❝ back to your heart ❞ ft. Tyrion Lannister

Ouvrir les yeux et tout ignorer mais tout savoir à la fois provoquait un étrange sentiment. Desmera savait qu’elle était morte et maintenant, qu’elle était à nouveau vivante. Elle savait que cinq cent ans s’étaient écoulés depuis qu’elle avait quitté cette terre et qu’un homme ou une femme qui vénérait le dieu Trios avait sacrifié sa vie pour la ramener. Du reste, elle ignorait tout. Qui régnait désormais ? Quelle était la situation du royaume ? Qui pourrait le lui dire et auprès de qui demander de l'aide ?
Sa première pensée avaient été pour Castral Roc avant de songer à La Treille. Devait-elle retourner là où elle avait grandi, auprès des Redwyne dont elle avait gardé le nom ou auprès de la famille dans laquelle elle avait passé toute sa vie, celle qu'elle avait participé à faire prospérer et à continuer ? Cette famille qui était la sienne, elle l'avait formé, avec Tyrion et elle en était fière autant qu'elle l'aimait. Elle avait beaucoup donné pour cette famille, tenue le Roc d'une main de fer, protégée ses enfants en oubliant toute dignité pour leur permettre de survivre, elle s'était tenue aux côtés de Tyrion chaque fois qu'il avait eu besoin d'elle et à celui de ses enfants chaque fois qu'ils en avaient eu l'envie ou le besoin. Elle avait pleuré une fille perdue trop tôt et un époux partit un peu avant elle. Tout cela, elle l'avait fait à Castral Roc. L'endroit était bien plus chez elle et portait sa marque bien plus que La Treille ne le ferait jamais. Qu'importe le nom qu'elle portait aujourd'hui, ou celui qu'elle portait à sa mort.

C'était vers le Roc que la Redwyne s'était rendue, désormais plus Lannister qu'elle n'était Redwyne mais elle n'en avait pas le physique. Ni rousse comme ceux de sa famille, ni blonde comme ceux de celle de son époux. Lui ouvrirait-on les portes ? Les Lannister de cette époque dans laquelle elle revenait étaient-ils les descendants de ses enfants et ses petits enfants ? À mesure qu'elle approchait, elle se demandait qui d'autres étaient revenus d'entre les morts. Pourrait-elle revoir ses enfants ? Pourrait-elle revoir des êtres aimés ? Pourquoi, en premier lieu, avait-elle été ramené ? Qu'avait-elle de spéciale ? Enfant, même adolescente, elle avait aimé croire qu'elle était le centre de l'univers de ses frères et de ses parents. Mais en grandissant, si elle avait tenu son rôle et qu'elle s'était montrée une épouse, une mère et une lady exemplaire, elle avait cessé de croire que l'histoire retiendrait réellement son nom. On retiendrait celui de Tyrion, car son époux avait accompli de nombreuses choses, il avait vécu des aventures assez folles pour occuper leurs nuits durant les premières lunes de leur mariage. Elle lui avait si souvent, à l'époque, demandé de lui raconter ses aventures. Et bien sûr, certaines avaient mis plusieurs années avant qu'il n'en parle réellement. Mais il avait vu et vécu bien plus de choses qu'elle.
Enfant, il était vrai, qu'elle n'aurait jamais accepté d'épouser un homme comme Tyrion Lannister. Car il était vrai qu'il était un nain et aucune jeune fille, aucune jeune adolescente, ne rêvait d'épouser un nain. Pas plus qu'elle n'avait rêvé d'épouser un érudit sans courage comme Samwell Tarly. Quand elle vivait à Port-Réal, elle avait trouvé peu d'hommes à son goût qui n'étaient pas des chevaliers et souvent, elle l'avait chuchoté à l'oreille de ses amies, celle de Mira Forrestier ou de Margaery. Mais les années et les guerres l'avaient changé, elle avait muri et elle s'était assagie. Elle avait trouvé, en la Main du Roi, un homme honorable et intéressant comme il en existait peu. Il était cultivé et l'une de l'un de leur premier échange avait été un débat autour d'un ouvrage que Desmera avait longtemps cru être la seule à avoir lu dans son entourage : Dragons, veurs et vouivres : leur surnaturelle histoire. L'ouvrage entier n'existait plus mais Desmera avait su mettre la main sur des fragments et il en était de même pour Tyrion. Jamais elle ne pourrait oublier leurs longues conversations autour d'ouvrages qu'ils avaient lu. Durant les longues lunes de séparation, alors qu'elle restait à Castral Roc et qu'il retournait à Port-Réal, elle mettait souvent quelques livres dans ses affaires, s'attendant à ce qu'il les lise pour qu'ils puissent en discuter à son retour. Et ainsi, même lorsqu'ils avaient fini de se dire tout ce qu'il s'était déroulé durant les longues séparations, ils avaient toujours un sujet de conversation et de débat.

Tyrion avait été plus qu'un époux, il était devenu son ami, son confident et un amant pour qui elle avait éprouvé un attachement réel et un amour sincère. Il n'était pas le chevalier grand et puissant dont elle rêvait dans son adolescence mais elle n'avait jamais regretté d'avoir eu l'audace de lui proposer un mariage. Car il était bien plus intéressant et attentionné que beaucoup de chevaliers qu'elle avait rencontré au cours de sa vie. Et rapidement, elle en avait totalement oublié ce qui faisait de lui un être dont on se moquait. Elle avait vite ignoré les murmures lorsqu'elle passait, incapable de tenir au bras de son époux lorsqu'ils marchaient côte à côte ou de danser longtemps avec lui lors des bals et ça n'avait pas d'importance ce que le reste du monde pensait. Tout ce qui comptait, c'était qu'une fois seuls, ils s'étaient aimés. Il avait fallu plusieurs années de mariage et deux enfants pour qu'elle le lui dise un jour. Elle n'était pas certaine qu'il le lui ait dit non plus avant mais la sincérité entre eux et l'attachement étaient venus plus vite et cela avait longtemps suffit à Desmera pour être heureuse.

Revenir à Castral Roc lui donnait l'impression qu'elle retrouverait le Lannister quand elle passerait les portes. À part les visages qui l'entouraient, rien ne semblait avoir changé. Tout était encore comme auparavant, tout semblait dans le même état, le Roc se tenait aussi solidement qu'autrefois. Elle traversait la forteresse, gravissait les escaliers qu'elle connaissait par cœur car eux non plus n'avaient pas changé, à l'exception qu'ils avaient dû être refait avec le temps car certains lui semblaient plus larges et moins rudes à gravir depuis Lannisport. Lorsqu'elle parvint au sommet, près du château qui portait l'emblème des Lannister, elle se présenta à la porte où les gardes eurent du mal à accorder du crédit à ce qu'elle racontait, eurent du mal à comprendre qui était Desmera Redwyne jusqu'à ce qu'une jeune fille à la chevelure d'argent et les yeux violets arrivent à cheval et leur intime d'ouvrir les portes, les traitant de crétins car elle était une lady importante. Et ainsi, sans que la petite ne lui adresse la parole car elle repartit en direction des écuries, Desmera put entrer et elle fut même escorter jusqu'à l'intérieur où elle fit, brièvement, la connaissance de son descendant. Ce fut lui-même, le suzerain des Terres de l'Ouest, Tyrion II Lannister, qui lui dit descendre d'elle et de son époux. Il avança même que le premier Tyrion était ici aussi mais à l'heure où ils discutaient, le suzerain soupçonnait qu'il se trouvait dans une taverne. Apprendre cela fit rire Desmera et elle demanda simplement à pouvoir s'installer et l'attendre dans ses appartements. Leurs appartements désormais.
La journée fut longue. Une journée durant laquelle l'ancienne lady de Castral Roc fit le tour des appartements pour les ranger car, depuis toujours, elle s'était révélée plus organisée que son époux. Mais l'idée de le revoir, alors qu'il était parti avant elle et qu'elle avait décliné lorsqu'elle s'était retrouvée seule, éveillait en elle une impatience certaine. A quoi ressemblait-il désormais ? Elle-même avait remarqué qu'elle était plus jeune qu'à sa mort, elle avait retrouvé les traits caractéristiques des Tyrell qu'elle partageait plus avec sa cousine et son cousine que quiconque d'autre, bien que ses cheveux sombres étaient encore un mystère pour chacun de sa famille. Après avoir réarrangé les appartements comme elle avait toujours aimé le faire, bien que ceux dans lesquels Tyrion avait été installés n'étaient pas ceux du Lord de Castral Roc auxquels Desmera avait eu l'habitude, elle connaissait bien ceux-ci. Autrefois, ils avaient appartenu à Mina et Joanna. Mais ils étaient décoré différemment désormais et aménagé d'une manière si différente. Le lit était maintenant au fond de la pièce tandis que du temps où ses filles y vivaient, deux lits se dressaient côte à côté près du balcon pour que les deux filles puissent les pousser et n'en faire qu'un lorsqu'elles le souhaitaient. Leur mère était certaine d'avoir vu les lits plus souvent collés que séparés.

Finalement, Desmera s'était installée autour de la table avec un livre d'histoire que Tyrion semblait avoir laissé trainer et un peu de vin. Elle en avait bu trois ou quatre coupes et la nuit était tombée depuis plusieurs heures lorsqu'elle sentit ses yeux se fermer d'eux-même. Alors elle se leva, s'étendit sur le lit où résidait l'odeur familière de son époux et un sourire étira ses lèvres alors qu'elle fermait les yeux. Elle ne voulait que somnoler jusqu'à son retour, étendue avec ses chaussures et sa robe bleue, ses cheveux toujours coiffés en arrière et surtout, elle s'était allongée sur les couvertures, tournée vers la porte pour le voir dès qu'il l'ouvrirait. Seulement, elle était épuisée par ce retour à la vie et ce voyage jusqu'à Castral Roc et c'est dans cette position qu'elle s'endormit sans attendre le retour de Tyrion Lannister, son aimé qui lui avait tant manqué.

À peine revenu, Tyrion était déjà épuisé de la vie.
C'était suffisamment troublant et frustrant de voir l'état du royaume quand il avait tant œuvré sous le règne de Bran pour en faire un lieu plus sain et paisible... Il aurait dû savoir que cela ne durerait pas longtemps, les hommes étaient fous, cupides, avides et stupides. Mais tout de même...
Mais comme si cela n'était pas déjà assez, il devait également faire avec des retours peu jouissifs pour lui. Retrouver sa mère était sans doute la plus belle chose qui pouvait être pour Tyrion, sa douceur et sa gentillesse l'avait surpris et rendait sa vie plus agréable. Mais son père... Pourquoi diable Tywin Lannister devait-il revenir le hanter ?
Son temps, Tyrion l'avait essentiellement passé à se saouler, partager rires et histoires avec la jeune Aerea Targaryen dans les tavernes et les écuries, à nouer un lien avec sa mère et partager le temps de sa jeune nièce. Certainement, il avait accordé un œil et quelques minutes à la situation politique de Westeros mais... Il avait fait son temps. Il n'était plus certain de vouloir s'impliquer. Mais une telle décision était bien plus facile à affirmer qu'à réaliser pour un homme comme lui, même la moitié d'un homme comme lui. Combien de fois avait-il dit qu'il en avait fini avec la politique auparavant, pour revenir se perdre dans les affres perfides de son étreinte perverse ?

Tyrion avait renoué plus que de raison avec la vie d'alcoolique, il devait être honnête. Mais en même temps, il y avait trop de choses qui lui arrivaient dans la face en même temps et sa famille lui manquait. Son frère oui, il était vrai mais la famille qu'il s'était construite lui-même.
Desmera et leurs enfants, leurs petits-enfants même. Il aurait tant voulu les revoir ici, les serrer de nouveau dans ses bras. Il avait lu sur eux, sur leurs vies. Et il n'avait de cesse de relire les ouvrages qui parlaient d'eux, de s'imaginer leurs vies, leurs joies et leurs souffrances. Ainsi il avait un peu l'impression de les avoir auprès de lui de nouveau.

Ce soir, Tyrion avait décidé d'honorer de sa présence l'une des auberges de Lannisport. Il fut un temps où il y aurait sûrement passé la nuit dans une chambre, entouré de plus de putains qu'il ne pouvait compter sur ses doigts. Mais la simple idée rendait ses pensées plus mornes encore. Il n'avait simplement pas l'envie. Tiens, il se demandait ce que son père trouverait à en redire.  
À la vérité, ce n'était pas tant la présence de son père qui le poussait à boire cette nuit mais plutôt ce dont Tyrion avait été témoin au cours du tournoi qui avait eu lieu il y avait peu de temps à Roches-aux-Runes. Ils avaient beau prêcher les belles paroles, la guerre arrivait. Plus forte que ce que le royaume avait connu ces derniers temps. Avec autant de Targaryens dans les parages, aussi illustres qui plus est, Tyrion n'avait aucun doute sur une prochaine conquête.

Et pour oublier tout ça et son envie d'y mettre son grain de sel, il avait bu. Il était d'ailleurs un peu déçu de ne pas avoir vu Aerea le rejoindre, de la compagnie lui aurait été plaisante.
À certains égards, elle lui rappelait ses filles. Parfois Daenerys. Parfois même -et c'était sans doute totalement stupide- Jon.
La nuit était très avancée, peut-être même touchait-elle à sa fin plutôt lorsque ses jambes épuisées et chancelantes le ramenèrent au Roc, jusqu'à ses appartements.
Tyrion referma la porte derrière lui, tituba jusqu'à la table où il eût pour ambition de se servir quelques coupes de plus avant de sombrer dans un profond sommeil mais... Qui diable dans les Sept Enfers et celui qu'était ce foutu royaume avait vidé son pichet ?!
Le demi-homme grogne en portant la pauvre coupe à ses lèvres mais il manque d'en recracher son contenu lorsque ses yeux s'égarent sur son lit.

Son père lui avait-il joué une farce ? Si c'était le cas, il serait déçu. Et elle aussi, pauvre enfant. En chancelant toujours, Tyrion repose sa coupe sur la table et s'avance près de son lit, seulement pour perdre l'équilibre et se retenir au sommier de ce dernier.
Ses sourcils se froncent cependant comme il fixe le visage endormi. Il fixe, et il fixe et il fixe encore... Et pourtant, le visage est bien celui de Desmera.
Sans trop conserver de dignité, mais il devinait qu'il s'était assis sur cette dernière depuis bien longtemps de toute façon, Tyrion se redressa péniblement, contourna le lit et s'approcha de la femme endormie, fixant encore.
Est-ce qu'il hallucinait ? À quel point avait-il bu ?

Sa main franchit avec hésitation la distance et ses doigts effleurent à peine la peau douce et chaude du visage de son épouse endormie qu'il la retire immédiatement. Mais force est de constater qu'elle est bien réelle. Ou alors il a pris une plus grosse cuite que ce qu'il ne le pensait et il rêve cruellement. C'est une possibilité également, malheureusement.


« D... Desmera ? »

Tyrion l'appelle, si bas que peut-être est-ce inutile. Mais qu'y peut-il ? Dans ses entrailles, la peur de la voir disparaître sous ses yeux, d'halluciner ce qu'il a trop envie de voir, s'est insinuée.

Le voyage avait épuisé Desmera. Elle voulait attendre son époux, elle avait hâte de le retrouver, de le serrer à nouveau dans ses bras, de l’embrasser et de passer à nouveau de longues heures en sa compagnie, jamais ennuyée par leurs conversations passionnantes. Mais elle s’était endormie en l’attendant, elle qui n’avait que l’intention de s’étendre un peu quelques minutes, elle s’était trouvée plongée dans un profond sommeil.
Dans son sommeil, la femme grogna en sentant quelque chose lui effleurer la joue mais cela s’arrêta rapidement et elle repartit dans son rêve. Elle y revoyait tant de visages connus et disparus depuis longtemps. Ses filles et ses fils, ses enfants qu’elle avait tant aimé et qui l’avaient aimé en retour. Elle s’était toujours tenue auprès d’eux quand ils en avaient eu besoin, elle avait tenu la main de ses filles lors de leurs accouchements lorsque cela était possible et malheureusement, cela l’avait été trop rarement.

« — My little lion… Your breath smells wine. »

La Redwyne se mit à grimacer. A moitié endormie, elle peinait à comprendre ce qu’il se passait et son rêve la poussait à se croire à une autre époque, à oublier que Tyrion lui avait un jour été enlevé et qu’elle l’avait suivi près d’un an après. Elle avait oublié que des siècles s’étaient écoulés, qu’elle n’était pas supposée être ici, pas plus que son époux.

« — Come to bed and… »

Ses sourcils se froncèrent, elle semblait reprendre conscience de la situation alors que le brouillard se dissipait dans son esprit. Elle papillonna des cils, vint se frotter un peu les yeux avant de les poser sur Tyrion. Elle croisa son regard et un sourire étira ses lèvres tandis qu’elle tendait la main vers son visage. Ses doigts effleurèrent la cicatrice qui barrait son faciès et qu’il lui avait dit tenir de la bataille de la Néra. Elle était encore bien loin de Port-Réal à cette époque.

« — I wanted to surprise you… I suppose I was exhausted. »

Dans sa poitrine, son cœur battait plus vite de le voir enfin face à elle, de pouvoir retrouver l’homme qu’elle avait épousé et choisi, puis appris à aimer.

« — I have missed you so much. »

Ses lèvres s’étirèrent en un sourire tandis qu’elle se redressa. Une main se glissa dans ses cheveux, tentant de remettre en place les mèches qui auraient pu dévier de la simple coiffure qu’elle s’était faite, ramenant les mèches de devant en arrière pour maintenir sa crinière brune dans son dos.

« — I wasn’t kidding. You really smell alcohol. I see some old habits die hard. »

Alors elle se pencha pour déposer un baiser contre son front, fermant les yeux en s’y attardant. Elle était bien plus émue de ses retrouvailles qu’elle ne s’autorisait à le montrer mais en réalité, elle sentait que des larmes pourraient couler à tout instant, des larmes de joie et de bonheur. Cela avait été si difficile sans lui, les couloirs de Castral Roc ne lui avaient jamais paru aussi vides qu’après son décès, quand elle avait su qu’elle ne le reverrait jamais. Il n’y avait eu que ses petits-enfants et ses enfants pour lui apporter du réconfort dans ces moments-là. Elle n’avait continué à vivre que pour eux avant de finalement s’éteindre à son tour. Elle aurait pu vivre encore, certainement, mais à quoi bon ? Elle avait survécu à toute sa famille. Autant à ses parents, ses cousins qu’à ses frères et même l’une de ses filles. Il avait été temps de laisser sa place aux nouvelles générations, sachant que Tyrion avait œuvré pour donner à leurs enfants et leurs petits-enfants un monde meilleur.

Les Dieux avaient-ils décidé subitement de se montrer gentils ? Tyrion passait la plupart de son temps à leur cracher à la gueule, il ne pouvait y croire et pourtant... C'était bien sa femme qui se trouvait dans ce lit, en chair et en os, et vivante.
Tyrion continue de fixer. Il avait peur qu'en la touchant de nouveau, elle ne finisse par disparaître. Elle finit par parler dans son sommeil, par l'appeler et il ne peut rien faire, le petit homme est comme paralysé.
Il ne peut que la regarder, se réveiller, finit par ouvrir les yeux et le regarder en retour.

Ah son beau sourire... Tyrion avait connu son lot de femmes au cours de sa vie. Femmes et filles à vrai dire, certaines laides ou passables évidemment, il avait parfois été peu regardant mais des femmes et filles belles également.
Pourtant leur beauté lui paraît bien pâle face à celle de la femme qu'il a épousé. Desmera était encore bien jeune quand il avait fait sa connaissance. À l'époque, il ne cherchait en aucune façon à se marier, il avait l'intention de se consacrer corps et âme au royaume et à sa tâche de main.
Desmera l'avait troublé. Il avait été attiré par sa présence comme un aimant pendant sa visite dans le Bief et pourtant, quand elle avait elle-même fini par lui demander un mariage, il avait d'abord refusé.
Par deux fois auparavant, Tyrion avait connu le mariage. Tysha lui laissait un goût amer dans la bouche quand à Sansa, il préférait ne plus y penser. Et s'il n'avait pas épousé Shae, elle avait laissé une empreinte cuisante en lui. À ce moment-là, il n'avait pas voulu tenter les Sept Enfers en s'unissant à une femme une troisième fois et pourtant, à la fin de son séjour, il avait tout de même demandé la main de Desmera à son père, il l'avait ramené avec elle au Roc et l'avait épousé.

Il devinait que cette femme avait su détruire pierre par pierre le mur qu'il avait tenté de cimenter autour de son cœur de nain brisé... Et elle l'avait réparé. Par l'amour qu'elle lui avait donné et les enfants exceptionnels qu'elle lui avait offerts.
Son sourire à cet instant, réchauffait son cœur mis à rude épreuve depuis son retour. Ses mains venant effleurer son visage et l'immonde cicatrice le barrant lui donne envie de pleurer à chaudes larmes, comme un enfant perdu. Dieux que l'envie lui donnait plus envie encore de noyer sa tête dans un pichet, non, un tonneau de vin.
Un rire étouffé lui échappe lorsqu'elle lui dit qu'il lui a manqué et il l'observe remettre sa coiffure en place, comme un demi-homme fou par l'expression de son regard.

« I may be guilty... But I have reasons. »

Tyrion finit par sourire à son tour, faiblement, tout en grimpant sur le lit à son tour, aux côtés de sa femme.

« I have missed you too. Very much... »

Sa main vient chercher la sienne, il noue leurs doigts avec presque une innocence qui semblait déplacée.

« When have you come back ? Wait... Is it you who finished my wine ? »

Le nain fronce les sourcils, son sourire devenant amusé comme il tourne un peu plus la tête vers son épouse, relevant un peu la tête pour pouvoir lui faire face malgré la différence de taille.

Desmera aimait profondément le petit Lannister qu’elle avait épousé. Téméraire et courageuse, elle s’était choisie elle-même cet époux loin des idéaux dont elle avait toujours rêvé mais elle n’avait jamais regretté ce choix. Il avait toujours été bon et attentif avec elle, il l'avait aimé autant qu'elle l'avait fait et ils avaient été heureux. Elle n'avait jamais eu honte de son apparence, elle n'avait jamais détourné le regard, elle n'avait jamais douté de son choix et même lorsque lui-même s'était allé à exprimer parfois des doutes, elle avait toujours soutenu qu'elle n'aurait pas pu rêver d'un meilleur époux.
Même dans cette vie, son avis ne changeait pas et sur ses lèvres se dessinaient un sourire quand elle le vit. Son petit lion.

« — You always have a good reason to abuse of the wine. »

Elle conservait son sourire alors qu'elle le taquinait, haussant légèrement un sourcil comme elle avait l'habitude de le faire avec lui et plus tard avec leurs enfants pour les réprimander gentiment. Mais alors qu'il grimpait sur le lit pour s'installer près d'elle et prendre sa main dans la sienne, elle se laissait aller à glisser ses doigts entre les siens. Il lui avait manqué plus qu'elle ne pourrait l'exprimer. L'unique année qu'elle avait passé sans lui avait semblé terriblement longue et la demeure dans laquelle elle vivait, terriblement vide. En réalité, elle n'était pas différente de l'époque où il était à Port-Réal et elle, au Roc. Mais durant cette année-là, elle avait su qu'il était parti, elle avait su qu'elle pourrait se montrer aussi patiente qu'elle le désirait, elle ne reverrait pas son époux car il avait quitté ce monde. Plus que Castral Roc, c'était dans son cœur qu'un vide avait subsisté.

« — Yes. You took your time to come back here. »

Bien sûr que c'était elle qui avait pris soin de terminer son vin, qui d'autre ? Pourtant, elle souriait d'autant plus, les yeux baissés vers lui. Mais dans un geste tendre, son pouce effleurait le dos de sa main, elle n'avait jamais eu honte de lui exprimer son affection et n'avait jamais ressenti le besoin de la masquer. Elle savait que dans certains mariages, il était plus convenable pour les époux de ne point se montrer d'affection, de la garder pour eux-mêmes car le mariage était un devoir et la passion était réservée aux amantes et aux maitresses. Mais Desmera n'avait jamais été de ceux-là. Elle avait été, il était vrai, plus distante et réservée au début de leur mariage mais plus elle en avait appris sur le Lannister, plus elle avait voulu en apprendre. Il s'était confié à elle sur bien des expériences qu'il avait vécu et elle n'avait pas voulu que leur mariage soit un simple arrangement politique. Ils s'étendaient bien trop pour cela et elle s'était prise d'affection pour lui avant même de l'aimer véritablement. Elle n'en avait nullement honte.

« — I came back a few days ago and I came here right away. »

Castral Roc était sa maison. Elle y avait vécu plus longtemps qu'elle n'avait vécu à la Treille, plus longtemps que Port-Réal ou ses visites à Hautjardin. Elle s'était mariée ici, elle était devenue mère entre ses murs, elle avait élevé ses enfants, tenu la demeure de son époux d'une main forte et solide, elle avait fait beaucoup de sacrifice pour protéger le Roc et elle était même morte entre ses murs après avoir vécu, après avoir aimé. La demeure des Lannister était aussi la sienne. Il était naturel qu'elle soit revenue ici avant tout.

« — What about you? The other Lord Tyrion told me you were here for some time already. Tell me about it. »

En matière de mariages, Tyrion pouvait certainement clamé qu'il en avait connu son lot. Tysha. Sansa. Puis Desmera.
Son premier mariage avait été une blague cruelle, il avait laissé un goût amer et une blessure béante chez le nain. Son second mariage... Par tous les stupides Dieux qui puissent exister, il pouvait encore se souvenir de Sansa dans le septuaire ce jour-là, si jeune, si effrayée. Pouvait-il vraiment appeler ça un mariage ?
Et Desmera...
De tous ses mariages, il était celui à retenir. Un mariage choisi, un mariage fonctionnel et heureux, d'amour également car il ne pouvait nier qu'il aimait son épouse. Il ne l'aurait jamais cru, lors de cette visite à La Treille. Il n'était allé là-bas que pour politiques et affaires et il était reparti avec la main d'une jeune femme radieuse et intelligente, qui avait changé sa vie. Tyrion n'était pas certain que son existence aurait perduré autant, qu'elle aurait été si joyeuse après tout ce qu'il avait vécu auparavant si Desmera Redwyne ne s'était pas tenue à ses côtés, s'il ne l'avait pas épousé.

Dire qu'elle lui avait manqué depuis son retour à la vie serait un euphémisme. Elle avait laissé un grand vide qui se comblait à présent qu'il pouvait librement admirer son visage si rajeuni et si beau.
Ah qu'elle boive tout son vin si elle le désirait, tant qu'elle restait à ses côtés de nouveau. Il avait l'impression de respirer un peu mieux depuis quelques minutes, sa peau frissonnant un peu au passage de ses doigts contre sa main.

« For my defense, I didn't know I would make someone waiting. »

Peut-être que revenir à la vie n'était pas si pénible que cela finalement. Peut-être pouvait-il profiter de cette vie avec Desmera. À cet instant, il en oubliait la politique, ses parents revenus d'entre les morts et le reste du monde, au-dehors de cette porte.
Il était littéralement pendu aux lèvres de son épouse comme elle lui apprenait être revenue quelques jours auparavant. Son sourire s'éclipse cependant comme elle l'interroge et il pousse un profond soupirer, comme si ses pensées étaient profondément douloureuses tout à coup.
Oh, elles l'étaient.

« Mmh. Nothing really interesting. I have been reading, drinking, witnessing the mess they made of the kingdom I've tried really hard to fix and drinking more to forget about it. »

À quelques choses près, c'était à peu près tout ce qu'il s'était passé pour lui depuis son retour.

« I went to a tourney too. Oh and... My parents came back from the dead. Gods, why did you finish all my wine, I could really need some. »

Après cette plainte, Tyrion soupire encore et il se laisse tomber en arrière sur son le lit, non sans quitter sa femme du regard, lui souriant finalement bêtement.

« You owe me wine, wife of mine. »

Desmera avait choisi son époux elle-même, lorsqu’elle avait grandi et réalisé qu’il était inutile de se bercer de doux rêves et d’illusions sur les preux chevaliers dont parlaient les romans. Port-Réal avait tué son innocence et sa naïveté et il était plus que temps que cela arrive. Quand elle lui avait offert sa main, la jeune Redwyne n’aurait jamais cru qu’elle aimerait Tyrion Lannister autrement que comme un ami et elle avait songé que malgré tout, la chose était précieuse et qu’elle préférait amplement épouser un ami qu’un homme qui lui aurait porté si peu d’intérêt qu’il aurait donné plus d’enfants à des servantes qu’à elle-même. Ce mariage avait dépassé toutes ses attentes. Non seulement, Desmera avait eu de merveilleux enfants qui l’avaient comblé de bonheur mais elle s’était aussi éprise éperdument de cet époux. Puis il l’avait aimé aussi. Aurait-elle pu rêver mieux ? Après tant d’années à ses côtés, elle aspirait encore à retrouver sa place auprès de lui car il n’était pas seulement l’homme qu’elle aimait mais aussi le meilleur des amis qu’elle ait. Elle avait passé plus d’années avec lui dans sa vie que sans et elle n’imaginait pas vivre sans lui dans un monde où il était.
Ses mots faisaient naître un sourire sur ses lèvres dont elle ne pouvait se défaire et dans ses yeux, une lueur de tendresse brillait quand elle l’observait. Il prétendait que rien n’était arrivé, rien d’important mais son visage disait l’inverse, la mine plus sombre qu’elle lui connaissait et qui trahissait quelques pensées que le vin ou la chaleur d’une épouse pouvaient apaiser. Et elle n’eut pas tort, le vin aurait pu l’apaiser. Car s’il prétendit tout d’abord qu’il n’y avait rien d’intéressant, il vint ensuite lui parler de ses parents. Desmera pencha légèrement la tête sur le côté, ses parents alors ? Elle devrait les rencontrer, cela ne faisait nul doute. Oui, peut-être avaient-ils besoin de vin.

« — Definitely. We need wine. »

Le sourire aux lèvres, elle se pencha au-dessus de lui pour embrasser tendrement ses lèvres quand ses doigts effleurer sa joue, se frayant un chemin dans sa barbe.


« — I’m going to find you wine and after, you’ll tell me about your parents, dear husband. »

La brune se redressa et retrouvant son équilibre sur ses deux jambes, elle se dirigea vers la sortie de ses appartements, leurs appartements désormais, pour partir en quête d’un serviteur, un jeune page ou quiconque qui pourrait lui donner les carafes de vin qu’elle voulait.
Tandis qu’elle marchait dans les couloirs du Roc, elle se mit à songer à ce que Tyrion lui avait dit. Ses parents. Lady Joanna, elle ne l’avait pas connu, pas plus que Tyrion d’ailleurs et se faisait une joie de la rencontrer. Mais Lord Tywin… Lord Tywin l’avait intimidé lorsqu’elle était une adolescente mais elle avait grandi et elle n’était plus effrayée par les hommes à qui la modestie faisait défaut. Elle ne se laissait plus intimider comme auparavant. Cependant, sa famille et celle de Tyrion s’étaient tant opposé. Ou plutôt, Cersei s’était opposée à sa cousine et sa grand-mère. Jaime Lannister avait tué sa grand-mère par le poison et sa grand-mère avait tué Joffrey Baratheon de la même manière. Lord Tywin saurait tout cela et il ne ferait nul doute qu’il ne la porterait pas dans son cœur, tout comme il ne serait pas dans son cœur non plus. Pour tout ce qu’il avait infligé à son tendre époux amateur de vin, Desmera ne pourrait jamais en venir à apprécier l’homme. Au moins, devinait-elle, il valait mieux Lord Tywin que Cersei Lannister.

La Redwyne trouva, comme elle le désirait, un jeune page et avec son aide, elle se rendit aux cuisines pour y récupérer quatre cruches de vin.

« — Four, my lady?
— Yes, I can’t take more. We only have four hands. »

Un sourire prenait place sur ses lèvres, elle savait que ce n’était pas ce qu’il sous-entendait. Il voulait dire que quatre, c’était déjà beaucoup. Mais il ne connaissait point Tyrion comme elle le faisait. Et ainsi, avec l’aide du jeune homme, elle regagna les appartements où son époux l’attendait. Elle congédia le page avec quelques remerciements, remplit deux coupes et revint s’installer dans le lit tout en offrant l’un des verres au petit lion.

« — Here. Everything you wanted. »

Attendant qu’il en vienne à boire, elle resta silencieuse et porta sa propre coupe à ses lèvres pour goûter ce vin plus qu’elle ne l’avait déjà fait.

« — So, you’ve met your mother? »

Desmera était là. Dans sa chambre. Dans son lit. Juste à côté de lui. Malgré toute la folie écrasante de ce monde, il en était autant abasourdi qu'heureux comme un enfant le jour de son anniversaire.
La vérité était que Tyrion avait quelque peu oublié combien la vie était vide, morne et triste sans Desmera. Depuis son retour, elle lui avait manqué plus que quiconque, elle était devenue son repère depuis qu'elle lui avait elle-même demandé sa main.
Un repère dont il ne pouvait plus se passer. Un amour inattendu, imprévu, non voulu et pourtant...
Jamais, non jamais, il n'aurait pu dire en voyant pour la première fois cette belle et pétillante jeune fille à La Treille qu'elle prendrait une telle importance dans son existence, qu'elle deviendrait son épouse, la mère de ses enfants. Qu'elle saurait apaiser son cœur, le réparer, en prendre soin.
Il était tombé amoureux de Desmera Redwyne sans s'en apercevoir. Et c'était sans doute-là le plus grand cadeau qu'il ait jamais reçu. Aussi, même lorsqu'elle le quitte pour aller en quête de vin, le demi-homme est incapable de se séparer de son sourire.

Il se laisse retomber sur son lit, un grand sourire plaqué sur son visage difforme et ses doigts traçant même le baiser que Desmera lui a donné avant de partir.
Si Tyrion s'était endormi, il aurait presque été tenté de croire à un doux rêve mais lorsque sa porte finit par s'ouvrir de nouveau, il fut bien obligé d'admettre qu'il n'était véritablement plus seul en ce monde.
Son regard suivi le page et son épouse, jusqu'à ce que dernière ne renvoie le pauvre garçon et qu'ils ne se retrouvent plus que tous les deux de nouveau.

Encore, les yeux du nain observent Desmera tandis qu'elle sert leurs coupes, tandis qu'elle revient près de lui puis, qu'elle l'interroge. La dernière fois qu'il l'avait vu, tandis que l'Étranger l'emportait, ou qui ou quoi que soit la mort, son visage était bien plus ridé, la vieillesse avait fait sa loi sur sa personne, comme sur lui.
Elle était revenue à un âge bien plus jeune aujourd'hui, un âge ravissant et plus proche du sien aussi. Ses doigts attrapent sa coupe qu'il porte à ses lèvres, s'enivrant du doux arôme familier du raison caressant ses papilles.
Puis, son sourire revint à l'adresse de sa femme tandis qu'il jouait avec sa coupe presque vide.

« I did. She is really nice. Really gentle, and kind. She loves me very much. »

Il en aurait presque chuchoté ces dernières paroles. Sa mère l'aimait. Pouvait-on le blamer qu'il en ait douté ? Après tout, sa famille l'avait toujours rendu responsable de la mort de la douce Joanna, Jaime excepté. Sa mère aurait pu le faire également mais ça n'avait pas été le cas. Il avait trouvé chez la lionne une mère attentionnée et aimante, au pardon généreux.

« It's a wonder how she could ever love my father. »

Cette fois, Tyrion soupire puis il finit sa coupe avant d'avouer le reste.

« Well... He does try to make some efforts with me still... For my mother. »

Tyrion ne savait pas ce qui le dérangeait le plus. Que ces efforts soient à l'instigation de sa mère ou que son père semblait presque sincère ? Il y avait des parties contradictoires chez le nain concernant Tywin Lannister, une partie qui héritait des traumatismes de son enfance, des vœux du pauvre gosse qu'il avait été et qui avait tant souhaité que son père s'intéresse à lui, qu'il l'aime. Et puis, il y avait cette part de lui qui était en colère, si en colère pour ce qu'il lui avait fait, mais aussi en colère, parce qu'il faisait des efforts justement et que Tyrion n'était pas certain d'avoir envie de lui pardonner. Qu'il ne devrait pas avoir envie de lui pardonner.

« He even admitted, watch out, that we were alike ! »

Il n’y avait pas plus grande joie pour la Redwyne, redevenue une jeune femme, que de retrouver son époux. Tyrion Lannister était son époux, son aimé et un précieux ami, un partenaire auprès duquel elle aimait se trouver. Le vin entre les mains, car toute bonne conversation méritait son verre de vin disait son père et Tyrion n’y voyait aucune objection, elle revint auprès de lui.
S’installant sur le bord du lit, elle goûta le vin. Si la cruche qu’elle avait bu précédemment ressemblait à un vin myrien, elle pourrait jurer que celui-ci venait de la Treille. Elle le garda en bouche quelques instants pour le déguster, en trouver les arômes fruités qu’elle connaissait mais il était différent. Des siècles s’étaient écoulés, ce vin n’était plus exactement cela qu’elle avait connu mais en fermant les yeux, elle pourrait jurer de trouver sur les collines de son île natale, entre les vignes où elle aimait à se cacher de ses frères alors qu’il la poursuivait.

« — She seems like a good woman. »

Comment une femme si douce que semblait le décrire son époux pouvait avoir eu un époux si froid et austère que Lord Tywin ? Ou peut-être était-il devenu plus froid avec les années, après avoir perdu Joanna ? Cela ne changeait pour autant pas le comportement qu’il avait eu avec le dernier fils qu’elle lui avait donné. Puis, comme s’il lisait dans ses pensées, Tyrion exprima ses songes à voix haute.

« — Maybe she sees the good in him. The one we cannot see. »

Elle but encore, termina sa coupe et pendant qu’il soupirait pour avouer le reste, elle se relèvq pour ramener la cruche et remplir leurs verres une nouvelle fois. Elle l’observait avec attention, cherchant dans ses yeux et son visage à lire ses pensées et un tendre sourire se dessina sur son visage. Elle posa la carafe de vin sur la table de chevet et revint près de lui, ses doigts venant se glisser dans ses cheveux ondulés pour lui offrir un certain réconfort et son affection la plus sincère.

« — Still, you’re a better than he’ll ever be. »

Desmera boit encore. Il lui faudra cesser à un moment, avant d’être saoul mais elle a encore de la marge. Grandir à La Treille possède quelques avantages. Elle a rarement vu quelqu’un tenir aussi bien l’alcool qu’elle ne le fait et même si elle a toujours prétendu l’inverse, elle sait que Tyrion s’effondrerait avant elle s’ils faisaient un concours. Elle avait souvent utilisé cela lorsqu’il fut nécessaire de faire parler un seigneur, buvant à ses côtés, prétendant être un peu saoul pour lui soutirer quelques informations alors qu’elle gardait l’esprit clair mais pas lui. Elle avait aimé ces petits jeux au Donjon Rouge, quand Tyrion était Main du Roi et qu’il faisait face à une impasse, elle y avait pris plaisir.

« — Do you want to hear my opinion on the matter of your father? Because it’s not a good one. »

S'il fermait les yeux pendant quelques instants, Tyrion pourrait être tenté de se laisser aller au sentimentalisme le plus vorace et imaginer que rien de tout ça n'est réel. Qu'il se trouve dans ses appartements, avec son épouse et qu'ils partagent une soirée dans la normalité la plus accrue.
Pourtant, le nain ne peut point échapper trop longtemps à la réalité chaotique qui est la leur ; perdus dans une époque qui n'est pas la leur, forcés d'être témoins de la merde apparemment au cercle infini que les hommes savent créer pour mieux détruire ce que d'autres ont mis en place pour rendre leur vie plus douce ; séparés de leurs enfants, leur famille ; forcés de renouer avec un passé sans doute trop douloureux.

Ces derniers temps, il s'était laissé allé de plus en plus à la morosité, à ce désespoir mordant que même le vin n'aurait su effacer. Fort heureusement, la présence de la jeune Aerea l'en sortait parfois, le divertissait assez bien et il avait également pu retrouver sa nièce. Et sa mère. Sa mère...
Dieux, il avait une mère, c'était une chose à laquelle il ne saurait sans doute jamais véritablement s'habituer... À en parler à Desmera, un sourire un peu stupide avait même fait son apparition sur son visage distordu.
Est-ce vraiment seulement parce qu'il peut parler de sa mère, de la façon d'être de cette dernière à Desmera ? Ou surtout parce qu'il a retrouvé Desmera également, qu'elle se tient là à ses côtés dans sa chambre, à lui sourire et à lui parler ?
Tyrion n'est pas stupide, la réponse à cette question lui vient aisément.
Son cœur se fait plus léger, bien plus léger, il doit l'admettre... L'amour était un curieux sentiment qu'il avait effleuré avec précaution de nombreuses fois au cours de son existence, celui que Desmera Redwyne lui avait offert était exceptionnel, insensé même. Il la revoyait encore, encore bien plus jeune qu'à l'âge où elle semblait être revenue, dans les jardins de La Treille, le prenant par surprise au détour d'une conversation banale pour lui demander sa main.
Il n'avait pas été question d'amour, bien sûr, à ce moment-là, seulement d'une jeune femme qui prenait sa vie en main, qui prenait ses propres décisions quand à son mariage et qui semblait assez l'apprécier pour faire fi de sa condition de nain et lui donner sa vie. L'affection n'avait pas manqué, mais l'amour était né bien après.

Et cet amour-là, Tyrion l'avait chérit. Il en avait parfois été terrifié, lorsque les souvenirs de Tysha ou de Shae se rappelaient vicieusement à lui et lui murmuraient que rien n'était jamais gratuit, que l'amour d'une femme à son encontre n'était jamais désintéressé. Parfois, dans ses plus sombres moments de doute, peut-être avait-il même embrassé cette idée-là, s'était laissé croire que Desmera n'était pas si différente dans ses intentions.
Mais il lui suffisait d'un sourire, d'un mot, d'une caresse ou même d'un regard pour savoir que ce n'était pas le cas, pour lire la sincérité dans les traits de son épouse, de la mère de ses enfants.
Il ne pouvait certainement pas prétendre que leur mariage ait été idyllique tout du long, non. Ils avaient dû affronter maintes épreuves, douleurs et souffrances mais, Tyrion se rappelait néanmoins qu'ils s'étaient épaulés et soutenus. Et il n'y avait alors pas plus grand soulagement, plus grande joie que de savoir que Desmera lui était revenue, qu'elle était là de nouveau. Il aurait pu en pleurer comme un pauvre gosse, mais il soupçonnait que l'alcool aidait également à cette envie de s'épancher avec ridicule.

« Hmmpf... Maybe. »

Il grogne, finissant sa coupe d'une traite lui aussi, son esprit cherchant à évader le souvenir de ses parents et tout ce qui s'en rattachait. Les doigts de Desmera qui vinrent se glisser dans ses cheveux, réclamant qu'il lève sa tête pour trouver son regard étaient une assez bonne distraction.
De nouveau, Tyrion peut plonger dans les orbes brunes, reflet de sincérité et d'une affection si douce qu'il en fond dans son étreinte, quelques instants avant qu'il ne se relève à son tour, allant remplir sa coupe de vin, ricanant à la question de sa femme, tandis qu'il se tournait vers elle.

« Oh please tell. »

La carafe crache de son contenu dans son verre et le demi-homme revient s'installer dans le lit, près de son épouse, en sirotant déjà son contenu, impatient d'entendre ce que Desmera pourrait bien lui dire, bien qu'il l'imagine plutôt aisément à vrai dire. Tywin Lannister avait été son bourreau toute sa vie jusqu'à ce qu'il ne le tue, c'était une vérité que le royaume entier connaissait à l'époque, il doutait que cette vérité soit enterrée aujourd'hui encore. Mais Desmera le savait déjà et il doutait qu'elle ait jamais une bonne opinion de son père, même s'il devait miraculeusement changer et se transformant en le plus mielleux des princes charmants dont les fables vous accablaient à longueur de journées.

« I am dying to hear this. »