Certaines situations se matérialisaient comme de véritable poudrière. Une étincelle et tout pouvaient exploser. L’on ne pouvait échapper à son destin, et c’était bel et bien ce qui se préparait à l’horizon. L’air, s’était-il densifié comme pour présager d’un orage à venir ? Non, le soleil était même particulièrement dégagé, le soleil rayonnant pleinement de toute sa chaleur réconfortante sur la cité libre de Volantis.
Tybalt était une véritable pile électrique en ce jour particulier. Les nouvelles avaient pu leur parvenir, son père ainsi que sa belle-mère – dont il ne connaissait rien – allaient bientôt accueillir un heureux événement. Une nouvelle qui ne pouvait que le remplir de joie dans un premier temps. Il était heureux de l’idée de devenir un grand frère. Car quelque part, il se complaisait dans cette idée globale de grande famille à laquelle il appartenait à présent. S’y complaisait-il même un peu trop ? Jusqu’à en oublier sa condition de bâtard. Car il n’avait pas cherché à connaître les possibles points de vue des épouses de son père. Tant et si bien qu’il ignorait même que ce dernier pouvait bien en avoir plus qu’une seule.
Les Eyrié. Une contrée de Westeros qu’il n’avait jamais vu de ses propres yeux. Mais il la verrait bientôt. Sa reine, très chère reine, l’avait choisi lui pour s’y rendre afin d’apporter un cadeau pour l’enfant à naître. Il n’aurait pas pu être plus ravis d’une mission. Cela lui donnait une raison pour se rendre jusqu’à cette forteresse, revoir son père -il avait tant à lui raconter – et rencontrer ce petit frère ou cette petite sœur.
Il ne pouvait pas arriver les mains vides. Tybalt avait encore un peu de temps libre avant de s’envoler pour le continent. Temps qu’il mît à profit pour faire le tour de la ville, trouvant assez vite un cadeau de choix pour lequel il lâcha quelques pièces d’or pour une fois. De l’or qu’il avait volé à un noble à quelques rues de là. Quelque part, il faisait bien tourner l’économie de la ville. Satisfait de sa trouvaille, il regagna bien vite le palais royal pour s’enquérir du cadeau de Rhaenyra afin de l’ajouter au sien dans les affaires qu’il transporterait avec attention.
Un large sourire éclaira ses traits en retrouvant Aelion. Il avait pensé à récupérer un seau rempli de quelques poissons frais pour ce dernier avant de le préparer pour la traversé. Ils n’avaient plus effectué un tel vol depuis qu’ils avaient atterri sur la cité libre d’Essos. Mais Tybalt semblait toujours de plus en plus confiant auprès de son précieux dragon, et aussi, n’en fut-il pas plus nerveux que nécessaire.
Des heures de vols durant lesquels Tybalt se retrouvait avec lui-même. Il profitait de ce moment de calme. Un sentiment qu’il n’éprouvait que très rarement, lui qui était toujours bien trop impulsif et débordant d’énergie. Mais pas ici, non, ici dans les airs, il se perdait même dans ses pensées. Mais peut-être aurait-il dû profiter de ce temps pour réfléchir à ce qu’il allait bientôt vivre. Mais cela aurait assurément été mal le connaître que de l’imaginer réfléchir plus que de raison. Non, lui imaginait seulement au fait que son père allât connaître la paternité, pour la première fois en toute connaissance de cause. Il se souvenait de ce jour où il avait lui-même tenu son fils dans ses bras. Il savait que c’était un jour où on réalisait que cet être si fragile était tout ce que l’on pouvait tenir de plus important. Un fils pour lequel on serait prêt à tout réduire en cendres.
S’étant tout de même préparé au voyage, auprès d’un pauvre mestre, Tybalt pu reconnaître la géographie typique qui entourait la forteresse des Eyrié. Une forteresse que l’on disait imprenable, lui avait répété ce mestre. Mais il n’était pas certain du message derrière cette précision. Il se contenta finalement de trouver un endroit où se poser sans y réfléchir davantage.
À l’horizon, le soleil déclinait dans un début de soirée particulièrement doux lorsque Tybalt regagna le sol ferme. Un dernier regard vers Aelion et il prit le chemin de cette fameuse forteresse soi-disant imprenable.
Physiquement, le jeune homme n’avait pas changé. Il avait toujours cet air insolent collé au visage. Ses cheveux foncés court bouclaient légèrement et seule cette cicatrice émergeait réellement de son visage. Ses yeux d’un vert d’eau pouvaient, quant à eux, avoir un côté assez sombre dans leur intensité. Il était cependant vêtu différemment de la dernière fois qu’il avait croisé son père. Oh, il avait toujours un côté légèrement informel, mais il se fondait à présent bien dans la masse noble. Qui aurait encore pu voir en lui l’un des rats de Culpucier ?
Se rapprochant de la forteresse, Tybalt fut bien assez vite accueillit par les gardes de l’endroit. Et pour une fois, le jeune homme fut éclairé à éviter une possible crise de nerf. En effet, il pouvait éviter d’être confronté à un idiot qui refusera de croire dans le fait qu’il était le fils du prince Maegor Targaryen. Il avait un motif officiel pour sa présence ici. Il avait même une belle lettre sur lui qu’il attrapa assez vite pour la tendre au garde avec toute l’insolence dont il pouvait faire preuve.
« As a member of Queen Rhaenyra's small council, I am sent to congratulate Prince Maegor and his wife »
Nulle bataille n’explosa ainsi, on le laissa entrer sans plus de cérémonie. Tout allait bien se dérouler.
Suivant maladroitement la direction donnée par le garde, Tybalt se promena en transportant les cadeaux avec attention. Le jeune bâtard se rêvait assurément de prince de cette forteresse avec cette cape légère qui pendait à ses épaules.
Il savait au moins suivre des instructions sans trop de problèmes, car il arriva sans mal dans une sorte de grande pièce servant de salon. Il tenait toujours fermement les cadeaux dans ses bras lorsqu’il remarqua qu’il n’était pas seul dans cette pièce. Son regard rencontra en effet celui d’une femme à l’air aussi austère que sa beauté devait être fatale. À premier coup d’œil, elle n’était ni enceinte, ni mère depuis quelques heures. Cela devait être une noble du Val, également venu saluer les nouveaux parents.
Cette simple idée en tête, Tybalt l’avait observé de haut en bas sans aucune retenue. Tout en lui criait qu’il avait cette trop grande ambition brûlant dans le regard, cette insolence dans chaque fibre de son être. Et il ne tenait pas non plus en place. Ainsi, il se rapprocha de cette inconnue. L’aurait-il fait s’il avait su à qui il faisait face ? Et que cette dernière tenterait d’être un véritable obstacle entre son père et lui ?
« Milady »
Il pencha légèrement la tête, comme pour imiter une quelconque révérence qui ne sonnait pas toujours très bien chez lui.
« Are you also here to congratulate the happy couple? Do you know where they can be found? »
Se relevant parfaitement de tout son long, Tybalt tenait toujours ce simple paquet dans ses mains. Un détail insignifiant en soit, mais par ce simple fait, ses mains étaient cachées au possible regard inquisiteur de Tyanna si jamais l’envie lui avait pris de tenter d’en apprendre plus sur lui par un simple regard. Elle n’avait, actuellement, aucun moyen de voir cette chevalière qu’il portait fièrement, celle qui portait le blason Targaryen, celle que lui avait donné Maegor à leur première rencontre. Il ne la quittait jamais, comme un rappel que dans cette nouvelle fois tout était possible.