Les sombres ailes des corneilles volaient aux quatre coins du royaume, propageant une triste nouvelle, qui pourtant, réjouissait plus d'un conspirateur au sein des Sept Couronnes. La Maison du Dragon était ébranlée par la mort du jeune souverain qui dirigeait le royaume avec une indécision et une indécence sans nom. Aenys était tombé à cinq et trois dizaines en l'an 42 après la Conquête, un âge bien trop jeune pour que cela fut naturel. Tous les regards s'étaient alors tournés vers la douairière Visenya, l'épouse et veuve du premier roi Targaryen qui avait réunit les différents royaumes indépendant sous une seule et même couronne : la sienne.
Argella Durrandon avait 25 ans quand le Sir Dragon avait lancé son offensive contre tous les rois des Sept Couronnes après une offense de son père, Argilac. Tant de mort, tant de perte pour finalement honorer un mariage que le dernier roi de l'Orage avait refusé. Le déshonneur, il ne l'avait pas vu s'abattre sur leur famille. Non. Le foudroyant souverain était mort pour défendre leur demeure, laissant son seul enfant derrière. La jeune orageoise avait été prête pour son devoir. Réellement. Elle l'avait toujours été. Son père ne l'avait-il pas préparé, en revanche, à la tournure que prirent les évènements à sa mort. Qui l'aurait pu? Ses hommes s'étaient retournés contre elle, l'avaient humilié, dénudé, enchainé. Et puis, sans lui demander son reste, ils l'avaient traîné à travers la pluie et la boue jusqu'au camp d'Orys Baratheon, un bâtard d'ascendance valyrienne bien que son apparence lui semblait plus orageoise que venue d'une contrée lointaine. L'homme avait obtenu sa main, hérité de son blason, des mots de sa famille, de la forteresse de sa famille. Argella avait tout donné pour lui et quand il était mort, la lady suzeraine passa la main à son fils Davos pour se murer dans le silence.
Aenys était mort. Vive le roi. Son jeune frère, Maegor, avait hérité du trône après lui, ignorant la ligne de succession clairement établie. Après le défunt souverain aurait dû régner Aegon l'Infame et son épouse Rhaena l'Indécente. Ils avaient été critiqué par la Foi des Sept et partout, sur eux, la honte s'était abattue. Ils avaient trouvé une porte ouverte en son foyer pour une quinzaine, par respect pour le lien du sang qu'ils avaient entretenu quand Orys vivait encore. Mais aujourd'hui, Orys était mort, Aenys était mort, et sur le Trône de Fer s'était assis la seule personne qui avait tenu le royaume à flot. Il ne fallait pas se tromper, Argella des maisons Durrandon et Baratheon n'aimait pas le garçon. Elle le trouvait brutal, irrespectueux et idiot, mais elle savait aussi voir en lui toute les qualités que son frère n'avait pas. Plus encore, il était le fils de la reine douairière Visenya et cela... Cela n'avait pas de prix. Car si cette femme était aussi agréable que de la cendre en bouche, elle était plus redoutable que bien des hommes en ce bas monde.
Sur la Grande Route, des étendards flottaient au vent d'une colonie de cavaliers. Sur leurs armures et leurs capes, du jaune et du noir où figurait le fier cerf de la maison Baratheon et Durrandon avant elle. A leur tête chevauchait un homme à la chevelure brune et bouclée, l'air fier et flamboyant que son cheval aussi noir que ses yeux réhaussait. Plus en arrière encore se trouvait une petite cariole couverte et tirée par deux larges chevaux de traits à l'allure paisible.
Argella n'avait plus vu Fort-Aegon en 25 ans et elle se demandait à quoi ressemblait la petite fortification du Conquérant après tant d'années. Est-ce que des murs en pierres avaient remplacés les piques de bois? La vieille lady ouvrit le petit loquet qui l'empêchait d'observer la vue et ses yeux observèrent le paysage. La fatigue de ce monde et les épreuves que lui avait fait traversé la vie avaient rendu ses cheveux gris et son visage ridé. Si la lady de l'Orage avait été d'une certaine beauté, le temps et les soucis avaient rappelé sa grâce pour l'offrir à des jouvencelles plus jeunes. Au loin, elle aperçu des remparts imposants et quelques constructions. Fort-Aegon.
"We are almost there, grandmother." lui intima sa petite fille et Argella prit sa main dans la sienne en guise de remerciements.
Fort-Aegon avait pris le nom de Port-Réal. Le petit camps d'Aegon était devenue une cité d'une dimension presque étouffante, au moins aussi vaste que Villevieille elle-même, sa sainteté en moins. Aux fenêtres pendaient des fleurs et le dragon rouge tricéphale de la famille qui lui avait arraché son trône, sa couronne, son titre et son père. Argella n'était plus capable de se souvenir du visage d'Argilac le Dernier Orage. Etait-il épuisé comme elle quand la guerre était arrivée à leur porte? L'aïeule Durrandon se rappela uniquement de ses bras forts et protecteurs autour de sa petite silhouette et de ses mots.
Please, stay here. You are safe, my girl.
La cariole s'arrêta mais la lady douairière ne bougea pas d'un centimètre. Les enfants de son fils commençaient, naturellement, à descendre mais leur grand-mère resta là un temps. Etait-elle prête à affronter ce qui l'attendrait dehors? Argella n'en était pas certaine. Davos, pourtant, s'approcha pour lui tendre la main et sa mère fut obligée de la saisir, tremblante.
Le soleil coupa la vue de l'orageoise et quand ses sens lui revinrent, son souffle lui manqua. Quel était-ce que cela? Si les travaux de constructions étaient assez évidents, le château était d'une beauté époustoufflante, fait de pierres rouges. Targaryen, pensa-t-elle alors, un sourire lui échappant avec une délicatesse qu'elle ne se souvenait plus d'avoir. Orys aurait adoré voir cela, il aurait adoré voir la grandeur de sa maison. Dieux, elle aurait tout donné pour que son époux passe ces portes à ses côtés comme ils l'avaient fait en d'autres endroits quand tout allait pour le mieux entre eux.
Sa canne frappait le sol de pierre d'un claquement régulier, sa main libre se tenant au bras de son fils aîné dont la droiture faisait toute sa fierté. N'était-il pas superbe, son enfant, son tendre enfant? Une exclamation les força à s'arrêter cependant alors qu'on guidait toute la maison du cerf à quelques quartiers qu'ils occuperaient. Une voix que la dame d'Accalmie reconnaissait entre mille venait lui rendre un sourire qu'elle avait eu plus souvent en l'espace d'une quinzaine de minutes que ses dernières années de deuil. Raymont. Son armure flamboyante le rendait beau, son second fils. Leur étreinte dura quelques temps, assez longtemps pour rappeler à Argella combien son enfant lui manquait. Elle se saisit alors de son bras pour rattraper le temps perdu et toute la maison Baratheon s'ébranla à nouveau dans les couloirs de ce que l'on appelait le Donjon Rouge.
Quand enfin, les retrouvailles furent fini, les portes s'ouvrirent sur une jeune femme à l'allure élégante et délicate. Sa beauté était évidente et Argella n'eut aucun mal à savoir laquelle des deux femmes de leur souverain il s'agissait.
"
So... You are one of his queen, aren't you, girl?"
La voix de la vieille femme croassa comme le cri d'une corneille, signe de son très long mutisme. Pourtant, sa langue était aiguisée, plus aiguisée qu'elle ne l'avait jamais été.
"
Isn't it a better suitor than lord dragon-ire in the Riverlands?"
Argella pointa un des sièges pour inviter la future reine des Sept Couronnes à s'asseoir ici, avec elle, pour un petit temps.
"
Thank the Gods you ain't one of my child.- Mother, please--
Shut it, Davos. Leave me with lady Harroway."
Et alors que le lord d'Accalmie s'exécuta, sa mère reporta son attention sur la rousse qu'elle détaillait avec une avidité certaine. S'assurait-elle que la fille soit assez forte? Peut-être? Après tout, les seigneurs Targaryen n'étaient pas particulièrement connu pour être clément et miséricordieux.