Depuis qu'elle avait ouvert les yeux en ce monde, Lyanna Stark avait vécu dans le Nord aux côtés de son prince d'argent, elle avait voyagé jusqu'à Roches-aux-Runes puis à Peyredragon avec lui. Elle avait vu avec lui plus qu'ils ne l'avaient fait dans leur vie précédente. Cependant, quoi qu'il advienne, elle avait été rongée par la culpabilité car où qu'elle pose le regard, qu'importe qui elle rencontre, la plupart d'entre eux savaient qui elle était, savait que la dynastie Targaryen était tombée par sa faute car elle avait choisi de fuir son devoir pour courir vers son destin, elle avait cru le prendre en main mais elle était morte et elle avait échoué. On n’échappait pas aisément à son passé, la louve l’apprenait davantage chaque jour car quoi qu’elle tente, elle ne pouvait pas oublier, on ne la laissait pas faire. Elle devait vivre avec le poids de ses actions et cela était relativement compliqué. Elle voulait y échapper et elle ne pouvait pas. Elle voulait oublier et elle ne pouvait pas. D’une certaine manière, cela l’empêchait d’avancer.
Lyanna Stark désirait être tellement plus que cette fille qui avait provoqué la chute de la maison Targayren, elle voulait être tellement plus que celle pour qui le royaume s’était déchiré, pour laquelle Robert Baratheon avait mené sa rébellion. Mais comment le pouvait-elle quand on le lui rappelait sans cesse ? Quand le monde entier la voyait ainsi ? Cela en devenait oppressant, il était parfois presque difficile de respirer et si elle aimait Winterfell et sa famille, elle avait de plus en plus de mal à y rester. Mais ce n’était pas la faute de sa maison, ce n’était pas la faute du château et de sa cour qui n’avait pas tant changé depuis l’époque où elle y courait avec ses frères mais plutôt de l’homme auprès de qui elle passait ses nuits et certaines de ses journées. Son cœur appartenait à Rhaegar Targaryen, sans l’ombre d’un doute et pas un seul instant elle n’aurait pensé autrement. Seulement être avec lui, affronter à ces côtés les regards et le jugement de chacun rendait cela plus difficile. Elle ne pouvait pas y échapper, elle n’y échapperait jamais tant qu’elle serait avec lui. Elle y songeait depuis des jours, elle ne trouvait pas le courage ni la force de s’en aller et pourtant, elle savait qu’il le fallait. Elle savait qu’il lui fallait savoir qui elle était sans lui, qui elle était sans la guerre, sans son passé et ses erreurs qui venaient la définir.

La louve de Winterfell se tenait dans la cour de Winterfell, une épée à la main, une épée toujours trop lourde et trop large pour elle, une épée d’homme. Gendry Baratheon, fils de Robert et époux d’Arya, viendrait à lui en faire une autre lorsque le moment viendrait mais pour le moment, elle s’entrainait ainsi, elle fatiguait ses bras jusqu’à ne plus les sentir, jusqu’à ce que ses muscles tirent trop pour qu’elle puisse continuer. Désormais qu’il n’y avait plus personne pour l’en empêcher, Lyanna s’entrainait durement à l’épée, elle s’entrainait pour réussir à sa battre aussi bien que sa nièce et pouvoir rivaliser avec elle. Jamais elle ne la battrait mais elle pouvait devenir assez forte pour tenir plusieurs minutes contre elle, elle en était certaine. Au fil des lunes, elle était devenue plus forte déjà, elle s’en rendait compte. Elle était plus résistante et quand son épée frappait celle de ses adversaires, elle se sentait moins en mal de poursuivre le combat, moins destabilitées. Elle gardait aussi des bases de ce que Ned lui avait appris dans leur enfance, quand il l’entrainait en secret parce que leur père interdisait qu’elle porte une arme et qu’elle suppliait son ainé de lui apprendre tout de même, avec des épées en bois et dans le bois sacré de Winterfell où personne ne viendrait les chercher. Parfois, elle le faisait avec Benjen et quelques rares fois, Brandon avait participé à ces entrainements clandestins mais le plus âgé de ses frères avait tendance à se moquer d’elle, il était arrogant et aimait à la taquiner méchamment autant qu’elle le faisait avec lui alors qu’elle était à cheval. Car là où ses frères savaient manier l’épée, elle savait monter à cheval mieux qu’aucun d’entre eux, elle avait une aisance naturelle sur n’importe quelle monture qu’ils ne possédaient pas.
Soudainement, alors qu’elle travaillait ses mouvements, un coup d’épée en avant, un coup sur le côté, un pas à droite, un autre coup, un pas en arrière, deux en avant et un nouveau coup, elle entendit son nom. Elle ne reconnaissait pas la voix qui l’appelait et pourtant, elle laissa retomber son épée, la ramena devant elle et pivota sur ses deux pieds pour se retourner vers l’homme qui l’appelait. Il était grand, bien plus grand qu’elle, une carrure plus large aussi et ses cheveux étaient d’un noir de jais qu’elle reconnaissait chez les Stark ou de nombreuses autres familles du Nord. Cependant, il lui était totalement inconnu et quand il vit son visage, il sembla en perdre sa voix. Elle l’observa, guettant une quelconque familiarité dans ses traits quand elle sut, quand elle vit ce qu’elle y cherchait.

« — Jon? »

Une mère savait. Elle savait au fond d’elle-même qu’elle n’avait pas tort, qu’il s’agissait bien là de ce fils qu’elle avait mis au monde mais qu’elle n’avait jamais connu, qu’elle n’avait pas pu voir grandir et à qui elle n’avait jamais pu dire qu’elle l’aimait plus que de raison, que toutes les guerres du monde ne lui ferait jamais regretter sa venue au monde et qu’un seul sourire de son enfant lui aurait fait oublier des centaines et des dizaines de malheur. Le tempéramment sauvage de la nordienne s’adoucit immédiatement, elle fit un pas vers lui et tendit précautionneusement la main vers sa joue sans le toucher, en lui laissant le choix alors qu’elle se trouvait incapable de le quitter des yeux.

« — A mother knows. »