"Little Lion Men" Ft. Tywin Lannister.

Le retour du Lion, Tywin Lannister, dans ce monde, était passé relativement inaperçu. Et pour cause : il était loin d’être le seul grand nom à revenir d’entre les morts. De plus, le Chaos régnait sur Westeros, et probablement au-delà également. Un Chaos qui dépassait ce à quoi il s’attendait. Chaque seigneur qui voulait un peu de pouvoir était désormais roi de quelque chose, où qu’il se trouve. Alors, il avait décidé de retourner dans l’Ouest, dans la demeure ancestrale des Lannister, Castral Roc. Ici, il entendait bien que les choses soient ordonnées.

Mais malgré toute sa bonne volonté, même sa maison n’était plus aussi resplendissante qu’elle ne l’avait été. Déjà, il le savait, l’or de ses mines avait fini par se tarir. Déjà à son époque, la richesse des Lannister était davantage due à l’esprit calculateur de Lord Tywin qu’à l’or brut qui se trouvait dans les tréfonds du Roc. Mais quelque chose avait changé également chez les habitants, et même chez les nobles. Leurs visages semblaient plus sombres. Ils baissaient les yeux ou le regardaient avec crainte quand Tywin marchait en ville.

En revenant à Castral Roc, il avait d’abord suscité de l’admiration, car tout le monde ici savait qui il était et ce qu’il avait fait. Comment Tywin Lannister était intervenu pour prendre les armes face à son ancien ami, le Roi Fou, et avait ainsi vraisemblablement pu sauver les Sept Royaumes. Mais Tywin n’était pas le seul nom qui avait été retenu. On parlait également de ses enfants, et notamment de son fils, Tyrion Lannister. Le Seigneur actuel du Roc portait d’ailleurs lui-même ce nom.

Une nouvelle qui avait fort déstabilisé Tywin quand il l’avait apprise. Tyrion avait décidé de faire quelque chose de son existence jusque là rendue misérable, notamment par son propre père, et avait assuré la survie de sa famille. De son héritage. Une certaine partie du vieux Lion s’était emplie d’un sentiment de fierté en apprenant cela, mais une autre, bien plus grande, de honte. Tywin avait toujours détesté son plus jeune fils, qui était un nain, car il lui avait pris la seule chose qu’il a jamais aimée, sa femme. Joanna Lannister était tout pour lui, et lui avait donné deux magnifiques enfants… Puis Tyrion, en qui Tywin avait davantage vu une aberration qu’un fils.

Mais des siècles après sa mort, le dernier des Lannister de son temps avait été celui qui avait perpétué la lignée. Il avait permis au Roc de continuer à se dresser fièrement à l’Ouest de Westeros. La plus pure ambition de Tywin, ce qui avait toujours importé le plus à ses yeux, son fils honni l’avait fait. Certainement pas en son honneur, se disait-il. La haine que lui vouait Tyrion n’était pas un secret non plus. Après tout, il était son meurtrier.

Mais le tempérament de Tywin avait changé lors de ses retrouvailles avec son épouse Joanna. Par un miracle des Sept, ou de Trios, elle était revenue d’entre les morts. Après des décennies, longues et solitaires, passées sans elle, la seule femme que Tywin avait jamais aimé était de nouveau parmi les vivants, tout comme lui. Son retour avait remis de nombreuses choses en perspective pour Tywin. De plus, elle aimait Tyrion, énormément. Elle l’avait défendu, avait tenté d’adoucir le tempérament implacable du Lion de Castral Roc.

Qu’il le veuille ou non, Tyrion Lannister était son fils, et malgré cette différence de taille, il lui ressemblait bien plus qu’il ne l’admettrait jamais. C’était sans doute pour cette raison qu’ils se détestaient autant. Tywin voyait dans le flegme de Tyrion ce qu’avait été son propre père, et qui a mené la maison Lannister au bord de l’abîme de l’oubli. Tyrion voyait en Tywin ce qu’il pourrait devenir. Après plusieurs jours passés à s’éviter, Tywin avait décidé qu’il était temps de confronter sa progéniture.

Le Lion se dirigeait à pas rapides vers la Salle des Héros, où se trouvaient sa propre tombe, celle de Joanna, ainsi que celle de ses enfants, et de leurs enfants. Si Tyrion était revenu d’entre les morts, Tywin espérait que Cersei et Jaime soient également de retour. Eux, il les avait toujours vus comme ses héritiers véritables. Il ne se stoppa que quand la voix de Tyrion brisa le silence qui régnait dans la pièce depuis l’arrivée de Tywin. Sa mâchoire se serra rapidement, mais il repensa à Joanna et à son regard si elle se trouvait là. Il prit une profonde inspiration, et son ton sévère résonna dans la salle.

« Do you pretend to know what I see in my sleep ? You were never a nightmare. Only a headache, at times, or an annoyment. »

Il s’avança pour se placer à côté de son fils, les mains croisées dans le dos, les yeux rivés sur sa propre tombe et celle de ses enfants. Il était particulièrement perturbé à l’idée que ses restes puissent se trouver là, alors qu’il se tenait devant.

« Despite the last thing I saw you do, I am not here to exact revenge. I would be lying if your mother didn’t talk me out of it. No, I am simply here to talk to my son. »

Ce dernier mot, par contraste avec le ton employé par Tyrion, avait été prononcé avec insistance, et presque avec une certaine douceur. Le nain était son fils, cela, il n’en avait jamais douté. Mais il lui avait également brisé le coeur et l’avait déçu. Pourtant, Joanna avait été extrêmement indulgente envers chacun d’eux. Pour elle, pour leur famille, Tywin ferait cet effort. Il avait surmonté son sentiment de dégoût à la vue de son fils, ce qui était un bon début.

Oh, Tywin se souvient parfaitement de ses dernières paroles envers son fils. Au début, ses souvenirs étaient flous. Mais le choc des retrouvailles de Joanna avait à la fois chamboulé et remis de l’ordre dans ses pensées. Revenir d’entre les morts n’était pas une expérience agréable. Malgré tout son cynisme quant au sujet des dieux; il était persuadé qu’on l’avait ramené dans le monde des vivants pour une raison, pour remettre de l’ordre dans les Sept Couronnes, en commençant évidemment par sa propre maison. Mais, et si on l’avait fait revenir pour qu’il se réconcilie avec son fils ? La question ne l’avait évidemment pas effleuré consciemment.

Il n’était pas non plus un homme de regrets, loin de là. Ce qu’il disait était calculé, la moindre de ses paroles étudiée. Quand il avait prononcé les mots que lui rappelait Tyrion, cependant, il avait été d’une effroyable honnêteté, pris de cours par la présence d’un carreau d’arbalète dans son estomac et la douleur qui l’accompagnait. Ce qu’il avait toujours pensé, mais qu’il refusait d’admettre, pour le bien de sa famille et de sa maison. Tywin avait fait de son mieux pour empêcher la chute de la Maison Lannister, et c’était Tyrion qui l’avait reconstruite. Quelle ironie.

Son fils évite son regard. Alors, ses propres yeux se tournent vers l’objet de son attention. Le tombeau de Jaime. Son fils, qui avait brisé tous ses serments, ainsi que l’ultime tabou, et mis au monde trois enfants avec sa soeur jumelle. S’il était revenu lui aussi, il ne fait aucun doute qu’il aurait dû faire face à la colère de Tywin. Mais le vieux Lion s’était résolu. Il ne pouvait plus changer le passé, et n’avait aucun doute que les livres, écrits par son seul descendant survivant, ne contenaient que la vérité. Tyrion et Jaime avaient toujours été proches. Quand Tywin les voyait ensemble, enfants, il se revoyait avec son propre frère Kevan, à leur âge. Mais cela faisait des années que Tywin ne s’abandonnait plus à ce sentiment de nostalgie, rendu aigri par l’âge et les épreuves.

La provocation de Tyrion ne l'atteignit même pas, quand il passa sa main sur le nom de son défunt frère. La colère que Tywin ressentait, à cet instant, n’était pas dirigée contre ses enfants. Elle était intérieure. Oh, le grand Lion ne se blâmait pas, non. Il était bien trop fier pour cela. Non, sa colère n’avait pas de cible véritable, car blâmer des dieux dont l’existence était un mythe semblait bien trop simple. Il savait que la chute de sa maison était partiellement sa faute. Que son fils, en qui il avait toujours placé de grands espoirs, n’a jamais partagé son rêve. D’un coup, Tywin ressentit tout le poids de l’âge, ainsi que de ses actes, et s'affaissa une seconde, avant de se redresser quand Tyrion le regarda.

« Believe it or not, but I am relieved that our name still exists. Even though it is thanks to you. What desolates me even more is that your brother and sister died an unfair, selfish death, I thought I taught them what mattered most. It appears that I was wrong. »

Le regard de Tywin, encore une fois, se dévoila de cette lueur froide qu’il avait toujours réservée à son dernier-né. Maintenant que sa femme était de retour, il constatait à quel point il tenait d’elle. Et pourquoi elle continuait à l’aimer. Joanna était la seule capable de briser sa carapace, mais Tyrion avait toujours eu un don pour l’effriter également.

« I am not here to make excuses. But for your mother, our family and our house, I wish to reconcile with you, Tyrion, because you are my only son alive, and you and I are - were - very much alike. »

Ces mots, combien de fois les a-t-il pensés, sans oser une seule fois les prononcer ? Tywin était tellement borné qu’il pensait qu’il pourrait faire changer son fils. Mais une vie passée à se faire rabaisser et insulter n’était pas une vie. Tyrion avait en lui la flamme de la défiance, et il tenait cela de Tywin. Ce n’était certainement pas lui qui allait donc l’éteindre. Et peut-être pour la première fois en des années, il prenait ses précautions pour ne pas la raviver.