「Are your gods listening?」(ft. Alys Herpivoie)

Maegor avait besoin d’air frais. Il était resté enfermé dans le Donjon Rouge pendant trop longtemps, plus qu’il ne l’avait fait ces dernières lunes dans tous les endroits qui avaient été un foyer pour quelques temps. Sa colère et son besoin de vengeance n’avaient toujours pas été assouvis, mais il lui semblait que voir le monde sous une nouvelle lumière pouvait éventuellement l’aider. Alors, il s’était rendu dans tous les endroits que fréquentaient sa tendre et délicieuse Alys, sans jamais la trouver à l’intérieur de la forteresse. Le prince s’arrêta alors dans la nurserie et là encore, son épouse n’était pas là et moins encore la petite Rhaenyra. Alors, la panique s’insinua dans son esprit paranoïaque et Maegor sembla perdre la tête pendant un instant.

Ce ne fut que lorsqu’une servante entra, loin d’être paniquée, qu’il comprit enfin que la rousse était sortie à l’extérieur. Il n’aimait pas beaucoup cette idée, pour autant, le Targaryen ne pouvait empêcher Alys de vivre une vie normale, sans être touchée par l’état dans lequel se trouvait l’homme qu’elle avait épousé il y a des siècles. Le prince de Peyredragon se leva alors, signalant sa présence plus bruyamment qu’il ne l’aurait voulu et la pauvre jeune femme sursauta, ses traits pris dans une expression terrifiée et pendant un instant, Maegor en fut irrité.

“Where is my child and my wife?” demanda-t-il en levant ses deux mains, essayant de paraître le plus calme possible, alors même qu’il lui semblait devenir fou. “It has been, days since I saw my little girl.”

La servante hocha sa tête en tremblant et elle l’informa rapidement que la lady Alys était sortie en ville pour se rendre au Septuaire et monter la colline de Visenya avec la petite Rhaenyra. Un sourire étira les lèvres du valyrien tandis qu’il remercia la domestique, quittant la pièce sans autre forme de procès. Et ses pas le guidèrent alors à travers les dédales de la ville, passant par la rue croche jusqu’à la petite place qui la reliait à ce qui avait été la rue de la Néra, quoiqu’il semblât que les port-réalais la nommait maintenant la rue de la Gadoue, et à juste raison. Le prince Maegor emprunta ensuite nombre de petites ruelles, redécouvrant à nouveau cette ville qu’il ne semblait plus réellement reconnaître. Par le passé, lorsqu’il avait retrouvé Tyanna dans Culpucier, les choses lui avaient semblé un peu plus à sa place qu’elles ne l’étaient à présent. Ou peut-être était-ce parce que le Targaryen n’avait pas pris le temps de bien regarder autour de lui, et d’observer les différents styles architecturaux de la cité de son père. Il voyait aisément les endroits détruits par l’histoire et ceux qui avaient tenu bon.

Et plus vite qu’il ne l’avait imaginé, il s’était mis à monter la colline de Visenya, celle qui portait le nom de sa défunte mère et ceci sembla comme une procession de foi en mémoire de celle qui lui avait donné la vie. Il aurait aimé arpenter ces rues avec sa Grâce, mais puisque cela n’était plus possible, il les arpenterait avec sa famille, quoique Tyanna ne se tenait pas là avec eux. Il semblait que milles histoires eurent lieu en cet endroit et finalement, lorsque Maegor arriva au sommet de la colline où il avait, jadis, hissé la bannière targaryenne pour rallier ses partisans, se dressait à présent un Septuaire. Le prince l’observa un instant, curieux de voir un édifice aux styles multiples et si différents, comme s’il avait évolué avec le temps. Il n’était pas là pour cela, cependant et le valyrien poussa la porte, ne s’attardant pas sur les détails religieux auxquels il ne croyait pas.

A la place, il remonta l’allée centrale d’un pas vif. A cette heure, quelques fidèles se rassemblaient ici, priant leurs dieux avec ferveur et il ne rencontra aucune difficulté à reconnaître son épouse de dos. Après tout, elle était là dans sa forme la plus frêle, celle dont il était tombé amoureux il y a huit siècles en arrière. Se souvenait-elle de leur premier baiser sous le saule pleureur d’Harrenhal ? Un jour, peut-être, la conduirait-il à nouveau sur ses terres ancestrales et ils redécouvriraient qui ils avaient été dans leur jeunesse. Pour l’heure, Maegor s’approcha, posant une main sur l’épaule d’Alys avec précaution.

“I feared something happened to you, my dear. Don’t leave without warning, especially with our daughter.”

Maegor observa un instant les bougies qui brûlaient ici et là, prenant son temps pour essayer de calmer ses nerfs et l’irritation qu’il ressentait depuis qu’ils avaient rejoint cet endroit à nouveau. Etonnamment, maintenant qu’ils étaient à Port-Réal, il semblait que les Eyrié, malgré leur isolement, avaient été un véritable havre de paix et de calme. Le prince de Peyredragon avait beaucoup tourné en rond les premières lunes et il lui était arrivé de partir, préférant Volantis à la forteresse perchée dans les montagnes. L’air, pourtant, y était pur et le personnel de maison avaient pris l’habitude d’être autour d’eux. Ils ne sursautaient pas à la moindre de ses apparitions au détour d’un couloir, ne se confondaient jamais en excuse et il leur arrivait de rire tous ensemble, quelques fois, quand il se produisait quelques situations loufoques. Les chèvres d’Alys avaient été un sacré évènement et il garderait un souvenir de tout ceci jusqu’à la fin.

“It’s strange, isn’t it, to be back here. It feels like ages ago and yet, not long enough for me to miss this place. In the other hand, I miss the Vale and its calm atmosphere… I feel like Rhaenyra would have been better there. Safer.”

Le soleil se lève et se lève. Un jour de plus dans cette ville, un jour de moins à Pentos. Le soleil se lève et Alys ne trouve plus le sommeil parce qu’elle ne veut pas être ici, tout sauf ici, n’importe où. Le soleil se lève et c’est comme si elle était plus prisonnière de ses murs que des falaises escarpées de Peyredragon ou que des montagnes abruptes des Eyrié. Ici, ici dans cette forteresse, ici dans ces étages, Alys a peur. Alys a peur d’elle-même, elle a peur de maegor et elle a peur de Tyanna. Elle a peur sans pouvoir se retenir, elle a peur et aucun Dieux ne peut l’entendre. Ses pieds froids se glissent alors au sol, ses mains tremblantes se glissent dans les boucles de sa chevelure. Blanc dans le roux, roux contrastant sur sa peau d’albâtre. La mère se lève alors, elle abandonne la couche qu’elle partage avec ses amants, ses amours, les seuls que son cœur aime. Par le passé, la belle des Conflans se serait arrêtée quelques instant pour picorer quelques baisers. Elle les aurait enivrés de son amour avant de partir, les couvrant de son odeur pour qu’ils ne pensent qu’à elle, toujours à elle. Ce n’est plus le cas. Pas aujourd’hui en tout cas. Non. Alys a peur et elle doit penser à elle-même comme la voix le lui rappelle. Elle est toujours là, juste-là, elle lui parle. You need to go, check on the child, Alys, lui ordonne les pensées d’une autre personne et Alys répond. My child, you mean. I need to check on my child. Et c’est ce que la riveraine fait. Elle se part d’une robe de chambre noire, comme si elle portait le deuil sans réellement se sentir triste ou atteinte. Non. Visenya est morte, tant mieux. Tant pis. Ça ne change rien pour elle. Rien d’autre que Maegor et ces derniers temps, ils ne se croisent pas. Jamais. Juste au lit quand Alys se réveille et que Maegor est venu se coucher. Parfois, il ne revient pas. Il erre quelque part. Il cherche quelque chose qui n’a pas de sens et qui n’a pas d’intérêt.

Le soleil se lève et dans la nurserie, une douce lumière caresse les murs. C’est étrange car Janyce n’est pas là pour veiller sur Rhaenyra. Aux Eyrié, la naissance de la princesse Rhaenyra Targaryen a été une vraie joie. Il y a quelque chose chez ce petit être si parfait. Il y a quelque chose derrière ses jolis yeux violets et la touffe de cheveux roux sur sa tête qui se dressent tout seuls. Alys s’approche du petit berceau. Elle s’approche silencieusement et quand elle revient à elle, la lady ne sait pas depuis combien de temps son regard est accroché à son enfant. Depuis combien de temps est-ce qu’elle caresse petit ventre qui se lève et s’abaisse, qu’elle s’assure que sa fille vive réellement. C’est une de ses plus grande peur. Une peur immense qui travaille beaucoup la rousse, constamment, du levé au couché, comme si elle était incapable de se calmer. Et si ? Et si ? Et si ? Et si Rhaenyra s’éteignait ? Et si elle perdait la vie ? Cette pensée obsède sa mère. Peut-être est-ce la raison pour laquelle elle refuse que quiconque s’occupe de son bébé pendant qu’ils sont ici. Dans le Val, Alys a toute confiance. Janyce était là pour la naissance de l’enfant et la Septa Teora aussi, mais ils n’ont aucun allié ici et l’idée de confier les soins de son nouveau-né à des inconnues la terrifie. Alors la Riveraine se charge de toute, toute seule. Ce n’est pas la première fois. Non. Elle a dû s’occuper de son petit frère quand sa mère est partie rejoindre les Dieux. Elle a aussi assisté les domestiques pour s’occuper de sa fille. Elle sait ce qui doit être fait.

C’est de rouge et de noire parée que la petite Rhaenyra est prête. Elle resplendit dans les couleurs de la maison du Dragon, sa maison. Ici, point de bleu ou de blanc. Maegor l’a défendu et Alys a obéit à contrecœur. Elle obéit aveuglément sans réellement réfléchir et peut-être est-il temps de faire ce dont elle a envie car l’Herpivoie étouffe. Elle étouffe ici. Elle a l’impression de mourir à petit feu et cela ne fait même pas sept jours, moins encore une quinzaine. Alors elle se drape d’une cape, la lady des Conflans et quand elle sort du Donjon Rouge, prévenant quelques servantes qu’elle va au Septuaire, on la laisse partir sans la retenir. L’air l’attaque rapidement. Il fait chaud, l’été revient. Il revient et le soleil brille, une saison qu’elle aurait préféré accueillir dans le Val où il fait bien plus agréable qu’ici ou à Pentos pour sentir les odeurs envoutantes de son chez-elle. Alys veut que Rhaenyra grandisse là-bas, chez-eux, à Essos. Là où son nom n’est pas souillé par tant de sang et où les gens sont si gentils. Elle veut que Rhaenyra ne parle que le Valyrien sous toutes ses formes et pour elle, sa mère continuera d’apprendre. Ici, tout est malheur et ils finiront par mourir à nouveau. Alors l’Herpivoie se presse. Elle marche longuement, s’arrêtant parfois pour regarder des étales tandis que sa toute petite la regarde avec de très grands yeux. Quand elle baisse son regard, la lady s’émerveille toujours et son cœur fond. Il y a quelque chose de si particulier à être mère et elle repense aux paroles qu’elle a échangé avec la reine de Volantis d’après qui ils ont nommé leur propre enfant. Rhaenyra Targaryen, la Joie du Royaume. C’est pour cela. Parce que leur Rhaenyra est leur Joie. Avant même qu’elle ne le remarque, Alys se retrouve à grimper la colline de Visenya et voilà que le grand Septuaire se dresse devant elle. Il n’y a pas de grand-septon mais cela ne l’empêche pas de prier à genoux, gardant son enfant contre elle.

Father, Mother, Crone, Warrior, Smith, Maiden, Stranger. Gods from above, may you keep Maegor of House Targaryen in your heart, as I keep him in mine. May you keep him safe, unharmed. May you guide him to what his heart desire. Father, Mother, Crane, Warrior, Smith, Maiden, Stranger. Gods from above, may you keep Tyanna of Pentos in your heart, as I keep her in mine. Give her hope and faith in what she believes. May you grant her everything she wants deeply from within. May you give all of us peace. Father, Mother, Crane, Warrior, Smith, Maiden, Stranger. Gods from above, may you keep the princesse Rhaeyra of House Targaryen in your heart, as I keep her in mine. May you keep her happy and jolly as she is. May keep her healthy and good, for she’s the love of my life and I’d die without her. Father, Mother, Crane, Warrior, Smith, Maiden, Stranger. Gods from above, watch over the good people of the Seven Kingdoms in this difficult time. Grant them good harvest and good weather. Guide the sailors’ home to their wives and the orphans safe. Praise be. La main sur son épaule la fait sursauter. Plus encore quand elle reconnait Maegor et Alys papillonne des yeux. Que fait-il là ? Que veut-il ? Il lui parait fou que le valyrien puisse entrer dans cet endroit sans problème. Ses mots touchent son épouse pourtant et dans son regard, il y a une douceur. Alors l’Alys d’Harrenhal tend leur fille à son époux.

« Maegor, don’t. I told the serving girls that I needed to go to the Sept. If you found us, it’s that you got a warning. Look. Our daughter is fine, she’s fast asleep. »

Les bougies vacillent ici et là. Elles sont habitées par une vie. Elles sont habitées par ceux qui sont partis trop tôt, ceux que Visenya a tué pour un trône qu’elle n’a même pas tenu une lune.

« Yes, it is, » commence la rousse. « We are not made to be here, you know. I feel like we need to go back home, I don’t like it here. Please, my love, let’s go. Or let us leave to Pentos.  For her, for your daughter. You’ve been so angry these days, I don’t recognize you anymore. Please, I love you, you don’t need this. You don’t have to be your mother’s slave anymore, she is dead. »

Alys sait. Alys sait qu’elle joue avec le feu. Alys sait qu’elle dit des mots durs et peut-être cruel pour cet homme qui n’a jamais connu que sa mère comme modèle. Pour cet homme qui a tout sacrifié pour une cause qui n’est pas la leur, mais il a besoin d’entendre.

« We cannot live like this, I want to go home with you and Tyanna and our child. You don’t have to die for a dead woman who won’t come back. But look, we are alive, Rhaenyra is alive and she is all yours. She is all yours my love, please. Please, do it for her, for the daughter you always wanted to have. »

Maegor se demandait s’il avait déjà été aussi furieux de toute sa vie. Il l’avait été quand on lui avait dit que son épouse portait un enfant qui n’était pas le sien, foudroyé par une colère qu’il n’avait pas su contenir. Et puis, la colère était devenue pathétique et le roi était mort sur son trône, foudroyé par les épées que son père avait su faire plier. Quand il regardait ce qu’avait été sa vie depuis son retour, le Prince de Peyredragon pensa que sa fureur n’avait pas disparu. Il avait été fâché, contrarié, humilié même, mais il avait aussi ri et aimé à nouveau d’une façon que son cœur avait oublié durant les dernières années de son existence.

Sa douce Alys avait sursauté en sentant sa main sur elle, alors que le pouce du plus âgé pressait son épaule, remontant sur sa nuque comme il savait si bien le faire. Il y avait quelque chose d’imposant, de presque dominateur chez cet homme qui ne savait pas sincèrement la limite entre la tendresse, la passion, la colère et cette forme de soumission qu’il recherchait chez ses épouses, celle que la riveraine savait lui donner qu’il était incapable de marteler en Tyanna, qu’importe sa force, sa brutalité ou même sa brûlante colère.

“What? Come on Alys… You don’t leave the castle without my authorization. It’s dangerous, alright?”

Mais n’était-il pas dangereux de vivre proche de lui quand il était ivre de sa propre ire destructrice ? Maegor s’était déterminé à penser que ce n’était pas le cas. Rien n’était plus dangereux que les gens du dehors qui savaient reconnaître les très riches et les dépouiller de tous leurs biens, les laissant dans une ruelle abandonnée de Culpucier sans rien d’autre qu’une mare de sang derrière eux. Derrière ses paupières, le prince s’imaginait une telle scène et rien ne le fâchait plus, le foudroyant d’une rage qui pourrait détruire ce monde tout entier, il le savait. Il avait tant combattu, tant donné pour pouvoir tenir cet enfant entre ses bras aujourd’hui et alors qu’il berça Rhaenyra contre lui, le valyrien pressa ses doigts sur sa minuscule figure joufflue, s’émerveillant presque de la beauté de ce tout petit être qui portait son sang et son nom. Sa colère aurait alors pu s’évanouir toute entière tant qu’il portait sa fille contre lui et pourtant…

“We don’t have a home anymore, Alys. This is home.” Son regard de braise se posa sur les septas outrées par le ton de sa voix et Maegor grogna alors contre elles avant de se tourner vers son épouse. Un instant lui avait suffi pour libérer une de ses mains et pour la prendre par le bras avec plus de force qu’il n’en avait eu jusqu’ici à son égard. “This is home, alright? We can’t go back to Pentos. There is nothing left for us anymore there, do you hear me?”

La colère monta si vite dans les yeux de Maegor qu’il lui fallut se reculer pour ne pas s’en prendre à la mère de son enfant pour les propos qu’elle se mit à tenir soudainement. Il lui semblait que jamais Alys n’avait été si véhémente auparavant et il lui fallut se demander si Tyanna n’avait pas empoisonné à nouveau leur tendre aimée dont le calme et la discrétion avait toujours été si appréciés. L’homme berça alors leur fille contre son torse, inspirant l’odeur de ses minuscules cheveux en soupirant. Lui aussi voulait rentrer, lui aussi voulait retrouver le soleil chaleureux de Pentos et les échos des rues qui leur répondait dans sa langue maternelle. Pourtant voilà, Visenya était morte et avec elle, toute chance de retour et cela, son fils en avait conscience. Ils ne pouvaient laisser ce trône vacant à nouveau, à la merci de guerres et de manigances politiques que le Targaryen détestait tant. Lui, après tout, aimait la droiture et une administration qui filait droit, tout ce que sa mère lui avait appris et qu’Alys dévaluait si terriblement.

“Shut your mouth, Alys. What you speak is treason. You know it is. Don’t force me to punish you.”

Il y avait plus de danger quand Maegor s’approchait si vite et qu’il pressait ses lèvres contre l’oreille de son époux, la pressant contre lui pour lui parler si bas. Savait-elle ? Sentait-elle ? Le Prince de Peyredragon inspira profondément, se laissant aller à sentir le sucre de ces cheveux de feu. Alors, il se recula à nouveau, reprenant un air sérieux. Son regard glissa une seconde sur Rhaenyra et il sut.

“We don’t have any other choices. My Mother didn’t name anyone as heir… People are dropping like flies. I need to hold the realm together Alys, for our daughter. One day, she’ll be a queen.”

Et quelle reine serait-elle. Ses lèvres se pressèrent sur le front de leur toute petite et voilà que le prince s’était remis à sourire avec une fierté presque arrogante avant de se tourner vers son épouse.

“Now come on, please, finish to pray so we can go back to the Keep.”

C’est un cercle sans fin. Il tourne et tourne et tourne. Il s’éveille, il se mort la queue, il existe et existe et existe sans jamais s’arrêter. Quand Maegor parle, Alys le voit tourner et tourner et tourner au-dessus de sa tête, inarrêtable. Le cercle tourne et ne s’arrête pas, jamais, inarrêtable oui. Maegor a été Prince de Peyredragon avant d’être banni et aujourd’hui, le pouvoir est là, à porter de ses grandes mains qui ont pourtant su se montrer si douce ces dernières lunes. Où est-elle passée cette douceur ? Il semble qu’elle se soit envolée maintenant, au loin. Peut-être est-elle même restée derrière, sur les falaises escarpée des Eyriées. Elle n’est pas là cependant. Pas derrière les mots coupants du Targaryen. L’Herpivoie d’Harrenhal observe. L’océan de son regard suit les gestes de son bien terrible mari. Elle suit le dos de leur fille, guette déjà ses pleurs. Rien pourtant. Jamais de pleure.

« Yes, you are right… »

C’est un cercle sans fin. Alys se plie. Il le faut. Elle sait, elle sent. Elle connaît l’homme face à elle mieux que personne. Mieux que la femme quoi l’a mis au monde, mieux que les rayons du soleil quand ils brillent comme un halo autour de lui, si beau, si grandiose. La riveraine sait. Elle sait que c’est à elle de se plier car sa souplesse est plus évidente que celle de Maegor. Trop le plier signifie aussi le casser et cela, oh cela, la rousse à la chevelure de feu ne le désire pas. Jamais. Elle préfère voir le cercle tourner et tourner et tourner. Elle préfère que son tendre amour ne connaisse rien d’autre que cette vie à laquelle il aspire tant. La guerre, la colère, le feu et le sang. Voilà ce qu’il est. Voilà ce que ses mots doux et ses mains cachent réellement. Il s’y noie, il s’y complait. Son univers entier est fait de flamme. Il est fait de sa haine. La voilà d’ailleurs. Elle embrasse le bord de ses yeux, le coin de ses lèvres. Elle va se déverser. Alys sait. Alys sent. Et quand il serre son bras de ses grandes mains, elle veut crier, elle veut que la force de quelqu’un d’autre ne la prenne soudainement, perdue à son tour dans les flots inconnus de la force qu’on lui a toujours refusé. Please, susurre-t-elle à l’intérieur même de son être, mais rien. La voix se tait pour une fois.

« There was nothing when we arrived there as well… We can start again, my love. »

Il y a une amertume derrière ses propres mots. Elle sent le venin de ses pensées couler et couler. Ses mains ne sont pas assez grandes pour en recueillir toutes les gouttes. Elles ne sont jamais assez grandes. Dans ses yeux, elles perlent déjà, minuscules gouttes d’une plus vaste mer. Alors, il lui semble encore que Ceryse est là. Il lui semble qu’elle s’est emparée d’elle. Ne sont-elles pas les mêmes finalement ? Ne sont-elles pas toutes les mêmes ? Et que peut-elle y faire l’Alys des Conflans ? Sur ses lèvres tremblent les mots. Ils ne peuvent pas sortir, elle en est incapable. Et alors que Maegor lui parle si bas, si dangereusement, son corps tremble presque. Il est secoué d’une inquiétude réelle mais elle n’est pas pour elle. Jamais pour elle. Jamais vraiment. Ses lèvres caressent une seconde le front de leur tendre Rhaenyra, elle voit le calme sur ses traits et la mère pense, oh elle pense qu’aucun bébé n’a jamais été si calme. Alors, une force grandit soudainement au creux de son ventre et l’Herpivoie se redresse un peu. Elle est de retour la voix de cette femme que Tyanna a forcé au fond d’elle-même. Elle est de retour, juste là, coincée dans ses cordes vocales, défensive et en colère. Si en colère. C’est un cercle sans fin. Il tourne et tourne et tourne. Pourtant, quelque chose d’autre s’éveille.

« Don’t tell me to shut up. I’m your wife Maegor, not some whore you can whistle about when it pleases you. Look at me right in the eyes, I’ll tell you this only once. We are staying here, fine, but I won’t be your puppet this time. I want real power, like Tyanna. You’ll do so or Rhaenyra and I are gone. »

La conviction d’Alys est plus grande qu’elle ne l’a jamais été. Elle le fait pour elle, elle le fait aussi pour son enfant qui grandira dans un monde différent de celui que sa mère a connu. La voix s’éteint cependant à nouveau. Elle disparaît en laissant quelques mots dans son sillage : Don’t ruin everything now. Continue the road. I’ll be there. La rousse sourit un instant pour elle-même. Il s’agit d’un sourire tendre à nouveau. Il s’agit d’un sourire délicat sur lequel flotte une surprise certaine. Sur ses cheveux, elle rassemble son voile noir avant de se tourner vers Maegor, enveloppant à nouveau leur enfant dans la soierie noire qui la couvre si bien.

« I’m done. Let’s go back. »

Ce n'était pas une mince affaire d'être le père d'un si petit bébé, pourtant, Maegor y trouvait une joie incommensurable. Il lui semblait que porter la toute petite fille entre ses bras avait quelque chose de spécial, comme si toute sa colère s'évanouissait pour ne lui offrir que les bons côtés de lui, de ce père que le monde trouvait si monstrueux et s'évertuait à rejeter. Était-ce que Visenya avait ressenti quand elle le portait dans ses bras quand il était un enfant, quand il était encore trop petit pour tenir sur ses ses deux jambes? Le prince pressa ses lèvres sur la joue de l'enfant avant de déposer à nouveau son regard sur Alys, soupirant doucement alors qu'elle lui parlait.

"Of course I am right."

De toute sa vie, Maegor n'était pas sûr d'avoir déjà entendu son épouse lui parler de la sorte, avec une amertume telle qu'il lui semblait voir Ceryse Hightower en elle pendant un instant. Il y avait une force qu'il n'avait jamais descellé chez elle avant et le prince de la maison Targaryen sembla jauger sa femme un instant du regard, cherchant à savoir si elle défiait son autorité ou s'il s'agissait de quelque chose d'autre, quelque chose de plus profond qu'une bonne correction ne saurait régler. Sa main serra davantage pour une seconde pour la rapprocher de lui et la ramener dans le giron de son pouvoir. Des paroles de la rousse, le prince ne retint rien d'ailleurs car il savait que presque huit cents années séparaient leur première vie de la seconde et en huit cent ans, Pentos pouvait avoir changé si drastiquement qu'ils n'en reconnaîtraient rien.

"Gods woman, peace. What is wrong with you? Do you think you're doing this for yourself? For your gods maybe?" questionna alors Maegor, le regard plein d'une colère évidente et acide. "Don't threaten me like this. This is my child as much as she's yours .Do you hear me? You won't take her anywhere."

La colère bouillonnait plus encore qu'elle ne l'avait jamais fait et Maegor relâcha Alys soudainement pour ne pas s'emporter comme il l'avait trop souvent fait ces derniers jours. La mort de Visenya semblait l'avoir rendu fou d'une rage que seul la petite Rhaenyra savait apaiser et quand il l'imaginait loin de lui, son cœur se noircissait d'une vendetta plus grande encore que celle qui l'habitait actuellement. Une ire brûlante l'envahissait tout entier, brouillant la fine limite qui existait entre la réalité telle qu'elle était réellement et la paranoïa qui savait si bien s'enraciner dans l'esprit du valyrien quand il commençait à se méfier sans réfléchir.

Pourtant, le Targaryen soupira, rendant la jeune princesse de la maison Targaryen à la riveraine qu'il avait épousé un jour selon les rites valyriens auquel tenait tant Maegor. Il pressa d'ailleurs un dernier baiser sur ses cheveux roux qui, s'ils n'avaient rien en commun avec le portrait de son père, ne retirait en rien l'héritage que ce dernier insufflerait en elle. Rhaenyra Targaryen saurait parler le haut-valyrien, l'écrire et elle monterait un dragon un jour. Il y aurait une force de caractère chez elle que le Prince de Peyredragon martèlerait dans son esprit jusqu'à ce qu'il ne prenne et la vie continuerait son cours comme elle avait commencé. Alors, l'homme mordit l'intérieur de sa joue, prêt à faire un premier pas dans le sens d'Alys.

"Fine. If I ever ascend the throne again, I'll make you my Hand of the King. Rhaenyra will be proclaimed my sole and only heir. We'll mint coins with her face on it so people will get used to it. It's one thing to name a girl heir, it's an other to convice people that they want her after me... Right? That's what you'd say."

Par le passé, Maegor s'était peu soucié du futur du royaume. Il avait pensé que son héritage se perdrait quoiqu'il arrive, lui qui n'avait pas de descendance et le futur de la jeune Aerea ne l'avait pas réellement effleuré car elle avait été trop jeune et hors d'atteinte la plupart du temps. Aujourd'hui, les choses étaient différentes. Des enfants naissaient au sein de la Maison des Dragons et sa propre famille semblait s'élargir plus qu'il ne l'avait anticipé en revenant à la vie et lorsqu'il avait poussé les portes de Peyredragon pour la première fois. Non seulement avait-il un fils, mais plus encore, il avait vu naître le premier de ses enfants légitimes qu'il espérait ne pas être le dernier.

Quand Alys retrouva son sourire délicat, celui qui intimait qu'elle ne ferait pas de mal à une mouche, le plus âgé posa sa main sur sa nuque, la ramenant contre lui pour presser un baiser sur son front. Ils ne s'entendraient pas sûr tout, pas si la rousse commençait à monter les échelons du pouvoir d'une façon plus évidente qu'elle ne l'avait fait par le passé, pourtant, Maegor décida que ce n'était pas nécessairement une mauvaise chose. Pas quand son épouse était plus érudite qu'il ne l'était et qu'elle savait déjà une grande expérience pour avoir dirigé à la place de son propre père tant à Harrenhal qu'au conseil restreint par le passé.

"Let's go then," susurra alors le valyrien, tendant son bras à la riveraine pour la raccompagner jusqu'au Donjon Rouge. "So... What would be your first move as my Hand, if I was to ever be crowned again?"

L'arrogance avait laissé place à une vraie curiosité alors qu'ils entamèrent le chemin inverse jusqu'à la demeure qu'ils avaient occupé pendant six ans auparavant et qui avait vu venir leur première mort