Brother, let me be your shelter
Never leave you all alone
I can be the one you call
When you're feelin' low
Brother, let me be your fortress
When the night winds are driving on
Be the one to light the way
Bring you home
Il y avait une époque où Aegon avait admiré les dragons. Où il les avait aimé. Il y avait une époque où il avait supplié son père tous les jours pour quelques minutes de vol avec Caraxes. Où il ne pouvait que ressentir son impatience à l'idée de prendre un jour son envol sur Nuée d'Orage, Syrax et Caraxes à ses côtés, suivant Vermax, Arrax, Tyraxes et Danselune.
Tout ça avait disparu aujourd'hui. Il ne restait plus en Aegon pour les dragons que mépris et peur. D'aucun pourrait penser qu'il était alors fou de sa part de rester vivre à Peyredragon, une île qui les abritait depuis leur retour mais quel autre choix avait-il ? C'était ici que se trouvait sa famille. C'était ici que se trouvait sa mère et son père, sa grand-mère même d'après ce qu'il avait appris. Des ancêtres et aussi des descendants, du sang de Viserys.
La mélancolie accompagnait toujours le jeune prince. C'était une dépression sans issue qui l'avait accablé depuis que l'Usurpateur avait fait assassiner sa mère sous ses yeux, qui l'avait suivi durant tout son règne.
Aujourd'hui, même en ayant retrouvé ses parents, il la sentait toujours quelque part en lui. Il la sentait dans la terreur que lui inspirait les bêtes rugissantes de Montdragon. Après tout, cela ne faisait qu'un jour à peine... Mais lorsqu'il songeait à ce qu'il avait appris concernant ses propres enfants, c'était la mélancolie qui le frappait. Ses fils étaient morts si peu après lui en définitive...
Aegon n'avait pas la prétention d'avoir été un bon père. Il serait totalement faux d'avancer qu'il n'avait pas aimé les cinq enfants que Daenaera lui avait donné. Il les avait aimé, tous les cinq. Mais il avait été une coquille vide depuis trop longtemps pour qu'ils puissent changer cela. L'amour paternel était pâle face à ce que son esprit avait subi, de plus, cela ne faisait que lui rappeler encore comment lui-même avait perdu ses propres parents.
Les reverrait-il ? Il semblait que certains reviennent alors pourquoi pas ? Aegon ni n'espérait ni ne refusait l'éventualité.
Il avait retrouvé sa mère et c'était là l'une de ses plus grandes blessures réparée. Ça ne voulait pas dire que son âme n'en était pas moins hantée. Il devinait que c'était ainsi qu'il était à présent, qu'il était destiné à être.
La nuit n'avait pas été plus reposante qu'une autre. En vérité, Peyredragon l'angoissait. Il n'osait le dire réellement à sa mère mais il soupçonnait que son père l'avait compris. À défaut de dormir, il avait passé la nuit à lire, deux ouvrages important que son père lui avait lui-même laissé.
Mais c'était aussi les rugissements et les vols des dragons par-dessus la forteresse qui avait empêché Aegon de trouver tout repos.
Pourtant, au matin, c'était pour se rendre sur les remparts de la forteresse, qu'il s'était extirpé de son lit.
Il les détestait, il les craignait et pourtant, il n'avait pas pu s'empêcher de monter et de regarder certains d'entre eux voler dans les cieux. Nul désir en lui ne naissait d'en monter un. Son père le ferait certainement à un moment et sa mère possédait elle-même un nouvel œuf mais Aegon n'avait nul désir d'être un dragonnier.
Tout ce que les dragons lui avaient jamais apporté, c'était de la souffrance. C'était d'emmener loin de lui ceux qu'il aimait pour ne jamais les voir revenir. Lucerys, le premier. Ce frère mort quand il était encore jeune mais dont il se souvenait avec affection et tendresse.
Puis Viserys, qu'il avait abandonné derrière lui en montant Nuée d'Orage pour la première fois dans la panique de la bataille qui les avait happé. Puis Jace qui avait tenté de sauver leur petit-frère lorsqu'il était revenu blessé à Peyredragon.
Puis Joffrey, qu'Aegon avait laissé mourir en ne l'empêchant pas de monter Syrax. Puis son père, parti dans les Conflans pour ne jamais en revenir, mort sans même que sa mère ne le sache avant de perdre elle-même la vie, et le souvenir de son exécution le fait fermer les yeux.
La brise violente de l'île s'abat sur son visage, fait danser ses courtes mèches devant ses yeux.
Les dragons étaient des bêtes sauvages et dangereuses. Beaucoup avaient vu leur mort comme un fléau pour leur famille, Aegon l'avait vécu comme un soulagement, traumatisé des danses qui n'étaient que des massacres et qui lui avait arraché frère après frère, père puis mère.
C'était une part de lui qu'il cachait honteusement car il n'était pas certain que ses parents le comprendraient réellement, mais il aurait souhaité qu'ils ne reviennent jamais. Quand il les regardait, Aegon les maudissait.
Lorsqu'il ne pu plus les observer, le jeune prince se détourna des remparts, regagnant les murs du chateau.
Ce n'est pas vers sa chambre que ses pas le guidèrent mais vers la bibliothèque. Cette dernière avait été rangée et les livres triés.
Aegon se balada entre les rayons bien plus maigres que dans ses souvenirs, les souvenirs d'un enfant assurément mais qui étaient tout sauf flous. Ses doigts effleuraient l'armature des livres, il trouvait un certain réconfort ici. Son regard se perdit sur un coin de la pièce et il se souvint, comme ses frères, ses sœurs et lui pouvaient passer des heures ici, à jouer ou à lire - du moins, Aegon et Viserys écoutaient leurs frères et sœurs lire car eux étaient encore bien jeunes.
La porte s'ouvrit, l'arrachant à la contemplation de souvenirs si vieux et Aegon se tourna, son visage passant d'une mélancolie gravée dans sa chaire à une surprise bouleversante. Des boucles brunes, des yeux bruns, un visage si doux que la bienveillance même y était inscrite.
Lucerys Velaryon et son visage étaient gravés dans les souvenirs du prince à l'âme brisée, jamais il n'aurait pu oublier le visage d'un frère qu'il avait tant aimé, tant regretté. Il resta là, au milieu de la pièce, parfaitement immobile si ce n'était pour les larmes qui roulèrent en symétrie sur ses joues, à observer son grand-frère sans oser faire un geste, sans oser ne prononcer qu'un mot, la crainte de n'être qu'en train de cauchemarder de nouveau.