❝ how are we supposed to get there with the way that we're living today? ❞ ft. Alarra Fléaufort

Le corbeau se posa sur le bord de la fenêtre des appartements du mestre tandis qu’il faisait chauffer son breuvage pour la reine Alysanne. Celle-ci était assise, prise d’une douloureuse migraine, elle était venue ici pour ne pas inquiéter Alarra. Elle dormait peu, s’inquiétait trop et la fatigue se faisait sentir. Le vieux mestre se détourna de sa mixture, celle qui devait aider la brune à dormir avec plus d’aisance, pour prendre attraper la lettre à la patte de l’oiseau.

« — The seal is House Royce, your Grace. It must be for your sister. »

Le mariage approchait plus vite qu’elle ne le désirait. Si elle avait eu le choix, Alysanne n’aurait jamais laissé sa moitié se fiancer mais il leur fallait renforcer leurs alliances. Cela devenait plus pressant encore. Le Bief avait ployé le genou, Hautjardin avait été rendu à des êtres du passé, il y avait eu Harrenhal et les Conflans et Alysanne commençait à entrevoir son plateau de jeu mental de plus en plus clairement. Dans celui-ci, les vivants avaient peu de chance de l’emporter.
La Fléaufort connaissait les histoires de la Longue Nuit, elle connaissait la bataille de l’Aube et la bataille de Winterfell qui avait sauvé le monde des vivants par deux fois. Mais qui pourrait les sauver cette fois alors que passé et présent se mêlaient sans retenue ? Ils devaient se sauver eux-mêmes, repousser les ambitions pleines d’arrogance de ces gens qui n’avaient pas eu la vie qu’ils désiraient par le passé ou cherchaient à reprendre ce qui fut à eux autrefois. Ils étaient morts, ils avaient fait leur temps et s’ils avaient le droit d’exister, ils ne leur appartenaient plus de prendre aux vivants ce qui fut autrefois leur.

« — What does it say? »

Ses yeux bleus fixèrent le morceau de parchemin pendant qu’il fut déroulé et le mestre le parcourut des yeux avant de lui faire part de la nouvelle. Le Val se divisait, aux Eyrié, le fils unique de la prétendante Visenya Targaryen s’était installé et Yorwick Royce avait ployé le genou face à lui, contre l’avis de sa mère, Lady Izanriah. Celle-ci les priait, elle et Alarra, de reconsidérer le mariage, jurant de rester alliée avec les deux reines, elle leur demandait de ne pas s’allier à la maison Targaryen, de ne pas perdre espoir. Un sourire étira les lèvres de la reine.

« — Lady Royce wants us to stay allies but without any marriage. Alarra will love it.
— Her Grace might not love losing half of the Val in favor of House Targaryen.
— I know. »

La reine se leva de la chaise où elle était assise, repoussa dans son dos l’une de ses longues mèches de jais et remercia le mestre, lui assurant qu’elle n’aurait ni besoin de sa potion, ni de sommeil cette nuit. Car en réalité, il lui faudrait penser et graver l’esprit clair.
Elle sortit de la pièce, descendit les marches pour aller trouver son Alarra. La demeure qu’elles habitaient n’était pas un château, c’était là qu’autrefois vivait la garnison de la Porte des Dieux mais depuis longtemps, l’endroit avait été aménagé et rendu confortable. La cour d’entraînement était devenue un véritable jardin d’où poussait quelques plantes et fleurs ainsi qu’un arbre unique sous lequel s’abritait lors de longues après-midi d’été. Autrefois demeure de soldats, on trouvait désormais dans ce lieu tout le raffinement attendu d’une maison royale.

Lorsqu’elle trouva l’autre reine des lieux seule dans le petit salon, Alysanne vint à sa rencontre. Elle prit place près d’elle, sa main venant presser son bras doucement.

« — Alarra, sister, a letter has arrived from the Vale. »

La première née vint se pincer un peu les lèvres, ses doigts vinrent jouer avec les boucles brunes de sa jumelle. Elle était son reflet presque parfait en apparence mais elles étaient si différentes mentalement.

« — House Targaryen took a hold on the Eyries and Yorwick… Yorwick bent the knee. Lady Royce is begging us to set aside your engagement and not ally ourselves with the dragon-queen. »

Alysanne et Alarra se ressemblaient physiquement mais leurs caractères étaient aussi différents que le jour et la nuit. Là où Alysanne se montrait peu inquiète, car elle montrait peu ses émotions à d'autres que sa sœur, Alarra savait faire preuve d'inquiétude mais aussi d'une compassion dont l'ainée était moins capable. Son esprit était loin, parfois plus loin devant celui des autres mais elle semblait souvent détachée émotionnellement des situations qui s'offraient à elle. À cet instant, elle faisait preuve de peu d'inquiétude, son corps ne tremblait pas de peur face à la guerre qui menaçait, encore moins alors qu'elle apprenait qu'elles avaient perdu l'alliance avec la moitié du Val. Elle s'adaptait aisément à la situation politique qui changeait, elle s'adaptait aux changements autour d'elle mais ses émotions restaient impalpables. Car tant que cela ne touchait pas à sa jumelle, Alysanne peinait à se sentir concernée. Parfois, souvent même, elle songeait qu'Osmund aurait été plus heureux si sa mère avait été une autre car elle n'était pas maternelle. Elle aimait son fils, bien entendu, mais à sa manière. Elle l'aimait parce qu'il était utile, elle l'aimait pas qu'il était une part d'elle et pourtant, sa raison l'emportait car elle savait qu'il était plus un pion dans son grand échiquier et elle ne pouvait pas se permettre de s'attacher émotionnellement à un pion. Elle pouvait le protéger, mettre derrière des remparts et l'avancer seulement dans des zones sécurisées, comme dans une partie de cyvosse. Mais elle ne pouvait pas mettre ses sentiments en jeu.
Alarra était une exception, elle avait tout l'amour et toute l'attention de la Fléaufort. Elle savait qu'elle s'inquiétait et elle portait, autant que possible, le poids de ses inquiétudes sur ses épaules, elle était l'épaule sur laquelle elle pouvait se reposer. Elle ne pouvait pas flancher, elle ne pouvait pas se permettre d'être émotive et de s'attacher car un jour, cela viendrait la déséquilibrer, fracturer le pilier solide qu'elle était pour sa jumelle.
Alors quand la reine dut annoncer la mauvaise nouvelle à sa jumelle, elle se mit à jouer avec ses cheveux. Cependant, un simple geste d'affection ne suffisait pas à effacer les tracas d'Alarra, cela ne suffirait jamais. La situation pesait lourd pour elle, elle était lourde à porter et les choses devenaient de plus en plus complexes, les alliés se faisaient rares mais quelques uns possédaient encore suffisamment de raison pour savoir ce qu'il adviendrait d'eux s'ils cédaient aux morts les mêmes titres qu'aux vivants.

Alysanne inspira, ses doigts relâchèrent les mèches de jais de sa moitié et elle glissa sa main le long de son bras, prenant sa main dans la sienne.

« — We won't fall. »

Elle ne pouvait pas le promettre car elle ne voulait pas mentir, elle ne pouvait pas exclure la possibilité car auparavant, tout ce qui était ordonné et précis dans son esprit devenait plus confus. Il était difficile de suivre son plateau de jeu mental car si elle avait su placer les dragonniers dans celui-ci, leur position restait incertaine et les fils rouges qui faisaient les liens et les alliances de chacun se mêlaient de manière plus complexe, partant parfois vers le ciel pour rejoindre les dragons et leurs cavaliers. Il était difficile de reconnaitre la position de chacun.

« — Unity, we need it more than ever. We shall speak to lord Tyrion Lannister and to the other kings and queens of King's Landing. »

Peut-être qu'un ennemi commun pourrait leur être bénéfique. Ils avaient passé tant de temps à s'affronter les uns et les autres, redoutant le jour où viendrait l'avènement de l'un d'autres eux, signifiant alors la chute des sept autres. Mais peut-être était-il temps de laisser tout cela en arrière pour s'opposer à leur véritable ennemi. Ils pourraient reprendre leur guerre une fois cela terminé. Ou peut-être ne le pourraient-ils jamais car cette situation ne prendrait pas fin. Les morts continuaient de revenir, chaque fois plus nombreux.

« — The Vale is out of reach for now but at least, they're not our enemies. The Stormlands and Dorne are still with us. So are the Iron Islands. The Riverlands are lost but Lord Frey didn't bend the knee by choice. There is still hope to win this war. »

Sa main pressa la sienne, elle la ramena vers son cœur, la serrant contre elle alors que ses yeux bleus se plongeaient dans ceux de sa moitié avec sérieux et peut-être, pour la première fois depuis très longtemps, avec gravité également.

« — Do you remember when you asked me to leave for Essos? »

Quelques instants de silence s'imposèrent, elle attendit la réponse de sa moitié, son Alarra dont nul ne pourrait la séparer puis elle reprit.

« — I'll organize our escape, if we ever need to. A way out if everything is lost for us. I will ask a ship to be always ready to take us to Braavos. »

Elle n'avait pas peur mais Alarra, oui. Et elle ne pouvait pas nier que le risque était présent, qu'il lui était désormais impossible de tout prévoir et de maintenir l'équilibre. Elle maintenait une façade mais beaucoup de choses devenaient confuses à mesure que les morts revenaient de plus en plus nombreux, que les familles s'agrandissent, venaient à Westeros et s'en allaient à Essos. Pourtant la pression ne faisait qu'augmenter et elle le sentait, elle sentait dans l'air que ce n'était plus qu'une question de temps avant que Visenya Targaryen ne vienne réclamer Port-Réal. Il leur fallait se préparer au plus vite, le temps leur manquerait bientôt mais elle ne pouvait pas inquiéter davantage son Alarra.

Alysanne ne voulait pas sauver tout le monde car elle savait très bien que cela était impossible. Elle ne pouvait sauver que les siens, prendre les décisions les plus justes pour protéger son sang et ensuite, penser à l'équilibre et la paix dans le royaume. Le peuple, la compassion, c'était des qualités qu'elle laissait à sa jumelle, dont elle ne se souciait pas car elle le faisait pour elle. Elles se complétaient ainsi.
Ainsi, Alysanne prenait soin de leurs alliés, elle songeait à la politique, à ces alliances en permanence pour les maintenir, en trouver d'autres et savoir comment avancer face aux alliés de ses adversaires alors que Alarra s'inquiétait du bien-être des gens, de leur survie et leur confort mais cela la rendait plus sensible que sa jumelle. Plus prompte à l'inquiétude aussi, il semblait. Ou peut-être était-ce qu'Alysanne refusait de s'inquiétait plus que nécessaire car elle cherchait toujours une porte de sortie face à toute situation, une échappatoire face au danger.

« — She has the Reach and the Riverlands with her. Some dragonriders too. »

Ce n'était pas des nouvelles réjouissantes, cela était vraiment mais au moins, une grande partie des dragonniers s'en étaient allés à Essos.

« — But since a lot of dragonriders left for Essos, I don't believe House Targaryen is united. They tore themselves apart in the past, didn't they? »

Elle et Alarra avaient des croyances tandis que Visenya n'avait que son ambition pour elle. Que promettait-elle aux peuples ? Aux seigneurs qui la rejoignaient ? Que proposait-elle pour l'avenir ? La Fléaufort l'ignorait, elle ne pouvait apporter de réponses à cela mais Alarra semblaient en savoir un peu plus sur ce sujet, comprendre un peu mieux ce qui pouvait pousser le peuple à se rallier à la Targaryenne.
Est-ce que sa jumelle avait si peur que cela ? Car elle se rapprochait, elle trouvait son regard et se pinçait les lèvres. Alysanne lisait son inquiétude sur son visage, dans son attitude et à ces paroles, elle hocha la tête.

« — We won't die, Alarra. I'll protect us and Osmund will be saved first. I promise you. »

Quand elle entendit ses paroles suivantes, elle se rapprocha pour venir embrasser son front avec tendresse.

« — Do you really mean that? »

Sa main revint caresser ses cheveux, comme un geste pour la rassurer. Elle n'aimait pas l'entendre dire qu'elle pensait que Visenya pourrait faire mieux.

« — We can't give up now, we've gone too far. Visenya... She is not the solution. But when the war will be over, if you want it, we'll retire. Go any where you want. »

Partir maintenant ne les aimerait pas. Elle ne pensait pas que la valyrienne qui revendiquait la souveraineté des Sept Couronnes les laisserait tranquille, même si elles fuyaient à Essos. Pas quand elles s'opposaient si ouvertement à elle, quand elles devenaient les leaders de l'opposition.

« — I promise. »

Hold on a bit longer, sister, elle priait silencieusement. Elle avait encore besoin d'elle car abandonner maintenant, ce serait céder le royaume aux défunts, au chaos et à l'anarchie. D'autres voudraient s'opposer à Visenya mais ils s'étaient alliés à elles et si elles les abandonnaient maintenant... Elles ne pouvaient pas, trop nombreux étaient ceux qui comptaient sur elle et les deux sœurs avaient encore beaucoup à accomplir. Elles avaient encore beaucoup de liberté de mouvement avant que tout ne soit perdu.

« — Shall we write to the rulers of King's Landing, to meet and try to unite them until the war is over? I think it is worth trying, it may be our only chance to end our selfish war for power and fight for something bigger than us. »