Son regard s’arrêta un bref instant sur une pierre placée là, légèrement noircie par l’incendie qui avait ravagé Accalmie quelques mois plus tôt. Combien de temps s’était écoulé depuis cette nuit?

Son voyage l’avait alors mené jusqu’à Port-Réal. Ville qu’il méprisait toujours, mais l’étonnante compagnie d’Alysanne Fléaufort lui aurait presque fait oublié ses plus noires pensées concernant cette citée où le vices régnait en maître, accompagné des tumultueux rappels d’un passé qui le hantait toujours, à chaque pas. Mais une nouvelle fois, la reine autoproclamée Targaryenne avait régné en terreur, et les Baratheon présents sur place, avaient dû quitter la ville défaite par la force presque divine de ces dragons. Cela avait sonné comme un nouveau rappel amère de son passé à vrai dire. Le voyant, à nouveau, devoir fuir la capitale en feu avec ses hommes. Son devoir envers sa maison était clair en lui, lorsqu’il avait remis le cap vers les terres de l’Orage et Accalmie. Mais cela ne fut pas sans un regard en arrière et une certaine amertume dans le regard.

Mais en ce jour, il était bien là, sur ses terres natales, à observer la forteresse ancestrale de sa maison être reconstruite et nettoyer de fond en comble. Pourtant, son esprit était ailleurs aujourd’hui. Une simple conversation avec Argella semblait tourner dans sa tête. Elle lui avait parlé d’une correspondance qu’elle avait pu tenir avec la princesse Myrcella Baratheon, fille légitime de son frère Robert, mais également fille bâtarde de son oncle, Jaime Lannister. Stannis tenait toujours une rancœur tenace contre les Lannister qui s’étaient joué de son frère aîné et avaient détruit leur dynastie naissante. Mais la mort avait pu adoucir certaines de ses pensées, et plus particulièrement ce retour à la vie et quelques rencontres qu’elle avait placées sur son chemin. Il savait que la princesse n’était pas comparable à son frère aîné, Joffrey Baratheon. Il savait aussi qu’il aurait certainement été injuste qu’elle paye le prix des crimes perpétré par ses véritables parents. Elle portait le nom Baratheon et avait été élevée comme tel. Et après tout ce qu’ils avaient vécus, il semblait raisonnable de penser qu’il était inutile de ressasser le passé et la véritable nature de son sang. Il l’avait certainement d’ailleurs particulièrement compris dans le regard d’Argella lorsqu’il avait pu évoquer quelques paroles sur son origine purement Lannister. De ce que lui avait laissé entendre son ancètre, la jeune femme souhaitait se rendre à Accalmie, mais elle voulait son approbation? Stannis Baratheon avait certainement été surpris de cette dernière phase. Pourquoi se soucier de son approbation, à présent? Mais une nouvelle fois, le regard de son ancêtre lui avait fait retrouver le parfait silence. Et depuis, il fixait le vide, pensant à cette conversation et à ce qu’il valait mieux en faire, ou pas. Finalement, il avait seulement pris un bout de parchemin avant d’envoyer un corbeau jusqu’au Fief des Lannister où se trouvait la jeune femme à en croire Argella.



La lettre envolée, il observa un instant le corbeau disparaître à l’horizon.Nu doute que l’ancien lui n’aurait jamais cru écrire de tels mots, mais il n’était plus le même homme. La guerre l’avait entaché plus profondément que jamais. La cruauté du désespoir aussi. Et si sa mort avait été libératrice, il était à présent de retour dans cette vie, et hanté par son propre passé, poursuivi par les fantômes de ceux qu’il avait laissé tomber. Ses traits semblaient toujours tirés, arrivait-il à dormir ? Ou était-il toujours tenu éveillé par les cris qu’il pouvait entendre dès qu’il osait fermer les paupières.

Il avait fait son devoir, le reste serait de son ressort. Il avait prévenu Argella avant de retourner à ses tâches habituelles. Cette lettre aurait presque pu lui sortir de la tête durant les semaines qui s’étaient à nouveau écoulées. Il appréciait de voir Accalmie retrouver de ses charmes, tant et sûrement qu’il aurait presque pu esquisser un sourire si cela n’avait pas semblé si peu naturel chez lui.

La nouvelle leur était parvenue quelques jours plus tôt, la Princesse Myrcella Baratheon se rendait jusqu’à Accalmie, et elle n’était plus qu’à quelques jours. Ce qui lui laissait tout le soin de ne pas se préparer à sa venue. Il aurait sans doute dû faire des efforts, mais finalement, moins il y pensait, mieux c’était. Ainsi, il ne tourmentait pas son esprit avec un passé qu’il tentait désespérément de laisser derrière lui. De plus, il y avait eu les nouvelles de la capitale. La mort de la reine. L’emprisonnement d’Alysanne. Ne rien pouvoir faire le rendait quelque peu fou, mais il tentait de rester concentrer sur le principal. Il avait déjà tant de problèmes sur les épaules, il tentait d’aviser en temps et en heure pour chacun de ces problèmes. Et finalement, bientôt, ce serait le fait d'accueillir convenablement sa nièce, la princesse Myrcella Baratheon. Il avait tenu des promesses auprès d’Argella qu’il regrettait déjà. Mais ce n’était pas comme s’il pouvait partir se cacher quelque part, les couloirs d’Accalmie étaient cruellement désert depuis la catastrophe qui avait bien faillit détruire à jamais leur héritage.

Lorsque son arrivée lui avait été annoncée, il avait jeté un coup d'œil par la fenêtre. Le soleil était haut en cette journée, il apportait autant de clarté que de chaleur. Et une légère brise venait apporter tout juste assez de fraîcheur. Il se releva de son assise, ajustant un instant sa tenue d’un simple mouvement de la main avant de partir jusqu’à l’entrée, bientôt suivi par son ancêtre. Quelque part, sa présence la rassurait. Car il n’était pas certain qu’elle serait particulièrement rassurée en sa seule présence. Il savait qu’elle était sa réputation à Port-Real durant la guerre des cinq rois.

Et il l’observa un instant, la mâchoire légèrement contractée avant d’ouvrir la bouche pour quelques paroles assez sommaire, sans réelle chaleur. L’homme apparaissait toujours assez froid, peu à l’aise en société et hanté au plus profond de son regard fatigué.



Ses mots lui semblaient toujours si peu naturels après tout ce qu’ils avaient vécu. Et il pouvait sentir le regard d’Argella sur lui. Il releva légèrement la tête, semblant ne pas réellement savoir comment poursuivre cette conversation.

L’on aurait pu entendre un profond tumulte en son for intérieur. Le Lord sortait de sa zone de confort, il n’était pas spécialement entraîné pour ça. Contrairement à ses deux frères, Stannis n’avait jamais été un homme avenant, ni même particulièrement aimable. Il était un être pragmatique, stratège et d’une honnêteté brutale. Tout ce qui ne plaisait nullement à la majorité du noble peuple qui le fréquentait et ne l’appréciait que très peu. Il était plus aisément à sa place sur une champ de bataille qu’autour d’une table à devoir faire la conversation, d’autant plus lorsqu’il s’agissait de femme. Argella avait réussi l’exploit, peu commun, de nouer une amitié sincère avec lui. Cela ne voulait pas dire qu’il était plus à l’aise en compagnies féminines qu’il n’avait pu l’être au cours de sa vie. Mais les circonstances étaient différentes que durant la guerre; et il lui semblait juste d'accueillir ici Myrcella en tant que Baratheon. Cette époque n’avait pas besoin de ces histoires de bâtardises, cette guerre des cinq rois n'était plus et sa nièce- quant bien même par alliance et non pas sang - n’était nullement responsable des actes de ses parents. Bien trop d’innocent avait périt sous le feu, le roi brisé n’était pas non plus le même homme qui avait mené toute ces guerres. Aujourd’hui, il était également un père qui tentait de renouer avec sa fille revenue, elle-aussi, de l’au-delà. Il tentait de réparer ce qui ne pouvait nullement être réparé; Alors, il faisait des efforts, songeant également que la présence de Myrcella pourrait être bénéfique pour Shireen qui devait à nouveau être bien isolé ici, avec nul autre jeune femme de son âge. Il ne doutait nullement de la bonté apparente de sa nièce - ce qui aurait semblé être un miracle vu sa famille - aussi, lui accordait-il une part de confiance, il savait qu’elle ne se montrerait nullement cruelle avec sa fille.

Le Lord semblait pourtant tout aussi tendu que nerveux. Ce qui le forçait à adopter cette posture assez habituelle pour lui, aussi droit qu’un I tel qu’un soldat en rang. Le Baratheon restera toujours ce commandant, chef d’armée. Il n’avait pas dû la voir venir, tant et sûrement, qu’il fut légèrement surpris lorsqu’il sentit une main se poser sur son bras. Son regard retrouva bientôt Argella, la seule femme qu’il aurait pu considérer comme une amie, et ce même, s’il n’avait jamais dû user de tel mot à voix haute. Il inspira longuement, relevant légèrement la tête.



Il arqua un sourcil, soutenant son regard pendant un bref instant. Il finit par contracter la mâchoire, soupirant un instant. Oh, cela allait être un désastre. Comment pouvait-il seulement imaginer accueillir chaleureusement sa nièce ? Cela ne lui ressemblerait assurément pas. Ils ne tarderont cependant pas à savoir comment tout ceci se déroulerait, l’on annonçait déjà l’arrivé de la jeune femme.

Le lord Stannis avait été le premier à la saluer. Oh, il était resté à distance, la saluant d’un simple signe de tête et non d’une poignée de main chaleureuse comme avait pu le faire son ancêtre. Mais cela ne lui aurait assurément pas ressembler. De plus, le simple fait qu’il l’appelle ouvertement sa nièce était déjà un pas dans sa direction. Dans leur autre vie, il n’aurait sans doute jamais fait preuve d’une telle ouverture vers elle. Mais aujourd’hui, la guerre n'est plus qu’un lointain souvenir enterré sous l’effet du temps. Et le Lord laissa Argella accueillir avec plus d’entrain la jeune femme, se contentant de faire un pas en arrière, les bras croisé dans le dos. Il ne semblait nullement à sa place, mais il ne fuyait pas. Non, il avait promis de faire des efforts, il les ferait. Quand bien même, il aurait préféré retourner sur le terrain d'entraînement. Il avait seulement brièvement reprit la parole à la remarque de la jeune femme concernant son titre.



Tournant finalement la tête vers l’horizon, l’homme sembla rattraper la conversation lorsque Argella l’interpella directement. Il arqua un sourcil à sa question, semblant incertain de ce qu’elle attendait de lui.



Il tourna alors les talons, commençant à avancer vers l’imposante entrée. Peu coutumier de galanterie, il ne fit nullement prier à entrer en premier, se tournant pourtant finalement vers les deux femmes qui le suivaient, s’adressant enfin à Myrcella.



Se faisant, il lança un bref regard vers Argella, comme pour y trouver une certaine forme de renfort. Ses paroles n’étaient nullement empruntées d’une chaleur particulière, mais il était tout aussi sincère que honnête. Cela n’était nullement anodin pour lui d’évoquer ici son unique fille. Il y avait toujours un profond mal être au fond de son regard, cet homme était hanté par son passé, par tout ce que ce destin lui avait pris, par tout ce qu’il avait été forcé à faire, à laisser faire. Ses fantômes étaient si nombreux. Il détourna bientôt le regard, reprenant sa marche.



Suivait-il actuellement les conseils de son ancêtre pour le début de cette visite. Oh, il savait que tout ceci n’était qu’un possible début d’une toute nouvelle perspective. En accueillant ici Myrcella, elle tirait définitivement un trait sur cette maudite guerre qui avait détruit leur famille. Et tandis qu’ils longeaient toujours les différents couloirs, Stannis observait à certain endroit les traces de l’incendie. Puis vint une porte, et une imposante pièce où trônait une table en bois dont l’épaisseur trahissait la solidité.



Le lord inspira longuement, longeant bientôt la pièce pour trouver une place sur la table. Il avait choisi de s'asseoir au niveau du premier coin de la table, le plus proche. Et comme pour sa posture debout, il se tenait déjà particulièrement droit sur cette chaise. Il n’avait pas proposé cette perspective sans raisons, il était l’heure de manger, et les servants du château amèneraient sans doute bientôt quelques plats.