「counting the lightnings 'till the storm」(ft. Elenda Baratheon)

Pierres noircies et cendres. L’odeur vous prenait au tripes, même après tout ce temps passé et les trombes d’eau déversées par les orages sur la forteresse en ruine depuis que Moonstranger avait détruit la demeure millénaire et imprenable des Durrandon. Passée la peur, le choc, la stupeur, la fureur s’était emparée d’Elenda. Certes, mais que faire face à la Reine Targaryen autoproclamée, aller se jeter toutes lances dressées dans la gueule du dragon ? Le sang des impétueux cerfs couronnés coulait dans les veines d’Elenda et elle y songea, bien sûr, mais c’était de la folie, du suicide et elle y avait renoncé dès lors qu’elle avait entraperçu, dans le feu de sa colère, les conséquence d’une telle déclaration de guerre. Pourtant, la provocation d’Argilac n'était rien face à celle de Visenya, quelques mots quels qu’ils furent ne valaient pas un tel déchainement de violence n’est-ce pas ? Mais si la Valyrienne avait manqué de peu de tous les faire brûler vifs, la Baratheon en voulait à ce vieux fou qui lui servait d’ancêtre, pourvu qu’Argella retienne sa plume la prochaine fois qu’il lui manquerait de réveiller le courroux du dragon. Depuis, sa fille devait le maintenir sous surveillance et le garder aussi éloigné que possible du moindre corbeau pendant que la reconstruction d’Accalmie s’organisait peu à peu et que la Suzeraine tentait de ravaler sa fierté pour faire ce qui était le mieux pour l’Orage et pour son peuple.

Sise à la fenêtre de sa chambre, Elenda observait les nuages se rassembler, obscurcissant le ciel et agitant la mer. Elle avait toujours aimé voir les éléments se déchainer, mais là, l’Orage s'annonçait ne faisait que réveiller la furie qu’elle tentait de calmer depuis des jours, alors elle ferma les yeux, essayant de desserrer les dents tout en caressant le pommeau de l’épée qu’elle portait désormais au côté tout le jour et avec laquelle elle dormait depuis cette terrible nuit. Au moindre bruit, elle se réveillait en sursaut et dégainer la lame forgée pour elle, tenant fermement le pommeau doré aux branches gravées des andouillers Baratheon et à l’onyx noir scellé en son extrémité. Le jour elle semblait plus calme, mais elle portrait une armure de cuir noir aux entrelacs dorés par dessus sa robe en brocart noir et or et ne se séparait plus de son arc. Quant à son puissant destrier noir à la crinière fournie, Sombre Orage, il restait sellé en permanence, alternant avec son coursier gris, Cumulonimbus ou son palefroi Isabelle, Tempête dorée. Les sept soient bénis d’avoir permis de sauver presque tout le monde, Baratheon, et également une grande majorité des serviteurs et soldats, si elle pouvait pardonner la destruction, elle n’aurait pas pu pardonner la mort des siens. Puisse la Mère protéger Lord Stannis car s’il lui arrivait le moindre mal, Elenda n’était pas sûre de pouvoir retenir plus longtemps sa violence vengeresse et encore moins celle des Orageois qui déjà grondaient et se levaient contre Visenya.

Des coups à la porte la firent sursauter et sans même s’en rendre compte, saisir la poignée de son épée qu’elle relâcha aussitôt qu’elle entendit la voix d’Argella.

__ Bien sûr, entrez Lady Argella.

Elle se tourna vers son aïeule devenue sa Dame de Compagnie, le changement dû à cette nuit de cauchemar était notable chez elle autant que chez Elenda qui tenta un sourire se voulant rassurant, mais la peur qui planait sur Accalmie et sur tous les Baratheon, sur tout l’Orage en vérité, restait palpable. Elle s’avança pour prendre la missive.

__ Merci votre Altesse.

La brune aux yeux azur ne pouvait pas s’en empêcher. Elle qui avait si bien étudié ses leçons avait trop de respect pour ses ancêtres et n’avait pu se défaire de l’habitude de les appeler par leurs anciens titres. C’était pourtant bien étrange d’appeler sa suivante Altesse, surtout qu'elle n’était elle-même que Suzeraine, mais en ces circonstances, elle n’aurait pu rêver meilleur entourage pour affronter l’adversité que les héros revenus du passé grâce au sacrifice des adeptes de Trios. Et c’est ce qu’elle leur avait dit au lendemain de la tragédie devant les ruines encore fumantes d’Accalmie, merci d’être là, merci d’être la famille qu’elle n’avait jamais eu, même à Argilac, après lui avoir hurlé dessus cependant.

__ Bon. Que dit cette lettre ?

Fit la Baratheon en brisant le cachet de cire verte avec une moue dubitative avant de dérouler le parchemin, fébrile.

Elenda avait été plus que ravie de mettre fin à sa solitude qui, bien que relative, avait toujours été pesante, en laissant entrer dans sa vie et dans sa demeure, les héros revenus du passé. Pour elle, Argella était de ceux qu’elle admirait le plus avec Argilac, un Roi et une Princesse, des Durrandon, avant que le monde ne bascule sous le joug tantôt prospère tantôt tyrannique des Targaryen. Elle avait lu tant d'histoires sur eux, elle s’en était même inventé, un tas, trop probablement pour avoir une vision claire de qui ils étaient. Aussi, même si elle assumait sa position de suzeraine pleinement, par devoir, elle avait un mal fou à ne pas faire montre d'une grande déférence à leur égard. Ainsi, lorsqu’Argella la repris, elle baissa la tête avant de la secouer en plissant le nez comme si elle venait de goûter un sanglier trop faisandé.

__ Je n’y arriverais pas, je crois que je n’y arriverais jamais.

La Baratheon se racla la gorge pour reprendre contenance et lut la missive qui lui était adressée. Peu à peu, ses yeux s’ouvrirent jusqu’à former deux billes pleines d’étonnement et d’un brin, juste un brin, de colère.

__ Par les Sept !

Peut-être plus qu’un brin pour qu'elle se mette ainsi à jurer sur les Dieux.

__ Sous mon autorité ? Je vais lui faire voir où je lui carre mon autorité !

Certainement plus qu’un brin oui, le fait qu'elle devienne grossière était un signe évident que l'Orage grondait. Et ses yeux à présent ne reflétaient plus l'étonnement mais la tempête. Elle émit une sorte de grognement en posant brusquement le parchemin sur son bureau, tournant le dos à Argella, puis, elle se retourna et leva la tête. La vision de la Princesse la stoppa dans son élan.

__ Pardonnez moi Ma… Argella.

Elle souffla par le nez à la manière d’un cheval qui renâcle et fit non de la tête.

__ Non, je n’ai envoyé personne et si cela est vrai, alors je ne peux tolérer qu’ils agissent en mon nom de si vile manière.

Prenant appui sur le bureau, elle regarda le parchemin comme si elle essayait de le brûler du regard.

__ Je lui répondrais quand je serais calmée. Quant à ce… malentendu, il me faut le régler avant que la Couronne réplique.

Se retournant, elle fit à nouveau face à son aïeule.

__ Je partirais demain dès l’aube pour rattraper les vassaux qui sévissent sur les terres de la couronne et les faire rentrer au bercail. J’ai besoin de quelques hommes et je serais honorée que vous veniez avec moi. Deux Baratheon valent mieux qu'une quand il s’agit de calmer les ardeurs des Orageois, n’est-ce pas ?

La jeune biche eut un petit sourire en coin, elle ne connaissait que trop bien son peuple, fait du même bois qu’elle, ou plutôt que de bois, fait de pierre, la même qui formait les Montagnes Rouges et les falaises de la côte de l’Orage. Elle comprenait leur colère et si tout un Royaume n’avait pas compté sur elle pour éviter de finir entièrement brûlé sous le feu dragon, elle aurait certainement pris les armes elle aussi, après l’attaque de Visenya sur Accalmie. Mais voilà, elle devait préserver son peuple et ses terres et se montrer raisonnable. Elle avait des coups de sang, terribles parfois, mais ils passaient et après, elle réfléchissait à la meilleure solution.

__ Je vais également écrire aux Seigneurs de l’Orage pour tenter de les ramener à la raison.

Pourquoi fallait-il que gouverner soit si compliqué et surtout, pourquoi fallait-il que leur avenir repose sur ses frêles épaules. Pas si frêles cela dit, elle qui maniait l’arc comme personne et l’épée, même si sa technique laissait à désirer. Mais elle était jeune et elle était naïve, croyant en la loyauté de ses sujets et de ses Seigneurs et en leur obéissance. Peut-être avait-elle eu tort, cette missive le prouvait en quelques sortes. Or, elle se rendait bien compte que, peut-être sa venue ne suffirait pas et elle n’avait aucune idée de comment régler le problème. Fallait-il user de diplomatie ou d'autorité ? Était-ce bien prudent de n’y aller qu’avec une petite escorte ? Et en même temps y aller avec une armée prendrait trop de temps et pourrait être vu par Lord Crane comme une attaque de plus grande envergure et la confirmation de ses craintes. Tout cela tournait dans la tête et elle fixait Argella sans la voir, mais elle avait grand besoin de soutien et de conseil dans cette nouvelle épreuve.

__ Qu’en pensez-vous Prin… Argella ?