plaisir et par l’eau légèrement salée du fleuve. Sa longue tignasse argentée et détrempée lui donne une mine presque sauvage. Et ses grands yeux lilas qui posaient toutes les questions du monde et pourtant avaient toutes les réponses…
Aemond déglutit brutalement en s’apercevant que leurs regards s’étaient happés. Démasqué, découvert. Il ne peut plus fuir désormais.

« — Hel…, souffle-t-il. »

Il n’arrive pas à parler, sa gorge s’assèche désagréablement et ses cordes vocales ne répondent plus à sa volonté.
Il le sait, qu’il l’aurait retrouvée même si des milliers de kilomètres les avaient séparé. Il aurait passé toute sa vie à la chercher, même s’il avait dû y laisser sa vie en guise de rétribution aux Dieux.
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saphyr
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Helaena se portait même merveilleusement bien. L’eau lui arrivait désormais aux épaules. Ce n’était pas une plage paradisiaque au sable épuré et une mer immaculée mais le fleuve suffisait amplement à son bonheur et à nourrir son imagination. A travers l’étendue aquatique transparente, le soleil révélait la présence de quelques roches brillantes et cristaux potentiellement intéressants pour sa collection. La demoiselle retint sa respiration, prit son élan et sa tête disparut sous l’eau pendant quelques poignées de seconde, ne laissant comme preuve de sa présence qu’une multitude de petites bulles qui quittèrent la barrière de ses lèvres pour parvenir à la surface. Les yeux ouverts, la vision légèrement trouble, elle laissa la gravité maritime lui faire atteindre lentement le sol rocailleux et ramassa quelques petits éclats de roche. Puis elle remonta à la surface, reprenant sa respiration, satisfaite de sa  pêche. Prise dans sa tâche, elle avait complètement oublié le trouble qui l’avait saisie quelques instants plus tôt alors qu’elle avait cru voir la lueur d’un saphir sur la berge.

Et pourtant, peut-être aurait-elle dû se montrer plus confiante envers elle-même, envers ses dons. Aemond, de son côté, n’avait pas hésité à écouter son instinct et il l’avait amené jusqu’à retrouver le chemin d’Helaena. Elle ne s’en rendait pas encore compte. Tandis qu’il se rapprochait doucement et descendait de la selle de son cheval, elle effectuait quelques brasses pour revenir vers le rivage. Elle avait tourné la tête presque distraitement en constatant qu’il y avait du mouvement, qu’une présence humaine l’avait rejointe dans son havre de paix autoproclamé. Et brusquement, elle s’était figée comme une statue de cire, bien que les vaguelettes et le courant continuaient de la pousser inévitablement et doucement vers le large. A quelques mètres d’elle, debout sur le rocher, se tenait son jeune frère si adoré. Droit aux côtés d’un magnifique étalon de jais, dans une posture rigide et distinguée, parfaitement apprêté comme s’il sortait tout droit d’un rêve d’Helaena. Son œil était rivé droit sur elle comme s'il était sur le point de lui reprocher son inattention face aux risques potentiels qu'elle encourait avec son innocente baignade. D’autres le trouveraient apathique mais son aimée le connaissait assez pour savoir ce qui se cachait derrière cette posture froide et ce regard impassible : la surprise, l’hésitation, le manque, le désir. Elle le savait tout simplement parce que ce mélange confus de sentiments se reflétait sur elle-même comme un miroir parfait.

Cependant, elle ne s'affola pas trop vite. Et si c’était une autre vision trompeuse ? Et si son esprit était particulièrement épuisé et vulnérable aux hallucinations cruelles aujourd’hui ? C’était impossible qu’Aemond ait fait tout ce chemin pour venir la voir, elle. Pas après tout ce qui s'était passé, pas après ce qu'ils avaient vécu pendant l'affreuse Danse des Dragons. Elle cligne des yeux, pince son bras très fort sous l’eau au point de laisser une marque mais la silhouette élégante de son frère ne disparaît pas. Et soudain, il ouvre la bouche et prononce son nom. Il se trouve trop loin pour qu’elle entende son souffle mais ses yeux sont attirés par ses lèvres dès qu’il les mouve et elle y lit distinctement la première syllabe de son nom. Elle reconnaîtrait sa prononciation entre mille. Il l’avait déjà maintes fois murmuré comme une prière contre ses lèvres, dans des moments dont ils étaient seuls à partager le secret. Et brusquement, elle réalise que ce n’est pas un mirage de pauvre esprit fou.

« Aemond ! »

Elle s’écrie. Et comme si ses jambes se remettaient à fonctionner après une panne moteur, elle se met à courir vers lui. Ignorant l’eau qui ralentit considérablement ses pas, les roches lisses et coupantes qui blessent la plante de ses pieds et laisse quelques filaments ensanglantés sur son sillage aquatique. Lorsqu’elle parvient sur le rivage, elle manque de trébucher mais se rattrape maladroitement juste à temps. Plus rien n’a d’importance. Ses yeux, ses pieds, ses mains, l’intégralité de son corps se dirige tout droit vers Aemond comme si elle était incapable de résister à l’attraction d’un aimant. Sa chemise blanche qui colle désormais à son corps et ne couvre plus grand chose est complètement ruisselante, mais Helaena ne se pose pas la question de savoir s’il sera rebuté à l’idée d’être trempé et s’il la repoussera quand elle se jette sur lui, l'enfermant dans une étreinte. Ses bras viennent encercler ses épaules, son front se pose contre son torse et elle halète, s’accrochant avec ferveur, comme si elle avait peur qu’il s’évapore si elle desserre son emprise. Elle sent sa respiration saccadée, son cœur qui bat... il est bel et bien là.

« Je suis désolée Aemond, je suis tellement désolée… »

Les larmes viennent se mêler aux gouttes d’eau qui perlent son visage d’ivoire tandis qu’elle relève la tête, incertaine et bouleversée. N’est-il pas en colère contre elle ? Pendant qu’il se battait vaillamment pour leur royaume, elle n’a pas su protéger leurs enfants, elle les a laissés mourir devant ses yeux. Il devait forcément le savoir, lui en vouloir… Prise d’une soudaine culpabilité qui ébranle sa joie débordante de le revoir, Heleana ne se sent plus digne de le toucher, de le prendre dans ses bras. Elle avait amorcé un mouvement pour prendre son visage entre ses mains mais au dernier moment elle combat son envie de le toucher et se rétracte, se recule et ramène ses mains contre elle, les yeux écarquillés. Elle a honte mais comme une petite fille, elle est incapable de s’arrêter de pleurer.

« Je… »

Il lui faut quelques secondes pour maîtriser le tremblotement pathétique de sa voix.

« Je n’ai pas su les protéger. Les jumeaux… tout est de ma faute. »

S’il ne souhaite pas la pardonner, elle le comprendra. Elle n’est pas sûre d'être capable de se pardonner elle-même.
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Aemond Targaryen
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En effet, l’embouchure de l’Hydromel ne ressemblait en rien aux plages paradisiaques d’Essos ou même de Dorne. Néanmoins, la seule présence de la princesse déchue rendait tout autre endroit de ce monde insignifiant et sans aucune beauté à ses yeux —enfin, à son oeil. Si Aegon s’était toujours moqué de l’apparence d’Helaena et de se passion étrange pour les insectes, Aemond avait su voir la beauté véritable qui se cachait derrière ce drôle de comportement.
Pour avoir lu, beaucoup, le fils cadet de Viserys savait que c’était là une affliction qui touchait parfois certaines personnes, qu’elles naissaient avec ça à la naissance et qu’elles n’y pouvaient rien. Évidemment, tous les autres se moquaient de cette différence, comme si la jolie Helaena était une bête de foire. Aemond, lui, n’avait jamais ri. Jamais. Il s’était même intéressé aux passions de sa soeur, tout en restant bienveillant et ouvert d’esprit. Il prenait soin d’elle tout comme elle prenait soin de lui. Elle ne s’était jamais moquée de lui non plus lorsque son oeuf de dragon n’avait pas éclos. Que le seule de la portée d’Alicent, un Targaryen jusqu’au bout des cheveux, se retrouvait sans dragon. Sa soeur aînée avait toujours semblé sincèrement peinée pour lui, de cette situation qui lui valait nombre de plaisanteries douteuses de la part d’Aegon et de ses cousins Velaryon.

Pas une fois sa douce Helaena ne s’était ri de lui. Et Aemond ne l’en avait aimée que plus encore.

Le monde disparait autour d’eux, les laisse gentiment en tête-à-tête tandis que tous deux se jaugent de loin, prennent le temps de réaliser que tout ceci est vrai ; qu’Helaena n’est pas influencée par l’une de ses nombreuses visions et qu’Aemond n’est pas encore trop atteint d’une folie si dévastatrice que cette dernière lui ferait faussement entrevoir la femme de sa vie.
Elle crie son nom et le corps pétrifié de l’argenté se remet soudainement en mouvement. Il prend une profonde inspiration, la rejoint d’un pas empressé afin de ne pas lui laisser faire tout le chemin seule sur les galets rugueux de la rive. Elle manque plusieurs fois de s’écrouler au sol et par réflexe, Aemond tend les bras et se précipite un peu plus dans le cas où il faudrait la rattraper dans sa chute. Mais Helaena reste assurée sur ses petits pieds. Ils se heurtent l’un et l’autre et immédiatement il entoure la forme gracile de sa soeur de ses bras puissants, passe une de ses mains dans sa nuque en un geste jalousement protecteur. Son autre bras entoure fermement sa taille pour la maintenir contre son buste et ne plus jamais la laisser partir. Sa chemise légère est trempée et le voilà bientôt également, il n’en foutrement cure. Il tient de nouveau sa douce soeur contre lui, il se fichait bien de devoir faire sécher ses vêtements en rentrant. Il ferme un instant sa paupière, enfouit son nez dans la chevelure humide d’Helaena, inspire discrètement son odeur. L’iode de la mer, le sable chaud et la lavande ; et quelque chose de plus qui n’appartient qu’à elle. Il peut sentir son coeur battre comme les ailes d’un oiseau affolé, comme quand ils n’étaient que tous les deux ; nus sous une montagne de fourrures. Instinctivement, il ressert son étreinte autour de sa taille, l’emprisonne pour signifier silencieusement qu’il ne veut pas qu’elle quitte la prison dorée de ses bras.
Elle relève alors le visage et la voir pleurer lui fait un mal de chien. Il fronce légèrement les sourcils et s’empresse de chasser les petites perles salées du bout de ses pouces.

« — Désolée de quoi, Hel ?, demande-t-il, le timbre de sa voix doux et tranquille. Tu n’as à être désolée de rien. »

Il la sent s’écarter, comme pour prendre les jambes à son cou et instaurer une distance respectable entre eux mais Aemond n’est clairement pas de cet avis. D’ordinaire, il n’aurait pas imposé son toucher à Helaena de cette façon mais il est différent des autres. Sa soeur, qui abhorre cruellement les contacts physiques, n’avait jamais refusé les siens.
Alors il la prend de nouveau par la taille et plonge son oeil mauve dans le sien, tempétueux ; toujours éperdument amoureux.

« — Helaena. Regarde-moi, s’il te plaît. »

Il glisse son index sous son menton strié de larmes, se torture l’esprit pour trouver les mots justes —Aemond n’a jamais été un grand bavard. Aujourd’hui, pour elle, il doit trouver la parole qui fera qu’elle comprendra. Qu’elle comprendra qu’il est toujours fou d’elle, que même la mort n’avait en rien effacé les sentiments qu’il avait éprouvé pour elle.

« — Ce n’est pas ta faute. Tout est de la mienne. J’aurais dû être là pour vous protéger toi et les jumeaux. C’est moi qui ai failli à mon devoir alors que je t’avais promis de veiller sur vous quatre. »

Il incluait le petit Maelor. Car même s’il était d’Aegon, il était avant tout d’Helaena. Et Aemond les aimait tous sans exception.
Il s’empare alors de son visage entre ses paumes immenses, maintient leur contact visuel tandis qu’il se repaît de la vision de cette magnifique femme qui se trouve ici, prisonnière de son étreinte de fer et qui pourtant ne semble pas vouloir s’enfuir.
Un petit sourire naît à l’embrasure de ses lèvres, de ceux qu’il ne réserve qu’à Helaena.

« —Issa jorrāelagon… Nyke missed ao sīr olvie., murmure-t-il dans leur langue ancestrale. »

(Mon amour… Tu m’as tellement manqué.)
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saphyr
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Nous les amoureux, il paraît que c'est l'enfer qui nous guette ou bien le fer et le feu.
Nous les amoureux, nous ne pouvons rien contre eux : ils sont mille et l'on est deux.
Helaena s’interdisait de le regarder, de le toucher, dans l’objectif de se punir elle-même. Parce qu’elle sentait que c’était tout ce qu’elle méritait pour avoir été aussi faible, aussi inutile, aussi… aussi impuissante. Elle qui avait été bénie du troisième œil n’avait pas été prévenue par une quelconque vision prophétique que tous ses enfants lui seraient cruellement arrachés et lorsqu’elle avait vu la mort d’Aemond dans le plus affreux des cauchemars, il était déjà trop tard. Alors elle se forçait à souffrir, comme tous ses proches avaient souffert. Parce qu’elle aurait dû être utile, elle avait un don de prophétesse et un dragon et elle ne s’était servie d’aucune de ces cartes. Pouvoir de nouveau étreindre Aemond, c’était son désir le plus cher. Alors elle décida de s’en priver. Mais lorsqu’il resserra son emprise sur elle pour l’empêcher de mettre de la distance entre eux, elle ne se sentit nullement oppressée ou agressée comme c’était le cas habituellement quand on la touchait sans son autorisation, sans la prévenir. Même sa propre mère qu’elle aimait pourtant tendrement était systématiquement victime des crispations ou des rejets d’Helaena à chaque fois qu’elle tentait une approche avec elle, aussi douce qu’un être humain qui tente de redonner confiance à un petit animal effrayé et méfiant. Aemond était le seul épargné. Le contraire se produisait pour lui : dès qu’Helaena avait goûté à son toucher pour la première fois, elle ne voulait plus jamais se séparer de lui.

Il était si doux avec elle. Il la manipulait avec une douceur incommensurable, comme si elle était une chose fragile qui risquait d’éclater entre ses mains et peut-être que c’était le cas. Il balaya ses larmes d’un revers de main, força son regard à s’ancrer dans le sien doucement mais fermement et lui parla avec sa voix tendre, ses mots affectueux, qu’il ne réservait à personne d’autre qu’elle. De son côté, elle ne lui en avait jamais voulu d’être parti loin d’elle pour se battre. Il ne faisait qu’obéir aux ordres d’Aegon, leur frère mais également leur roi. Il n’avait pas le droit de désobéir à leur aîné, même si elle savait qu’il aurait tout donné pour rester auprès d’Helaena et des enfants. Ça aurait été considéré comme de la haute trahison et il aurait pu être tué pour cela. Le fait qu’il prenne la peine d’inclure Maelor dans son discours faillit la faire fondre en larmes à nouveau ; il aimait tellement ce petit garçon… plus qu’Aegon, qui était pourtant son père. A l’époque, Helaena avait cru qu’elle ne s’attacherait jamais à l’enfant après sa naissance, parce qu’il était le fruit d’une relation forcée avec son mari trop alcoolisé, qui ne se souciait pas de savoir si elle acceptait de l’accueillir ou pas dans ses draps. Mais Aemond avait aimé cet enfant si fort qu’Helaena avait appris à l’aimer aussi.

Au final, il était enfin parvenu à lui arracher un sourire qui répondait au sien. Il était parvenu à calmer ses angoisses par ses mots et ses gestes, comme toujours. Ses mains sur son visage, son front que Helaena vint poser contre le sien en fermant les yeux de soulagement et de contentement… elle n’avait besoin de rien de plus pour être la femme la plus heureuse de Westeros. Comme elle avait rapproché son visage du sien, elle sentait son souffle s’abattre sur son visage et un frisson la parcourut. A ce moment, elle ne savait pas si elle voulait qu’il l’embrasse tendrement sur le front comme un frère ou passionnément sur les lèvres comme un amant. Tout ce qu’elle savait, c’était que les malheurs et les atrocités qu’ils avaient traversés n’avaient aucunement entaché l’amour qu’il lui portait. Que son cœur lui appartenait toujours.

« Je savais que tu allais revenir. Une perle du fleuve me l’a montré. »

Souffla-t-elle à voix basse, comme un secret qu’il était désormais seul à partager avec elle. Il était peu probable qu’il comprenne le sens de sa phrase mais peu importe. Aemond était parfois confus face à tout ce qui se passait dans l’esprit d’Helaena mais il ne s’était jamais moqué d’elle. Il avait toujours respecté sa différence et parfois montré de la curiosité. Avec lui, elle pouvait être elle-même sans avoir besoin de se museler ou de se rendre invisible par peur qu’on la trouve bizarre ou folle et qu’on se rie d’elle. Le fait qu'il lui réponde en haut valyrien contribua également à l'aider à s'extirper de la brume de son esprit.

« Umbagon rūsīr issa. Dōrī henujagon issa arlī. Nykeā nyke jāhor dōrī glaesagon arlī. »

(Reste à mes côtés. Ne me quitte plus. Ou je ne pourrais plus jamais vivre.)

Ils pourraient être heureux ici, elle en était persuadée. Il aimait le calme, comme elle. Il aimait la nature, comme elle – ou il prétendait l’aimer pour lui faire plaisir. Il ne supporterait pas d’être enfermé entre les murs froids de Peyredragon là où se trouvaient des souvenirs douloureux, là où s’entassait leur famille et leurs ennemis proclamés, mais surtout là où Helaena ne se trouvait pas. Elle pourrait le rendre heureux. Elle affectionnait déjà le Bief, elle prévoyait déjà de lui montrer tous les endroits qu’elle adorait, où elle allait se réfugier pour être tranquille ou pour observer des paysages magnifiques. Et puis Otto serait ravi de le revoir. Ne serait-ce pas merveilleux ? Un nouveau sourire, plus franc, plus large grâce à l’euphorie nouvelle qui prenait possession d’elle à mesure qu’elle imaginait leur avenir ici, se dessina sur son beau visage. Ses mains attrapèrent celles d’Aemond, le tirant avec autorité.

« Tu as fait un long chemin. Tu dois te détendre. Viens te baigner avec moi. »
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Aemond devine aisément que le comportement que sa soeur adopte est simplement une manière à elle de se fustiger. Il la connait par coeur, il sait qu’elle s’en veut infiniment de ce qui est arrivé à leurs enfants. Qu’elle n’avait pas su les protéger comme elle aurait dû en tant que mère. Mais que pouvait-elle faire ? Rien. Les mercenaires avaient été plus malins et s’étaient joués de la fragilité d’Helaena en menaçant les petits. Elle avait fait de son mieux avec ce qu’elle avait. C’est Aemond qui aurait dû s’occuper d’eux, rester à Port-Réal pour les protéger.
Son égo avait surpassé le reste, il devait prouver aux yeux du monde qu’il était Aemond ‘One Eye’ Targaryen, dragonnier de l’immense Vhagar, et qu’Harrenhal était sienne. Il avait voulu prouver qu’il était plus digne de la couronne que son stupide de frère qui, malheureusement, la portait à sa place. Et avait épousé la femme qu’il aimait, par dessus le marché ! De par sa place d’aîné, Aegon lui avait volé toutes ses ambitions et ses rêves. Il y aurait juste eu à les échanger de place et tout le monde aurait été satisfait ; surtout lorsqu’Aegon avoue ne pas vouloir du trône.

Ne pas ressasser le passé, c’est qu’Aemond avait tenté de faire depuis son retour à la vie. Or, il n’y avait pas un seul jour où il ne pensait pas à son existence d’avant. Il se demandait si les enfants qu’il avait eu illégitimement avec sa douce reviendraient eux aussi. Il y avait peu de chances, cependant. Ils étaient trop jeunes, comment pourraient-ils se souvenir de leurs parents et revenir à eux de leur propre chef ? Non, c’était fort improbable.
Ils resteront une éternelle blessure dans le coeur d’Aemond, pour en rajouter une énième à son tableau de chasse. Maelor n’était pas de lui, néanmoins cela ne l’avait pas empêché de l’aimer comme les jumeaux. Le Prince régent n’avait jamais fait de différence, il les avait aimé autant les uns que les autres sans faire de distinction. Un aspect qu’Alicent ne semblait pas avoir et qu’inconsciemment il s’était juré de ne pas reproduire. Pas de favoris, pas de laissé pour compte.

Sa belle Helaena manque de fondre en larmes de nouveau et alors qu’un sourire habillait ses jolies lèvres écarlates, alors il sait qu’il avait visé juste. Que finalement, ces grosses larmes de crocodiles n’étaient qu’une manifestation d’un bonheur sous-jacent. Que la présence d’Aemond près d’elle la réjouissait, miroir de ses propres émotions.
Elle vient poser son front contre le sien et l’argenté ferme un instant les yeux pour profiter pleinement de ce contact si intime entre eux. Il dodeline légèrement de la tête, frottant son front contre celui d’Helaena en une caresse qui n’appartenait qu’à eux. Du bout de ses pouces calleux, il cajole ses petites joues toutes douces, résiste à l’envie viscérale de l’embrasser à pleine bouche et de clamer ses lèvres comme siennes à nouveau. Toutefois, Aemond ne veut pas la brusquer et se contente bien volontiers de cette proximité tendre et délicate. Aux paroles de sa reine, il ne peut s’empêcher de sourire légèrement à son tour.

« — Vraiment ? Tu me raconteras, j’espère. »

Il était plus que sincère, il avait très envie d’en savoir plus sur cette vision qui le concernait de près et qui semblait être un récit très adorable à écouter. Puis, lorsqu’elle lui répond en haut-valyrien, un lourd frisson parcourt son échine. Elle exerce un pouvoir toujours incroyable sur lui quand elle lui parle dans cette langue.
Leurs front se séparent tandis que le plus jeune redresse son visage et dépose un baiser sur chacun des sourcils humides et salés d’Helaena en guise de réponse à ses mots.

« — Tu as le goût du sel., dit-il d’un ton joueur. »

Elle l’invite à rejoindre le fleuve et les joues du Parricide s’enflamment furieusement. Il maintenait ses pulsions envers elle à distance, dans un recoin de sa tête, mais Aemond savait qu’une fois nu contre elle, seul à seul, dans un environnement aussi tranquille et apaisant, il ne pourrait pas se retenir très longtemps.
Il ne peut rien refuser à sa grande soeur et se laisse traîner docilement jusqu’à la berge. Il soupire pour la forme tout en commençant à retirer son veston. Il se débarrasse de ses bottes, de son pantalon et du reste de ses sous-vêtements. Son cache-oeil rejoint le petit tas de ses habits qu’il avait déposé à côté de ceux de la princesse. L’air est un peu frais et c’est une sensation agréable sur la peau embrasée du dragon. Il suit Helaena jusque dans l’eau, s’arrête quand celle-ci recouvre le haut de ses hanches. Il plonge les mains et s’asperge les épaules pour éviter l’hydrocution —on ne sait jamais n’est-ce pas, Aemond et l’hyper-contrôle. Son regard se pose sur sa sirène argentée, divine créature aquatique au sourire enchanteur. Il ne peut s’empêcher de la dévorer de l’oeil, de caresser de sa pupille chacune de ses courbes généreuses que sa chemise blanche moulait à la perfection. L’argenté sent son corps réagir plus que favorablement à cette séraphique vision, son self-control mis à rude épreuve.

« — Tu étais certainement une néréide dans une autre vie, princesse., dit-il avec un petit rictus. »
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Nous les amoureux, il paraît que c'est l'enfer qui nous guette ou bien le fer et le feu.
Nous les amoureux, nous ne pouvons rien contre eux : ils sont mille et l'on est deux.
Sans l’amour que lui avait porté Aemond presque toute sa vie, sans ses enfants qui remplissaient le vide laissé par les absences, les humiliations et son mariage malheureux avec Aegon, Helaena se serait jetée du haut de sa tour du Donjon Rouge bien plus tôt. Elle était prête à tout sacrifier pour les siens, y compris son bonheur et sa propre vie, mais n’était pas comme sa mère : Alicent était une femme puissante comme un roc au mental d’acier préparée depuis le plus jeune âge à endosser la lourde responsabilité de la royauté, ses bras ne tremblaient jamais lorsqu’ils tenaient Helaena et même si le toucher d’autrui lui faisait horreur, cette poigne maternelle farouchement protectrice l’avait empêchée maintes fois de s’écrouler comme un vieux bâtiment ruiné. Jaehaera, sa fille, la fille d’Aemond, possédait aussi cette force intérieure qui faisait tant défaut à Helaena ; petite, elle était si faible, si anormalement craintive, qu’Aegon pensait qu’elle n’atteindrait pas l’âge adulte. Mais la fillette avait survécu à la Danse des Dragons, elle avait épousé Aegon III Targaryen, elle était devenue reine des Sept Couronnes et les hostilités avaient pris fin sous son règne. Le destin de la jeune souveraine à peine âgée de dix ans avait été funeste. Helaena était si fière. Mais si seulement elle avait été là…

« La perle était un saphir. Le saphir était dans un coquillage. Tant qu’il reste dans le coquillage, aucun mal ne pourra l’atteindre. Il sera en sécurité. »

Helaena n’avait honnêtement aucune idée de ce qu’elle était en train de dire. Telle était la réalité des prophétesses : nullement sorcière, nullement fausse devin, comme les autres, elle découvrait le sens de ses propres énigmes lorsque la réponse était révélée par le cours inévitable des événements. Les mots sortaient de sa bouche comme si quelqu’un d’autre les plaçait là et utilisait sa voix comme un automate. Elle avait la conviction profonde que c’était ce qu’il fallait dire sur le moment, elle le sentait viscéralement au fond de son être et se laissait guider par cet instinct qui ne lui avait jamais fait défaut. Aemond mit fin au contact qu’elle avait initié entre eux, reculant son front. Elle fronça les sourcils mais ne rouvrit pas les yeux et il ne tarda pas à revenir la couvrir d’attentions.

« Et toi, tu sens le cheval. »

Répondit-elle d’un ton léger et amusé qui répondait au sien. Pourtant, l’odeur qu’il portait sur lui à cause du long chemin parcouru pour parvenir jusqu’à elle ne la dérangeait nullement. Avant de le relâcher pour repartir vers le fleuve, elle enveloppa les joues de son amant entre ses mains et déposa un baiser rapide et chaste sur ses lèvres, puis elle échappa à l’emprise de ses bras. Elle l’entendit soupirer mais il ne chercha pas à protester davantage et bientôt il se retrouva à égalité avec sa sœur, leurs vêtements négligemment déposés en tas pour Helaena et parfaitement bien pliés pour Aemond. Alors qu’elle nageait jusqu’à ce que l’eau soit assez haute pour atteindre ses épaules, il reprit la parole et la princesse plissa les traits de son front, comme à chaque fois qu’elle se plongeait dans une profonde réflexion.

« Si je devais me réincarner, ce serait en pieuvre. »

Elle était beaucoup trop sérieuse et beaucoup trop impliquée en comparaison avec la légèreté de cette discussion. Elle s’était déjà penchée sur le cas des octopodes, des animaux fascinants bien que nettement plus difficiles à ramener au château pour les étudier que les petits insectes. Les pieuvres prenaient soin de décorer leurs maisons avec des coquillages, elles étaient capables d’émotions lorsqu’elles avaient mal et mourraient en donnant leur vie pour leur progéniture. Aemond préférait cependant imaginer sa sœur adorée en créature mythologique dotée de beauté et d’humanité plutôt qu’en animal marin visqueux – comment lui en vouloir ? Et pourtant elle se sentait tellement plus proches des monstres à huit pattes.

Lorsqu’elle releva la tête vers lui, la première chose qu’elle remarqua fut l’éclat de saphir à la place de son œil meurtri. Il retirait très rarement son cache-œil en public mais Helaena le réclamait régulièrement lorsqu’ils étaient seuls. Son frère était un bel homme, elle était loin d’être la seule à l’avoir remarqué, et elle l’aimait tout autant avec la cicatrice qui ornait son visage, son humeur exécrable et sa jalousie dévorante. Parfois, elle l’aimait même plus que ce qu’elle ne devrait, viscéralement obstinée à chercher de la beauté et du bien dans tout ce qu’il y avait de sombre, de mauvais, de laid et de détestable dans son âme. A la façon dont, il la regardait, elle savait qu’il l’aimait aussi. Il le répétait constamment, comme pour rassurer son cœur. Mais elle l'avait toujours su.

Aemond ne fit cependant aucun geste pour se rapprocher d’elle physiquement. Il restait à distance raisonnable, n’osant brûler la peau de porcelaine de sa sœur qu’à la force de son regard. Jamais il ne l’avait forcée à quoi que ce soit, jamais il n’avait imposé son désir sur elle. Nul besoin, Helaena lui donnait déjà tout sans qu’il n’ait à le réclamer. Elle passa ses mains sur ses épaules et repoussa le tissu qui les recouvrait. La robe glissa le long de ses bras, puis de ses jambes, et la révéla complètement. Dans le même temps, elle prit l’initiative de venir jusqu’à lui. Ce n’était pas la première fois qu’il la voyait ainsi, en tenue d’Eve, mais c’était la première fois depuis que la mort les avait séparés et Helaena sentait que cette fois-là était particulièrement importante.

« Māzigon naejot issa issa jorrāelagon. »
(Viens à moi, mon amour.)

Le corps d’Helaena vint se presser contre le sien, ses petites mains s’accrochant à l’arrière de la tête d’Aemond. Malgré la fraîcheur de l’eau il était brûlant, comme s’il était lui-même constitué de feu. Un brasier qui pourrait brûler toute une ville de sa passion destructrice sans faire le moindre mal à Helaena.

« Nyke daor aōha dāria dombo. Nyke ȳdra daor sytilībagon naejot nykeā tolie vala. Nyke vēdros bona nyke ēdan naejot ruaragon issa jorrāelagon syt jeme bisa jēda. Nyke jaelagon naejot hīghagon ziry naejot se vys. »
(Je ne suis plus ta reine, désormais. Je n’appartiens plus à un autre homme. Je déteste avoir été obligée de cacher mon amour pour toi tout ce temps. Je veux le crier au monde.)
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Le bref récit de la perle changée en saphir et de la sécurité du coquillage sont des paroles énigmatiques que personne, pas même Helaena, ne peuvent véritablement comprendre. Il s’agit là certainement d’une autre vision, d’une autre prophétie qui se réalisera ou ne se réalisera pas. Le seul moyen de le savoir, c’est d’attendre. D’attendre la vie, d’attendre le cours des évènements.
Néanmoins, Aemond ne peut s’empêcher de trouver la métaphore plutôt jolie. Il n’était pas dupe, le saphir le représentait et sans doute que le coquillage était le futur cocon que Grand-Tour allait représenter pour eux. Si les Dieux existaient, peut-être avaient-ils fini de se jouer d’eux et de leur permettre une seconde vie plus tranquille, où ils pourraient vivre leur amour sans être obligés l’un et l’autre de remplir leur devoir. Parce que si l’amour est la mort du devoir, la réciproque est tout à fait vraie : le devoir est la mort de l’amour.

Une question demeure, toutefois. Aemond supportera-t-il une vie de paix ? Ambitieux et incapable de tenir en place, sera-t-il prêt à mettre tout cela de côté pour enfin vivre son histoire avec sa douce Helaena ?
Une autre réponse que seul le temps pourra concrètement apporter.

L’argenté est rapidement sorti de sa réflexion intérieure à la remarque très pertinente de sa soeur qui réplique immédiatement en disant qu’il sentait le cheval. Il ne peut retenir le rire qui secoue ses épaules, son visage déformé par une légère grimace embarrassée. C’est vrai qu’il ne devait pas vraiment sentir la rose après toutes ces semaines passées sur les routes sur le dos de sa monture. Il avait bien besoin d’un bain, il ne le nie pas. Cependant, cela n’a pas véritablement l’air de gêner Helaena qui reste tout de même proche de lui et ne fait rien pour s’écarter. Et le tendre baiser qu’elle dépose sur ses lèvres avant de repartir dans l’eau ne fait que le rassurer et le conforter dans l’idée qu’il ne devait pas sentir aussi mauvais qu’il ne le craignait.

L’eau est à température idéale, personne autour d’eux pour venir les importuner. Aemond se sent bien à cet instant précis. Lui l’écorché vif —au sens littéral comme au figuré— semble avoir trouvé un peu de paix, de sérénité. *Enfin*. L’eau avait toujours eu un effet salvateur sur lui. Il aimait les jours de tempêtes et de pluie, l’odeur de la terre mouillée pendant un orage était sa préférée. Étrange puisque l’on sait qu’il est le sang du dragon et que tout en lui rappelle le feu d’un incendie.
À la remarque profondément sérieuse et concentrée d’Helaena concernant les créatures octopodes, il sourit une énième fois —décidément.

« — Je suis certain que les pieuvres sont la réincarnation des néréides. Gracieuses et farouches. Comme toi, Hel. »

Il était en train de se dire que cet animal correspondait trait pour trait à sa soeur lorsque le seul oeil valide d’Aemond est soudainement attiré par les gestes de cette dernière qui retirait le dernier rempart de tissu qui protégeait encore sa vertu. Une boule se forme dans la gorge du jeune homme tandis qu’il regarde Helaena se découvrir, dévoilant sa peau centimètre par centimètre. S’il n’avait pas déjà chaud, Aemond se sentait à présent brûlant, comme si de la lave en fusion léchait sans retenue le creux de ses reins.
Qu’il soit entièrement nu était une chose. Qu’Helaena soit entièrement nue, à sa merci, en était une autre. Il déglutit alors qu’elle se rapproche petit à petit de lui. Un part de son esprit lui crie de sortir de l’eau et de se rhabiller, qu’il ne pouvait pas profiter d’elle ainsi alors qu’ils venaient à peine de se retrouver. Mais les ténèbres de son âme sont plus fortes que le reste et quand sa soeur lui ordonne de venir jusqu’à elle, Aemond avance et supprime les derniers mètres qui les séparaient encore. Il ne peut rien lui refuser, jamais il n’avait pu. Et elle le réclame, de tout son corps et de son âme, il le ressent jusque dans ses tripes.
Alors, il l’entoure de ses bras puissants, l’attire tout contre son torse sans la quitter du regard une seule petite seconde. Sa pupille affamée capte dans son giron une fine goutte d’eau qui dévale son épaule. Aemond se penche et la recueille du bout des lèvres, passe la pointe de sa langue sur le derme ivoirin d’Helaena. Cette saveur… C’est toujours la sienne, rien n’a changé. Il pousse un grognement guttural, manifeste son désir qui menace d’exploser à tout instant.

« — Ao jāhor va moriot sagon issa dāria. Yn nyke intend naejot mazverdagon ao ñuhon sir. Ao jāhor dōrī sagon aegon's arlī. Ao sagon ñuhon mērī, Helaena. »
(You will always be my queen. But I intend to make you mine now. You'll never be Aegon's again. You're mine alone, Helaena.) 

Une main sur sa hanche, l’autre vient amoureusement envelopper la joue de sa nymphe avant de se pencher et de lui offrir un baiser plus que passionné. La paupière close, Aemond goûte une nouvelle fois après des siècles et des siècles d’absence aux lèvres pulpeuses d’Helaena, retrouve cette saveur si addictive qui lui avait toujours fait tourner la tête.
La prise sur l’os saillant de son bassin se resserre possessivement tandis que leur baiser dure encore et encore, aucun d’eux capable de se séparer de l’autre après tant d’années. C’est Aemond qui rompt leur contact afin de laisser respirer sa douce qu’il sent trembler dans ses bras. Il continue donc de l’embrasser dans le cou cette fois, dépose une myriade de baisers sur sa gorge, descend le long de sa clavicule pour parvenir à sa poitrine qu’il embrasse fiévreusement.

« — Tu dois m’arrêter, Hel. Car j’en suis foutrement incapable, là., grogne-t-il une seconde fois. »
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Aemond étant Aemond, il n’était pas sage de prédire avec certitude de l’avenir qui se profilait pour lui. Est-ce qu’il allait retomber dans ses anciens travers ? Est-ce qu’il allait se contenter d’une vie tranquille et remplie d’amour avec Helaena ? Il y croyait dur comme fer et peut-être était-ce là la preuve ultime qu’il avait choisi la paix, faute d’avoir choisi la guerre des siècles auparavant ? Seuls les Sept savent, rien n’est immuable en ce monde.
Ce qui l’est en revanche, c’est les sentiments profonds et indéfectibles que le balafré éprouvait pour sa soeur aînée. Et que jamais, ô grand jamais, il ne s’hasarderait à la quitter. Douce mais féroce, il sait qu’Helaena ne le laissera jamais aller bien loin sans elle. Leurs vies sont destinées, liées pour l’éternité comme le prouve une nouvelle fois leur seconde existence ; leur seconde chance, celle qui ne leur a jamais été accordée.

Et Aemond ne comptait en aucun cas la gâcher. Il avait trop attendu, trop espéré. Lui qui avait dû se tenir dans l’ombre d’Aegon sans cesse, pour tout, le voilà qui se tient désormais dans la lumière. Et le dragon comptait bien épouser celle qu’il n’avait jamais pu épouser et reconnaître leurs futurs enfants comme les siens. Car rien au monde ne pourrait l’empêcher de fonder une famille dans cette autre vie —sauf peut-être lui-même.

Elle le retient en ce moment même avec toutes les armes dont elle dispose et Aemond doit bien avouer que cela lui plaît plus que de mesure. Son Helaena, sa douce mais si farouche Helaena. Elle semblait avoir brisé ses chaînes, à prendre par la force ce qu’elle désirait le plus et c’est une facette de sa soeur que l’argenté découvre avec un plaisir difficilement dissimulé.
Sa magnifique sirène désormais nue et pressée tout contre son corps musclé, le dragon rugit. Il la manipule comme si elle était une poupée de chiffon mais également comme si elle était aussi solide qu’un diamant ; brut et pur. Il a besoin d’elle, crève de la toucher et il ne se gêne pas pour lui montrer à travers la caresse impatiente de ses mains. Sa soeur aurait très certainement des hématomes le lendemain de leurs ébats mais sincèrement, il n’arrive pas à s’en préoccuper là tout de suite. Ses pensées sont embrumées et accaparées par le corps délicat et l’odeur enivrante de son Helaena blottie étroitement dans l’étau de ses bras.
Aemond manque un battement et se met à grogner encore plus fort lorsqu’elle capture entre ses canines sa lèvre inférieure. Son self-control est mis à rude épreuve et il n’en faudrait pas beaucoup plus pour faire tomber toutes les barrières que le balafré s’était imposé.

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