"Deep down, you hide a reason for shame." Ft. Ceryse Hightower

D'aussi loin qu'il se souvienne, Hoster n'avait jamais apprécié Port-Réal. L'impression d'y étouffer était constante, les bâtiments parlaient d'eux-mêmes des siècles de politiques terribles, de complots et de trahisons ; sans mentionner l'odeur nauséabonde que dégageait la ville.
Il s'y était peu rendu au cours de sa vie et à présent, il y était prisonnier. Prisonnier de son propre fait... Personne ne l'avait forcé à ployer le genou, lui rappelait une voix qui ressemblait en tout point à celle de Ceryse.
Non, il était vrai. Il aurait pu continuer à se battre, il aurait pu refuser de ployer le genou, refuser de soumettre les Conflans mais à quel prix ?
Quand il retournait encore ce moment précis dans son esprit, c'était le visage de Florian qui le hantait, son pauvre enfant qui avait tenté désespérément d'avoir l'air brave et serein malgré sa vie menacée, malgré ses seules une et dix années de vie... Mais les traits de son visage avaient trahi toute sa peur...
Hoster s'était rendu, il avait ployé le genou pour épargner son fils, pour épargner sa propre vie, pour épargner plus grande humiliation encore aux Conflans. Ce n'était pas ce qu'il voulait, il savait très bien en baissant la tête à cet instant-là qu'il serait un prisonnier à tout jamais sous la coupe de Visenya Targaryen et de ses partisans, qu'il renonçait à sa liberté et son libre-arbitre mais s'il avait résisté... Florian serait mort, lui-même aurait certainement rejoint l'Étranger et que serait-il arrivé alors ?
Sa région ne serait pas mieux servi... Et Ceryse, et leurs filles ? Que leur serait-il arrivé ?

Il avait consenti à servir de pantin pour protéger son fils, il s'était sans doute montré faible et égoïste, mais il n'était qu'un homme, il n'avait jamais prétendu être vertueux comme les Stark ou les grands héros de leur histoire.
Oh et pourtant, que la plaie était cuisante en lui, que la faiblesse était terrible à porter. Il sentait les regards de ses bannerets et de ses conseillers, il sentait les doutes et les reproches parfois, il était encore plus terrible de le supporter quand Florian était retenu comme otage sous la surveillance directe de Visenya et que Ceryse avait trouvé refuge dans le Bief avec leurs filles, le laissant seul, sans aucune nouvelle directe de sa main, si ce n'est celle qu'elle était en vie et en sécurité avec Lanah et Sharra.
L'humiliation avait été cuisante ; se battre sous les drapeaux de Visenya Targaryen, conquérir la capitale en son nom, laisser son armée à son bon vouloir. Tout du long, il en avait serré les dents mais l'idée de maintenir Florian en vie avait été plus vivace que tout, l'injustice qu'il ressentait pour tout ça l'avait aidé à affronter cette épreuve, à garder sa vie sauve et à s'emparer de la ville pour cette garce de Targaryenne.

Mais les Dieux semblaient parfois ne pas toujours rester sourds à l'injustice des hommes. Ils donnaient, tout ne reprenant si aisément.
Visenya Targaryen, première de son nom, avait certes réussi à s'emparer de Port-Réal et s'était proclamé reine des Sept Couronnes. Mais son arrogance et sa nature de sauvage avait été punie sept jours plus tard, et Hoster croyait en l'ironie de la chose ; assassinée.
S'il était profondément satisfait du sort qui l'avait rattrapé, il valait mieux néanmoins cacher ses sentiments. Maegor Targaryen était une brute agaçante, arrogante et dangereuse, fidèle en tout point au portrait de la Cruauté que lui prêtaient les livres d'histoire mais un homme restait souvent un fils, et était-ce véritablement par affection pour sa mère ou par fierté, Hoster ne saurait le dire, mais ce dernier était sur le chemin de la vengeance.
En quelques heures à peine, Port-Réal s'était transformé en un véritable enfer, aux moins de Maegor Targaryen et son chien de garde, Alyssa Targaryen.
Les interrogatoires allaient bon train et les révélations s'enchaînaient, notamment avec la mort de Ser Garth Flowers. L'étau se resserrait très certainement autour du meurtrier et Hoster plaindrait presque le responsable, car il n'y avait nul doute que Maegor Targaryen déchaînerait sur lui les Sept Enfers et plus encore.
Parfois, il songeait que sa propre vie était en danger et on ne pouvait pas dire que les soupçons l'épargnaient. Hoster était même étonné qu'il n'ait pas été plus sévèrement interrogé mais son inquiétude n'allait pas directement à sa propre vie, elle allait plutôt à Florian ; elle allait à Ceryse. Les bruits de couloirs lui prêtaient un rôle dans ce meurtre... Et Hoster peinait à y croire, il savait ces rumeurs fausses mais qui sait ce qu'un esprit dérangé comme celui du Cruel ou d'Alyssa Targaryen pouvait bien choisir de croire ?
Verser le sang d'une innocente ne les dérangeait en rien, qui plus est, tant qu'ils avaient des réponses. Ou qu'il pouvait apaiser leur soif de sang...

Hoster se languissait de retourner dans les Conflans mais cela lui était impossible. Non seulement, les résidents du Donjon Rouge avaient été soigneusement priés d'y rester le temps que la situation se détende et que le meurtrier soit attrapé et puni, mais Hoster savait pertinemment que partir le rendrait coupable. De plus, il ne pouvait pas partir sans Florian, et ce dernier demeurait le page de nul autre que Maegor à la suite de la mort de sa mère.
Il lui était forcé de subir Port-Réal et son climat d'incertitudes et de dangers. Pour réconfort, il savait au moins Ceryse et leurs filles en sécurité dans le Bief, du moins jusqu'à quelques jours.
La veille, un corbeau l'avait prévenu que Ceryse arrivait à Port-Réal et il ne savait pas s'il était content de revoir son épouse, ou s'il était inquiet de la savoir ici, dans cette fosse aux serpents et aux fous, quand son nom était évoqué dans la liste des suspects.

Il n'avait pas dormi de la nuit et lorsque Ceryse fut accueillie au Donjon Rouge, le suzerain des Conflans était déjà prêt à l'accueillir lui aussi. Les portes des salons privés qui lui avaient été attribués s'ouvrirent sur sa femme et ses filles, que leurs nourrices traînaient avec elle.
Sharra lâche immédiatement sa nourrice pour courir jusqu'à lui et Hoster jurerait qu'elle a bien trop grandi quand il la prend dans ses bras et l'embrasse, quand il fait de même avec sa sœur qui s'approche plus timidement.
Un instant, il se permet un peu de faiblesse et se délecte de la douceur que lui apporte les jumelles, il leur sourit même avant de relever les yeux vers Ceryse.
Une année s'était écoulé et il avait pourtant l'impression que cela faisait des siècles. Sa première inspiration fut celle de la prendre dans ses bras ; comme le preux chevalier qui retrouvait sa bien-aimée après avoir guerroyé pendant trop longtemps, mais Hoster savait depuis longtemps que cette illusion avait été détruite et balayé dans le cœur de son épouse, il y avait contribué...
Oh, il se languissait de l'amitié qu'ils avaient construit, de l'affection sincère qu'ils avaient établi, mais il savait très bien que Ceryse lui en voulait, il savait ce qu'elle pensait et il savait aussi que c'était l'une des raisons qui l'avait retenu dans le Bief depuis Harrenhal : elle le blâmait d'avoir ployé le genou, elle le blâmait d'avoir été incapable de résister et de faire ce qui aurait dû être fait selon elle.

Alors, Hoster ne bouge pas. Il garde ses filles contre lui et fixe son épouse, lui laisse décider la façon dont elle veut le saluer. Au fond, n'est-ce pas ce que Ceryse a toujours fait ? Décider.

« Was the road safe ? »

C'est là tout ce qu'il trouve à dire, stupidement, en caressant doucement les cheveux de Lanah.