Les journées se ressemblaient, s’éternisaient, le perdaient entre passé, présent et futur.

L’isolement était une épreuve en soit, même pour un homme comme Otto Hightower, homme qui s’était notamment illustré par un certain mysticisme créé par cette façon qu’il avait d’agir dans l’ombre. Ainsi, il avait bien l’habitude de la solitude, il l’appréciait même. Cependant, il y avait bien une réelle différence avec l’isolement imposé par un enfermement qu’il jugeait totalement arbitraire et injuste.

Ensuite, il y avait la perte de notion du temps. C’était le point le plus compliqué pour lui. Cette sensation de ne plus avoir conscience du temps qui pouvait bien s’écouler. Notamment, par le fait qu’il n’avait nulle fenêtre sur l’extérieur. Il pouvait seulement compter sur les rondes des gardes pour garder une notion approximative du temps.

Pourtant, après un certain laps de temps, il sentait qu’il commençait à perdre cette notion du temps qui pouvait bien s’écouler. Et c’était à cet instant qu’il avait commencé à gratter des bâtons sur l’un des murs en pierre de sa geôle. Il avait utilisé, pour ça, l’un des couverts que l’on avait pu lui laisser un jour.

Pour un homme comme lui, finalement, c’était ça qui était le plus difficile. L’impression de perdre petit à petit l’esprit. Car il était un homme de lettre, un homme qui avait uniquement pu compter sur cet esprit, cet art de la manipulation qui avait pu faire de lui l’un des hommes les plus influents et puissants des sept royaumes.

Cet esprit vif prenait le risque de se fragmenter. Comment avait-il pu laisser ça faire ?

Sa barbe poussait sur ces quelques semaines qui avaient pu s’écouler depuis que l’on l’avait poussé jusqu’à ce cachot. Aurait-il dû se sentir satisfait d’avoir encore la tête sur les épaules ? Peut-être, mais ce temps passé dans cette cellule avait sans doute fini de balayer ce bon sens depuis quelque temps.

Qu’avait-il fait de mal ? Il s’était contenté de répondre à l’appel de son petit-fils. Était-il d’accord avec ce dernier ? Non. Pensait-il que son plan était complètement fou ? Certainement. Mais il avait répondu et avait été présent. Car il se le devait bien, il restait son petit-fils. Alors il avait fait ce qu’il avait à faire pour essayer d’assurer une victoire quasi impossible à l’équipe de bras cassé mené par Aegon le second.

Et ensuite ? Ils avaient gagné cette foutue forteresse. Mais qu’en était-il de son petit-fils ? Il l’avait quitté dans un état lamentable, proche de la mort. D’ici, il n’aurait pas pu en savoir plus. Et il ne pouvait pas s’empêcher de penser à sa fille, Alicent. Apprendrait-elle la nouvelle ? Comment réagirait-elle si Aegon ne s’en sortait pas ? Pour sa propre carcasse, il imaginait sans mal qu’elle s’en moquerait bien. Il avait perdu l’espoir avec elle. Après tout, elle avait choisi de l’abandonner, de partir avec ceux qui avaient causé leur perte. Et quand bien même il avait appris à voir cette trêve comme une bonne chose, il ne pouvait toujours pas comprendre pourquoi elle était partie avec eux.

Pourquoi était-il ici ? N’avait-il pas fait preuve de clémence ? Il avait lui-même assuré la protection de Ceryse Hightower et de ses enfants après tout. Il avait lui-même ramené la jeune femme jusqu’à Villevieille saine et sauve. Auprès de celui qui avait, de lui-même, signé un accord avec Visenya Targaryen. Aurait-il dû la laisser avec ceux qui n’en auraient rien eu à faire de son sort ? Alors que sa vie n’avait plus de valeur pour eux maintenant que la forteresse était gagnée. Il aurait pu simplement s’en aller ailleurs, et il ne serait pas dans cette foutue cage comme un animal.

Il était couché sur ce lit de fortune, cette fourchette de fortune dans les mains. Son regard était désemparé, il cherchait une solution là où il n’y en avait pas, là où il n’y en avait plus.

Devait-il changer une nouvelle fois pour s’en sortir ? Et ceux qui auraient pu être ses alliées, en faire des ennemis qu’il n’hésiterait pas à écraser s’il en avait l’occasion.

Mais avant de devenir un monstre prêt à œuvrer pour ces jeux de pouvoirs, il devait s’échapper de sa cage. Il devait trouver un moyen de s’évader. Mais réfléchir lui donnait l’impression d’éviter de perdre totalement la raison. Mais peut-être l’avait-il déjà perdu ? Au moment même où il avait commencé à graver chaque jour sur les pierres de cette cellule.

Un bruit au loin finit par attirer son attention. Ce n’était pas le garde habituel, non, la démarche ne sonnait pas de la bonne manière pour ce garde qui passait toujours à la même heure devant les barrières de sa demeure actuelle. Son regard dégageait cette perdition, pourtant, il se releva automatiquement de tout son long en reconnaissant celle qui était venue jusqu’à lui. Son regard aurait pu lancer des éclairs. Et ses doigts entourant bientôt les barreaux de cette cage, il fixa longuement la matriarche actuelle de la famille Hightower. Il avait sans doute l’allure d’un vieux mage fou actuellement. Ses cheveux étaient déjà bien trop longs, tout comme sa barbe qui lui donnait l’air aussi fou que faussement sage.



Ses mains agrippèrent un peu plus fermement les barreaux de sa cage. Il n’avait visiblement pas encore totalement perdu de son aplomb habituel.

Le désespoir avait fini par le gagner. Trop lunes entière qu’il n’avait pas vu la lumière du jour, pu humer un air frais, pu être libre. Cette situation qui lui retirait tout contrôle sur sa propre vie le rendait petit à petit fou. Et Aegon. Oh, ne pas savoir dans quel état était son petit-fils ne faisait que renforcer son malaise actuel. Car, même si son petit-ils avait toujours été un parfait idiot, il restait sa famille. Et Otto avait toujours été fidèle envers sa famille, quoi qu’en pense cette femme qui venait le confronter. Et puis, il pensait à sa fille, si loin, perdue dans des contrées hors d’atteinte pour eux. Apprendrait-elle cette nouvelle, un jour? Alors, Otto dépérissait quelque peu dans cette cellule, perdant petit à petit le fil des jours. Il avait pu corrompre un garde, quelques jours plus tôt. Sa demande avait été assez singulière. Seulement de quoi écrire. Et il avait commencé à écrire cinq lettres bien différentes. Une pour chacun d’entre eux. Sa fille, ainsi que ses quatre petits-enfants. Car il commençait à imaginer qu’il ne ressortirait peut-être jamais d’ici. Et cette isolement forcé l’avait poussé à se perdre dans ses pensées, et pour la première fois de sa vie, il avait trouvé suffisamment nécessaire d’écrire ces mots. Il était assez connu que Otto n’écrivait jamais de lettres non nécessaires. Ainsi, le fait qu’il commence à écrire était bel et bien un nouveau signal de ce désespoir gagné. Mais aussi de sa compréhension de la paix signée entre Alicent et Rhaenyra.Ses lettres étaient actuellement cachées sous son lit de fortune.

L’homme s’était bel et bien relevé en la voyant arriver, comme un cauchemar qui prenait vie devant lui. Il avait agrippé les barreaux de ses mains frêles. La fatigue se lisait sur ses traits, comme sur son teint pâle et sa maigreur qui semblait plus imposante qu’avant. Pouvait on encore voir en lui cet homme, ce second fils qui avait été le second homme le plus puissant des sept royaumes. Un homme qui avait pu être l’un des esprits les plus brillants du royaume. A quoi était-il réduit aujourd’hui ? Et pourquoi étaient-ils revenus à la vie ? A quoi bon ce retour, si ce n’était que pour se retrouver ici ?



Souffla-il faiblement, son regard avait encore cet éclair d’intensité, cette ambition dévorante. Il releva légèrement la tête, fronçant légèrement les sourcils en l’entendant dire qu’ils avaient agi sans l’avale de la reine. Il leva les yeux au ciel avec un air qui se voulait visiblement contrarié, il n’ajouta cependant rien. Il n’en eut tout simplement pas le temps. Car à cet instant, il écouta la suite de ses propos. Et son cœur rata assurément un battement en entendant le début de cette confession. Il n’avait pas besoin d’entendre les mots. Il comprenait. Il comprit tout de suite que Aegon n’avait pas survécu. Il retient son souffle un instant, attendant qu’elle confirme sa pensée. Et bien sûr, il finit par prononcer les mots. Aegon n’était plus. Il s’était à nouveau envolé pour l’Etranger.

Peut-être était-ce la fatigue ? Le désespoir ? Otto Hightower sentit sa tête venir légèrement contre la froideur du métal couvrant les barreaux de sa cage. L’emprise de ses mains contre ces barreaux ce serra un instant. Et pour un instant, on pouvait déceler sur son visage quelques craquelures dans ce masque qui avait toujours recouvert ses traits. On pouvait y voir la tristesse d’un grand-père qui avait échoué à protéger son petit-fils. La peine d’un père qui pensait à peine qui serait celle de sa fille.

Et pour un instant, un instant seulement, il ferma les yeux. Il sembla même en oublier la présence de Dyanne Hightower.



Il y a eu une longue histoire de querelles entre Aegon et Otto. Ce dernier l’avait d’ailleurs renvoyé comme main du roi afin de le remplacer par Criston Cole, le lord Commandant bien plus prompt à ouvrir une guerre totale que lui. Pourtant, il lui était tout de même resté fidèle, à ses côtés. Et dans cette nouvelle vie, alors qu’il l’avait appelé à l’aide pour Harrenhal, Otto Hightower n’avait pas reculé face aux conséquences pour lui, il était parti aider son petit-fils, et ce, même s’il n’était pas d’accord avec ses décisions. Et aujourd’hui, cela n’avait donc servi à rien. Il ouvrit à nouveau les yeux, pliant les yeux avant d’avoir un simple mouvement de tête vers Dyanne.



Son petit-fils n’avait pas su réfréner son impulsivité dans cette nouvelle vie. Et maintenant, que serait la suite ? Il se le demandait sincèrement. Oh, et Alicent. Elle devait savoir. Elle devait être informée. Elle devait pouvoir revenir pour voir son fils une dernière fois et assister à ses funérailles.