❝ the blood is on my hands ❞ ft. Maegor I Targaryen

Tyanna de la Tour observait le sang qui avait tâché les draps, celui qui s'échappait d'entre ses cuisses et elle émit un grognement avant de laisser sa tête retomber dans les oreillers derrière elle. Elle se sentait épuisée, elle souffrait et le travail ne semblait pas prêt de s'arrêter. Elle aurait dû savoir qu'elle ne pourrait pas mettre la créature au monde, ce n'était pas fait pour elle. Depuis plusieurs jours qu'elle avait cessé de sentir la chose bouger en elle, elle aurait dû savoir mais une infime partie de son cœur avait espéré, non pas pour elle, non pas pour le monstre mais pour Alys, son Alys qui semblait plus ravie que quiconque qu'elle porte un enfant. Mais il n'émettrait jamais aucun cri, le monstre, et si elle ne l'arrachait pas à son corps rapidement, elle finirait comme ses femmes dont elle avait maintes fois achevé les souffrances car elles ne réalisaient pas qu'il n'y avait plus d'espoir, ni pour elle ni pour leur progéniture.
Elle perdait trop de sang, elle luttait trop pour sa vie et si cela continuait, la fièvre l'emporterait et cela était hors de question. Le travail avait commencé alors qu'elle avait sa dague entre les mains et qu'elle faisait face à la princesse Nymeria, Otto de la Maison Hightower à ses côtés. Elle avait senti quelque chose se rompre entre ses jambes et la chaleur de l'eau qui venait s'écouler contre sa peau. Elle avait pensé qu'elle perdait les eaux, comme cela aurait dû être et elle ne s'était guère inquiétée immédiatement. Il s'agissait de son premier enfant, probablement l'unique qu'elle aurait jamais à en juger par la pénibilité de la chose, et elle avait vu de nombreuses femmes mettre des heures avant de donner la vie après avoir perdu les eaux. Le premier, disait-on, était le plus difficile. Il pouvait s'écouler plus d'un jour avant que l'enfant ne naisse, parfois plus. Alors elle avait cru qu'elle aurait le temps. Elle avait laissé le vieil homme se battre seul contre la dornienne avec peu d'inquiétude et d'intérêt pour sa vie tandis qu'elle sauvait la sienne et celle de l'enfant que Maegor avait tenu à lui faire garder.

La sorcière pentoshie n'avait vu le sang que lorsqu'elle était retournée à la tente et peu après, les dragonniers s'étaient emparés d'Harrenhal et elle s'y était rendue, accompagnant la prisonnière Ceryse et ses deux enfants. Elle avait assisté à l'exécution du seigneur Jonas Grell ainsi qu'à l'investiture de la forteresse entre les mains des Targaryen et cela, elle l'avait fait en ignorant le sang et les contractions, elle l'avait fait en sachant qu'il n'y avait rien de plus qu'elle ne pouvait faire pour cette monstruosité dans son ventre. Et après, elle s'était enfermée dans des appartements, elle avait trouvé une chemise de nuit et elle s'était changée avec l'aide d'une jeune servante entre ses murs qui l'avait surprise. Tyanna l'aurait tué si elle n'avait pas eu besoin de son aide pour lui apporter de l'eau, l'installer dans le lit et éponger son front à chaque effort pour expulser l'enfant mort en son sein.

« — Qrugh! »

La brune jura dans sa langue natale, elle était épuisée. Si cela continuait, ni la mère ni l'enfant ne survivrait à cette épreuve. Depuis combien de temps était-elle là ? Il lui semblait que cela faisait des heures et pourtant, le soleil se tenait encore fièrement dans le ciel. Elle serrait avec force les draps, la jeune femme à ses côtés lui ordonna de pousser et elle l'aurait exécuté si elle n'avait pas tant besoin d'elle à cet instant. Un cri déchira l'air, son cri de douleur alors qu'elle s'exécutait, qu'elle poussait en se redressant et usant de ses forces de plus en plus difficiles à trouver. Elle refusait de crever ici, elle n'allait pas mourir entre ces murs, loin d'Alys, loin de Maegor, loin de chez eux.
Tyanna ferma les yeux, elle prit un instant pour se reposer et elle revit Pentos, elle se souvint de la douceur de leurs jours de l'autre côté du Détroit et elle ne pouvait périr sans avoir revu la ville, au moins une dernière fois. Le prince-dragon voulait y mourir aussi, il le lui avait demandé et d'une manière ou d'une autre, ils reverraient Pentos une dernière fois.

« — Again, my lady. »

La fille près d'elle l'encourageait, elle lisait de la pitié sur son visage et de l'inquiétude. La riveraine, qui qu'elle soit, savait aussi bien que la pentoshie qu'elle pourrait ne pas s'en sortir tout autant que l'enfant était déjà mort depuis longtemps. I can't do it, disait Tyanna, puis elle ajoutait I'm too exhausted. Elle voulait sortir la créature de son ventre, elle voulait s'en libérer et elle ne voulait pas mourir, surtout pas. Où était Maegor ? S'était-il demandé où elle avait disparu quand elle s'était éclipsée alors qu'ils sécurisaient Harrenhal ?

« — You have to do it, lady Tyanna. I see the head. You're almost there. »

Tyanna secouait la tête. No, no... I can't do it... Quand avait-elle connu pareil faiblesse ? Elle était restée fière dans sa précédente vie, elle était morte sans pâlir sous la violence de son époux et voici que la naissance d'un monstre au sang bâtard lui retirait ses forces et la trainait aux portes de la mort. Elle avait trop joué avec la mort, trop marché à ses côtés pour périr si bêtement. C'était encore trop tôt. Dans ses pensées, elle trouva une détermination et une force. Il lui fallait revoir son Alys et sa chevelure enflammée, il lui fallait se noyer dans ses yeux bleus encore une fois et affronter le regard violet de Maegor pour lui dire que l'enfant qu'il avait espéré ne vivrait jamais. Alors elle trouva la force, elle inspira profondément et se remit à pousser, elle s'écroula une fois encore puis elle poussa encore. Elle avait le sentiment qu'à chaque fois, la chose morte lui arrachait les entrailles et déchirait son corps pour en sortir comme dans un terrible cauchemar. Elle poussa, hurla encore une fois quand enfin, la fille s'écria qu'elle y était. Elle plongea sa main dans le sang entre les jambes de la sorcière et en tira la monstruosité. Alors la mère, qui n'en serait jamais une, s'effondra. Elle n'était pas tirée d'affaires, pas totalement, mais le plus dur était fait. Il lui fallait désormais combattre la fièvre mais une fois au calme, elle saurait se guérir d'elle-même.
Il s'écoula un moment durant lequel l'aide précieuse qu'elle avait reçu pris soin du corps de l'enfant, elle le nettoya, elle l'enroula dans un lange et demanda à Tyanna si elle voulait le prend mais elle refusa, elle refusa même de le voir et de savoir à quoi ressemblait cette bête qu'elle avait sorti de son corps, celle qui s'était accrochée durant des lunes à la vie pour finalement s'éteindre. L'enfant avait été trop faible, sa volonté de vivre n'avait pas été assez forte ou alors le corps de sa mère l'avait trahi et tué pour lui épargner une vie de misère. Le reste de l'enfant fut laissé dans son lange, déposé sur la table comme un vulgaire objet pendant que la riveraine aidait la sorcière aux cheveux de jais. Elle l'aida à se changer alors que les restes sanglants de l'accouchement s'expulsaient de son corps et qu'elle la nettoyait. Elle changea les draps, débarrassant la pièce de l'odeur de sang et pendant ce temps, Tyanna fit quelques pas vers la table, vers la chose pour la voir juste une fois. Elle s'approcha, tira sur le lange pour voir à quoi il ressemblait et elle fut surprise de voir que la créature avait tout d'un enfant, d'une petite fille à l'apparence délicate. Elle n'était pas difforme ni laide, sur sa tête se dressait quelques cheveux de jais, comme les siens et au lieu de pleurer comme elle aurait dû le faire, Tyanna eut un ricanement, elle remit le lange autour du cadavre et retourna vers le lit.

« — Call for Prince Maegor. I need him here. »

Elle s'écroula dans le lit après avoir trouvé la force d'y revenir, ses jambes tremblaient sous son poids, des vertiges menaçaient de la faire perdre l'équilibre et elle avait froid, terriblement froid. Son regard croisa son reflet dans un miroir, sa peau était plus pâle encore qu'à son habitude et la couleur de ses lèvres trahissait sa faiblesse. Sa main glissa contre son ventre toujours rond mais bien diminué par l'absence de l'enfant, un soulagement. Elle n'était pas faite pour être mère, elle arrivait encore à se convaincre qu'il n'y avait en elle aucun attachement pour le bébé qu'elle avait porté durant neuf lunes et qu'elle n'en voulait pas, qu'elle ne l'avait fait que pour Maegor et Alys. Pourtant, quand elle tourna la tête vers la petite fille qui ne vivrait jamais, elle ressentit un vide en elle, comme une chose manquante dans son cœur et dans sa vie, une absence qu'elle ne pourrait jamais combler et elle se mit à détester ce sentiment.
Alors quand, enfin, le prince Targaryen passa la porte de la chambre, Tyanna se redressa dans le lit, elle ramena ses jambes contre elle en poussant un profond soupir car elle se trouvait à la fois soulagée de sa présence et redoutant sa réaction quand elle n'avait pas la force de lutter contre quoi ou qui que ce soit.

« — The monster is dead, it is gone, déclara-t'elle alors en posant son regard dans le sien l'espace de quelques secondes puis elle tendit le doigts pour désigner ce qu'il restait sur la table de la chambre tandis que ses yeux presque noirs suivaient Maegor sans jamais le quitter, guettant ses mots et sa violence à son égard. »

Tyanna était presque une boule humaine dans ce lit, épuisée, fiévreuse et pâle, elle n'avait pas la force de se battre. L'accouchement était une bataille à lui seul. En l'espace d'un jour, elle avait mené plus de batailles qu'on ne lui en reconnaitrait jamais. Elle plierait sous la colère de Maegor, aujourd'hui, s'il la forçait à l'affronter. Pour autant, quand il pénétra la chambre, il n'y avait aucune colère en lui. Il sembla d'abord s'enquérir de son état et la pentoshie n'en bougea pas, elle le laissa poser sa main sur son front, elle le laissa faire ce qu'il devait ou ce qu'il voulait alors qu'elle gardait ses jambes contre elle, ses bras les entourant et sa tête trouvant repos au creux de ses genoux.

« — Nothing. I did nothing, disait-elle dans quelques murmures à peine audible. Sa voix lui semblait soudainement brisée ou éteinte. Elle n'avait plus la force de parler correctement. »

La sorcière le suivait des yeux, elle suivit son avancée vers la table où résidait les restes du petit monstre et quand il eut un sanglot, il le prit dans ses bras et prononça quelques mots qu'elle n'était pas sûre d'entendre convenablement mais elle trouva cette scène pathétique. Elle n'eut pas le courage de le lui dire, de lui faire savoir à quel point elle le trouvait ridicule de pleurer la chose qu'ils auraient détruit de toute façon mais en elle, une colère s'élevait. Envers qui ? Elle la tournait vers le valyrien mais était-il seul responsable de sa rage ? Elle en voulait à elle-même, stupid girl, pensait-elle. L'espoir entrainait la déception, pourquoi avait-elle espéré un moment que la créature vive ? Elle avait été stupide de ne pas boire un thé de lune, assez bête pour faire espérer à ses aimés qu'ils élèvent ça comme un enfant mais rien de bon ne pouvait naitre de son sang. Tyanna de la Tour était pourrie jusqu'à la moelle, destinée à détruire tout ce qu'elle touchait car ce n'était que dans le chaos qu'elle trouvait une paix intérieure, une tranquillité qu'on lui connaissait peu.
Les minutes s'écoulaient, elle restait immobile, elle fixait Maegor et le petit corps qu'il avait entre les bras, dont il prenait soin, qu'il couchait dans un panier comme s'il était précieux, comme si cela avait de l'importance alors que la mère ne trouvait aucun intérêt dans ce qu'il restait de la chaire de sa chaire. Ce n'était qu'un reste vide, un amas de peau, de muscles, d'organes et d'os destinés à pourrir, dévoré par les vers sous terre. Et il pleurait, le faux père de cette fillette morte, elle le trouvait plus pathétique à chaque instant, elle se trouvait plus stupide encore et elle détestait tout dans cette scène. Peut-être car elle y voyait de la faiblesse, elle y croyait des émotions et des sentiments qu'elle refusait d'accepter alors le dégoût était plus aisé, l'envie de vomir était plus ainé à accepter que le vide qui s'emparait d'elle, l'absence d'un enfant qu'elle n'aurait jamais dû avoir.

L'attention dont il faisait preuve l'atteignait à peine. Il tendit ses bras et si elle vint péniblement y trouver refuge, ce ne fut que par fatigue, que par besoin d'un appui pour reposer son corps. Elle posa sa tête contre son épaule mais elle ne trouva aucun réconfort dans leur peine commune. Where's your anger? Why are you not mad that I lost our little monster? Peut-être qu'elle trouvait un certain réconfort quand il la menaçait, quand il s'énervait et qu'il faisait preuve de violence. Quand il était violent, Tyanna savait encore lire en lui, trouver où appuyer pour faire mal et pour se protéger. Mais lorsqu'il pleurait, lorsqu'il faisait tomber ses barrières, alors elle se trouvait démunie et cela lui faisait presque peur. Elle avait besoin de sa colère pour attiser la sienne, pour lui faire oublier le vide, lui faire oublier qu'elle se battait encore pour sa vie tant que la fièvre ne tomberait pas.

« — Then you should tell her. It's not my fault. You wanted me to keep it, you brought this on ourselves. »

Sa voix n'était pas aussi dure qu'elle l'aurait voulu mais elle n'était pas tendre, seulement empreinte de tout son épuisement physique et mentale. Mais elle le pensait, c'était la faute du Targayren, pas la sienne.
Quand avait-elle eu droit à sa tendresse pour la dernière fois ? Tyanna avait l'impression qu'elle l'avait connu à Pentos et un instant, quand elle sentit ses doigts dans ses cheveux qui ne venaient pas les agripper et les tirer, son baiser contre son front qui se faisait sincère, elle eut un sentiment familier d'être chez elle, là où elle devait se trouver tout autant qu'elle eut la sensation que ce n'était pas naturel, qu'il lui fallait s'extirper de ses bras pour aller vomir plus loin mais même si elle l'aurait voulu, ses jambes viendraient à céder sous son poids aux premiers pas qu'elle ferait. Elle était trop faible désormais.

« — Alys will ask that creature to be named and burned properly. »

Ses yeux sombres se fermèrent péniblement quand elle sentit sa vue se brouiller. Misérable qu'elle était, elle ne pouvait pas pleurer en plus, elle s'y refusait. Elle déglutit et ravala ses larmes en même temps.

« — Do you have a name for it? »

La pentoshie s'était toujours moquée de la peine et de la douleur des autres, elle avait toujours refusé de ressentir la sienne, elle l'avait repoussé tant de fois pour la changer en colère ou en chaos destructeur car son coeur était fermé à ce genre d'émotions, il était fermé à tout les émotions si on lui posait la question mais plus le temps passait, plus cela était un mensonge qu'elle prononçait pour laisser croire qu'elle était toujours la même, qu'elle n'avait pas changé, qu'elle n'avait jamais souffert assez pour que sa carapace s'effrite. Mais tout cela n'était qu'une façade et elle peinait à la maintenir à cet instant. Elle était partagée entre ce sentiment de vide qui l'habitait, ce sentiment profond d'avoir perdu quelque chose d'important et la colère qu'elle tournait vers Maegor car il était plus aisé de le blâmer lui pour chacune des choses qui avaient mal tourné dans sa vie plutôt que d'admettre qu'elle y avait une grande part de responsabilité, ou peut-être qu'elle aimait souffrir aussi. Cela la faisait se sentir en vie, lui rappelait qu'elle n'était pas qu'une coquille vide en ce monde. Alys, sa belle et douce Alys, la faisait se sentir vivante aussi et le Targaryen, à sa manière, lui rappelait qu'elle n'était pas vide non plus, qu'elle était capable de colère et de rage. D'amour peut-être ? C'était un mot qu'elle n'osait pas prononcer, un mot qui lui semblait trop lourd de sens et à la fois si délicat. Elle avait, par le passé, appelé Maegor love mais cela n'était plus arrivé depuis leur retour à la vie, cela n'était plus arrivé depuis qu'ils avaient quitté Pentos. La Herpivoie, en revanche, avait toujours le droit d'être appelée my heart par la sorcière car elle était douce, elle était tendre et elle était délicate, elle avait un cœur pur que Tyanna ne possédait pas alors elle représentait tout ce que son cœur n'était pas, tout ce qu'il ne ressentait pas ou ce qu'il prétendait ne pas ressentir. Et autrefois, elle avait mené Alys vers sa mort, elle avait arraché son cœur à la vie et dans une cruelle ironie, Maegor lui avait arraché le sien. La boucle avait été bouclée et c'était ainsi qu'elle aurait dû finir, le cœur arraché après se l'être métaphoriquement arraché elle-même.
Seulement, Tyanna vivait à nouveau depuis plus d'une année, sa vie ne s'était pas entièrement achevée et ainsi, il lui fallait encore se protéger contre ses émotions qui la rendaient faibles, il lui fallait encore souffrir et lutter pour ne pas le montrer. Mais à ce moment précis, garder sa contenance habituelle n'était pas chose aisée. C'était pire encore avec la douceur dont il faisait preuve, il fallait le blesser, il fallait appeler sa colère pour oublier la compassion et quand il saisit sa mâchoire entre ses doigts, elle sut qu'elle y était parvenue, ils étaient exactement là où ils devaient être et les choses lui semblaient plus justes que quelques instants avant. Elle aurait pu, en l'entendant, lui cracher au visage pour les quelques insultes qu'il déversait sur elle mais à la place, seul un sourire cruel et triste se dessina sur son visage. Ils étaient pathétiques et misérables.

Princesse Alaenys de la Maison Targaryen. Tyanna posa son regard sur la chose qui gisait dans le petit panier, elle n'avait même pas une goutte de sang des dragons en elle et avec des parents comme eux, il valait mieux qu'elle ne vive pas, qu'elle n'ait jamais vécu. C'était un nom trop doux et trop délicat pour une créature qui serait devenue si laide avec le temps et avec les années, quelque chose qu'ils auraient abimé, détruit, rendu tout aussi misérables qu'eux. Alors quand il demanda son avis, après avoir pressé ce doux baiser contre son front qui manqua de briser sa carapace définitivement pour qu'elle laisse quelques larmes échapper, elle secoua doucement sa tête de gauche à droite.

« — It sounds sweet, like a soft breeze on a morning spring. And fragile. »

Aimait-elle cela ? Ses mots ne le disait pas, elle n'était pas sûre de le savoir, pas sûre de pouvoir nommer la chose sortie sans vie de ses entrailles ou de pouvoir prononcer un jour son nom. Elle avait essayé, elle avait tant essayé de donner un fils à Maegor dans leur vie précédente, elle avait essayé de laisser la vie grandir en elle mais cela avait été un terrible échec et le petit corps dans le panier lui rappelait deux échecs en un. La semence d'un autre homme avait pris racine en elle, là où le valyrien avait toujours échoué, mais le monstre n'avait pas vécu car elle n'avait aucun talent pour donner la vie, seulement pour la retirer.
Un frisson la parcourut, elle trembla entre les bras de son prince parce qu'elle était faible et épuisée, son corps luttait encore pour sa vie mais elle n'allait pas mourir, elle se l'interdisait, il était trop tôt pour repartir. La fièvre finirait par tomber, elle finirait par reprendre des forces mais le temps serait long, les heures seraient longues. Elle voulait être capable de se lever, capable de marcher et de quitter cette chambre dès maintenant. Elle ne supportait plus la vue du panier et ce qu'il contenait, elle ne supportait plus l'odeur du sang et de sa propre faiblesse, l'odeur de la mort qui flottait dans la pièce. Elle allait étouffer si elle restait ici davantage mais était-elle capable de se tenir sur ses jambes ? Etait-elle capable de se déplacer pour descendre les marches qui la mèneraient ailleurs dans le château ?

« — Help me look presentable. I look miserable. »

D'un geste sans violence, elle repoussa l'étreinte qu'il lui offrait et prit appui sur lui pour se relever. Ses jambes tremblaient, son corps était fragile et elle avait la sensation que le monde entier tournait autour d'elle, pris dans une spirale infernale alors il lui fallait rester concentrée pour trouver son équilibre. Sa main était plantée dans l'épaule de Maegor pour s'aider à porter son propre poids et quand elle fut entièrement dressée, elle le relâcha pour faire un pas seul. Un pas puis un second. La douleur de son corps était atroce, entre ses jambes, là où la créature avait tout arraché sur son passage, et son visage se tordait contre sa volonté. Elle fit un autre pas, elle se sentait plus légère, presque vide là où auparavant, il y avait la chose qui prenait toute la place, elle fit un autre pas vers la robe qui l'attendait mais elle était encore à deux ou trois mètres quand ce fut trop. Ses jambes cédèrent sous son poids, elle tomba à genoux sans avoir le temps de se rattraper, ses mains frappèrent le sol alors qu'elle serrait les dents rageusement.

« — Help me! »

Tyanna répéta rageusement à l'adresse de Maegor alors qu'elle saignait, elle sentait le sang s'écouler entre ses cuisses et elle haïssait sa propre faiblesse et ses échecs en cet instant. Il lui fallait retrouver une apparence présentable, il lui fallait retrouver un peu de sa force, redevenir un peu plus elle-même car elle détestait ces émotions qui menaçaient de remonter à la surface avec une telle violence qu'elle ne saurait les contenir. Il lui fallait redevenir solide, renforcer sa carapace et à tout jamais repousser le souvenir de cet amour qui était naît en elle durant les lunes qui s'était écoulé, un amour pour la petite princesse Alaenys qui ne serait jamais.