Le monde se trouvait plongé dans le chaos de nouveau, pour la plus grande horreur du nain Lannister. Au cours de sa vie, Tyrion s'était toujours perçu comme un être cynique et peu enclin à avoir la foi. Cependant, la fin de sa vie avait été bousculée, il avait œuvré pour la paix, pour un royaume meilleur et plus juste, il avait véritablement tenté de réparer les nombreuses erreurs qu'il avait commis sous le règne de Bran. Et sans vouloir se jeter des fleurs, il pensait avoir fait un travail plus que convenable. Et voilà que tout ça avait été jeté à la poubelle, comme toujours les hommes, les nobles et grands seigneurs comme les petites gens s'étaient torché avec.
Oh Tyrion avait eu le temps depuis son retour et il avait lu, lu, lu et relu tout ce qu'il pouvait trouver concernant tout le temps qui s'était écoulé depuis sa mort.
Et non, ça ne lui avait pas plu, du tout.

Et maintenant, le royaume était plus divisé que jamais, avec ces sept pseudos monarques qui jouaient à qui avait la plus grosse sans vraiment rien faire d'autre que de détenir un bout de Port-Réal et taxer les malheureux des Terres de la Couronne avec abus et honte ; mais pire encore, avec le retour des morts.
Non, Tyrion ne se faisait pas d'illusions non plus. Il était bien incapable d'entrevoir les quelconques desseins qu'aient pu avoir ces fidèles de Trios, bande d'illuminé à la noix, mais il ne pouvait pas croire que les choses pourraient aller pour le mieux quand un nombre de morts hallucinant revenait d'outre tombe et que certains d'entre eux auraient mieux fait d'y rester selon lui. Sans doute que certains profitaient de cette nouvelle vie avec précaution mais qu'en était-il de ceux qui avait une ambition dévorante et mal placée, ceux qui n'avait ni pitié, ni un gramme de jugeote ?
La seule présence de son père suffisait à faire dire au demi-homme que ces fidèles n'avaient pas du réfléchir concrètement aux actions qu'ils entreprenaient.
Peut-être était-il un chouïa ingrat envers le patriarche lionnesque cependant, car il lui semblait que ce dernier se tenait quand à son dédain et son aversion naturelle pour son cadet. Mais Tyrion ne se faisait point d'illusion : Tywin Lannister ne le faisait pas pendre haut et court seulement pour pouvoir continuer de roucouler avec sa mère.
S'il devait retenir certaines bonnes choses de ce retour incroyable à la vie, Tyrion retiendrait sans doute le retour de sa douce nièce Myrcella, le fait de pouvoir nourrir une curiosité quand à son héritage et au futur, le retour de sa très chère Desmera bien évidemment et enfin, pouvoir rencontrer et connaître sa mère.

Joanna Lannister ne ressemblait en rien à ce que Tyrion avait toujours pu se figurer ; elle était bien mieux encore. Souvent, ses rêves d'enfant avaient été entaché par la crainte de la voir le haïr pour ce qu'il était, pour sa venue au monde maudite et qui lui avait coûté sa propre vie. Il n'en était rien.
Sa mère l'avait accueilli avec affection et regrets pour lui, elle avait pleuré pour lui, elle avait été douce et si aimante... S'il devait être honnête, il en était encore un peu bouleversé, il trouvait toujours le fait d'avoir une mère déstabilisant, inconnu. Parfois, il aimerait voir revenir Jaime pour en parler avec lui. Il semblait que cette seconde vie et la fin de sa précédente existence l'ait rendu un peu trop sentimentale, l'ait dés-endurci car il se prenait à espérer avec ferveur de revoir son frère.
Malheureusement, Jaime n'avait pas montré une seule de ses pommettes trop parfaites pour être réelles. Enfoiré.
Au moins, Desmera lui était revenu et Tyrion n'aurait pas pu s'en trouver plus reconnaissant. Dans ce chaos, elle était une ancre absolue, elle était une épaule solide sur laquelle il avait toujours su se reposer.

Tyrion avait-il aimé sa troisième et dernière épouse ? Assurément. Tysha avait brisé son cœur, les illusions d'un enfant, Sansa avait été une blague cruelle et bien sûr, même s'il ne l'avait pas épousé, il y avait eu Shae qui avait brisé son âme... Desmera avait tout balayé.
Jamais il n'aurait pu imaginer quand il avait croisé l'enfant qu'elle était durant une brève visite de La Treille qu'elle deviendrait une partie inconditionnelle de sa vie.
Leur différence d'âge n'avait jamais semblé être un problème dès lors qu'elle avait eu de lui une promesse de mariage qu'il lui avait pourtant d'abord refusé, elle avait été mâture et intelligente, brave et raisonnée...
Il ne pouvait mentir, ça n'avait pas été de l'amour quand il avait accepté de consentir au mariage qu'elle avait proposé. Il avait été attiré par son assurance, son insistance et bien sûr, Tyrion n'avait jamais été aveugle aux charmes féminins.
Desmera avait voulu la sécurité d'un mariage qu'elle se choisissait elle-même, elle lui avait fait confiance pour prendre soin d'elle et il n'avait pas pu se résoudre à le lui refuser, en tout cas, une fois qu'il se soit aperçu de ce qu'elle voulait après ce bref séjour.

Il lui avait fallu bien peu de temps, au final, pour tomber amoureux de sa femme. Pour trouver un bonheur qu'il n'aurait jamais cru connaître, qu'il s'était cru interdit ou qu'il aurait cru refuser après ce qu'il avait laissé advenir de Daenerys, ce qu'il avait laissé faire à Port-Réal...
Plus que l'amour au sein d'un mariage, Desmera lui avait donné une famille, des enfants qu'il avait aimé, qui eux-même pour certains, leur avait donné des petits-enfants puis des arrières-petits-enfants qu'il avait adoré.
Plus jamais, après qu'il ait placé une cape sur les épaules de Desmera Redwyne dans le septuaire du Roc, Tyrion Lannister n'avait connu la solitude, l'abandon ou l'exclusion de sa famille.
Il découvrait que le chaos du monde était un spectacle auquel il était moins difficile d'assister quand Desmera se tenait à ses côtés. Castral Roc lui semblait bien moins fade depuis son retour et il était vrai que le petit nain, qui s'était remis à boire un peu trop, délaissait un peu plus la boisson. Son cœur cependant, pompait encore du vide quand il songeait à leurs enfants. Ils lui manquaient et Tyrion souhaiterait les voir revenir autant qu'il était soulagé de constater qu'ils étaient encore en paix dans l'étreinte de l'Étranger et non au milieu de toute cette folie.

Ce matin, Tyrion avait été demandé par nul autre que homonyme, l'actuel suzerain des lieux, Tyrion troisième du nom, bien qu'il ait entendu quelques rumeurs ces derniers temps sur le fait que sa nièce, Jocasta, pourrait bien reprendre le titre qui était sien.
Son lointain descendant avait tenu à s'entretenir avec lui de l'avancée des Targaryens et du ralliement d'alliés que suscitaient Visenya Targaryen dans les Terres de la Couronne.
À vrai dire, Tyrion ne savait guère quoi en penser, ni même quoi dire. Les Targaryens étaient des personnages bien singuliers qui, à son sens, avaient chacun leur potentiel et leurs défauts -grands comme minimes.
Visenya Targaryen avait été un nom illustre autant que maudit dans la dynastie des héritiers de Valyria établis à Westeros. Tyrion doutait qu'elle ne parvienne pas à ses fins un jour ou l'autre, surtout avec le dragon qu'elle montait mais les Targaryens étaient aussi tendancieux à l'auto-destruction.

Par ailleurs, Tyrion ne put aller bien loin dans ses opinions. Il fut coupé par un appel, une voix qu'il connaissait bien, trop bien. Combien de fois, quand elle était enfant et qu'il était non loin, s'était-elle précipité vers lui ainsi ?
Tyrion se retourna avec stupéfaction pour poser ses yeux à présent embués sur sa précieuse Baleria, sa dernière fille. Contrairement à lui, elle avait déjà laissé ses larmes rouler sur ses joues et quand elle tombe à genoux devant lui, Tyrion se remet à respirer, la fixant avec des yeux fous, une main tendue vers elle, vers son visage.

« Baleria... »

Soudainement, le nain Lannister finit par se jeter sur sa fille, par refermer ses bras sur elle et la serrer contre lui avec toute la force qu'il pouvait avoir.

« Ma précieuse enfant... Tu es donc revenue toi aussi... »

Et au milieu des larmes qui commencent lentement à le trahir, Tyrion laisse entendre un rire léger, non sans jamais lâcher sa fille.

Beaucoup considéraient la vie de Tyrion Lannister comme une succession de calamités, à commencer par sa propre naissance qui l'avait vu devenir le meurtrier de sa mère malgré lui. Il était vrai qu'il avait connu son lot de souffrances, d'injustices et de fardeaux à porter et pourtant... Tyrion ne pouvait pas prétendre non plus n'avoir jamais connu le bonheur, n'avoir jamais été heureux.
Il avait été heureux enfant quand il s'imaginait sur le dos d'un dragon, ou du moins il avait été insouciant. Il avait été insouciant également lorsqu'il avait épousé Tysha et pendant les temps qu'il avait partagé avec Shae.
Il avait été exalté par la personne de Daenerys Targaryen, il avait cru en elle avec une ferveur qu'il n'avait jamais connu jusque-là. Mais le véritable bonheur, il l'avait connu bien après, alors que le petit nain Lannister n'attendait plus rien de la vie.

Le bonheur qu'il avait expérimenté alors, il n'était pas arrivé avec clarté. Non, il s'était construit pierre par pierre. Il avait été subtile, dès lors qu'il avait rencontré Desmera Redwyne qu'il avait fini par épouser jusqu'à la naissance de leurs enfants.
Il y avait un nombre intarissable d'histoire que le demi-homme avait à raconter mais aucune ne pourrait jamais égaler l'extraordinaire de tenir ses enfants dans ses bras, leurs sourires ou leurs rires, leur simple existence.
Beaucoup aurait cru cela impossible mais il s'était épanoui dans un rôle de père qui l'avait pourtant mainte fois torturé ou fait douté. Et Tyrion savait qu'il n'avait pas toujours excellé, il avait fait de nombreuses erreurs, beaucoup qu'il ne se pardonnerait pas car elles avaient mené à des conséquences terribles, qu'il n'avait pas toujours réalisé sur le moment...
Même ses enfants avaient amené leur lots de tristesse, ses petits-enfants aussi... Mais rien n'aurait pu changer l'amour profond et sincère que Tyrion Lannister ressentait en tant que père.

Il lui était alors souvent insupportable d'arpenter les murs de Castral Roc sans les voir, sans qu'ils ne se trouvent eux aussi dans cette forteresse où il les avait vu grandir. Pourtant, une part du nain était soulagée de savoir qu'ils n'étaient pas là, qu'ils étaient épargnés par le chaos, la cruauté et surtout la stupidité de ce monde qui n'avait pas tant changé finalement depuis que l'Étranger l'avait emmené.
Ceci dit, Tyrion mentirait s'il affirmait qu'entendre la voix de sa fille ne l'avait pas chamboulé, que la serrer dans ses bras à cet instant précis ne bouleversait pas son petit être tout entier.
Lui-même se trouvait accablé par les pleurs, foutu sentimentalisme qui le foudroyait alors que ses prunelles rencontraient celles de sa fille. Sa chère Baleria... Quelles aventures elle avait dû vivre elle aussi, oh il regrettait que les livres ne lui lui conte pas mais à présent, elle était là et il lui tardait d'entendre ce qu'elle avait à lui raconter.

« Il n'y a aucune méfiance à avoir, ceci est bien réel, ma fille. »

Tyrion lui offre un sourire, noyé par les larmes qui mouillent sa barbe qu'il n'a guère pris soin d'entretenir plus que cela depuis son retour, plus occupé à éviter de se mêler de la politique et du bordel de ce monde, à sa saouler et à lire qu'autre chose. Quoi que Desmera n'avait pas trouvé grand chose à y redire.

« Je suis tout ce qu'il y a de plus réel, je peux te l'assurer. »

Sa main vient effleurer la joue de Baleria, y effacer les larmes avec une douceur paternelle presque exagérée.

« Sais-tu... Ta mère... Elle se trouve ici également, tu sais. »

Mais où était-elle dans le cas présent ? Tyrion n'aurait su le dire, hélas. Et il aurait pu s'enquérir de la chercher pour qu'ils se retrouvent en famille mais... Ses jambes fragiles de nabot n'avaient plus la force de le faire se relever, il trouvait qu'il aimait se trouver par terre à retrouver sa fille dans la plus pathétique des scènes qu'ils pouvaient offrir, là, au milieu des jardins du Roc.

« Tu m'as énormément manqué également, ma très chère enfant. Castral Roc est bien trop ennuyeux sans toi... »

Et il laisse échapper un maigre rire, se souvenant sans trop de difficultés des nombreuses péripéties et frasques que Baleria avait tantôt de ci et de là créé au sein de ce chateau, quelques siècles plus tôt.

Combien de fois depuis son retour, Tyrion avait-il espéré revoir ses enfants ? Trop pour les compter, c'était certain...
Au fond, il y avait aussi eu cette part de lui qui, malgré le manque de ses enfants, avait été soulagé de ne pas les voir revenir, de ne pas les voir être enseveli dans le chaos qu'était Westeros.
Pourtant, malgré tout, c'était un soulagement immense, une joie des plus féroces qui détenait le petit-homme tandis qu'il retrouvait sa fille et il aurait été bien incapable d'échapper aux larmes.
Sa précieuse enfant, sa féroce Baleria. Même elle se rendait aux larmes à cet instant et cela le fait rire doucement, au milieu des pleurs qui viennent encore s'échouer dans sa barbe.

Les Dieux... Tyrion n'avait jamais cru à ces charades, il avait toujours mené sa vie comme il l'entendait sans se soucier de savoir s'ils existaient ou non, si son âme serait damnée encore quand le fameux Étranger déciderait qu'il en avait assez de le voir respirer.
Ces fidèles de Trios, il les avait bien souvent maudit pour l'avoir ramené, pour lui avoir rendu un vie qui ne lui disait rien mais depuis quelques temps, Tyrion découvrait qu'il appréciait être de nouveau en vie.
Bien sûr, il se cachait derrière le sarcasme et l'ennui, il prétendait ne pas vouloir se mêler des affaires de ce monde et ce n'était point totalement faux, il préférait largement abuser de l'hospitalité de son lointain descendant et descendre des tonneaux de vin tout en monopolisant sa bibliothèque ; passer son temps avec Desmera ; plutôt que de se mêler encore d'une politique bancale et chaotique, de se replonger dans les guerres, les conflits et les intrigues. À quoi bon ?
Il avait passé toute sa première vie à faire ça, qu'on lui fiche la paix maintenant !
La paix, il voulait la paix, et passer du temps avec sa femme et ses enfants, du moins sa fille puisqu'elle leur était revenue.

Il rit encore le nain quand elle rit aussi de sa réputation de terreur. Combien de septas avaient abandonné son éducation quand elle n'était encore qu'une enfant ? Tyrion en avait ri, plus que de raison.
Sa main caresse avec douceur le visage de sa fille tandis que l'autre efface un peu les larmes qui ont tant baigné ses joues en si peu de temps.

« Je crois bien que même après tous ces siècles, tu as laissé une sacré réputation derrière toi... »

Les fourmis dans ses jambes se réveillent finalement et viennent lui rappeler qu'ils se trouvent encore par terre. Tyrion supprime en lui l'envie de grimacer, il a toujours repoussé les caprices de son corps ingrat face à ses enfants. À la place, il expire longuement en tirant un peu sur la main de Baleria, pour l'inciter à se relever avec lui.

« On ferait mieux de ne pas rester par terre. Viens, je ne sais pas où se trouve ta mère présentement mais je sais où l'on peut trouver du vin pour sécher nos larmes, ma fille. »

Ses jambes lui tirent quand il se redresse et se remet sur ses deux pieds mais Tyrion sourit encore, trop heureux de retrouver son enfant. Il n'en lâche pas sa main même s'il est loin le temps où elle avait quatre ans.
Tyrion avait aimé ses enfants. Ils avaient été un miracle, tous, un cadeau de la vie qu'il n'avait jamais attendu ou espéré avant qu'il ne soit là. Malgré tout cet amour qui le consumait pour eux, le nain n'en était pas moins resté la Main du roi et par conséquent, un homme occupé, pris par ses responsabilités.
Il n'avait certainement pas passé autant de temps qu'il l'aurait voulu à leurs côtés, et aujourd'hui, cela le hantait mais à l'époque il avait été hanté aussi ; hanté par ses erreurs, par le poids du royaume qu'il restait à reconstruire, par son envie de prouver qu'il pouvait faire mieux...
Malheureusement, ces responsabilités, ce poids sur ses épaules lui avait coûté un temps précieux avec ses enfants...
Aujourd'hui, dans cette nouvelle vie qui leur ouvrait les bras, il n'y avait plus aucun devoir pour lui, et il était libre d'être le père qu'il aurait pu être.

Tyrion guide Baela jusqu'à une terrasse, une où il passe pas mal de temps à lire et boire. Des mets et du vin y sont déjà installés et il pousse Baleria à s'y installer, il lui offre déjà une coupe de vin tout en s'asseyant lui-même, près de ses filles.

« Raconte moi, je sais que tu as voyagé, qu'as-tu vu ? Où es-tu allée ? »

Les livres parlaient de ses voyages mais pas de ses destinations, de ce qu'elle y avait fait et il voulait tout entendre, tout savoir de la bouche même de Baleria. Après tout, ils avaient tout le temps du monde.