"On top of the world, it is good and it hurts" Ft. Jocasta Lannister

Revenir à la vie était une chose étrange. Jocasta de la maison Lannister, la Perle du Roc, avait ouvert les yeux dans une auberge, à quelques kilomètres de chez elle à Castral Roc. Le Roc était sa maison, c'était ce qu'elle aimait se dire malgré les années passées au loin. Elle n'avait que quatorze ans, elle était partie vivre dans le Bief, auprès de son époux, jusqu'à sa majorité. Elle n'était revenue que deux années dans l'Ouest pour régner comme suzeraine mais jamais seule car son oncle s'était tenu à ses côtés. Puis elle était retournée durant sept années à Villevieille après la mort du suzerain Axell pour que Donnel prenne sa place. Ainsi, elle avait passé seize années de sa vie à Castral Roc et neuf à Villevieille mais ses souvenirs de la demeure des lions étaient moins présent que ceux du Bief car elle était si jeune. En revanche, elle n'oubliait pas la solitude dans laquelle elle avait grandi, d'abord l'isolement pendant l'épidémie puis parce que son oncle avait eu ses propres enfants et qu'elle s'était sentie délaissée.
Jocasta avait été seule toute sa vie, forcée de grandir plus vite qu'elle ne l'aurait dû car elle n'avait jamais eu d'enfants de son âge avec qui grandir et s'amuser. Elle avait été sous-estimée et cela l'avait forcé à cacher sa véritablement personnalité car personne n'avait jamais véritablement prêté attention à qui elle était, qui elle était au fond d'elle. Alors au lieu de le montrer, notamment auprès de Donnel dont l'égo et le caractère avait été difficile, elle était revenue la Perle du Roc, parfaite, souriante, toujours polie et charmante, d'une grâce et d'une douceur qu'on voyait rarement et parfois taquine ou espiègle, lisse comme une perle, sans défaut. Son visage rond, semblable à celui d'une poupée, l'aidait à passer pour la plus douce des innocentes et lorsqu'elle mentait, jamais par méchanceté, toujours par besoin, personne ne voulait croire qu'elle était coupable. Personne n'avait suggéré qu'elle puisse avoir une influence sur Donnel, lui-même ne s'en était pas rendu compte, persuadé que ses idées étaient uniquement les siennes mais en réalité, la Lannister avait toujours su comment le mener à penser comme elle le désirait.

De retour à la vie, c'était comme si elle s'était endormie la veille pour se réveiller le lendemain, elle ne gardait qu'un souvenir froid et solitaire de la mort. Elle avait songé plusieurs jours à comment rentrer chez elle, elle se souvenait de sa mort, de son assassinat et ce n'était en rien l'accident qu'on avait prétendu quand elle avait questionné les personnes qui résidaient dans l'auberge. La chambre qu'elle occupait avait été payée pour une semaine au préalable, par le Fidèle de Trios, et elle savait aussi qu'elle n'était pas la seule à être revenue. Elle avait même appris que la situation entre les revenants et les vivants étaient complexes, que leur légitimité était mise en doute. Elle avait passé quatre jours à réfléchir, à redouter de rentrer et qu'on l'écarte de tout parce qu'elle était morte. Ainsi, lorsque la pluie s'était mise à tomber, elle avait trouvé la solution, elle avait trouvé comment s'y prendre et elle s'était mise en route, vêtue de la même robe depuis des jours, elle avait marché seule, pieds nus, sous la pluie. Elle avait glissé, volontairement chuté dans la boue pour se salir, pour défaire ses cheveux au mieux et faire croire à son histoire d'enlèvement.
Tout d'abord, il lui faudrait faire croire à cette histoire, faire croire à sa légitimité et ensuite, elle s'occuperait de Talanah Chambers. La femme avait empoisonné Donnel et malgré que son époux ne l'ait jamais vu pour qui elle était, il avait été un ami et un allié. Elle était incapable de dire si elle l'avait aimé, sans doute peut-être un peu. Était-ce cela l'amour ? Ce qu'elle avait ressenti pour Donnel Hightower ? Il était au moins son ami et elle lui devait bien cela. Elle le devait à elle-même également car sa mort non plus n'était pas anodine et les souvenirs étaient ancrés dans sa mémoire, ils étaient encore frais, elle les revoyait, elle se souvenait de la douleur, elle se souvenait de la souffrance et elle ne pouvait pas oublier la violence et le sang, comme elle n'oubliait pas le massacre de l'Hydromel, ce qu'elle avait vu et entendu ce jour-là. Ses nuits étaient hantées et elle s'était faite à l'idée. Les sacrifices qu'elle devait faire était nombreux pour arriver au sommet mais elle n'oubliait pas, elle était incapable d'oublier. Mais un jour, elle prouverait qu'elle n'était pas une victime, qu'elle était plus solide et plus intelligente qu'on ne le croyait.

La jeune blonde parvint enfin à Castral Roc, devant les portes, et elle pria qu'on la laisse entrée. Sale, décoiffée, trempée également, elle serrait ses bras autour d'elle, elle tremblait de froid et cela n'était pas de la comédie, elle avait réellement froid alors qu'elle se présentait, qu'elle suppliait qu'on la mène à son oncle. Elle expliqua aux gardes qu'elle avait été prisonnière, qu'elle s'était évadée, elle avait peur et elle tremblait encore. Il était difficile de la croire, les gardes du Roc ne l'avait pas vu depuis des années mais ils la menèrent à l'intérieur, on lui donna de quoi se couvrir et elle vint trouver refuge près de la chaleur de la cheminée. Enroulée dans une couverture, elle attendait l'arrivée de son oncle, dans son fauteuil.
La porte s'ouvrit, il entra et elle releva ses yeux verts vers lui, prudente, distante aussi. Elle retenait les larmes qui menaçaient tant que la pièce était encore remplie, elle restait silencieuse, comme un animal apeuré et il était si aisé de se concentrer sur la fatigue, sur le froid, sur les souvenirs les plus pénibles pour se sentir comme cette créature fragile qu'elle prétendait être. Et bientôt, Tyrion et elle se retrouvèrent seuls dans la pièce, elle avala sa salive et quelques larmes s'autorisèrent à rouler sur ses joues.

« — Uncle Tyrion... I'm cold. And scared. »

Jocasta murmura, ramenant ses jambes contre elle sur le fauteuil, se roulant en boule, tentant de se faire aussi petite que possible.

« — I'm scared... »

Jocasta allait mentir, elle allait mentir sur beaucoup de choses mais elle ne jouait pas la comédie alors qu'elle tremblait de froid et qu'elle pleurait. Elle avait véritablement peur et son corps réagissait de manière instinctive, ce n'était pas de la comédie. Pas plus que ne l'était ses blessures, bien qu'elle se soit infligée celles-ci toute seule mais désormais, elles étaient réellement douloureuses.
Seule avec son oncle, les larmes roulaient sur ses joues. Elle aurait pu se montrer plus forte, elle aurait pu parler avec moins d'émotions mais elle savait exactement ce qu'elle voulait être à cet instant : une petite chose douce et fragile. Il l'attira dans ses bras, il caressa ses cheveux et elle ne fit que se recroqueviller davantage sur elle-même. Il se recula, elle l'observait de ses petites yeux bleus et secoua la tête doucement.

« — I was... I was not dead. »

Il pressa sa main dans la sienne et son regard suivit le geste avec hésitation. Elle restait silencieuse alors qu'il l'interrogeait car ses pensées étaient ailleurs. Elle était douce, souriante, polie, gracieuse et elle savait séduire de ses mots, elle savait, avec aisance, berner les plus méfiants des hommes mais pourtant, elle conservait toujours une barrière physique. Elle avait pris les mains de bien des dames entre les siennes, rit avec ses hommes en posant ses mains sur leurs bras mais jamais elle ne s'était laissée aller à un geste de tendresse sincère ou de réconfort. Et personne n'en avait eu pour elle. Depuis aussi longtemps qu'elle se souvienne, elle avait manqué de la chaleur et de l'affection d'une mère, d'un père ou d'un frère. Son oncle avait été proche d'elle puis il ne l'avait plus été et ces gestes affectueux appartenaient au passé.
Alors elle retira sa main, la ramenant vers elle pour entourer ses genoux plaquer contre elle au moment où un frisson la parcourut et qu'elle se mit à trembler et claquer des dents.

« — I don't know... They just... They wanted me dead but kept me alive because... »

Ses lèvres se pressèrent entre elles, elle tentait de retenir ses larmes mais elle en était incapable. Cette fois, elles étaient plus sincères encore que celles qu'elle avait versé avant et l'une de ses mains glissa entre son corps et ses jambes contre elle. Elle la descendit vers son ventre, son ventre vide.

« — I was with child. »

La jeune lionne retrouva le regard de son oncle Tyrion et à nouveau, elle secoua légèrement la tête de gauche à droite pour répondre à la question qu'il devait certainement se poser, bien que tout cela soit un mensonge, l'enfant n'avait pas vécu. Elle n'avait jamais accouché mais elle se souvenait de la sensation de la lame qui s'enfonçait dans son ventre, de ses cris alors qu'elle suppliait pour sa vie et celle de son enfant mais on ne lui laissait pas le choix.

« — I used the confusion after the... After the birth to escape. »

Sa main qui n'était pas contre son ventre essuya rapidement ses larmes mais sa vision était déjà floue, ses mains sales vinrent seulement étaler la crasse sur son visage.

« — But I... I don't know their names nor... Nor why they wanted me dead. »

Mensonge. Mais celui-ci, elle disait uniquement pour sa propre sécurité et celle de son oncle. C'était à Trystan qu'elle devait parler, c'était à Trystan qu'elle dirait tout. Grâce à lui, elle aurait sa vengeance mais il était encore tôt pour cela. Elle y songerait à un autre moment, gardait la pensée pour plus tard. Il lui fallait se montrer un peu plus patiente.

« — I... I'm scared. I don't think I'm safe... »

La solitude avait toujours été l'élément de la jeune femme. En apparence, Jocasta de la Maison Lannister se mêlait aisément aux foules, elle trouvait sa place parmi les nobles mais en réalité, tout cela n'était qu'une façade car elle avançait parmi eux comme dans une chambre pleine de poupées. Elle n'avait pas connu grand monde dans son enfance, elle n'avait pas grandi avec les enfants de son âge et elle avait joué seule avec ses poupées, isolée et protégée. Aujourd'hui, elle faisait de même avec les personnes autour d'elle, elle n'avait jamais cessé de jouer et elle ne s'en rendait pas entièrement compte, pas tout le temps. Car derrière les sourires, derrière les douces paroles, derrière sa gracieuse présence, la lionne se sentait seule. Elle n'avait pas de véritable ami, elle n'avait personne à qui se confier, à qui s'ouvrir pour trouver et offrir du soutien. Elle ignorait même si elle aimait vraiment. Elle aimait Tyrion, comme une nièce aime son oncle ou une figure paternelle. Mais avait-elle aimé Donnel ? Il avait été, d'une certaine manière, son ami mais pas comme on l'entendait. Elle l'avait considéré comme tel car il n'y avait qu'avec lui qu'elle discutait vraiment et pourtant, elle l'avait utilisé comme les autres, il n'avait pas été bien différent. Il l'avait sous-estimé, il avait cru que ses idées étaient les siennes et il ne lui avait pas donné la parole quand elle l'aurait mérité. Elle avait été sous-estimée toute sa vie. Pourtant, elle avait ressenti de l'affection pour son époux car elle était en permanence auprès de lui et jamais il ne l'avait maltraité, elle ne pouvait pas rester indifférente à cela.
Avec Donnel, Jocasta avait eu plus de proximité et d'intimité qu'avec son propre sang. Alors elle mentait à son oncle, elle le faisait avec aisance et pleurer était d'une facilité déconcertante pour elle. Ses larmes coulaient sans qu'elle n'ait à les retenir, elle n'avait aucun mal à retranscrire la peine qu'elle ressentait car elle était réelle. Les évènements ne s'étaient pas déroulés comme elle le prétendait mais elle avait véritablement perdu un enfant, un qu'elle n'avait jamais connu, elle avait à peine eu le temps de réaliser qu'elle était enceinte qu'elle venait à mourir mais durant les quelques jours où elle l'avait su, Jocasta avait été heureuse.

« — I was protected in the Reach, it's not your fault. »

Dans ces mots, elle était sincère. Elle avait perdu beaucoup de pouvoir et d'influence, toujours envoyée au loin alors que son oncle Tyrion prenait le pouvoir gagnait en influence tandis qu'on l'oubliait, on oubliait qu'elle était réellement la suzeraine des Terres de l'Ouest et pourtant, ce n'était pas à lui qu'elle en voulait directement. Voyait-il ce qu'il avait fait ? Ils avaient accompli leurs devoirs, chacun de leur côté et ce n'était que le résultat de cela.
Cependant, ils étaient des étrangers l'un pour l'autre et la main qu'il vint reposer sur son épaule n'était pas plus réconfortante. Elle déglutit, toujours tremblante dans son fauteuil.
Sa tête se secoua légèrement quand il prononça ces quelques mots, sa promesse de l'aider et d'envoyer quelqu'un à la recherche de son enfant. Ses bras se renfermèrent davantage autour d'elle.

« — My child was gone before the birth. He... He never breathed. »

Ses yeux se relevèrent vers son oncle pour lui faire comprendre davantage sa détresse jusqu'à ce qu'il parle de la nécessité pour elle de voir un Mestre. Celui-ci saura immédiatement qu'elle n'avait jamais donné la vie, que ses hanches ne s'étaient pas élargies et que rien en elle n'avait changé. Elle ne pouvait pas alors sa tête se secoua encore, de gauche à droite mais plus vivement cette fois.

« — Please... I don't want to see anyone... I'm fine... »

Les larmes perlaient encore au coin de ses yeux et ses doigts vinrent saisir ses cheveux blonds comme le blé mais plein de branches, de feuilles et de boue et elle tritura sa mèche entre ses doigts.

« — I just... I'm cold. I want a bath. I want to be alone... Please. »

Jocasta se sentait seule, elle était seule. Et elle appelait à la solitude à cet instant. Si elle le désirait, elle aurait pu se redresser et se tenir droite, en forme, solide et courir entre les murs de palais, rire même mais c'était à sa détresse qu'elle faisait appel, aux terribles souvenirs et à l'enfant qu'elle n'aurait jamais pour transmettre sa peine. Et dans cette peine, elle appelait à la solitude, elle ne voulait voir personne. Elle ne voulait pas voir un mestre, surtout pas un mestre. Elle savait ce qu'elle demandait, elle savait qu'il pourrait insister mais un mestre viendrait tout de suite confirmer qu'elle mentait, qu'elle n'avait jamais donné la vie et elle ne pouvait pas se le permettre. Alors elle jouait sur la crainte et la peur qu'elle ressentait pour appeler à la solitude.

« — I'm sure... Please, don't... »

Elle se sentait bien car elle allait bien. Mais cela, elle ne pouvait pas lui dire. Elle restait renfermée sur elle-même, en boule dans le fauteuil où elle évitait au mieux qu'il ne la touche. Elle secoua encore un peu la tête, ses longs cheveux d'or s'éparpillant autour d'elle et il ne semble pas insister davantage. Elle hocha cette fois la tête de haut en bas pour confirmer, le mestre n'allait pas disparaitre.
Un moment, elle observa son bras, le considéra en hésitant puis lentement, elle vint retirer ses bras d'autour de ses jambes, elle étira celles-ci pour poser ses pieds par terre et doucement, sa main se tendit vers lui. Elle agissait comme un animal craintif, ce qu'elle n'était pas. Pas vraiment. Elle mentait car elle espérait qu'on ne vienne pas à oublier la légitimité en ces terres, elle songeait qu'une fois qu'elle serait au sommet, elle trouverait l'affection et la liberté qu'il lui manquait dans cette vie.

Doucement, la petite lionne prit son bras et se redressa sur ses deux jambes, difficilement mais l'utilisant comme soutien. Elle était épuisée, cela était assez vrai. Elle avait un peu marché, elle s'était efforcée de paraitre sale et fatiguée et il lui fallait un bain tout comme il fallait qu'on brosse ses cheveux.

« — Thank you, uncle. »

Sa voix tremblote, elle s'appuie sur lui et elle marche doucement vers la sortie de la pièce, vers ce qui est ensuite sa chambre quand ils arrivent dans le couloir.

« — I must have caused you so much worries... I'm so sorry. »

Elle continua, les yeux brillant tandis qu'elle se concentrait sur ses pas, avançant lentement en s'accrochant à son bras fermement.

« — What did I... Did I miss something? I've been so... So lonely. »