"To reach the stars and chase the sun" Ft. Baela Targaryen & Rhaenyra Targaryen

Peut-être Rhaenyra n'avait-elle pas eu tout à fait tort en le forçant à venir jusqu'à ce tournoi.
Non pas seulement pour l'adrénaline des combats et encore certainement moins pour les personnes qui y étaient présentes. Avoir les Verts si près d'eux avait tendance à l'agacer et le tendre, d'autant plus dans la situation de sa nièce-épouse et avec leurs deux fils vagabondant d'un côté et de l'autre.
C'était plutôt pour l'occasion que cela leur avait donné d'apaiser leurs griefs, de prendre la décision de s'en aller.
Daemon était toujours peu serein et peu ravi de devoir emmener Alicent Hightower avec eux mais les émotions négatives qui avaient corrompu l'être du prince vaurien ces derniers temps semblaient se faner. Il se sentait plus léger, peut-être même plus optimiste, voir même enthousiaste.

Il n'y avait rien qui saurait véritablement apaiser la crainte qui nichait toujours en lui à l'idée de perdre Rhaenyra à l'issu de l'accouchement qui se profilait dans quelques lunes mais il en venait à ronger un peu l'indifférence, voir même le ressentiment qu'il avait pu avoir pour cet enfant qui grandissait dans le ventre de sa mère.
Bien sûr, à cause de l'entourage qu'ils avaient à subir en ces lieux, Daemon ne pouvait pas non plus se permettre de baisser totalement sa garde. Il restait à l'affut du moindre soucis qui pourrait se profiler et il forçait également Rhaenyra à se reposer, loin de lui l'idée de vouloir tenter Morghul.

Pour autant, sa nièce-épouse entendait tout de même profiter de son temps et c'est ainsi que libéré de ses devoirs de participant, Daemon l'avait suivi dans le large camp où l'on pouvait trouver divers stands en tout genre.
En fait, tandis que Rhaenyra semblait s'intéresser à quelque fabrication artisanale, le prince l'avait très brièvement abandonné pour aller leur chercher des gâteaux au citron non loin et il revenait avec, tendant les deux à sa femme qui était toujours devenue pendant ses grossesses particulièrement un peu plus friande de ce met qu'elle affectionnait déjà habituellement.

Seulement, Daemon avait à peine placé les mets dans les mains de son épouse que dans la foule dense qui se profilait autour d'eux, ses yeux attrapèrent une chevelure argentée.
Bien sûr, bien des Targaryens étaient revenus à la vie cependant... Ce furent les boucles des Velaryon qui attirèrent son regard. Quand il tourna la tête, il se traita lui-même de fou, il avait certainement aperçu un Velaryon cependant quand ses yeux attrapèrent finalement la silhouette, Daemon sentit son souffle se couper.
Distraitement, il pose sa main sur l'épaule de Rhaenyra pour attirer son attention également mais lui accorde à peine un regard, cloué sur place qu'il est, fixant la silhouette aperçue et qui ne semble pas encore l'avoir vu.
En fait, il craint qu'elle n'aille dans une direction différente pendant un instant et Daemon finit dont par faire quelques pas, pour s'arrêter avant de pouvoir atteindre son bras.
Stupidement, il s'aperçoit que sa voix est encore coincée dans sa gorge, jusqu'à ce qu'il force un peu sur ses cordes vocales pour l'appeler.

« Baela... ? »

Ce n'est plus l'enfant qu'il a laissé derrière lui à Peyredragon qui lui fait face, non, elle est plus âgée mais Daemon saurait reconnaître ses filles quoi qu'il en soit.
Elle était plus âgée, oui, et il y avait cette brûlure atroce sur sa joue mais il reconnaissait sa fille. Son air fier, malgré qu'il soit aussi bouleversé, et la beauté Valyrienne que Laena lui avait donné.
Il osait à peine y croire. En premier lieu, il n'avait osé espérer. Pas même lorsque les Verts avaient montré le bout de leurs nez pour être tous réunis. Puis Lucerys et Aegon étaient revenus et fatalement, un espoir était né chez lui.
Mais aucun autre de leurs fils ou de leurs filles n'étaient revenus et Daemon n'avait pas voulu se laisser bercer par des espoirs trop cruels.

Et pourtant... Baela était là. Plus le prince fixait sa fille, plus il lui était impossible de nier la réalité.
Quand elle se fut retournée, Daemon tendit une main pour effleurer sa joue scarifiée, là où le feu avait laissé sa marque lors de ce combat contre Aegon, il le savait, il l'avait lu.
Il n'avait pas eu besoin de voir les cicatrices pour savoir qu'elle avait dû énormément souffrir mais maintenant qu'il voyait sa peau, il le savait d'autant plus. Le feu avait beau être leur élément, ils n'y étaient pas insensibles et Daemon connaissait trop bien la douleur que ce dernier pouvait causer, lui aussi portait des cicatrices. Et il aurait voulu que sa fille n'ait pas à subir cette douleur-ci.
Sa main tendu, il effleure à peine les contours de sa joue un instant avant de faire un pas en avant, attirant Baela à lui, contre lui, dans ses bras et de l'y enfermer, de l'y garder en sécurité.

« Ñuha nēdenka tala... »
("My brave daughter")

Sa fille. Sa première née. Baela avait fait de lui un père. C'était avec elle qu'il avait appris ce que cela voulait dire, ce que l'on pouvait ressentir. C'était à travers elle qu'il était devenu autre chose que ce prince vaurien.
Lorsqu'elle était née, elle était devenue sa plus grande fierté, son plus grand accomplissement et il aurait brûlé Westeros, Essos et toutes les contrées étrangères pour elle, pour qu'elle soit en sécurité. Évidemment, Daemon aimait tous ses enfants, il aimait les fils de Rhaenyra comme les siens également, il n'avait jamais fait la différence dans son affection. Mais Baela restait son premier enfant et elle aurait toujours ce privilège-là, sans doute.

Cela lui brisait le cœur d'imaginer ce qu'elle avait dû ressentir pendant la guerre. À l'époque, il avait été trop enseveli dans ses propres émotions, sa rage et sa tristesse pour pouvoir réellement y prêter attention.
Il était allé se battre et Baela était restée en arrière. Même lorsqu'ils avaient pris Port-Réal, sa fille était restée à Peyredragon et il l'avait pour ainsi dire, peu vu.
Pourtant, elle aurait eu besoin de sa famille. Elle avait perdu ses frères elle aussi, sa grand-mère dont elle était proche et Jace, son fiancé.
Et il l'avait laissé seule avec sa souffrance, il l'avait seule face au danger qu'avait amené Aegon lorsqu'il avait pris la forteresse.
Ce qui lui était arrivé, c'était de sa faute, il avait été incapable de protéger correctement sa fille, un enfant de plus en somme...
Alors, Daemon ne peut s'empêcher de la serrer avec une force sans doute exagérée, sa tête plaquée contre son cœur. Et lorsqu'il la relâche, ce n'est que pour effleurer véritablement sa joue meurtrie cette fois, tout ce qu'il pourrait lui dire coincé au creux de sa gorge, reflété simplement par ses yeux qui se mettaient à briller dangereusement, tandis qu'il avait vaguement senti Rhaenyra se rapprocher dans son dos.

De Daemon Targaryen, les livres d'histoire avaient en grande partie retenu le Prince Vaurien.
Aucune des pages de ces rats de la Citadelle ne parlaient de lui comme d'un père aimant et affectueux, d'un père fier et protecteur. Il aurait mis le monde à feu et à sang pour sa famille, il aurait cent fois commis les plus horribles atrocités pour ses enfants.
Il les aimait tous férocement, qu'ils soient de son engeance ou non, ils avaient tous son sang, même Jace, même Luke, même Joffrey. Il avait aimé les fils que Rhaenyra lui avait donné par mariage, ceux qui arboraient des cheveux et des yeux bruns, et ceux qu'ils avaient créé tous les deux. Et il avait aimé ses filles, avec une intensité qui à l'époque, l'avait submergé, l'avait surpris et changé à jamais.
La première fois qu'il avait tenu Baela dans ses bras, la première fois qu'il avait croisé ses yeux d'opale semblables aux siens, il avait su qu'il n'y avait aucune description, aucune explication, rien pour justifier du lien qui venait de naître, de se créer entre eux.
Il avait aimé tous ses enfants mais c'était à travers Baela qu'il avait appris à devenir un père pour la première fois, à travers son aînée qu'il avait été béni de ce sentiment, de ces responsabilités terrifiantes pour la première fois.

Daemon Targaryen n'avait rien d'un parent parfait. Au contraire. Il était effectivement ce prince vaurien, cet homme capable de colère et de cruauté sans pareille, il était cet homme qui se complaisait dans la débauche et le chaos, qui préférait blesser plutôt que d'admettre une quelconque vulnérabilité, qui créait scandal sur scandal et qui était capable du pire, il était vrai.
Un homme tel que lui n'avait rien d'un parent parfait. Les livres d'histoire, les rats qui les écrivaient, les hypocrites qui peuplaient le royaume, Otto Hightower lui-même, son propre frère aussi, ils auraient tous été incapable de l'imaginer être un père, un bon père.
Il n'avait pas été parfait, il avait essayé de faire au mieux, mais même le mieux, il avait échoué.
Plus d'une fois, il avait laissé Rhaena se sentir délaissée, inférieure. Il l'avait laissé expérimenté des choses qu'il avait lui-même ressenti et qu'il aurait voulu lui épargner, il avait laissé une distance entre Jace, Luke et lui pendant trop longtemps, une qu'il aurait dû essayer de briser un peu plus autrefois et qu'il regrettait à présent.
Et puis, il avait préféré faire la guerre que de s'occuper d'eux. Il avait mis toutes ses forces dans la guerre qui les avait tué un par un, incapable de les protéger, incapable d'empêcher Morghul de jeter son ombre sur leurs âmes bien trop jeunes pour être cueillies...

Ce seraient des crimes qu'il porterait jusqu'à la fin de cette seconde existence, peut-être même au-delà. Il ne se le pardonnerait jamais et encore moins lorsqu'il faisait actuellement face à Baela, qu'il pouvait observer cette cicatrice qui défigurait son si beau visage, qu'il pouvait se noyer dans la souffrance qui habitait ses prunelles violettes.

« It is still bravery... More than I was ever capable of... »

Il chuchote en l'étreignant encore, songeant avec culpabilité que s'il avait été plus courageux lui-même, peut-être aurait-il pu lui épargner toute cette souffrance, s'il avait été plus courageux, il aurait peut-être pu sauver Rhaenyra aussi.
Mais Daemon avait préféré la mort. Il avait couru à sa mort avec désespoir avec la croyance stupide que cela arrangerait quoi que ce soit, ça n'avait fait que finir d'empirer les choses...
Et derrière lui, il avait laissé ses enfants, dévastés, seuls, brisés. Il ne se le pardonnerait jamais non plus. Comment pouvait-il lui faire comprendre, à sa fille, qu'elle avait été tellement plus courageuse qu'il ne l'avait été ? Qu'il était fier d'elle ? Qu'il était désolé ? Qu'il serait éternellement désolé ?

Il parvient à peine à sourire ne serait-ce qu'un peu lorsqu'elle parle de la façon dont elle avait mené sa vie, de la comparaison entre eux. Ses larmes qu'il retient à grand peine restent prisonnières de ses yeux et Daemon doit inspirer avec force pour ne pas laisser sa peine le trahir. Il refuse.

« I am never leaving again, I promise you. You will never be alone anymore. »

Ses bras la serrent encore contre lui et il ferme les yeux un instant, avant que la voix de Rhaenyra ne leur parvienne et qu'il ne relâche un peu Baela pour lui donner l'occasion de retrouver sa belle-mère à qui elle tend la main et bientôt, Daemon ouvre l'un de ses bras pour l'inciter à les rejoindre, pour les garder toutes les deux contre lui, avant que Baela ne les interroge déjà avec détermination.

Là encore, l'ombre d'un sourire vient habiter le visage du prince et un instant, il vient de nouveau effleurer la joue de sa fille, délicatement, tout en l'observant. Ses traits étaient tirés sous ses larmes et il se demandait depuis quand elle était revenue, depuis quand elle n'avait pas trouvé un peu de repos.

« Luke and Aegon are here too. »

Il finit par avouer, conservant son pâle sourire tout en continuant d'effleurer sa joue.

« Baela... Come, we should find you something to eat, you look pale. »

Puis, Daemon tourne un peu la tête vers Rhaenyra, demandant son avis. Ils pouvaient trouver de quoi manger non loin et certains étales proposaient même un endroit où s'assoir. Ainsi, ils pourraient retrouver Baela dans le calme et la nourrir, il était presque certain d'avoir entendu son ventre jouer une longue symphonie. Et puis, il faudrait aussi lui annoncer que les Verts étaient là.
Il n'avait aucune envie de songer à ces meurtriers maintenant, mais Daemon savait aussi que Baela avait hérité de son impulsivité. Si elle les croisait sans qu'ils ne lui aient parlé avant, elle risquait sans doute de leur faire payer leur infâme traîtrise.