Le froid du Nord ne dérangeait plus Catelyn depuis bien longtemps. En fait, elle l'accueillait aujourd'hui avec soulagement et contentement.
Lorsqu'elle était revenue, l'esprit de Catelyn Stark était encore noyé sous le deuil, le chagrin, la souffrance, les regrets et la culpabilité. Il lui avait fallu un certain moment pour parvenir à s'en extirper, un certain moment pour accepter ce qui arrivait, accepter de faire face à ses enfants.
À présent, elle l'avait fait, et si elle sentait encore parfois le poids de leur passé peser sur ses épaules, elle parvenait aussi à respirer un peu plus sereinement, à trouver de la joie en cette existence.
Ned était à ses côtés, et elle avait retrouvé ses filles. Même son frère avait été ramené, il y a peu. Si seulement ses fils pouvaient lui être rendus également. C'était sans doute là sa plus grande peine à présent.

Ça et réaliser tout ce qu'elle avait manqué de la vie de Sansa et Arya, tout ce qu'elles avaient vécu seules et sans personne pour veiller sur elles... Sansa était à présent une femme accomplie et sûre d'elle, une reine du Nord dont on se rappelait sans peine et avec respect, quand à Arya, elle était une combattante hors pair, elle avait construit sa vie d'une façon que Cat aurait peiné à imaginé autrefois.
Elles n'avaient plus réellement besoin d'elle, si ce n'est de sa présence. Cela aussi, était étrange.

Ce matin, la Lady Stark avait quitté les appartements confortables et chauds qu'elle partageait avec Ned pour se balader avec l'animation du matin. Elle trouvait un certain réconfort à regarder la demeure ancestrale des Stark à s'animer avec le jour qui se levait. D'un pas lent, elle se dirigeait jusqu'à l'arbre cœur, qu'elle appréciait particulièrement depuis son retour. Si elle continuait de prier les Sept, les Anciens Dieux de Ned lui semblaient plus proches d'elle.
Elle avait emporté avec elle un ouvrage qui relatait du règne de Sansa sur le Nord, et installée sur ce tronc sous l'arbre sacré, Catelyn lisait à la fraîcheur du matin pour échapper à ses cauchemars.
Ils étaient moins nombreux depuis qu'elle s'était repris en main et qu'elle avait accepté cette seconde existence, les malheurs de son ancienne vie mais ils persistaient parfois à venir l'éveiller. Au milieu de la nuit, elle se fondait contre la carrure puissante, chaude et protectrice de Ned mais il lui arrivait parfois de ne pas parvenir à se rendormir. Alors, ces jours-là, elle attendait l'aube et se promenait pour venir trouver la sérénité de l'Arbre Cœur pendant quelques heures.

Elle devait se trouver là depuis près d'une heure, tournant les pages du vieil et volumineux ouvrage quand le froid la rattrapa. Ses pas l'avaient guidé jusque dans sa chambre pour y déposer l'ouvrage mais elle ne s'y attarda pas, Ned étant déjà parti.
Comme elle descendait dans la cour en quête de son époux, son allure finit par ralentir et Catelyn s'arrêta, son regard finalement fixé sur une silhouette qu'elle n'avait pas vu depuis bien longtemps. Une silhouette qu'elle avait longtemps exécré.
Il ne semblait pas l'avoir vu ou si tel était le cas, il semblait vouloir passer son chemin ; comment lui en vouloir ?
L'ancienne Lady de ce fief fut tenté de le laisser se dérober, et pourtant, sa voix finit par retentir dans la cour presque vide.

« Jon ! »

Avant même qu'il ne réponde ou ne s'arrête, Catelyn s'avançait déjà vers lui.

« Jon, attends ! »

Soudainement, le froid ne la dérangeait plus. Catelyn avait d'autres démons, d'autres préoccupations. Et Jon Snow... Oh, il était certainement l'un de ses plus grands démons. Il avait été la cause d'une jalousie atroce, cet enfant, cet homme à présent, était à lui seul la preuve vivante de ce qu'il y avait de pire en elle.
Elle ne savait même pas qu'il était revenu, mais il fallait dire que pendant un long moment, Catelyn s'était isolée du reste du monde, rongée par sa culpabilité et ses peines. Il lui avait fallu du temps avant d'être capable de faire face à ses propres filles, alors il ne serait point étonnant qu'elle ait manqué la nouvelle de son retour.

Elle aurait très bien pu passer son chemin, certainement par le passé, elle l'aurait fait. Mais depuis, des siècles s'étaient écoulés et des vérités terribles avaient éclatés et Catelyn avait la chance aujourd'hui de faire face à cet enfant qu'elle avait isolé, maltraité et haï pour des faits qui n'étaient pas les siens à porter.
Dire qu'elle se sentait honteuse et terriblement coupable tandis qu'il s'arrêtait finalement pour la remarquer, pour lui faire face, serait un euphémisme...
Mais Catelyn Stark n'avait jamais été femme à fuir...
Même face à sa propre mort, même lorsqu'on lui enlevait son dernier fils sous ses propres yeux, et qu'elle savait que son propre meurtre suivrait, elle n'avait pas fui. Elle n'avait pas esquissé la moindre volonté d'y échapper.

« Je suis revenue d'Accalmie il y a peu. »

Comme si cela pouvait tout expliquer. Un faible sourire brise la pâleur et le regret qui bouleverse son visage alors que Catelyn ramène sa main contre son ventre, l'autre tenant toujours son ouvrage.

« Je ne savais pas que tu étais de retour non plus. Est-ce qu'Arya est au courant ? Elle ne m'a rien dit. »

Mais elle devinait que Jon aurait sans doute été l'une des dernières personnes dont sa fille lui aurait parlé. Un instant, Catelyn se rend à son malaise, osant à peine garder ses yeux sur le visage du Stark. Car il en était un, il en avait toujours été un. Même au plus fort de sa colère, il lui avait été impossible d'en douter, et c'était certainement là ce qui l'avait peiné le plus.
Jon portait en lui tous les traits des Stark. Longtemps, elle les avait cru venir de Ned quand en vérité, c'était Lyanna Stark qui les lui avait légué avant de mourir...
Son visage lui rappelait Robb, et Bran et même son cher Rickon. Ses fils lui manquaient, ils lui manquaient atrocement et un instant encore, Catelyn se sent faiblir quand elle songe que Jon ressemble à Robb, plus encore que lorsqu'ils étaient enfants.

« Je suis désolée... »

Les mots quittent sa bouche soudainement, sans même qu'elle ne s'en rende réellement compte.

« Je suis vraiment désolée, pour toutes ces années passées à te maltraiter. J'aurais dû être meilleure. J'aurais dû être capable de t'aimer comme mon propre fils... »

Une fois, une seule fois, elle l'avait fait. Lorsqu'il était tombé si malade qu'il en était presque mort, elle l'avait veillé, elle avait prié. Mais quand il avait retrouvé la vie et sa vigueur, elle n'avait pas pu continuer, elle n'avait pas pu tenir la promesse qu'elle s'était faite cette nuit-là.

« Tu n'étais qu'un enfant. Et tu méritais mieux. Alors je suis désolée. »