La neige tombait sur sa peau délicate et ses yeux bleus observaient le village qui s'était construit à Fort-Levant. On disait que le Mur s'était effondré sous les flammes d'un dragon de glace que le Roi de la Nuit avait possédé à cet endroit précis et depuis, un véritable village s'était développé ici et était devenu une plaque tournante du commerce entre le sud du Mur et les sauvageons qui résidaient au nord. Mylah était déjà venue ici à plusieurs reprises, la première fois lorsqu'elle était prisonnière sous le nom de Ryah et qu'elle négociait l'aide dont elle avait besoin pour prendre la tête de son clan. Il fallait dire qu'elle avait bien changé depuis et de nouveaux fantômes dansaient au fond de ses yeux depuis cette époque.
Les négociations avaient été longues, la patience des Fléaux des Ogres s'amenuisait petit à petit mais la Louve Rousse avait appris à les tenir d'une main ferme et calmer leurs ardeurs lorsqu'ils cherchent à la contredire. Combien de combat avait-elle mené depuis qu'elle était devenue cheffe du clan, contre ceux qui s'opposaient à sa vision de l'avenir ? Combien était mort pour prouver qu'il avait raison, en vain ?
C'était seulement une vingtaine d'hommes qui se trouvaient avec elle, qui découvraient le village autour de Fort-Levant tandis que leur cheffe attendait ce qui devait être le moment qu'elle avait tant attendu, la rencontre avec le Roi du Nord durant laquelle elle espérait obtenir des terres où mettre son clan en sécurité, où ils pourraient enfin vivre au lieu de survivre. Ce qui sa mère n'avait jamais réussi à faire, ni ses ancêtres auparavant depuis qu'ils s'étaient persuadés que les montagnes enneigées du Grand Nord ne leur convenait plus.

La sauvageonne prit une profonde inspiration et ramena son regard vers la terre, s'éloignant du sommet de ce Mur qui lui avait toujours semblé infranchissable. Il était porteur de mystère, d'une magie qu'elle ne saurait expliquer et plus elle s'en trouvait proche, moins elle semblait pouvoir s'introduire dans l'esprit des animaux qui se trouvait aux alentours. Elle avait grandi bercé avec des contes et des légendes, ceux-ci étaient importants pour son peuple car c'était ainsi que se transmettait leur histoire, par des mots et des paroles, par des contes et des légendes. C'était ainsi qu'elle se savait descendante de Tormund Fléau-d'Ogre et du légendaire et mystérieux Loup Blanc sans qu'elle ne sache jamais qui il était. La bataille contre le Roi de la Nuit était une légende connue parmi les sauvageons mais nul ne savait rien des politiques du sud qui les entourait. Au nord du Mur, seul la loi du plus fort présidait et la politique avait une moindre importance. La politique et les alliances se formaient non pas avec de l'or et des terres mais avec des femmes et des échanges commerciaux. Ils échangeaient au Mur non contre de l'or mais contre des matériaux. Une peau d'ours permettait à un homme d'acheter des vivres pour une quinzaine et cela n'était pas négligeable pour les chasseurs qui parcouraient les forêts durant des jours entiers pour trouver les gibiers qui s'enfonçaient de plus en plus loin dans le nord.
Sa longue tresse pendait sur son épaule alors qu'elle était vêtue de fourrures pour se tenir au chaud, ses mains étaient jointes devant elle, dans l'attente de l'arrivée du Roi Benjen Stark. Elle apercevait son cortège qui approchait, elle attendait tandis que son clan restait inconscient de ce qui se passait autour d'eux, s'émerveillait de ce lieu pour ceux qui ne l'avaient jamais visité. Elle se tenait droite et fière, un sourire sur ses lèvres qu'elle avait appris à dessiner en toutes circonstances et elle attendait, entourée par les hommes de la Garde de Nuit, et l'officier Marq qu'elle connaissait bien désormais.

Le cortège finit par arriver à sa hauteur et elle le vit enfin, ce roi à l'allure sombre. Elle le détaillait des yeux, ses cheveux noirs tombaient autour de son visage, il possédait une barbe et une moustache de la même couleur, une mine renfrognée et des vêtements brodés d'un loup géant, emblème de la Maison Stark. Il n'était pas si différent des hommes qu'elle connaissait de l'autre côté du Mur. Elle se serait attendue à ce qu'il lui apparaisse plus délicat peut-être, moins rustre, comme l'avait été les hommes qu'elle avait rencontré précédemment. Le roi Benjen Stark lui semblait être un survivant, plus que capable de s'en sortir de l'autre côté du Mur. Ce n'était pas l'impression qu'elle avait eu du groupe d'hommes qui l'avaient aidé à tuer Baël. Lucerys et Jacaerys étaient deux garçons au cœur bon, à l'esprit affuté mais il lui avait semblé que sans elle, ils n'auraient jamais survécu dans le froid glacial qui régnait ici, pas plus que ne l'aurait fait Aemond, Otto ou Daemon. Elle avait alors cru que les hommes du sud leur étaient tous semblables mais désormais, elle découvrait qu'elle s'était fortement trompée. Benjen Stark avait connu l'hiver, le véritable froid qui tuait les plus imprudents et venaient à bout parfois d'hommes et de femmes en parfaite santé.

« — Your Majesty, it is a pleasure to finally meet you in person. »

Chez les Fléaux des Ogres, on ne s'inclinait pas. Alors elle ne le fit pas face au roi, non par fierté ou par arrogance mais car elle ignorait de nombreux usages du sud.

« — I am Mylah, leader of the Giants Banes. »

Ce moment était celui que la jeune femme avait attendu toute sa vie, le moment où elle prouverait enfin sa valeur aux yeux de son clan. Elle leur prouverait qu'elle avait eu raison, que sa cruauté n'avait pas été vaine mais uniquement faite pour les mener sur le chemin de la prospérité. Elle se tenait fièrement face au roi du Nord, un roi qui n'avait rien de semblable avec les princes qu'elle avait rencontré quelques temps auparavant et il fallait admettre qu'à l'exception des corbeaux de la Garde de Nuit, elle avait peu rencontré d'hommes et de femmes venant du sud. Elle ignorait beaucoup de Westeros en réalité, si ce n'était les contes qu'elle avait entendu et la prospérité de leurs terres, une prospérité comme on en trouvait très peu de l'autre côté du Mur où l'été se caractérisait uniquement par des nuits sans gèle, des nuits où le froid n'était pas plus intense que celui des jours et où les animaux se faisaient plus nombreux, la chasse plus abondante et les racines des arbres moins rares.
L'homme face à elle était froid tandis qu'elle était fière, pas une fois dans sa vie elle n'avait courbé l'échine, ni devant sa sœur jumelle, ni devant son petit frère et encore moins devant sa mère. Cela ne changerait pas face à un roi qui n'était pas le sien. Peut-être le ferait-elle si elle obtenait ce qu'elle désirait de cette rencontre mais là encore, elle émettait des doutes.

Un rire fin lui échappa, étirant ses lèvres, quand il suggéra qu'il l'avait imaginé plus âgé. Elle était jeune physiquement mais elle avait vécu tant de choses qu'elle résonnait déjà avec l'esprit d'une femme plus âgée. Sa mère ne l'aurait pas laissé vivre si elle n'avait pas su s'adapter, grandir et mûrir si vite. Cela avait été une question de survie et elle ne pensait pas être la seule. Il semblait qu'au nord du Mur, les jeunes garçons étaient des hommes bien avant ceux qu'on trouvait au sud. Car pour Lucerys et Jacaerys qui étaient encore jeunes, Baël avait été un enfant. Pour Mylah, à dix ans, il était déjà un homme assez âgé pour se battre et diriger.

« — Peace. And the survival of my kind. Aren't we all looking for that, after all? »

Sans attendre, elle suivit Benjen Stark dans la tente installée par ses hommes, le plus fidèle de ses gardes à ses côtés l'officier Marq derrière eux. Elle regarda sa main qui l'invitait à s'assoir puis le fauteuil qu'elle considéra un moment avant de s'assoir. Elle se trouvait déjà plus grande que lui, elle le dominait pas sa taille et elle n'avait aucun désir de froisser son égo en refusant. Car si elle ignorait tout de lui, elle savait que chaque humain, homme ou femme, possédait son propre égo et n'aimait pas se sentir dominé ou impuissant.

« — You want honesty, King Benjen? »

Mylah haussa un sourcil, un air amusé sur son visage alors qu'elle laissait son dos retomber contre la dossier de l'assise d'un air moins noble, plus nonchalant et détendu.

« — We're starving. You may have prosperous lands in the south but here, we only have the cold and the snow. We hunt and trade with the Night's Watch to survive but when winter comes, there is nothing left to hunt and the prices of your food rise. »

La sauvageonne se redressa, se pencha un peu en avant pour qu'il saisisse davantage la situation pour eux. Son clan avait enduré cela trop longtemps, elle avait toujours pensé que la diplomatie serait la solution quand sa mère s'était évertuée à lui dire que les précédents souverains du Nord faisaient la sourde oreille à leurs appels à l'aide mais si ces négociations échouaient... Alors elle ne serait plus en mesure d'appeler à la paix, elle ne pourrait plus tenter de calmer les envies de se battre des Fléaux des Ogres.

« — I've seen men, women and even children starved to death. Your ancestors were deaf to our pleads for help, my mother and siblings thought violence were the only solution but I believe there is another one. Don't you agree? »

Elle y avait tant cru qu'elle avait tué un dragon pour empêcher sa sœur de brûler les villages et le peuple de ce roi, pour empêcher une véritable guerre qu'ils n'auraient pas gagné car ils ne connaissaient pas les terres du Nord, pas plus que celles qui se trouvaient au sud. Elle n'avait découvert la grandeur de Westeros que lorsque l'officier Marq lui avait montré une carte du monde pour la première fois de son existence, durant sa convalescence. Le monde était tellement vaste et les alliances du sud lui étaient inconnues mais elle ne pensait pas qu'un clan, aussi déterminé soit-il, puisse s'emparer paisiblement des terres des nordiens et y rester sans conséquences.