"How am I gonna be an optimist about this ?" Ft. Myrcella Baratheon

Il y avait des jours où Tyrion regrettait parfois d'avoir hérité aussi péniblement de sa position de suzerain. Si seulement cette épidémie n'avait pas décimé ses terres et sa famille, son frère serait devenu suzerain, il aurait élevé et aimé sa fille comme il faut, rien de tout cela ne lui incomberait... Et lui... Il se demandait s'il aurait eu la force d'échapper à l'influence néfaste de Wylla si la vie de Jocasta et si la région n'en avait pas dépendu...
Mais il n'aurait pas tant de vies, tant d'enjeu entre ses mains. Depuis le temps, il s'était pourtant habitué à la charge que cela représentait de diriger la maison Lannister, de diriger les Terres de l'Ouest mais ces derniers temps, les doutes et la pression revenaient l'accaparer plus fort.
Il fallait dire que tout ce qui les frappait dernièrement prêtait sans aucun doute à peser sur son esprit et son moral. Il y avait le retour des morts auquel il fallait s'adapter. Si Tyrion avait ouvert ses portes à ses ancêtres, il n'en restait pas pour le moins méfiant et ne pouvait que se demander où tout ce chaos allait bien pouvoir tous les mener.
Et à présent, il ne voyait que la guerre qui s'annonçait en la personne de Visenya Targaryen et les dommages causés dans le Bief et les Conflans.

Mais à un niveau plus personnel, Tyrion avait également été ébranlé par le retour de sa nièce Jocasta. Il l'avait cru morte pendant près d'une année, il l'avait pleuré et avait fait son deuil pour la voir finalement revenir en piètre état, traumatisée... Du moins, au premier abord.
Car Tyrion n'était pas un imbécile. Il y avait, à son sens, des points de doute dans le récit de sa nièce. Au fond de lui, il savait la vérité, laquelle était que Jocasta avait bel et bien perdu la vie et qu'elle était revenue avec le reste des morts grâce aux fidèles de Trios, et non pas restée captive comme elle le prétendait.
Qu'avait-elle inventé d'autre ? Il n'osait l'imaginer. S'il avait des doutes, il n'en avait fait part à personne, pas même à la principale concernée. Il n'avait pas besoin de le faire pour que la situation au sein des Terres de l'Ouest devienne déjà infernale. Il y avait ceux auprès de qui Jocasta murmurait pour défendre sa position et son héritage et il y avait ceux qui ne voyaient en elle qu'une gamine inexpérimentée, une inconnue qu'ils dédaignaient à reconnaître comme une potentielle suzeraine.
Qui pouvait-il blâmer réellement ? Tous avaient leurs raisons et à dire vrai, s'il y avait un principal fautif dans cette histoire, ça devait être lui.
Il avait abandonné Jocasta. Il avait refusé de le voir pendant longtemps mais c'était on ne peut plus vrai. Après la mort de leur famille et ce qu'il avait fait à Wylla pour la sauver et se libérer, il avait été forcé de se donner entier à leurs terres pour sortir la tête de l'eau après cette épidémie et cette hécatombe... Et puis, il avait eu sa propre famille. Jocasta avait été fiancée, puis mariée...
Oh il y avait bien eu cette courte période où elle avait agi en tant que suzeraine oui, après sa majorité et pourtant... Ça avait été si court et elle n'avait pas été aussi prête qu'elle aurait pu l'être. Il avait négligé son apprentissage, et finalement, Axell Hightower avait trouvé la mort, laissant Donnel comme héritier du Bief et Jocasta s'en était allée avec lui. Avec le recul, il aurait dû refuser.

Mais il n'en avait rien fait et Jocasta était partie. Et il avait assumé le rôle de suzerain de nouveau. Comment blâmer Jocasta pour la pensée qu'il tentait de l'usurper depuis tout ce temps ?
Pourtant il tente surtout de la protéger aujourd'hui. Elle n'était pas prête à devenir suzeraine et encore moins dans les instants qu'ils vivaient. Si la guerre frappait, elle serait responsable de tout et il préférait repousser ce moment-là. Il savait bien qu'il devrait avoir cette discussion avec sa nièce, l'assagir mais Tyrion la repoussait. Il restait dans l'ombre à prétendre ne voir ni les manigances de sa nièce derrière son portrait d'ange, ni n'entendre les murmures de trahison de certains seigneurs à ses oreilles.
Le climat tendu du royaume n'arrangeait rien. Il savait que Jocasta jouait un jeu dangereux avec ses opinions et les alliés qu'elle cherchait à se faire quand lui s'évertuait à essayer de rester neutre ; une position de plus en plus difficile à maintenir, il devait l'admettre.
Quelques jours plus tôt cependant, Tyrion s'était entretenu avec son ancêtre, le nain Tyrion et ce dernier lui avait soumis une demande concernant sa propre nièce qui avait donné une idée au suzerain.

Ce matin, il avait donc demandé à un page de quérir Myrcella Baratheon, ou Lannister selon les rumeurs qui n'avaient plus vraiment d'importance ici et maintenant, et de la conduire jusqu'aux bureaux qui étaient les siens.
Lui s'y trouvait déjà, installé à son bureau en parcourant les registres financiers du Roc et de ses seigneurs. Depuis quelques temps, il lui devenait de plus en plus délicat de parier sur l'avenir qui serait, et la guerre semblait s'annoncer de plus en plus, notamment avec les évènements récents qui avaient ébranlé Harrenhal.
Qui sait ce que Visenya Targaryen préparait à présent.
Il ne relève la tête des chiffres que lorsque son page tape quelques coups à sa porte et annonce la jeune lady Myrcella. Tyrion abandonne alors son labeur et se lève pour l'accueillir.

« Lady Myrcella, please sit. »

Tyrion l'encourage à prendre place sur l'un des deux canapés confortables qui composent une partie de la pièce, séparés par une petite table sur laquelle une domestique pose un plateau de miniardises avec du thé avant de repartir en refermant la porte.

« I hope your stay in Casterly Roc is pleasant to you. It is my understanding that you had never been here during your precedent life ? »

Il s'installe lui-même face à elle, pousse vers elle l'une des deux tasses qui ont été servi par la servante avant son départ, attendant sa réponse.

Il était vrai que depuis son arrivée à Castral Roc, Tyrion n'avait pas vraiment accordé d'attention particulière à la jeune lady Myrcella. Non pas qu'il soit réfractaire à sa présence ou qu'il en soit ennuyé, il avait simplement été occupé autre part et avait préféré laisser son épouse s'occuper des revenants.
On pouvait donc effectivement considérer que cela pouvait paraître étrange qu'il la convoque à présent dans ses bureaux, tout du moins, intimidant. En s'en rendant compte, Tyrion avait préféré détendre l'atmosphère et avait fait apporter ces mignardises et le thé. Il s'en retrouvait fort satisfait à présent, il n'y avait aucune intention de sa part d'effrayer son invitée.

Elle ne semblait pas effrayée, heureusement. Tyrion s'enquiert de ses sentiments quand à sa présence ici, quand à ce qu'elle pense du Roc. Au fond, il sait que cela ne doit pas être aisé. Ça ne le serait pas pour lui en tout cas, s'il devait revenir d'entre les morts dans plusieurs siècles.
Ajouter à cela toutes les rumeurs qui avaient attaqué Myrcella et sa fratrie dans les dernières années de sa vie... Mais que ces rumeurs soient fondées ou non, aujourd'hui ça n'avait aucune importance aux yeux du royaume, et cela ne changeait rien au sang des Lannister qui coulait dans les veines de la petite lionne qui lui faisait face. Elle était ici chez elle et le suzerain était satisfait d'apprendre que son retour se passait bien, qu'elle le trouvait plaisant.

« I can only imagine what it feels like. I am glad you come to like your stay here and that you are satisfied of our welcome. »

La lady Myrcella était une jeune fille grâcieuse. Elle avait dû faire bien des envieuses durant sa première existence, peut-être en ferait-elle encore dans cette vie-ci. L'on prêtait bien des défauts à la femme qui l'avait engendré mais en l'observant à cet instant, Tyrion ne voyait aucun d'eux chez sa fille. Elle n'était pas seulement gracieuse, elle était charmante et polie, bien élevée et douce. Une vraie lady.
Mais cet aspect ne semblait pas composer entièrement sa personnalité, aussi l'avait-il comprit quand son oncle était venu lui demander la faveur de trouver de quoi occuper sa nièce. Il semblait en plus de cela qu'elle ait un certain don pour surprendre et amuser son monde.
Sa remarque le fit sourire doucement, tandis qu'il haussait un sourcil, secouant doucement la tête.

« I don't recall I have ever heard the comparison, but your uncle has lived a very long time before me. It is not surprising that no one would have notice it. »

Un doux ricanement échappe au suzerain toutefois comme il incline légèrement la tête.

« But the compliment shall be kind. I've heard many things about him. »

Des mauvaises bien entendues. Mais pas que. Jaime Lannister était un exemple de ce qu'un homme pouvait être de bon et de mauvais à la fois, en tout cas dans les terres de l'Ouest.

« You must wonder why I summoned you today, don't you ? »

Son sourire s'élargit encore un bref instant avant que Tyrion ne laisse s'échapper un fin soupire et ne dévoile ses intentions.

« Your uncle has told me you would like to find yourself occupied, he mentioned your life in Dorne too. I'm not sure I can help you find the same occupations that were yours back then but I might have something to keep you busy. »

Au contraire de la jeune lady, Tyrion n'avait fait aucun geste encore vers le thé jusque-là. Il se pencha légèrement pour attraper sa tasse, jouer un peu avec le contour, avant de reporter son attention sur son interlocutrice.

« Would you like to hear about it ? »

Myrcella Baratheon était en tout point comme de rares ouvrages la décrivaient : une vraie lady, polie, courtoise et de ce qu'on qualifierait certainement de docile.
Tyrion n'avait certainement pas énormément de tâches à lui donner, mais il comprenait qu'elle puisse vouloir s'impliquer, la discussion avec son ancêtre, le premier Tyrion, lui avait fait réfléchir à ce sujet et il pouvait néanmoins lui confier quelque chose, des tâches qui l'occuperaient et lui donnerait certainement l'occasion de mettre à profit certain de ses talents, ou au moins de se rendre utile.
La proposition qu'il lui laisse entendre semble au moins l'intéresser, comme il s'y attendait et le suzerain laisse son visage s'éclairer un peu plus par l'agrandissement de son sourire.

« Well, I don't believe Dorne has changed many things about its way of ruling and behaving. But unfortunately, it is not the same in the West and in Dorne, indeed. »

Il sourit encore un peu, avant de se replacer un peu dans son fauteuil, prenant un instant avant de lui révéler ce qu'il avait en tête pour occuper son temps.

« Have you heard about the return of my niece, Jocasta ? »

Tyrion l'interroge, attend sa réponse, avant de continuer, occupant ses doigts avec la tasse de thé dont il s'est saisi quelques instants auparavant.

« She was supposed to be the Lady of the Roc. Many events let me rule as her regents and as she was married to the late Lord of Reach, she spent the last few years there. She was believed to be dead after his death, when in truth, she was kidnapped and stayed a prisoner of her abductors for moons. »

L'avait-elle vraiment été ? Sur le moment, Tyrion avait été horrifié mais plus le temps passait, plus il remettait en doute cette version que Jocasta lui avait donné. Il n'était malheureusement pas le seul.
Évidemment, avouer qu'elle était revenue avec les morts reviendrait à abandonner toute prétention à son droit de naissance, au Roc et aux Terres de l'Ouest... Et Jocasta avait beau porter un masque de parfaite petite lady, Tyrion n'y était pas tant aveugle que cela.
Malgré tout, Tyrion n'avait jamais élevé ses soupçons à haute voix, il dissuadait même ses seigneurs et autres de venir colporter cette rumeur à ses oreilles ou à d'autres.
Jocasta restait sa nièce et s'il avait occupé les fonctions de suzerain depuis de longues années à présent, il n'avait jamais eu l'intention de l'empêcher d'accéder à son droit de naissance. L'avait-il vraiment aidé cependant ?
Il fallait avouer que ce n'était pas le cas, il regrettait. Il ne pouvait toutefois pas effacer le passé et il lui fallait à présent composer avec ce dernier, avec le retour de sa nièce et ses hypothétiques plans.

« I am worried for her. As she has returned not long ago, she doesn't have any household yet, and I would propose to you to hold that place. To be her maid, if you wish it so. »

Tyrion repose doucement la tasse sur la table qui les sépare, tous les deux installés sur leurs fauteuils respectifs, et lorsqu'il se redresse, il observe toujours la jeune lady tandis qu'il attend une réponse de sa part.