Il avait cessé de pleuvoir depuis une quinzaine quand Argella fixa le ciel à sa fenêtre en ce début de soirée. La nouvelle année était juste à quelques heures d'eux, mais la l'épouse d'Orys avait préféré se retirer dans ses appartements pour se reposer. Il y avait un espèce de calme agréable dans l’air, presque hors du temps, un de ceux qui apaisait toujours la lady de la maison Durrandon, quoiqu’elle eût décidé de se faire appeler Argella Baratheon depuis une lune et demie. Son regard fichait l’horizon et les couleurs changeante du ciel, observant le rose coulé dans le jaune qui disparaissait à son tour dans le bleu du soir qui annonçait le crépuscule et le levé de la lune. Bientôt, il lui faudrait vêtir sa robe de nuit et peut-être que la jeune femme feuillèterait quelques livres passionnants sur l’histoire des siècles derniers.

Parmi ses lectures préférées se trouvaient celles qui comptaient les aventures de femmes telles que Lyanna ou Arya de la maison Stark ou encore celle de Brienne de Torth, quoique l’orageoise cru bon de ne pas dire à son descendant et ami, Stannis, que celle qui l’avait tué faisait partie de ses héroïnes. Des histoires plus récentes, la brune s’était passionnée de l’histoire des Îles de Fer qui, d’après les rumeurs, ne comptaient pas ployer le genou face à la fausse reine de Peyredragon au profit des reines Alysanne et Alarra de la maison Fléaufort. Il semblait qu’une guerre se profilait à nouveau, une de celle qui scellerait nombres de destin et par chance, Argella se tiendrait loin de celle-ci.

Quand elle se recula, il lui fallut quelques longues minutes pour se défaire de sa robe et des nombreux jupons qu’elle portait. Il fallait avouer que la jeune femme trouvait sa tenue de soldat plus confortable que les corsets et les coquetteries de femmes. Pourtant, on disait que Visenya Targaryen portait autant l’armure que la robe et pour cette raison, la lady Baratheon se tenait toujours prête à enfiler l’un et l’autre de ses costumes pour combattre ou converser, quoiqu’elle n’eût jamais connu de réels combats dans la vraie vie. Argella soupira en s’enroulant dans sa robe de chambre et ses mains caressèrent les vêtements d’homme qu’elle porterait demain matin pour sa routine quotidienne.

Argella aimait s’habiller comme les jeunes soldats qui s’entrainaient sous le regard attentifs des lords de la forteresse. Ses traits féminins et sa petite taille faisaient difficilement d’elle un homme, mais elle pensait s’être endurcie. Elle s’était endurcie en chutant dans la boue, en courant sous la pluie, en chassant le gibier sans chien, autant de choses qu’elle ne s’était pas imaginé faire dans sa vie précédente ou même à son retour à la vie. Elle avait été une princesse après tout, puis une lady dans un joli château, une bonne épouse et une mère inquiète, jamais une guerrière ou une aventurière.


Un sursaut la prit quand elle se réveilla dans son lit. Elle ne s’était pas rendu compte qu’elle s’était endormie et Argella se redressa en chassant le sommeil de ses yeux. Il y avait un vacarme monstrueux dehors qui venait de la réveiller et la lady eut besoin de quelques instants pour émerger. Et puis elle la sentie, chargeant l’air. L’orageoise sentit l’odeur familière de fumée qui annonçait le feu, un immense brasier que seul les dragons savaient produire et la brune poussa un cri en se précipitant hors des couettes.

“Orys ! Fuck… Oh, fuck, it’s happening.” Commenta-t-elle en observant par la fenêtre avant de s’habiller à toute vitesse.

Ses mains tremblaient en enfilant ses bas, son pantalon et sa chemise, se pressant pour enfiler son pourpoint en cuir, ses gants et ses bottes. Ses doigts se refermèrent ensuite sur sa dague avant que la dernière des Durrandon ne se mit à courir dans les couloirs enfumés d’Accalmie. Le cri d’un dragon lui arracha un cri de peur, pourtant, Argella continua sa course jusqu’à la chambre de son père. Argilac n’était plus là, cependant, et la jeune femme aida plutôt quelques gardes à faire sortir les servantes et les cuisinières. Et puis, quand la fumée commença à piquer ses yeux, l’ancienne princesse de l’Orage se jeta hors de sa demeure ancestrale, prise d’une toux terrible. Qui pouvait être assez monstrueux pour s'attaquer à des gens pendant la fête de la nouvelle année? Visenya était un monstre et le peu de respect que la lady Baratheon ressentait encore s'était entièrement évaporé pour ne laisser place qu'à une haine indicible.

Son visage était noirci par la suie, mais son apparence ne comptait pas, à cet instant. Accalmie brûlait et au-dessus d’eux, une immense bête volait de ses ailes blanches pour détruire tout ce qu’ils avaient connu comme si cet endroit était Harrenhal. Et ce fut à ce moment que son regard tomba sur Stannis. De tous les visages ici, il était une vision de soulagement et Argella courut jusqu’à lui pour le serrer un instant dans ses bras, soulagée.

“Are you alright? Are you hurt? Gods be good, those bastards are trying to burn us alive. We need to do something, or Storm’s End will finish like Harren the Black’s castle.”

Sa main serra le bras de Stannis, son regard alerte sur le paysage sombre veiné de rouge et de braises qui les entouraient. C’était comme si elle revivait sa jeunesse à nouveau et qu’on lui arrachait tout ce qu’elle avait toujours connu. Seulement, cette fois, Argella n’était plus une gamine naïve et incertaine de ce qu’elle devait faire ou dire. Après le dernier passage du dragon, la brune observa son descendant.

“Please, tell me you have a plan. You’re the greatest commander I know, tell me what to do.”

Peut-être faudrait-il qu’Argella lui dise que tout ceci était de la faute d’Argilac, qu’il avait envoyé une lettre à Visenya, de la même façon qu’il avait envoyé une lettre à Aegon le Conquérant et plongé les Sept Couronnes dans la peur et la guerre. Tout se répétait à nouveau, sauf que cette fois, les Targaryen ne gagnerait pas, pas ici en tout cas.