when she was just a girl, she excepted the world (ft. Aerea)

Sa visite à Castral Roc n'enchantait guère Rhaena. Il fallait avouer que, dans un premier temps, le trajet était beaucoup plus long que si elle n'avait volé sur le dos de Songefeu. Dans un second temps, elle avait déjà passé beaucoup trop de temps au sein de la demeure des Lannister, et elle ne doutait pas qu'encore aujourd'hui ils étaient majoritairement des personnes avares qui désiraient un brin de pouvoir n'importe où. Elle ne désirait nullement revoir cette famille, ni retrouver le lieu dans lequel elle se réfugia, à cause duquel on lui attribua le surnom de reine de l'Ouest. Elle ne voulait pas être reine, elle voulait juste retrouver sa fille et retourner tout aussi vite à Harrenhal, dans la Tour de la Veuve. Elle avait gentiment demandé - pas comme si elle pouvait à nouveau menacer quiconque avec un dragon, de toute façon - aux Grell de lui accorder une place dans cette Tour, en promettant de faire quelque chose pour eux en échange. Ils avaient accepté, certainement un peu par dépit, mais Rhaena n'avait pas encore trouvé quoi faire pour eux, si ce n'était ne pas rameuter toute une lignée de Targaryen et de n'avoir aucun désir de prendre Harrenhal. Le lieu, comme il était, lui plaisait bien assez, et ne comportait pas de fantôme qu'elle connaissait, si ce n'était le sien.

Néanmoins, en apprenant que les siens étaient à Peyredragon, elle décida de s'y rendre dans l'objectif d'avoir plus d'informations concernant celles-ci. Rien qu'à rentrer dans l'enceinte de leur demeure, elle s'était sentie étouffée, n'avait cessé de voir ses dames de compagnie, mortes. De voir la colère d'un pleutre qui lui avait servi de mari ; de couverture, plutôt. Elle avait aussi entendu le rire d'Elissa Farman, dans un coin. Elle n'était restée que peu de temps dans la demeure qui fut sienne un temps, mais ça avait été suffisant pour qu'elle désira retourner à Harrenhal plus que tout. Néanmoins, sa visite ne fut pas vaine ; d'une part, elle put revoir sa chère Alysanne, et d'autre part, elle apprit que Aerea était visiblement en train de se cacher auprès des Lannister. Cette nouvelle ne l'enchanta pas, mais il était or de question qu'elle abandonna encore une fois la chair de sa chair.

Pour cette raison, la Targaryen avait usé de diplomatie pour demander une visite aux Lannister, en demandant de ne point alerter sa fille. Les échanges s'étaient plutôt bien passés, mais elle restait méfiante concernant les intentions de ses hôtes. Évidemment, il aurait été malpoli de faire percevoir quoique ce soit de négatif, mais elle ne s'aventurait pas plus que ça à leur parler ou passer du temps avec eux. Cela faisait deux jours qu'elle avait rejoint Castral Roc, et toujours aucune trace de son enfant qui était si sauvage. S'il y avait bien des personnes avec qui elle voulait passer cette seconde vie, c'étaient ses jumelles. Le reste... Le reste l'avait trop blessée et usée pour qu'elle puisse s'y accrocher. Elle savait qu'Elissa n'était qu'une pensée lointaine. Non, elle pouvait renouer avec ses filles, les élever à Harrenhal, les voir grandir et s'épanouir. Cette fois-ci, elle n'arriverait pas trop tard.

Pourtant cette peur la tétanisait presque alors qu'elle marchait dans les alentours de Castral Roc. Elle connaissait Aerea, et si elle désirait ne pas être trouvée, elle ne le serait que difficilement. La blonde avait déjà passé des lunes à la chercher sans y parvenir, à dos de Songefeu, alors qu'elle fuyait sur Balerion. On pourrait croire qu'il serait facile de repérer un aussi gros dragon, et le rattraper étant donné sa taille qui ralentissait considérablement sa vitesse de vol, mais jamais ils ne furent trouvés jusqu'à qu'elle revienne à Port-Réal.

Cependant, Aerea partageait un point en commun avec elle : elles appréciaient toutes les deux la compagnie des animaux, plus que celle des humains, d'ailleurs. Si ce n'était avec ses dames de compagnie, Rhaena ne fréquentait que peu de gens et s'était montrée timide avant de monter pour la première fois Songefeu. Si elle avait été proche d'Aegon, elle préféra de loin être seule avec son dragon ou un animal, plutôt que de lui parler. Alors, elle visita les différents lieux qui avaient des animaux. Elle ne pouvait la trouver que là, en train de se terrer avec un ami à quatre pattes, dans l'attente d'apprendre qu'elle était partie. Mais elle ne partirait pas. Ce ne fut qu'en fin de journée, après avoir longuement parlé aux habitants pour avoir des points de repères, qu'elle se profila aux écuries. Elle n'avait pas commencé par là en se disant que sa fille ne pouvait pas être aussi proche de là où elle logeait.

Pourtant, elle vit des cheveux argentés se cacher.

Pendant un moment, elle resta interdite. Elle craignit que son esprit lui joue des tours, comme tant de fois, mais elle le sentait, ça ne pouvait être que sa fille. Elle s'approcha alors d'un cheval, dont elle caressa le col doucement avec un sourire. La présence d'un cheval l'apaisait toujours, elle aussi. Elle se sentit un peu plus légère pour parler à Aerea.

-Je sais que tu es là. Et je sais que tu n'as pas envie de me voir. Je doute qu'un jour tu en aies l'envie, d'ailleurs, fit-elle amèrement. Je veux juste savoir si tu vas bien. Si tu... elle soupira. Je ne te demande pas la soirée, juste un petit instant. Je n'ai jamais cessé de te chercher, tu sais ? Ni dans cette vie, ni dans la précédente.

Certainement que Rhaena aurait pu être une meilleure mère pour ses filles. Mais dans le contexte dans lequel elle vivait, dans lequel était les Targaryen, ne l'avait pas réellement aidée. A ses yeux, elle avait toujours fait les meilleurs choix pour ses filles. Ce n'était pas avec plaisir qu'elle s'était séparée d'elles, qu'elle avait tiré un trait sur Rhaella qui était devenue Septa, ni sur Aerea qui était morte bien avant son temps. Sa fille aurait été une intrépide aventurière, si elle n'avait pas aussi été consummée par la guerre intestine qui avait toujours fait rage au sein des Dragons. Si elle n'avait pas été aussi consummée par le Fléau de Valyria, terre originelle dont les Targaryen et Velaryon s'étaient enfuis pour survivre. D'une façon puérile, elle s'était mise à détester Balerion. Non seulement il avait été le dragon réclamé par Maegor et qui avait mis fin à la vie de son mari Aegon, il avait aussi été le dragon à conduire sa fille jusqu'à la mort. A part Songefeu, sa chère dragonne, elle s'était mise à éprouver du dégoût pour les autres dragons ─ comme elle en avait éprouvé pour sa famille. Et beaucoup de colère, aussi. Une colère qui avait fini par devenir une peine immense qui avait de plus en plus pesé sur ses épaules, qui l'avait réduite à ne plus avoir aucune fougue au fil des années. Elle avait trop perdu, et elle ne pourrait jamais pardonner ce qu'elle avait vécu. Elle aimait toujours sa fratrie, mais elle ne trouvait plus la force de les soutenir. Elle avait laissé ce maudit trône à Jaehaerys, elle avait abandonné le titre qui aurait dû lui revenir, elle avait laissé ses filles là où on lui avait dit qu'elles avaient une place. Elle avait été la reine de l'est et de l'ouest, sans pour autant être réellement appréciée. Son dernier mari avait tué ses amies, et Elissa était partie sans se retourner. Elle avait vu tout son monde s'écrouler au fur et à mesure des années, au point qu'il ne restait plus d'elle qu'un fantôme lorsqu'elle avait fini ses jours à Harrenhal, seule.

La solitude n'était pas un sentiment dérangeant pour Rhaena, comparé à la culpabilité de ne pas en avoir fait assez pour ses filles. C'était pour cela qu'elle voulait retrouver Aerea. Elle voulait lui faire comprendre qu'elle l'avait aimé, mais qu'elle n'avait pas trouvé de meilleur moyen de le montrer que de la forcer à rester près d'elle ; que de l'engueuler lorsqu'elle faisait une bêtise, ou encore que de l'interdire de faire des choses trop dangereuses. Mais rien de tout ça n'avait pu sauver sa fille, et elle avait vécu avec ce fardeau. Quand elle entendit la voix d'Aerea, elle savait que la rancune qu'elle nourrissait envers sa mère n'était pas terminée, loin de là. Elle ne pouvait la blâmer, étant donnée les circonstances dans lesquelles elles ont mené leur vie. Cependant, ce n'était pas cette prise de conscience qui empêchait son cœur de se serrer dans sa poitrine, de sentir qu'elle avait encore une fois échoué.

Pourtant, elle ne bougea pas de là. Elle camperait toute la nuit près de cette écurie, s'il le fallait. N'importe quoi juste pour la voir, pour s'assurer qu'elle était elle, et pas ce que les mestres décrivaient dans ces derniers moments. Elle avait besoin de revoir la chair de sa chair, de se sentir enfin complète ─ bien qu'elle ne le serait jamais vraiment tant que Rhaella ne faisait pas son retour non plus. Elle ne voulait rien de plus. Le reste de ses semblables pouvaient se battre pour Westeros, elle s'en fichait. Elle leur laissait volontiers les miettes de ce continent qui ne pouvait que créer le chaos et brûler. Elle pensa qu'elle aurait dû suivre Elissa, à l'époque. Que cette vie aurait été préférable à celle qu'elle avait menée. Mais cette pensée disparut quand enfin, la porte s'ouvrit et qu'elle aperçut sa fille. Il n'y avait aucun doute sur le fait que c'était elle, en chair et en os, intacte. Crasseuse, certes, mais sans aucune blessure visible. Finalement, elle sentit ses dernières forces la lâcher alors qu'Aerea se précipita dans ses bras. Rhaena la serra instinctivement tout contre elle et se mit elle-même à pleurer. Les étreintes qu'elle avait offerts à Aerea pouvaient se compter sur les doigts d'une main, et elle avait oublié à quel point il était bon de la sentir, de la savoir en vie. Elle déposa son menton sur le sommet de la tête de sa fille et la serra encore un peu plus fort, comme si ce geste lui permettrait de ne plus jamais la faire partir.

-My dear daughter, murmura-t-elle. I'm glad to see you alive and... pretty well, if we forget the mud and the dust, elle détacha un peu son emprise autour d'Aerea pour venir placer ses mains sur ses joues, s'en foutant de la crasse qu'elle pourrait avoir à son tour. Have you been here for long? Do the Lannister treat you well? I... By the Gods, Aerea, I've missed you so much! sanglota-t-elle finalement.